Parachat Ki Tetsé 21 Août 2021 יג אלול התשפ"א |
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L’unique moyen de renforcer sa foi
Rabbi David Hanania Pinto
« Si tu rencontres en chemin un nid d’oiseau (…) avec des oisillons ou des œufs, sur lesquels soit posée la mère, tu ne prendras pas la mère avec sa couvée : tu es tenu de laisser envoler la mère, sauf à t’emparer des petits ; de la sorte, tu seras heureux et tu verras se prolonger tes jours. » (Dévarim 22, 6-7)
Outre la mitsva de renvoyer la mère avant de s’emparer de sa couvée, l’Éternel nous livre ici une édifiante leçon de morale, valable tout au long de l’année et, tout particulièrement, lors du mois d’Éloul. À cette période, il nous est demandé de renforcer notre foi en D.ieu et de redoubler d’assiduité dans l’étude de la Torah. La foi basique selon laquelle tout provient de Lui n’est pas suffisante et doit sans cesse être travaillée et, plus que jamais, en ces jours où le mauvais penchant tente par tous les moyens de la refroidir en nous.
L’unique manière de renforcer sa foi en D.ieu est de s’atteler à la tâche de l’étude. La Torah et la foi conjuguées permettront à l’homme de servir l’Éternel avec abnégation et de manière optimale.
Avraham représentait le pilier de la foi, Yaakov, celui de la Torah, tandis qu’Its’hak symbolisait la vaillance. Sa génération comprenait de nombreux railleurs, qui se moquaient de lui et de sa famille parce qu’ils croyaient en un D.ieu unique, contrairement à leurs contemporains, et il s’opposa à eux avec sacrifice.
Nos patriarches furent surnommés les « Hébreux », car, du fait de leur foi en D.ieu, ils se tenaient d’un côté (évèr), alors que l’humanité entière se trouvait de l’autre. Avraham rapprochait les hommes et les convertissait en s’appuyant sur sa vertu de la bienfaisance, notamment en pratiquant l’hospitalité ; Yaakov éveilla en eux l’étincelle de la foi, grâce à son adhésion totale à la Torah.
Le Satan est appelé tsipor, oiseau (cf. Sanhédrin 107a). À travers la mitsva de chiloua’h haken, la Torah nous appelle à renvoyer l’oiseau logeant en nous, le mauvais penchant, qui tente d’introduire dans notre cœur un refroidissement pour le service divin. Il nous est interdit de nous laisser séduire, car il ne cherche que notre perte dans ce monde comme dans le suivant. Après l’avoir renvoyé, nous pourrons prendre sa couvée, soit la Torah, les mitsvot et les bonnes actions ; nous gagnerons alors la longévité sur terre et hériterons du monde à venir.
Gazouillant tel un oiseau, le Satan se tient aux côtés de l’homme pour le détourner de l’étude. Il le confronte à des épreuves pour refroidir sa foi et lui souffle avec effronterie : « Pourquoi continues-tu à étudier la Torah, alors que tu as tant de difficultés ? Ne vois-tu pas qu’elle ne t’a pas apporté sa protection dans ta détresse ? Observe donc la réussite de tous ces hommes qui ne prient pas et n’étudient pas, le succès de ceux qui travaillent le Chabbat ! Quant à toi, si scrupuleux dans l’observance des mitsvot, tu vis tellement à l’étroit... »
Dans le monde de Vérité, l’homme ne peut emporter ses biens ni ses honneurs, obtenus sur terre à la sueur de son front. Seules la Torah et les mitsvot, acquis éternels, pourront l’y accompagner. Aussi, si, en pleine étude, le mauvais penchant, symbolisé par l’oiseau, nous prend d’assaut et tente de nous distraire, ne prêtons pas attention à son discours. Chassons-le vite pour prendre ses enfants, c’est-à-dire les érudits. Attachons-nous à la poussière de leurs pieds, afin de jouir de la longévité et d’être objets de la promesse de nos Sages : « Heureux celui qui arrive là-haut fort de son étude ! »
De même qu’un homme poursuit les mitsvot, il doit fuir les avérot. Car « le péché est tapi à la porte » (Béréchit 4, 7), aussi, s’il le laisse s’approcher de lui, même sans avoir l’intention de le commettre, il se met en danger. En effet, avec le temps, il s’habituera à cette proximité, ce qui atténuera sa crainte du Ciel, jusqu’au jour où il finira par fauter à son insu. L’impureté du péché ayant peu à peu adhéré à lui, le mauvais penchant parviendra finalement à le faire tomber dans ses filets. S’il ne s’empresse pas, à l’avenir, de fuir la avéra, il en viendra à manquer d’enthousiasme dans son service divin et à se relâcher dans l’étude et la pratique des mitsvot.
La mitsva de renvoyer la mère avant de prendre sa couvée exige une grande dose de foi, car, a priori, cet acte semble cruel. Si, malgré notre réticence naturelle, nous l’accomplissons sans hésiter et avec zèle, nous serons conduits à observer beaucoup d’autres mitsvot. Du fait que ce commandement risque de susciter nos doutes, nous devons justement veiller à l’exécuter sans poser la moindre question et en renforçant notre foi.
Celui qui observe cette mitsva à la lettre et dans cet esprit aura le mérite de voir la suite des versets s’appliquer à son sujet : « Quand tu bâtiras une nouvelle maison. » Il parviendra à se construire, à s’entourer des barrières de la Torah et à s’élever toujours davantage dans ses degrés et ceux de la crainte de D.ieu. Il servira l’Éternel d’un cœur entier, et non pas tantôt bien et tantôt mal, à l’image de l’interdit des mélanges d’espèces, dont il est aussi question dans la suite du texte. Il aura ainsi droit à la récompense réservée aux justes dans le monde futur.
PAROLES DE TSADIKIM
Rendre un objet perdu et ramener une âme perdue
Un Juif marchant dans la rue aperçut soudain sur le sol une chaîne en or. Il la ramassa et accrocha, à des endroits centraux, plusieurs annonces indiquant sa trouvaille. Un mois passa, puis deux sans que personne le contacte. Supposant que ses annonces avaient été enlevées ou recouvertes par d’autres, il en mit de nouvelles, mais en vain.
Presque un an après sa trouvaille, un inconnu lui téléphona enfin pour lui dire qu’il avait perdu une chaîne en or à l’endroit mentionné dans son annonce. Il lui demanda des signes prouvant qu’il était le propriétaire de l’objet et, effectivement, il s’avéra que c’était bien lui. « Je vous invite à mon domicile pour venir récupérer votre bien », lui annonça-t-il avec joie. Ils fixèrent alors un jour de rendez-vous.
Lorsqu’ils se rencontrèrent, le propriétaire de la chaîne confirma qu’il s’agissait de la sienne. Son hôte lui demanda de bien vouloir attendre quelques instants. Il sortit de chez lui et, peu après, revint accompagné de huit hommes et chargé de paniers remplis de délicatesses. Il s’empressa de dresser la table et pria les assistants de procéder à l’ablution des mains pour participer à sa séoudat mitsva. Une fois attablés, ils lui demandèrent s’il célébrait la conclusion de l’étude d’un traité ou avait organisé un repas de grâce pour réciter hagomel.
À leur plus grande surprise, il leur répondit que ce repas venait honorer la mitsva qu’il s’apprêtait à faire : rendre un objet perdu. Il prit en main la chaîne d’or trouvée et dit, avec émotion : « Que la bienveillance de l’Éternel, notre D.ieu, soit avec nous ! » (Téhilim 90, 17) – Vihi noam (…) Ensuite, il la remit à son propriétaire.
« Si on peut éprouver tant de joie en restituant un objet perdu, s’écrie Rabbi Réouven Elbaz chelita, combien plus doit-on se réjouir lorsqu’on a le mérite de ramener une âme égarée vers son Père céleste ! »
Grâce à D.ieu, ces dernières années, le peuple juif connaît un grand éveil. Des dizaines de milliers de gens aspirent à revenir aux sources. Ils s’attristent de la situation à laquelle ils sont arrivés, de leur éloignement presque total de leur tradition, et s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants. Ils cherchent des personnes capables de les aider à s’extraire de cette obscurité et à s’engager sur la voie du Roi des rois, celle du respect de la Torah, du Chabbat, de la prière et des lois de pudeur.
Réjouissons-nous de ce merveilleux mouvement de retour en plein essor, mais n’oublions pas tous ceux qui n’ont pas encore eu le mérite de s’y rallier et cherchons des moyens de les y aider. « Tu les ramèneras à ton frère » (Dévarim 22, 1) ou tu ramèneras ton frère !
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
La source de toute bénédiction
Un certain vendredi, j’étais très soucieux, perturbé par un certain problème. Je faisais les cent pas et mon visage arborait une expression peinée et inquiète.
« Papa, pourquoi es-tu triste ? me demanda ma fille qui avait remarqué mon visage anxieux. On est la veille de Chabbat, aujourd’hui. »
Lorsque ma fille mentionna le Chabbat et éveilla mon attention sur l’heure avancée, je me secouai aussitôt et me détachai de mes soucis pour me consacrer uniquement aux préparatifs en l’honneur de Chabbat.
J’ai hérité cette coutume de mon saint père : le vendredi doit être consacré à aider dans les tâches ménagères et les préparatifs en vue de l’arrivée de la Reine Chabbat. Mon père s’impliquait lui-même dans ces préparatifs et ne reculait devant aucune tâche, même les moins agréables. Il expliquait que le vrai respect, c’est de préparer la maison pour honorer la Reine Chabbat.
Je me souviens qu’un vendredi où je m’étais donné beaucoup de peine pour ranger et nettoyer la maison, ma femme eut pitié de moi et me dit : « Dommage pour tous les efforts que tu investis dans le rangement de la maison, car, dès que tu la quittes pour accueillir le Chabbat à la synagogue, les enfants mettent du désordre et, lorsque tu reviens, il n’y a plus aucune trace de tout ton travail. »
Mais je lui répondis que, de mon point de vue, l’essentiel était qu’au moment où je quittais la maison et allais à la rencontre de la Reine du Chabbat, la maison était propre et rangée, comme il sied à une invitée si distinguée.
De ce fait, ce vendredi où j’avais été tellement tourmenté par mon problème, lorsque je commençai à m’affairer aux préparatifs du Chabbat, j’en oubliai ces soucis. À l’issue du Chabbat, lorsque ma fille me rappela l’angoisse dans laquelle j’étais plongé la veille, je lui répondis que ces tourments s’étaient volatilisés.
Le problème n’était certes pas résolu, mais le fait de m’être consacré aux préparatifs du jour saint m’avait libéré de ces sentiments de peine et d’angoisse.
Ainsi, telle est la véritable solution à tous les problèmes et malheurs qui accablent le Juif : un renforcement personnel dans l’accomplissement de la Torah et des mitsvot et, plus particulièrement, du Chabbat. Car, source de toute bénédiction, ce jour a également le pouvoir d’éliminer les angoisses du cœur de l’homme.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Réjouis-toi, femme stérile qui n’as point enfanté ! (…) » (Yéchaya, chap. 54)
Lien avec le Chabbat : c’est l’une des sept haftarot lues lors des Chabbatot de consolation suivant le 9 Av.
Les achkénazes poursuivent avec le verset : « Ô infortunée, battue par la tempête, privée de consolation ! »
LA CHÉMITA
Les mitsvot de la chémita s’appliquent également aux terrains publics ou appartenant, par exemple, à la municipalité. Néanmoins, il existe certaines permissions concernant ces terrains, notamment pour tailler une haie. Dans tous les cas, il faudra consulter une autorité rabbinique agréée.
Les lois de la chémita sont aussi valables pour les déserts et les champs publics d’Israël. On n’a pas le droit d’y pratiquer les travaux interdits durant l’année chabbatique, tandis que les produits de ces terres poussant durant cette année doivent être traités conformément à leur sainteté. Certains remettent en question l’application de ces lois aux terrains publics, du fait que, dans la Torah, il est question de « ton champ ».
Enfin, ces lois doivent également être respectées sur des sols saints, comme le jardin de la cour d’une synagogue. Mais, d’aucuns sont d’avis que ces terrains ne sont pas soumis aux mitsvot de la chémita.
CHEMIRAT HALACHONE
Soulager la douleur et le chagrin
Si quelqu’un souffre émotionnellement ou mentalement, il a le droit de demander de l’aide, même si cela l’oblige à critiquer certaines personnes, ce qui, normalement, serait considéré comme de la médisance. Dans la mesure du possible, il évitera de citer nommément les individus impliqués dans son conflit et veillera à ne raconter que le strict nécessaire.
D’après le ‘Hafets ‘Haïm, il est possible que le fait de raconter quelque chose dans l’intention de soulager sa peine soit considéré comme une visée constructive, dans l’esprit du conseil de nos Sages de partager sa peine avec autrui, déduit du verset « Le souci abat (yach’héna) le cœur de l’homme » (Michlé 12, 25) – yessi’héna (il en parlera). Il va sans dire qu’il se réfère ici à des situations particulièrement difficiles, et non pas à des faits banals de la vie quotidienne.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Le feu de la Torah contre celui du désir
« Lorsque tu partiras en guerre contre tes ennemis, que le Seigneur ton D.ieu te les livrera et que tu leur feras des prisonniers. » (Dévarim 21, 10)
Le Alchikh interprète ce verset sous l’angle de la morale en faisant référence au mauvais penchant, contre lequel nous devons lutter. Seul celui qui se prépare à cette guerre bénéficie de l’aide divine pour vaincre cet ennemi, comme il est dit : « Ton Seigneur ton D.ieu te les livrera et tu leur feras des prisonniers. »
Dans sa Iguérèt Hamoussar, Rav Israël Salanter s’étend sur le pouvoir de simulation du mauvais penchant. Il brosse à l’homme de faux tableaux sur la grande jouissance pouvant être retirée d’une transgression qu’il s’apprête à commettre. En guise de contre-attaque, il doit se représenter le tableau réel de l’immense perte suscitée par celle-ci et, parallèlement, de la considérable récompense réservée à celui qui s’abstient de fauter.
À celui qui s’efforce d’effectuer ce travail mental, le Saint béni soit-Il promet la réussite dans cette confrontation. Non seulement il parviendra à maîtriser ce redoutable ennemi, mais, en plus, il pourra le prendre en captivité, c’est-à-dire subjuguer toutes les forces d’incitation au mal, à l’instar des Tsadikim. En outre, quand il s’imaginera l’incommensurable rétribution de la personne qui se garde de commettre des transgressions et accomplit des mitsvot, il sera en mesure d’utiliser les forces du mal au service de la sainteté.
Aussi nous incombe-t-il d’exploiter chaque instant pour nous rendre au beit hamidrach et étudier la Torah. Nous y découvrirons le pouvoir de la Torah, jusque-là sous l’emprise du mauvais penchant et qui, grâce à notre étude, nous a permis d’inverser les rôles et de le prendre sous notre coupe. Plus nous nous plongerons dans l’étude, plus nous réaliserons sa valeur, supérieure à celle des perles précieuses, et notre amour pour elle s’intensifiera.
L’amour de la Torah est la seule arme efficace contre le mauvais penchant. L’homme animé d’une réelle volonté de sortir vainqueur de cette lutte ardue bénéficiera de la Miséricorde de l’Éternel, qui lui permettra de soumettre le mauvais penchant et, de surcroît, de lui reprendre la Torah, alors sa captive. De cette manière, il pourra l’étudier jour et nuit, jusqu’à en venir à l’aimer comme son épouse.
PERLES SUR LA PARACHA
Aimer le Créateur davantage que ses enfants
« Si un homme a un fils dévoyé et rebelle, qui n’écoute pas la voix de son père ni la voix de sa mère. » (Dévarim 21, 18)
Nos Sages commentent (Sanhédrin 71a) : « Rabbi Chimon affirme : “Le cas de l’enfant rebelle n’a jamais existé et n’existera jamais. Pourquoi donc a-t-il été énoncé ? Réfléchis et tu en seras récompensé.” »
La question de ce cas théorique a fait couler beaucoup d’encre chez nos commentateurs. Rabbénou Bé’hayé explique que telle est justement la sagesse de la Torah qui, à travers ce commandement, nous enseigne combien nous devons aimer l’Éternel. En effet, il n’existe pas d’amour plus puissant dans le monde que celui des parents pour leur enfant. Pourtant, s’ils constataient qu’il se rebelle contre les mitsvot, ils devraient faire fi de ce sentiment naturel pour laisser place à l’amour de D.ieu, en le conduisant au tribunal pour lui faire subir la peine de lapidation.
Notre patriarche Avraham nous donne l’exemple d’un puissant amour de D.ieu. Lorsqu’Il lui demanda de Lui sacrifier son fils unique et bien-aimé, il s’empressa d’accepter, donnant la préséance à l’amour du Créateur sur celui de son enfant. Ceci lui valut le titre de « Avraham Mon bien-aimé ». Cet épisode diffusa dans le monde entier l’importance de notre obligation d’aimer l’Éternel plus que tout.
Par conséquent, la Torah a jugé nécessaire de mentionner le cas du fils rebelle, afin que nous en tirions cette leçon. Tel est bien le sens des mots de nos Maîtres « Réfléchis et tu en seras récompensé ».
Les jours redoutables
« Quand tu bâtiras une nouvelle maison, tu feras au toit un parapet. » (Dévarim 22, 8)
Dans son ouvrage Pitou’hé ‘Hotam, Rabbi Yaakov Abou’hatséra note que les termes tivné bayit (tu bâtiras une maison) équivalent numériquement à l’expression zé roch hachana (c’est Roch Hachana), tandis que le terme ‘hadach (nouvelle) équivaut à zé kippour (c’est Kippour). Nous y lisons en filigrane que Roch Hachana et Kippour sont des jours de reconstruction pour le monde entier.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
Ne pas oublier de dire bli néder
Au moment où l’homme prononce un vœu, écrivent les kabbalistes, il crée un ange. Celui-ci a des yeux, des oreilles et des mains, mais, privé d’âme, il n’est pas en mesure de faire le moindre mouvement. Il doit attendre que l’homme réalise son vœu et introduise ainsi en lui une âme.
D’où tire-t-on cet enseignement ? De l’épisode de la akéda. Lorsqu’Avraham lia son fils Its’hak au bûcher, prêt à le sacrifier, un ange lui apparut et lui dit : « Ne porte pas la main sur ce jeune homme, ne lui fais rien ! Car, désormais, je sais que tu crains D.ieu, toi qui ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique ! » (Béréchit 22, 12)
Dans son ouvrage Dorech Tsion, Rabbi Bentsion Moutsafi chelita explique le sens de ces paroles de l’ange à Avraham : « Le Saint béni soit-Il t’avait ordonné “Fais-le monter là en holocauste”, et non pas sacrifie-le. Aussi, lorsque tu l’as fait monter sur le bûcher, tu as pleinement accompli cette mitsva. Quelle est la preuve ? “Tu ne m’as pas refusé (‘hassakhta) ton fils, ton fils unique”, autrement dit, moi, l’ange créé par cette mitsva, ne suis pas incomplet (‘hasser), ce qui prouve l’intégrité de celle-ci. » Nous en déduisons que si, à l’inverse, nous n’exécutons pas concrètement une mitsva, l’ange créé est défectueux.
Soulignons, dans un premier temps, les paroles de nos Maîtres selon lesquelles « quiconque a l’habitude de prononcer des vœux, les Sages le voient d’un œil critique ». Cependant, lorsque l’homme est plongé dans la détresse et a besoin du salut divin, il prend souvent sur lui certains engagements, tantôt applicables, tantôt au-dessus de ses forces.
Par ailleurs, affirme Rav Moutsafi chelita, il arrive souvent que les gens prononcent des vœux sans même s’en rendre compte. Il suffit de rencontrer un ‘hatan sur le point de se marier et de lui dire « Tu es ‘hatan ? Je prends en charge les meubles » pour avoir prononcé un vœu qu’on est tenu d’accomplir. De même, un homme gravement malade ou en proie à une grosse difficulté a tendance à promettre que, s’il parvient à se tirer de cette détresse, il fera telle ou telle chose. S’il n’a pas dit « bli néder », sa parole équivaut à un vœu, duquel il ne peut pas toujours être délié.
Dans la Guémara (Nédarim 8a), nous pouvons lire : « Celui qui dit : “Quand je me lèverai, j’étudierai ce chapitre ou ce traité” a prononcé un grand vœu à l’Éternel. » Par exemple, si quelqu’un s’adresse à son camarade, sur le point de s’endormir, pour lui proposer d’étudier une page de Guémara, du Choulkhan Aroukh ou du ‘Hok LéIsraël, et que l’autre répond « Maintenant je suis fatigué ; demain matin, je me lèverai de bonne heure pour étudier », cela est considéré comme un vœu auquel il a l’obligation de se tenir.
Rabbi Bentsion Moutsafi chelita raconte, à ce sujet, un témoignage de son père, le célèbre juste et kabbaliste Rabbi Zalman Moutsafi zatsal. Après s’être installé en Terre Sainte, il étudiait la Torah dans la synagogue Chémech Tsadka de Jérusalem, auprès du Rav Tsadka ‘Houtsin zatsal, fondateur de cette communauté. Celle-ci comprenait des hommes animés d’une grande crainte du Ciel, qui eurent le mérite d’avoir des fils érudits, comme Rabbi Yaakov Ovadia zatsal, père de Maran Rabbi Ovadia Yossef zatsal, ou Rabbi Eliahou Abba Chaoul zatsal, père de Rabbi Bentsion Abba Chaoul zatsal, pour n’en citer que quelques-uns.
Pleinement conscient du fait que « Tu ferais mieux de t’abstenir de tout vœu que d’en faire un et de ne pas l’accomplir » (Kohélèt 5, 4), Rabbi Tsadka ‘Houtsin veillait à accomplir ses vœux immédiatement après les avoir prononcés. Ainsi, à la synagogue, lorsqu’il voyait un collecteur de fonds ramasser de l’argent pour la tsédaka, il sortait de sa poche dix lires et attendait en silence. Seulement à l’instant où ce dernier s’adressait à lui, il proclamait « Je m’engage à donner dix lires à la tsédaka ! » et, simultanément, lui remettait l’argent. Il se comportait de la sorte afin d’éviter tout incident de parcours qui l’aurait empêché de réaliser son vœu.
Il existe une source très ancienne à cette ligne de conduite. Le Talmud (Nédarim 9b) atteste, au sujet d’Hillel l’Ancien, qu’il n’est jamais arrivé que quelqu’un ne tire un profit personnel de l’animal qu’il avait prévu de sacrifier. Car, lorsqu’il devait apporter un sacrifice, il ne révélait pas à l’avance ses intentions, de peur de n’être finalement pas en mesure de les traduire en actes et de prononcer alors un vœu en vain. Il apprêtait donc l’animal qu’il comptait sacrifier, mais, quand on le questionnait à ce sujet, il ne répondait pas tant qu’il n’était pas arrivé au Temple. Uniquement après avoir franchi l’estrade (azara), un instant avant que le sacrifice allait être apporté, il s’écriait : « Voilà mon vœu ! »