Parachat Behar Behoukotaï 8 Mai 2021 כו אייר התשפ"א |
|
Le serviteur de l’Eternel
Rabbi David Hanania Pinto
« Car c’est à Moi que les Israélites appartiennent comme esclaves ; ce sont Mes serfs à Moi, qui les ai tirés du pays d’Egypte, Moi, l’Eternel, votre Dieu ! » (Vayikra 25, 55)
La Torah mentionne à de nombreuses reprises la sujétion des enfants d’Israël au Saint béni soit-Il, qui les a libérés d’Egypte « d’une main puissante » pour en faire Ses propres esclaves. Puis, afin de les soustraire de manière absolue au joug égyptien et de leur permettre de se soumettre pleinement au Sien, Il leur a donné la Torah.
D’un côté, la Torah apparaît parfois comme un lourd fardeau imposé à l’homme, qui doit renoncer à ses propres volontés et les sacrifier au profit de celle de D.ieu. Il arrive même que la fidélité à la voie divine entraîne une perte d’argent, nous suscite de la honte ou autres désagréments, mais, envers et contre tout, nous devons nous y conformer. Cependant, d’un autre côté, nos Sages la définissent tout à fait différemment : « Il n’est d’homme libre que celui qui étudie la Torah. » (Avot 6, 2) Nous pouvons alors nous interroger sur sa nature : correspond-elle à une servitude ou à une libération ?
La section de Be’houkotaï s’ouvre par le verset « Si vous vous conduisez selon Mes lois » (Vayikra 26, 3) que Rachi commente : « Donnez-vous de la peine dans l’étude de la Torah ! » La Torah exige donc un grand investissement de la part de l’homme, qui ne peut se contenter de l’étudier sans conviction ou de manière machinale. Dès lors, notre question prend toute son acuité : si l’étude demande tant d’efforts et, plus encore, si ce labeur est une partie intrinsèque de cette mitsva, qui fait partie des commandements positifs de la Torah, comment ceux qui s’y attellent peuvent-ils être qualifiés d’hommes libres ?
L’acceptation du joug divin a effectivement la dimension d’une servitude et telle était bien l’intention du Créateur lorsqu’Il nous donna la Torah : retirer de nous le joug égyptien pour nous placer sous le Sien. Néanmoins, quiconque étudie la Torah et se plie à ses exigences accède à la liberté réelle, en vertu de cette vérité : « Seul le serviteur de l’Eternel est libre. » (Chants de Rabbi Yehouda Halévi, Avdé hazman ; Chaaré Haavoda de Rabbénou Yona, 45).
Illustrons cette idée, à première vue paradoxale, par les exemples suivants. Les jours précédant Pessa’h, nous sommes littéralement assujettis à la considérable tâche de nettoyer notre maison, de la débarrasser dans ses moindres recoins de toute trace de ’hamets. Mais, dès l’entrée de la fête, ce sentiment de servitude disparaît et nous jouissons d’une véritable liberté, désormais quittes de ce devoir qui pesait sur nous.
De même, dans la plupart des foyers juifs, la veille de Chabbat est un moment tendu, où les membres de la famille sont tous absorbés par divers préparatifs ; un étranger qui pénétrerait ne manquerait sans doute pas d’être sensible à la tension ambiante. Mais, dès l’instant où la maîtresse de maison allume les bougies et où le père part à la synagogue, une atmosphère sereine enveloppe le foyer, car « lorsque vient le Chabbat, vient le repos » (cf. Rachi sur Béréchit 2, 2). Tel est le sens de l’enseignement de nos Maîtres : « Quiconque se donne de la peine la veille du Chabbat aura de quoi manger le Chabbat » ; autrement dit, celui qui déploie des efforts la veille de ce jour saint, aura le mérite de jouir de la sérénité qui lui est propre et de goûter à ses délices culinaires comme spirituels.
Nous pouvons établir un parallèle entre ces moments de tension et ceux où il nous est demandé d’accomplir des mitsvot réclamant de nombreux efforts. Cette observance exige parfois de nous un grand dévouement, sans lequel nous ne pourrions maîtriser notre mauvais penchant, qui tente par tous les moyens de nous soumettre à son emprise et de nous soustraire au joug divin. Mais, celui qui parvient à vaincre ce redoutable adversaire, par exemple en se levant de bonne heure pour participer à la prière collective, passera bien vite du sentiment de servitude éprouvé à l’instant où il s’est arraché de son lit douillet à une sensation de joie et de sérénité, comblant le cœur de l’homme sorti victorieux de ce combat intérieur.
Ainsi, lorsque nos Sages affirment qu’« il n’est d’homme libre que celui qui étudie la Torah », ils se réfèrent à celui soustrait au règne maléfique du mauvais penchant : malgré la difficulté d’observer les mitsvot, il en retirera joie et satisfaction, sentiments propres à la réelle liberté qui n’a pas sa pareille.
Contrairement aux autres servitudes, le service divin n’est pas synonyme de détresse et de souffrance, mais exprime notre lien étroit et nos obligations envers le Créateur, obligations qui, une fois acceptées et intégrées, seront ressenties comme une véritable libération.
Dans la prière de cha’harit de Chabbat, nous avons l’habitude de dire : « Moché se réjouira de la part qu’il a reçue, car Tu l’as appelé serviteur fidèle. » Il ressentait une joie intense d’être le fidèle serviteur de l’Eternel, ainsi que d’avoir été désigné sous ce titre par D.ieu Lui-même. Dans le même esprit, nous trouvons que de nombreux justes avaient l’habitude d’ajouter à leur signature les mots « serviteur de l’Eternel », attestant leur joie profonde d’avoir accédé à ce niveau.
CHEMIRAT HALACHONE
Commencer par parler à l’intéressé
Avant de raconter à d’autres le blâme d’untel, certaines conditions doivent être remplies.
Par exemple, il faut auparavant éclaircir le sujet avec cet individu lui-même. Avant de partager avec un tiers ce qu’on sait de lui, il nous incombe de tenter de le réprimander au sujet du péché qu’il a transgressé et de le convaincre de se repentir.
Cette condition ne s’applique toutefois pas si la discussion avec cet homme risque de compliquer, voire d’empêcher complètement de parvenir au but recherché, qui pourrait être atteint d’une autre manière.
PAROLES DE TSADIKIM
Ne pas se contenter d’être en famille, mais s’atteler à la tâche
Le ‘Hafets ‘Haïm propose une merveilleuse parabole illustrant la différence entre celui qui étudie la Torah assidûment et celui qui le fait sans fournir d’efforts. En préambule, il rapporte les paroles du Tana dans Avot : « Et Ton peuple ne sera composé que de justes, qui posséderont à jamais ce pays » (Yéchaya 60, 21) La Michna (Sanhédrin) en déduit que tout Juif a une part dans le monde futur. S’il en est ainsi, demanda-t-on au Sage, pourquoi doit-on déployer tant de forces dans l’étude ? Il répondit par l’histoire véridique qui suit.
A Kiev, habitait un grand nanti nommé Israël Brodatsky. Il possédait plusieurs immenses usines où travaillaient des centaines d’embauchés – directeurs, comptables, employés de bureau et de nettoyage. Chacun était rémunéré en fonction de sa tâche.
Leur patron était connu pour sa générosité et son soutien aux institutions de Torah et aux nécessiteux. De même, il se souciait des membres de sa famille et, si l’un d’entre eux était dans le besoin, il lui remettait une somme mensuelle, le considérant tout bonnement comme un employé supplémentaire.
Il avait l’habitude de visiter de temps à autre ses usines et de s’intéresser à l’évolution des travaux. Pour cela, il réunissait les directeurs qui lui en faisaient un compte rendu. Un jour, il se dit : « Je discute toujours de cela avec les directeurs, pourquoi ne me pencherais-je pas de plus près sur les réalisations personnelles de chacun de mes employés, pour les féliciter de leurs efforts et les encourager ? »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Il se rendit à l’une de ses usines et, pendant la pause, rassembla tous les travailleurs. Ils firent la queue pour se présenter l’un après l’autre à lui. A chaque fois, il interrogeait l’employé en question sur sa tâche particulière, le remerciait pour son sérieux et lui déposait une enveloppe dans sa poche, en guise de reconnaissance.
Le premier se présenta comme un employé ayant dix-huit ans d’ancienneté. Le propriétaire des lieux lui donna une tape amicale sur l’épaule, le remercia et lui remit la prime. Le second était responsable de l’équipe du matin ; le patron lui témoigna également sa gratitude. Vint ensuite le tour d’un employé assurant le fonctionnement de la machine centrale de l’usine. Brodatsky fut ému de le rencontrer, l’encouragea et lui donna son dû.
C’est ainsi qu’il passa en revue les dizaines d’employés de cette fabrique. Chacun lui décrivit sa fonction et reçut en échange, avec un grand sourire, des compliments et un cadeau. Quand il interrogea le dernier sur son rôle, il lui répondit : « Je suis le cousin au troisième degré de votre père. » Tous éclatèrent de rire, tandis que son généreux parent lui dit : « Très bien, tu peux continuer à tourner ici en tant que membre de ma famille. » Cependant, il ne lui remit rien.
Le ‘Hafets ‘Haïm conclut : « A présent, vous avez la réponse à votre question. Tout Juif possède effectivement une part dans le monde à venir. Chacun fait partie de la grande famille du peuple juif. Mais, combien plus importante est la récompense de ceux qui ne se contentent pas de se promener dans ce monde en tant que membres de cette famille, mais s’attellent assidûment à leur travail, dans l’usine du Créateur ! Quel immense salaire toucheront-ils et combien le Saint béni soit-Il leur témoignera-t-Il Sa bonté en retour ! »
Combien est déplorable la situation des hommes errant dans ce monde et perdant leur temps sans s’investir dans leur tâche ! Ils doivent remercier pour le droit qui leur est accordé de continuer à demeurer sur terre. Il est donc bien plus judicieux d’étudier assidûment la Torah et d’observer minutieusement les mitsvot en s’y impliquant, afin de mériter ensuite une prime de la part du Créateur.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Le chapeau arrivé à la vitesse d’un TGV
Celui qui réserve une plage horaire à l’étude de la Torah peut se hisser à de très hauts sommets, comme l’illustre l’histoire qui suit.
Un soir, à la clôture de Chabbat, je devais prendre un train en direction de Paris, puis un deuxième pour l’aéroport, où j’avais réservé une place à bord d’un avion à destination du Brésil. J’y étais attendu pour célébrer une cérémonie de mariage. Le seul train qui reliait ce soir-là Lyon à la capitale partait environ vingt minutes après la sortie de Chabbat. Aussitôt après havdala, je m’empressai de sortir pour être sur le quai à l’heure, accompagné de Rav Elbaz – aujourd’hui, directeur de nos institutions de Lyon – et de son frère.
Une fois arrivé, je me rendis compte, à ma grande déconvenue, que j’avais pris par mégarde le chapeau de mon fils, alors âgé de treize ans, à la place du mien. Évidemment, il ne m’allait pas et, si je le portais, mon allure ridicule risquait de provoquer une profanation du Nom divin. Apparemment, le Ciel voulait m’empêcher d’atteindre ma destination, fis-je remarquer, contrarié, à Rav Elbaz.
J’avais d’autant plus de peine que les Juifs qui célébraient ce mariage s’étaient engagés à le faire conformément à nos traditions à la condition que j’y préside, sans quoi ils risquaient de prendre un rabbin non pratiquant. Si je ratais si stupidement ce train, la célébration risquait au contraire de ne pas se dérouler selon les normes de la halakha.
Le frère de Rav Elbaz me dit alors : « Mais, Rabbi David, ne nous enseignez-vous pas nuit et jour l’importance de raffermir sa foi en D.ieu ? Plaçons donc maintenant notre confiance en Lui et votre chapeau vous parviendra à temps ! » J’objectai : « Mais le temps presse et, d’ici une minute, le TGV, toujours à l’heure, va arriver ! »
Rav Elbaz insista malgré tout pour que je téléphone chez moi et demande qu’on m’apporte vite mon chapeau. Pas très convaincu de l’efficacité de ce conseil, je le suivis néanmoins. Si j’attendais qu’on me le fasse parvenir, je raterais, en toute logique, le train et ce serait peine perdue.
Comme pour confirmer cette pensée, celui-ci entra en gare. Rav Elbaz, calme et confiant, ne semblait pas le moins du monde perturbé par cette vision. Incroyable mais vrai, le TGV s’attarda un quart d’heure sur le quai, exactement le temps que mon chapeau me parvienne ! Je m’en emparai à la hâte, sautai dans le train et les portes se fermèrent derrière moi…
Jusqu’à ce jour, j’ignore pour quelle raison le train le plus précis de France est parti avec un retard d’un quart d’heure. Mais, ce qui m’impressionna avant tout, c’est la pureté de la foi d’un Juif. Je pense qu’il eut le mérite d’atteindre ce niveau grâce à sa ténacité à consacrer des heures fixes à l’étude. Ceci permet en effet à l’homme de raffermir sa foi en D.ieu et, conséquemment, de voir ses prières agréées.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Eternel, ô ma force, mon appui (…). » (Yirmiya chap. 16)
Lien avec la paracha : la haftara évoque les punitions par lesquelles D.ieu frappera le peuple juif s’il est infidèle aux mitsvot ; de même, la paracha prophétise les malheurs qu’ils subiront, le cas échéant.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Être imprégné par son étude
« Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez. » (Vayikra 26, 3)
Comme l’explique Rachi, la première partie de cet incipit renvoie à notre devoir de peiner pour l’étude de la Torah. Les Maîtres moralistes affirment que, lorsqu’un homme s’attelle à la tâche de l’étude et que son corps s’échauffe ainsi, la Torah pénètre en lui, conformément à la déclaration du roi David : « Ta loi a pénétré jusqu’au fond de mes entrailles. » (Téhilim 40, 9)
J’ajouterai néanmoins que, contrairement aux aliments qui pénètrent dans notre intestin, mais dont les déchets sont ensuite évacués du corps, la Torah est d’une compatibilité totale avec notre être, puisque, comme l’affirme le doux chantre d’Israël, elle se fixe en nous sans laisser de déchet.
Malheureusement, certaines personnes cherchent à tirer profit de leur étude de la Torah, comme par exemple pour recueillir des honneurs personnels ; au lieu de préserver la pureté intrinsèque de celle-ci, ils la transforment en déchet, ce qui est très condamnable – que D.ieu nous préserve d’un tel travers.
C’est pourquoi « la Torah n’a été donnée qu’aux personnes consommant de la manne ». Autrement dit, la nourriture de nos ancêtres dans le désert était, comme la Torah, d’origine céleste et, de même que la manne était entièrement intégrée par le corps sans qu’aucun déchet ne dût en être évacué, de même la Torah pénètre-t-elle en nous de manière totale.
Le Saint béni soit-Il demande à l’homme de se soumettre à la Torah, seule cette attitude lui permettant d’en venir au respect des mitsvot. Notons à cet égard que le texte juxtapose l’ordre de peiner dans l’étude de la Torah à celui d’accomplir les commandements, afin de nous enseigner qu’en l’absence d’assiduité dans l’étude, notre respect de ceux-ci est lui aussi défectueux, l’un dépendant directement de l’autre.
Certains individus ne réservent pas des moments fixes à l’étude, mais, extérieurement, se présentent comme des hommes religieux. Or, ceci n’est qu’une apparence, car il n’est pas possible d’exécuter rigoureusement les mitsvot si on ne s’investit pas dans l’étude de la Torah. L’Eternel, qui connaît les mobiles les plus cachés de l’âme humaine, atteste qu’un respect scrupuleux des commandements exige des efforts de la part de l’homme dans le domaine de l’étude. Par ailleurs, cette assiduité dans l’étude lui permet de ressentir son abnégation face aux ordres du Créateur et d’éprouver qu’il est Son serviteur.
PERLES SUR LA PARACHA
Après tout, je n’ai fait que parler…
« Ne vous lésez point l’un l’autre. » (Vayikra 25, 17)
Comme l’expliquent nos Sages (Baba Métsia 58b), ce verset se réfère à l’interdiction de causer, par ses paroles, un préjudice à autrui. En effet, dans un verset figurant précédemment, il est déjà écrit : « Si vous faites une vente, vends à ton prochain, ou si tu acquiers de la main de ton prochain, ne vous lésez point l’un l’autre. » (Ibid. 25, 14)
En quoi consiste l’interdit de léser par la parole ? On doit se garder de rappeler à un repenti ses actes passés ou au fils d’un converti ceux de ses ancêtres. De même, on ne dira pas à un converti : « Comment une bouche ayant consommé des aliments interdits peut-elle étudier la Torah, émanant de la bouche du Tout-Puissant ? »
Rabbi Yo’hanan affirme, au nom de Rabbi Chimon bar Yo’haï : « Il est plus grave de léser autrui par la parole que par l’argent, puisque seulement pour le premier, il est dit ensuite “redoute ton D.ieuˮ. »
Dans son ouvrage Kaïts Hamizba’h, Rabbi ‘Haïm Kasser zatsal, un des Rabbanim du Yémen, explique que la Torah considère avec plus de gravité le fait de léser son prochain par la parole que par l’argent, afin qu’on ne pense pas ne rien avoir fait de réprimandable en ayant simplement parlé, comme tout le monde le fait.
D’où la sévérité particulière de la Torah à ce sujet. Une seule parole blessante peut causer plus de dommages que tout. Aussi, nous appartient-il de veiller à nous éloigner au maximum de ce type de propos et même de ceux ne semblant a priori pas s’y apparenter, car on tombe très facilement dans ce travers.
Les efforts de grand-père pour ôter ses souliers
« Mais, sur vos frères, les enfants d’Israël, un frère sur un autre, tu n’exerceras point sur eux une domination rigoureuse. » (Vayikra 25, 46)
Le petit-fils du Gaon Rabbi Yossef Chalom Eliachiv zatsal raconte (Récha Dégalouta III) : « En 5763, mon grand-père, malade, était très faible. Il devait enlever ses chaussures, mais n’en avait pas du tout la force. Soudain, je le vis se lever en déployant des efforts surhumains, se baisser et les ôter. Je lui demandai : “Papi, pourquoi les enlèves-tu seul au lieu de me demander de le faire ?ˮ
« Il me regarda et me répondit, conformément à la voie de la Torah : “Le Rambam écrit qu’il est interdit de demander à un serviteur juif d’exécuter des travaux de serviteur, comme par exemple de lui enlever ses chaussures. Car, lorsqu’on accomplit cet acte, on se penche très bas devant son maître.ˮ »
Quand la pluie tombe pour le peuple juif
« Observez Mes Chabbats et révérez Mon sanctuaire. » (Vayikra 26, 2)
L’ouvrage Midrach Yonathan propose une belle interprétation de la juxtaposition des sections Béhar et Bé’houkotaï.
La première se conclut par le verset « Observez Mes Chabbats et révérez Mon sanctuaire », tandis que la seconde s’ouvre par l’incipit « Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez, Je vous donnerai les pluies en leur saison, la terre livrera son produit et l’arbre du champ donnera son fruit ».
Nos Sages ont affirmé (Chabbat 118b) : « Quiconque observe le Chabbat conformément à la loi voit tous ses péchés pardonnés. » Par ailleurs, ils nous enseignent (Taanit 7b) que les pluies tombent lorsque l’Eternel absout le peuple juif.
Par conséquent, le respect du Chabbat, qui entraîne le pardon divin, entraîne également dans son sillage la tombée des pluies.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Soutenir son prochain et garder sa peine pour soi
Notre paracha évoque l’ordre de prendre en considération la situation d’autrui et de le soutenir quand il est dans le besoin : « Si ton frère vient à déchoir, si tu vois chanceler sa fortune, soutiens-le, fût-il étranger et nouveau venu, et qu’il vive avec toi. » (Vayikra 25, 35-36) La Torah nous enjoint d’adopter des conduites positives en faveur de notre prochain et de nous éloigner de comportements mauvais.
Outre les ordres précis énoncés ici, la phrase « qu’il vive avec toi » correspond à une mitsva incluant de nombreux autres détails. A travers ces mots, la Torah s’adresse au Juif pour lui indiquer son obligation de ne pas penser qu’à lui-même, mais également à autrui. Il s’agit de briser son égoïsme pour ne pas se concentrer uniquement sur ses propres besoins, mais penser aussi à ceux des autres, D.ieu considérant avec gravité celui qui les ignore.
Dans cet esprit, le Machguia’h de la Yéchiva de Kfar ‘Hassidim, Rabbi Eliahou Lopian zatsal, instaura la coutume que chaque ba’hour remplisse le gobelet d’eau pour que le suivant puisse procéder à l’ablution des mains. L’un d’entre eux lui demanda à quoi cela servait, puisque, finalement, chacun devait en remplir un, donc pourquoi pas le sien… Il expliqua que cette pratique leur permettrait de s’habituer à penser à autrui.
Dissimuler sa peine
Dans l’ouvrage Noam Sia’h, il est raconté qu’à la clôture du Chabbat où l’on informa le Tsadik Rabbi Chlomo Zalman Auerbach zatsal, Roch Yéchiva de Kol Torah, du décès de sa femme, il s’empressa de rejoindre l’hôpital Chaaré Tsédek pour veiller sur son corps. Il prit l’ascenseur et, soudain, vit l’un de ses anciens élèves y entrer également. Etonné de trouver son Maître, il lui annonça avec joie la naissance d’un garçon.
Le Rav lui serra la main et, avec son célèbre sourire, comme s’il ne venait pas de subir une perte tragique, s’intéressa aux détails de cet heureux événement – quand il avait eu lieu et comment se portaient la maman et le bébé.
Cette incroyable grandeur d’âme n’est pas sans précédant dans la Torah. Après le décès de Sarah Iménou, Avraham Avinou dut négocier avec Ephron l’achat d’un terrain. Or, le texte souligne : « Avraham se leva de devant son mort et parla aux enfants de ‘Het. » (Béréchit 23, 3) Rav Yérou’ham de Mir zatsal en déduit qu’avant de parler à ces hommes, Avraham se détacha mentalement du décès de son épouse. Par égard pour eux, il essuya les larmes de ses yeux, se lava le visage et dissimula sa détresse dans son cœur, comme si elle était inexistante. Afin de les respecter, il se garda de gémir en s’adressant à eux. C’est pourquoi il maîtrisa ses sentiments profonds et leur expliqua sereinement ce dont il avait besoin, sans laisser transparaître la moindre tristesse.
Notre frère juif
Comment un homme ordinaire peut-il être capable de marcher dans les sillons des grandes figures de notre peuple ? Comment se dépasser et surmonter son égoïsme pour se plier à l’injonction de la Torah « que ton frère vive avec toi », qui nous demande de lui être bienfaisants et charitables, de combler tous ses besoins pour lui permettre de vivre honorablement ?
La réponse réside dans un mot, qui revient en boucle dans ces sections : le mot « frère ». Il n’est pas dit « autrui », mais « frère », car c’est ainsi qu’il nous incombe de considérer tout Juif. Si nous nous efforçons d’intégrer cette réalité, nous en viendrons automatiquement à nous conduire à son égard conformément aux recommandations de la Torah. Car, que n’est-on pas prêt à faire pour un frère ?