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Parachat Nitsavim

4 Septembre 2021

כז אלול התשפ"א

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
Paris 20h10 21h16 22h07
Lyon 19h56 20h59 21h46
Marseille 19h51 20h52 21h37

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L’éveil des lumières de la Création

Rabbi David Hanania Pinto

D’après nos Maîtres (Pessikta Rabbati 46), le jour où Adam fut créé, soit le sixième de la Création, correspondait au premier de Roch Hachana. Le Très-Haut entama donc la Création le 25 Éloul. Dans la prière de moussaf de Roch Hachana, nous mentionnons ces événements fondamentaux en disant : « C’est aujourd’hui l’anniversaire de la Création, la commémoration du premier jour. »

Rappelons la manière dont l’homme fut créé. Nos Sages affirment (Pirké de Rabbi Eliezer 11) que, pour ce faire, le Saint béni soit-Il rassembla de la poussière des quatre coins du monde, afin que, quel que soit le lieu où il meurt, la terre accepte de lui servir de sépulture.

Comme nous l’avons expliqué, les jours ayant précédé Roch Hachana étaient ceux de la Création. Durant ces six jours, l’univers entier fut conçu en dix Paroles. L’homme, créé le sixième, qui coïncidait avec Roch Hachana, pécha le jour même en consommant du fruit de l’arbre de la connaissance. Il fut immédiatement jugé par D.ieu, qui lui épargna la peine de mort, suite à l’intervention du Chabbat, laquelle prit sa défense (Pessikta Rabbati 46).

Quel fut son plaidoyer ? Si le Saint béni soit-Il éliminait tout de suite le premier couple de l’humanité, avant l’entrée du Chabbat, qui donc le respecterait et proclamerait que l’Éternel a créé le monde en six jours et s’est reposé le septième ? En outre, comment le Très-Haut pourrait-Il y trouver le repos après l’œuvre de la Création, si son élite, façonnée de Ses propres mains et abritant une étincelle divine, venait à disparaître ?

Par conséquent, tout eut lieu à Roch Hachana. En ce jour, Adam fut créé, fauta et fut gracié pour pouvoir observer le Chabbat. Dans Sa Miséricorde, l’Éternel le recouvrit, ainsi que ‘Hava, de tuniques, de sorte à éviter qu’ils soient nus (Béréchit 3, 21), c’est-à-dire dénués de mitsvot (Béréchit Rabba 19, 6). C’est la raison pour laquelle Il leur donna le Chabbat, qu’ils respectèrent de concert avec Lui. Ainsi, ils gardèrent le jour saint, qui les avait gardés en vie.

Les jours ayant précédé le Roch Hachana de l’époque de la Création étaient dépourvus de toute ombre de péché ; aussi cette période est-elle propre au repentir précédant le grand jugement. Les lumières d’un monde dégagé de péché s’éveillent alors, ce qui nous stimule à nous repentir en récitant les séli’hot et les ta’hanounim et en prenant sur nous de bons engagements. L’atmosphère immaculée de ces jours, semblable à celle qui régnait lors des temps immémoriaux de la Création, nous facilite considérablement la voie du retour et nous permet de nous purifier.

C’est aussi pourquoi, à cette période propice, les Tsadikim perçoivent les lumières de sainteté qui lui sont propres. Ainsi, lors des mois d’Eloul et de Tichri, ils ressentent un éveil grâce à ce courant de sainteté résultant des étincelles qui brillèrent en ces jours, à l’époque de la Création.

Néanmoins, malgré l’existence de cet élan d’éveil, il faut savoir qu’on ne le ressent pas automatiquement. Pour avoir le mérite d’éprouver une élévation grâce à ces lumières et à ces étincelles, il nous incombe d’effectuer un travail sur nous-mêmes, de faire le premier pas. Uniquement si nous effectuons une ouverture de la taille du chas d’une aiguille, le Saint béni soit-Il nous en ouvrira une suffisamment large pour laisser passer des chariots et des chars (Chir Hachirim Rabba 5, 2). En d’autres termes, plus l’homme aspire à être réceptif à ces lumières, plus il en sera effectivement capable.

À la mesure de son investissement pour se repentir sincèrement, regretter ses méfaits passés et s’engager à s’améliorer, l’homme recevra, en retour, l’aide divine nécessaire pour ressentir l’influx de sainteté de cette période et parvenir, ainsi, au but escompté – un retour vers son Créateur –, en vertu de la promesse du verset « Revenez à Moi et Je reviendrai à vous » (Malakhi 3, 7). Si nous revenons vers l’Éternel, Il viendra vers nous. Ceci corrobore l’enseignement de nos Sages : « Celui qui vient se purifier, D.ieu l’y aide. » (Yoma 39a) Le Très-Haut n’aide que celui qui en exprime le désir. Il s’agit donc d’y aspirer réellement.

Ainsi donc, il est important de réaliser que cette période est la plus propice au repentir et au rapprochement vers l’Éternel, comme il est dit : « Cherchez le Seigneur pendant qu’Il est accessible ! Appelez-Le tandis qu’Il est proche ! » (Yéchaya 55, 6) Nos Maîtres commentent (Roch Hachana 18a) : cela se réfère aux dix jours séparant Roch Hachana de Kippour, où « l’Éternel est proche de tous ceux qui L’invoquent, de tous ceux qui L’appellent avec sincérité » (Téhilim 145, 18).

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

Une joie qui éclipse toutes les autres

Une année, un homme vint me demander une brakha pour réussir dans ses affaires. Il ajouta que si le Créateur l’aidait à réussir dans un certain secteur commercial, il verserait tout le maasser à nos institutions.

Je le bénis par le mérite de mes ancêtres, non sans ajouter que le don qu’il projetait de faire à des institutions de Torah contribuerait à lui donner droit à la bénédiction divine dans ses affaires.

Cette bénédiction s’accomplit pleinement et ses affaires connurent un grand succès. Ce Juif s’empressa donc d’accomplir sa « part du contrat » : me remettre le maasser des bénéfices qu’il avait accumulés, somme non négligeable.

Pendant tout le chemin jusqu’à chez moi, il s’imaginait la joie qui se lirait sur mon visage à la réception de ce don important en faveur de mes institutions. À son arrivée, je l’accueillis amicalement, mais quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il constata que la vue de son chèque ne m’arrachait pas même un sourire.

« Rav Pinto, ne put-il s’empêcher de me demander dans son étonnement, tout au long de la route, j’imaginais le large sourire que vous feriez certainement en voyant ce don important et, pourtant, vous semblez indifférent. Y aurait-il un problème concernant cet argent ?

– Sache, lui répondis-je, que la seule chose dont on puisse sourire et se réjouir du fond du cœur est l’étude de la Torah, ainsi que l’accomplissement de ses mitsvot. Dans ce monde, l’argent n’est pas une donnée stable. Il peut venir comme il peut disparaître du jour au lendemain. Seules la Torah et les mitsvot sont éternelles et peuvent procurer à l’homme un mérite éternel. De ce fait, les dons d’argent, aussi importants soient-ils pour le maintien des institutions de Torah, ne m’émeuvent pas outre mesure. Par contre, lorsque je vois un Juif se renforcer dans son accomplissement des mitsvot, cela me fait extrêmement plaisir, bien plus que tout don qu’il ferait pour nos institutions ! »

Au bout de quelques années, la roue tourna pour cet homme, qui fit faillite. Or, jusqu’à ce jour, à chacune de nos rencontres, il me rappelle mes paroles à cette occasion et remercie le Créateur de lui avoir donné la sagesse de faire des dons à d’innombrables institutions quand il en avait les moyens. Car c’était finalement la seule chose qui lui restait dans sa situation douloureuse, bien éternel qui allait l’accompagner après cent vingt ans.

 DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Je veux me réjouir pleinement en l’Éternel (…). » (Yéchayahou chap. 61)

Il s’agit de la septième et dernière haftara lue lors des Chabbatot de consolation suivant le 9 Av.

PAROLES DE TSADIKIM

Une bénédiction, source de nombreuses autres

Comme nous le lisons dans notre paracha, la bénédiction divine est assurée aux personnes respectant la Torah et les mitsvot : « En faisant ce que Je t’ordonne aujourd’hui, d’aimer le Seigneur ton D.ieu et de marcher dans Ses voies, d’observer Ses commandements, Ses lois et Ses statuts, tu vivras, tu grandiras et le Seigneur ton D.ieu te bénira dans le pays dont tu vas entrer en possession. » (Dévarim 30, 16)

Ne savons-nous pas estimer à sa juste valeur la bénédiction du Créateur ? Connaissons-nous la manière dont nous devons bénir la Source de la bénédiction ?

Rabbi Yéhouda Tsadka zatsal, Roch Yéchiva de Porat Yossef, insistait souvent sur l’importance considérable, pour un Juif, de prononcer les bénédictions avec ferveur en remerciant l’Éternel. Il disait que de nombreux pays du monde connaissent une grande abondance dans leur argent et leurs biens, mais pas dans la nourriture, du fait que leurs habitants ne disent pas suffisamment de bénédictions, lesquelles sont le canal de l’abondance.

Une autre réflexion édifiante a été entendue de sa bouche : « Malgré mon maigre salaire mensuel, je n’ai jamais eu besoin d’avoir recours à un emprunt, alors que plusieurs de mes voisins ont fréquemment dû le faire. Cela démontre que tout dépend de la bénédiction reposant dans l’argent de chacun. Chez nous, il était tout simplement béni. » Dans sa grande humilité, il créditait ce mérite à la Rabbanite, qui veillait toujours à réciter le birkat hamazone avec beaucoup de ferveur, mot pour mot, comme si elle comptait des pierres précieuses.

Il prononçait toutes ses bénédictions à voix haute et avec le plus grand sérieux, en gardant bien à l’esprit qu’il les adressait au Très-Haut. Lorsqu’un membre de sa Yéchiva lui apportait un verre de thé, il disait la brakha, buvait une gorgée, puis, seulement ensuite, remerciait cet individu.

Un jour, un membre de la famille de Rabbi Tsadka, qui était Cohen, se rendit dans sa demeure, où on lui servit une boisson. Il remercia, puis prononça la bénédiction chéhakol et but. Le Rav lui dit alors d’un ton réprobateur : « Veux-tu perdre la prêtrise ? » Comme il ne comprit pas, le Sage lui expliqua : « Chem, fils de Noa’h, était Cohen, comme il est dit : “Malkitsédek, roi de Chalem, (…) était prêtre du D.ieu suprême.ˮ (Béréchit 14, 18) D’après nos Maîtres, le Saint béni soit-Il lui retira cette prérogative parce qu’il bénit Avraham avant de Le bénir, en disant : “Béni soit Avram (…) et béni le D.ieu suprême.ˮ Toi aussi, souviens-toi que tu dois d’abord bénir l’Éternel et, uniquement après, remercier celui qui t’a servi. »

Il avait l’habitude de citer cet enseignement de Rabbi Sasson Mordékhaï Moché, auteur du Téhila LéDavid [un des éminents Rabbanim de Bagdad, il y a deux cent cinquante ans] : « Nous disons : “Je veux T’exalter, ô mon D.ieu, ô Roi, bénir Ton Nom jusque dans l’éternité.ˮ (Téhilim 145, 1) Il nous incombe, en premier lieu, de méditer sur la grandeur du Créateur et de réaliser devant qui nous nous tenons, puis, dans un second temps, de prononcer la bénédiction à Son nom. Si nous procédons ainsi, elle prendra toute sa valeur et restera à jamais notre part. »

CHEMIRAT HALACHONE

Si un commerçant rend à son client moins d’argent que ce qu’il lui doit ou le taxe pour un produit non acheté, il est interdit d’en déduire qu’il est incorrect ou négligent. Il faut l’attribuer à une erreur humaine.

Néanmoins, si cela arrive à intervalles réguliers, il faut lui faire la remarque et lui dire que, si cela continue, on n’aura d’autre choix que de publier la chose auprès de sa clientèle. Si on ne constate aucune amélioration, il sera nécessaire d’avertir ses clients de bien vérifier leur reçu et de voir s’il leur a rendu suffisamment de monnaie.

Il est interdit de signifier allusivement que ce commerçant n’est pas correct, même si ces doutes sont fondés. Car, il suffit que les acheteurs pensent qu’il est négligent (ou pas brillant dans les comptes) pour prendre les mesures de précaution nécessaires.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

Les dix jours de repentir

« Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous, devant le Seigneur votre D.ieu. » (Dévarim 29, 9)

Selon le Zohar, l’expression « Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous » renvoie à Roch Hachana, car, en ce jour, tous les êtres humains comparaissent en justice devant l’Éternel, dans l’attente de Son verdict à leur sujet. Malgré notre appréhension, nous sommes confiants dans le fait que nous sortirons blanchis.

Lors des dix jours séparant Roch Hachana de Kippour, le Saint béni soit-Il se trouve très proche de Ses enfants, à l’image d’un roi qui, un jour par an, parle directement à son vassal, au lieu de passer par l’intermédiaire d’un ministre, et prête une oreille attentive à toutes ses requêtes.

Toute l’année durant, l’homme prie et implore le Créateur. Cependant, qui sait s’il est digne de voir ses prières agréées au Ciel ? Par contre, pendant les dix jours de pénitence, propices au rapprochement avec l’Éternel, de même que nous nous tenons devant Lui, Il se tient devant nous, prêt à écouter nos supplications avec miséricorde.

Tel est aussi le sens de notre verset « Vous vous tenez aujourd’hui », où le terme atem (vous) est composé des mêmes lettres que le terme émèt (vérité). Lorsque l’homme prie D.ieu avec franchise, Lui demande pardon et s’engage à s’améliorer à l’avenir, ses requêtes sont agréées, en vertu de la promesse : « L’Éternel est proche de tous ceux qui L’invoquent, de tous ceux qui L’appellent avec sincérité. » (Téhilim 145, 18)

Celui qui fait complète repentance durant cette période et parvient à ressentir qu’il se tient devant l’Éternel n’a pas lieu de craindre le Satan. Bien que celui-ci détienne les preuves de nos méfaits passés, perpétrés malgré nos promesses de nous améliorer, et puisse donc attester notre inconsistance, notre malhonnêteté et la précarité de nos prochains engagements, le Très-Haut ne prête pas attention à son accusation pendant ces jours-ci.

À Roch Hachana, nous avons l’opportunité de réparer toutes nos prières de l’année. C’est la raison pour laquelle nous couronnons alors l’Éternel en récitant les malkouyot, car, tout au long de l’année écoulée, nous ne nous sommes pas suffisamment liés à Lui par le biais de la prière et avons manqué de nous soumettre pleinement au joug de Sa royauté.

LA CHÉMITA

Durant l’année de chémita, il est permis de planter des fruits ou des légumes dans un bassin d’eau, à condition qu’il n’y ait pas du tout de terre (selon la méthode hydroponique, consistant à déposer des graines sur des filets placés sur de l’eau enrichie de nutriments nécessaires à la plante). En effet, la Torah a uniquement interdit de semer de manière conventionnelle, c’est-à-dire dans de la terre ayant le statut de sol, et il est donc autorisé de semer dans de l’eau, qui n’a pas le statut de champ ni de terre.

Par exemple, il est permis, pendant la chémita, de déposer un grain d’avocat dans un récipient contenant uniquement de l’eau. De même, on peut mettre des graines de pois chiche dans du coton et les déposer dans un récipient d’eau, même si ces graines produiront des pousses.

Il est aussi permis de placer des fleurs détachées de leurs racines dans un pot rempli d’eau, ainsi que des fleurs ou des roses fermées qui, une fois mises dans l’eau, s’ouvriront. D’après certains, si les fleurs sortent du pot, il faut le poser sur un support pour le séparer du sol. Un carreau supplémentaire de carrelage peut être utilisé dans ce but.

PERLES SUR LA PARACHA

Une admiration mal placée

« Vous avez vu leurs horreurs et leurs idoles, de bois et de pierre, d’argent et d’or, qu’ils ont avec eux. » (Dévarim 29, 16)

Les idoles n’ont, pour nous, aucune valeur, aussi quelle différence y a-t-il si elles sont fabriquées à partir d’argent, d’or, de bois ou de pierre ? Pourquoi le préciser ?

Rabbi Chlomo Tsadok chelita explique que la Torah le souligne afin de signifier allusivement l’interdiction d’admirer les matériaux dans lesquels les idoles sont fabriquées, ainsi que de s’émerveiller devant ces œuvres d’art.

Pourquoi ? Car en y pensant et posant son regard, on risque de tomber dans le piège. En outre, nous lisons également en filigrane que l’argent, l’or et la réussite qui les entoure peuvent conduire l’homme à se leurrer en servant ces idoles.

La compréhension grandit avec la proximité

« Mais toi, tu reviendras et écouteras la voix du Seigneur. » (Dévarim 30, 8)

S’il est dit « Tu reviendras au Seigneur ton D.ieu », cela signifie qu’on s’est déjà repenti ; dès lors, pourquoi répéter « Mais toi, tu reviendras » ?

Dans son ouvrage Tiférèt Chlomo, Rabbi Chlomo de Radomsk zatsal explique que, avant de se repentir, l’homme ignore encore l’ampleur de ses péchés, car, plongé dans ceux-ci, il est loin de l’Éternel. Uniquement après s’être repenti et rapproché du Créateur, il commence à réaliser la gravité de sa conduite et l’importance des dommages entraînés. Aussi, non content de son premier repentir, il se repent une nouvelle fois.

Mais, ce n’est pas terminé. Plus il se repent et se rapproche de D.ieu, plus il prend conscience de son devoir de faire complète repentance.

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Roch Hachana, plus que des mélodies

Roch Hachana est le moment où nous devons avancer, prendre sur nous de nouveaux engagements portant sur des points prépondérants.

L’ouvrage Dorech Tov rapporte la merveilleuse parabole du Maguid de Douvna à ce sujet. Un roi avait un fils unique, extrêmement gâté. À l’école, il avait de mauvaises notes et une conduite laissant à désirer. Mais, l’amour de son père à son égard n’en était pas pour autant diminué.

Les conseillers du monarque lui dirent : « Votre majesté, si vous désirez que, le jour venu, votre fils vous succède au trône, vous n’avez qu’une seule solution : l’envoyer apprendre un métier n’importe où. Peut-être ainsi se ressaisira-t-il. Si vous ne vous dépêchez pas d’agir, ce sera trop tard. »

Le roi comprit que son fils s’était engagé sur une mauvaise pente et que, pour le sauver, il était obligé de suivre ce conseil, aussi difficile fût-il à accepter. Au milieu de la nuit, il lui fit boire une boisson alcoolisée ; de la sorte, il put le transporter, endormi, dans son char. Avec ses vêtements royaux, il voyagea avec lui jusqu’à une province très éloignée de son royaume. À six heures du matin, il arriva à destination et aperçut l’annonce : « Tailleur accepte retouches et commandes de vêtements. »

Le roi attendit jusqu’au matin, puis frappa à la porte du tailleur. Celui-ci l’ouvrit et quelle ne fut pas sa surprise d’y trouver le roi.

« Votre majesté, par quel mérite ai-je droit à votre visite ?

– J’ai un fils unique auquel j’aimerais que tu enseignes ton métier.

– Comment voudriez-vous que je le lui enseigne d’un coup ? Cet apprentissage prend un an.

– Une année entière pour apprendre à coudre ?

– Oui, effectivement.

– Et combien cela me reviendrait-il ?

– Je vous ferais le même prix que pour tout le monde : mille roubles par an. Pour ce prix, il sera aussi logé et nourri. »

Ceci plut au roi et il accepta. Après s’être assuré que le couturier se comportait bien avec son fils, il prit congé de lui.

À huit heures du matin, le prince se réveilla et fut surpris de ne pas être chez lui. Le tailleur l’informa rapidement : « Tu vas devoir travailler ici, avec tous les autres apprentis !

– Mais je suis un prince, riposta-t-il. Je ne ferai rien.

– Tu es prince ? Tu étais prince. À présent, tu loges chez moi et dois travailler comme tout le monde. Si tu ne travailles pas, tu ne recevras pas à manger. »

Malgré la menace, il n’était pas prêt à se mettre à la besogne. Toute la journée, il chôma et jeûna. Le lendemain matin, il comprit qu’il était prisonnier et n’avait pas le choix. Il commença alors à travailler.

Trois mois passèrent et le roi reçut la lettre suivante du tailleur : « Votre fils a terminé avec succès le premier trimestre d’apprentissage. Veuillez me faire parvenir la somme de trois cent trente-trois roubles. »

Au terme du second trimestre, il reçut une nouvelle lettre : « Votre fils a terminé avec excellence le deuxième semestre d’apprentissage. »

Le roi prit un mouchoir pour essuyer ses larmes d’émotion. Enfin quelqu’un était parvenu à éduquer son cher fils…

Avec impatience, il attendit la fin de l’année et, avec elle, le retour de son fils. Celle-ci finit par arriver, mais il ne reçut aucune lettre. Il attendit trois mois supplémentaires : toujours rien.

Le téléphone n’existant pas encore, il décida de voyager pour prendre des nouvelles de son fils, au sujet duquel il s’inquiétait de plus en plus. Avec son carrosse, il prit la route de nuit. Au petit matin, à son arrivée chez le tailleur, il lui demanda : « Pourquoi ne m’as-tu pas envoyé le diplôme de mon fils du troisième trimestre ? Comment va-t-il ? »

« Votre fils, votre majesté ? Voyez-vous le marbre de ce plan de travail ? Je crois qu’il me serait plus facile d’enseigner mon métier à ce marbre qu’à votre fils. Depuis six mois, j’essaie de lui expliquer comment on rentre un fil dans une aiguille. Il casse l’aiguille, puis le fil et, ensuite, se pique le doigt. Il ne comprend rien ! Je n’ai jamais vu quelqu’un qui met si longtemps à comprendre. Il ne sait même pas enfiler un fil simple dans une aiguille classique. Il a déjà cassé vingt aiguilles, terminé tout le fil et il n’a pas encore compris le principe ! »

« Excuse-moi, reprit le roi. Lorsque tu m’as écrit qu’il avait terminé avec succès le premier trimestre, je pensais qu’il serait un tailleur de renom mondial. Ensuite, quand tu as souligné dans ta seconde lettre qu’il réussissait encore mieux que tous les autres, je me suis dit qu’il serait sans aucun doute un tailleur diplômé, peut-être même celui du roi. Et voilà à présent que tu m’annonces qu’il ne sait même pas enfiler ! S’il en est ainsi, que sait-il donc faire ? Qu’es-tu bien arrivé à lui enseigner durant les deux premiers trimestres ? En quoi s’est-il distingué ? »

« Votre majesté, expliqua le couturier, permettez-moi de vous expliquer ma méthode d’enseignement, qui a déjà fait ses preuves. Un tailleur est assis toute la journée chez lui, ce qui est souvent ennuyant. Comment faire pour qu’il couse avec enthousiasme, concentration et évite de couper le tissu au mauvais endroit ? En chantonnant des mélodies. C’est pourquoi, le premier trimestre de l’année, j’enseigne à mes élèves tous les airs des jours redoutables. De cette manière, ils ont la patience de rester assis pour coudre, car, ce faisant, ils chantent Adone hasseli’hot, bo’hen lévavot, etc. Ceci leur donne de l’entrain.

« Le deuxième trimestre, je prends du tissu et note avec une craie les endroits où il faut découper. Mes élèves doivent tailler avec précision selon mes indications. Votre majesté, votre fils s’est particulièrement distingué dans ce domaine. C’est un professionnel du découpage. En deux minutes, il déchire tout… même là où il ne faut pas !

« Le troisième trimestre, je prends une aiguille et du fil et j’essaie de leur expliquer comment coudre. Et là, que puis-je vous dire ? Il n’a rien compris du tout. »

Après avoir attentivement écouté les éclaircissements du tailleur, le roi lui dit : « Penses-tu réellement que je t’ai envoyé mon fils pour que tu lui enseignes les airs des jours redoutables ? Je ne te l’ai pas non plus confié pour qu’il apprenne à déchirer des tissus. J’avais déjà remarqué qu’il était très doué pour cela, vu le nombre de tapis et de rideaux qu’il a mis en lambeaux au palais. Je désirais que tu lui donnes une formation de couture, pour qu’il sache réparer et coudre des vêtements. S’il ne le sait toujours pas, que lui as-tu donc bien enseigné ? »

Sa tête entre ses genoux, le roi se mit à éclater en sanglots et à gémir : « Quel fils raté ai-je reçu ! Il sait fredonner des airs, lacérer des tissus, mais ne sait rien coudre. À quoi tout le reste sert-il ? »

Le Maguid de Douvna explique le sens de cette parabole : lorsque Roch Hachana arrive, nous nous mettons à entonner les airs des jours redoutables. Cependant, ce grand jour ne se limite pas à cela. Nous avons aussi la coutume de couper des pommes et de les tremper dans le miel. Mais, là encore, Roch Hachana ne se limite pas à couper ces fruits.

Ce premier jour de l’année est le moment où nous devons avancer, faire un pas, aussi minime soit-il. Si nous y manquons, à quoi tout le reste rime-t-il ?

Aussi, répondons à la pressante requête du Saint béni soit-Il : « Revenez vers Moi, faites un petit pas en avant!»

 

 

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