Vayigach 11 Décembre 2021 ז טבת התשפ"ב |
|
Le pouvoir d’influence des Justes
Rabbi David Hanania Pinto
« Maintenant, lorsque Paro vous mandera et dira : “Quelles sont vos occupations ?ˮ, vous répondrez : “Tes serviteurs sont des éleveurs de bétail, depuis leur jeunesse jusqu’à présent, et nous et nos pères.ˮ C’est afin que vous demeuriez dans le pays de Gochen, car tout pasteur de moutons est une abomination pour les Égyptiens. » (Béréchit 46, 33-34)
Dans la suite du texte, il est dit : « Puis il prit une partie de ses frères » et le Midrach commente : « On en déduit que ceux-ci n’étaient pas forts. Yossef choisit ces cinq frères parce que, connaissant la force de chacun, il voulait éviter de présenter à Paro les plus robustes d’entre eux, qui auraient été recrutés pour son armée. »
Pourtant, Paro avait sans doute eu vent de la puissance des fils de Yaakov, qui avaient tué tous les habitants de Chékhem. En outre, d’après nos Maîtres (Tan’houma, Vayigach 5), lorsque « Yéhouda poussa un cri, toutes les murailles d’Égypte s’effondrèrent, Yossef tomba de son trône et Paro du sien, tandis que les guerriers qui se trouvaient là tournèrent leur tête qui resta ainsi jusqu’à leur mort ». Comment donc Yossef pensait-il tromper Paro en ne lui montrant que les plus faibles de ses frères ?
Yossef savait que Paro connaissait la force des tribus. C’est pourquoi il leur enjoignit de se présenter comme des bergers ; de cette manière, il était certain que le roi ne les choisirait pas comme princes, même s’ils étaient forts, et les éloignerait au contraire de lui, étant donné qu’en Égypte, le bétail était considéré comme une divinité.
Mais pourquoi Yossef désirait-il éviter qu’ils soient nommés princes ? Car il savait qu’ils devraient séjourner en Égypte plusieurs centaines d’années ; s’installer parmi les autochtones aurait donc présenté un danger d’assimilation. D’où son idée judicieuse pour causer leur éloignement de Paro et de son peuple.
L’Éternel planifia également l’accroissement de Ses enfants de façon à empêcher la mauvaise influence des nations sur eux. À leur arrivée en Égypte, ils ne comptaient que soixante-dix personnes, alors qu’une fois installés dans ce pays, ils se multiplièrent soudain miraculeusement, les femmes donnant naissance à des sextuplés. Eût été le cas en Canaan, certains d’entre eux y seraient peut-être restés et se seraient intégrés aux autres peuples. C’est pourquoi D.ieu ne leur permit pas d’avoir plus d’enfants jusqu’à ce qu’ils descendent en Égypte avec Yaakov. Aux côtés du Tsadik, ils ne risquaient pas d’être influencés par la conduite des non-Juifs.
Les Égyptiens adoraient le bétail et il était donc interdit d’être berger. Les animaux étaient dispersés dans tout le pays. Pourtant, il est écrit : « Nomme-les inspecteurs des bestiaux sur mon domaine. » (Béréchit 47, 6) Comment expliquer que Paro voulût nommer les frères de Yossef bergers de son bétail ?
Nos Maîtres enseignent (Béréchit Rabba 68, 6) : « Tant qu’un Juste habite dans une ville, il est sa beauté, son éclat et sa majesté ; quand il la quitte, sa beauté, son éclat et sa majesté lui font défaut. » En d’autres termes, le Tsadik exerce une influence sur les habitants de sa ville, qui s’inspirent de son comportement, étudient la Torah et font de bons actes comme lui. De même, ils affirment (Soucca 56b) : « Bonheur au Juste, bonheur à son voisin. » Aussi, quand Yaakov arriva en Égypte, ses habitants cessèrent leur culte pour le bétail.
Lorsque Paro fit entrer les enfants d’Israël chez lui, ils perçurent le danger menaçant de se souiller dans cette terre impure. Aussi décidèrent-ils immédiatement de placer des barrières autour d’eux pour éviter de tomber dans cet écueil. Ils se mirent à l’écart de l’immoralité et conservèrent leurs noms, leur langue et leurs habitudes vestimentaires (Léka’h Tov, Chémot 6, 6), mérites qui leur donnèrent plus tard droit à la délivrance.
Nous en déduisons que, si des impies comme les Égyptiens furent influencés par la conduite de Yaakov et de sa famille et cessèrent de pratiquer l’idolâtrie, a fortiori nous pouvons bénéficier de l’ascendant positif de nos Maîtres, en particulier lorsqu’ils nous adressent des sermons. Malheureusement, certains ont alors tendance à s’endormir – « Celui qui ferme l’oreille aux leçons de la Torah » (Michlé 28, 9) –, alors que c’est l’heure la plus propice pour se repentir, puisque le Saint béni soit-Il absout alors les péchés de Son peuple (Midrach Michlé 10).
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Pour que le rêve ne devienne pas un cauchemar
Une femme catastrophée me téléphona pour me raconter que son mari avait quitté le chemin de la Torah.
Ils étaient mariés depuis de longues années et avaient été comblés de tout ce que l’on peut souhaiter : des enfants, la richesse, les honneurs. Mais, au lieu d’être reconnaissant envers le Créateur et de redoubler d’enthousiasme dans l’observance des mitsvot, son mari avait au contraire choisi de s’en éloigner. Et, plus le temps passait, plus ce fossé grandissait.
Cela me fit beaucoup de peine, mais il me vint à l’esprit que si j’en discutais seul à seul avec son mari, je pourrais peut-être, avec l’aide de D.ieu, le ramener à de meilleures résolutions.
Je demandai donc à cette femme de prier son mari de venir me voir, en lui expliquant que je désirais m’entretenir avec lui.
Connaissant bien son mari, elle craignit qu’il ne refuse, mais, dans Sa grande bonté, D.ieu l’aida en ce sens, du fait de la pureté de ses intentions.
La nuit suivante, son mari eut beaucoup de mal à s’endormir. Lorsqu’enfin, il sombra dans un profond sommeil, il rêva de moi. Je lui criai : « Pourquoi est-ce que tu as quitté la voie de la Torah et t’es révolté contre D.ieu ? Comment oses-tu transgresser les mitsvot de la Torah ? Tu n’as pas honte ? » Dans son rêve, ces paroles furent suivies de coups violents.
Quand il se réveilla le lendemain, encore sous le choc, il raconta à sa femme son rêve et celle-ci lui suggéra avec finesse de venir me le raconter en personne, puisque c’était moi qu’il avait vu dans son rêve.
Lorsqu’il se présenta à moi, je le réprimandai pour ses mauvaises actions et insistai pour qu’il se repente. Il accepta finalement mes paroles et me promit de ne pas retomber dans le péché. Grâce à D.ieu, il se reprit et recommença à avancer dans la bonne voie.
LES VOIES DES JUSTES
Tout homme doit veiller à ne pas agir de manière à laisser penser aux autres qu’il a transgressé la volonté divine. De même qu’il nous incombe de nous rendre quittes de nos obligations envers l’Éternel, nous devons aussi l’être aux yeux d’autrui.
Le ‘Hatam Sofer écrit qu’il est plus facile d’être quitte de ses obligations vis-à-vis de D.ieu que de l’être aux yeux de notre prochain. Il est possible que le roi Chlomo y fît allusion à travers son affirmation « Il n’est pas d’homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir ».
D’après le Méïri, si quelqu’un agit sciemment de façon à éveiller les soupçons des autres, il n’est pas interdit de le soupçonner.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « La parole de l’Éternel me fut adressée en ces termes : “Or, toi, fils de l’homme (…).” » (Yé’hezkel chap. 37)
Lien avec la paracha : la haftara mentionne les royaumes de Yéhouda et de Yossef qui finiront par se réunir, comme il est dit : « Or toi, fils de l’homme, prends une pièce de bois et écris dessus : “Pour Yéhouda et pour les enfants d’Israël, ses associés.” Puis, prends une autre pièce de bois et écris dessus : “Pour Yossef (…)” et elles seront réunies dans ta main. »
C’est également le sujet de notre paracha, où Yéhouda combat pour sauver son frère Binyamin et où, finalement, toutes les tribus se réunissent avec Yossef le juste, vice-roi d’Égypte.
PAROLES DE TSADIKIM
Une bénédiction pour la longévité
Quand Rabbi Arié Leib Guinsbourg zatsal, auteur du Chaagat Arié, fut élu comme Rav de Metz, certains membres de la communauté exprimèrent leur inquiétude du fait qu’il avait déjà soixante-dix ans.
Dans une intervention publique lors de son intronisation, le Sage les rassura. Il s’interrogea tout d’abord sur le curieux accueil de Paro à Yaakov lorsqu’il s’enquit d’emblée de son âge, conduite ne convenant pas à une première rencontre. La réponse du patriarche, ajouta-t-il, n’est pas moins étonnante : pourquoi se plaignit-il de ses malheurs et en quoi cela intéressait-il le roi d’Égypte ?
Il expliqua que Paro savait que l’abondance connue alors par l’Égypte était à créditer au mérite de Yaakov ; craignant que sa vieillesse annonçât sa fin proche, il lui demanda son âge. Ce dernier, qui comprit son souci, lui répondit qu’il n’était pas aussi âgé qu’il en avait l’air et n’avait pas encore atteint l’âge de ses pères. Son aspect était le résultat des malheurs qu’il avait dû endurer.
« Moi aussi, poursuivit le Rav, j’ai vécu des jours difficiles. J’ai été critiqué et j’ai dû déménager, ce qui a contribué à mon vieillissement. Mais, je vous assure que j’ai encore de longs jours à vivre à vos côtés. »
Avant cela, il remplissait les fonctions de Roch Yéchiva à Minsk, où des hommes contestèrent son autorité au point qu’il fut finalement contraint de quitter la ville. Cependant, une femme pieuse, nommée Bloumka Weilankin, le défendait et le soutenait financièrement.
Elle fit construire pour lui un beit hamidrach qui, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, porta son nom. Plus tard, au sein de ce lieu d’étude, elle soutint la fondation d’une Yéchiva, où étudièrent Rav ‘Haïm Volozhin et ses élèves et qui fut présidée par d’éminents érudits.
On raconte que le Chaagat Arié bénit cette femme en lui souhaitant d’avoir le mérite de faire bâtir une synagogue à Minsk et une autre en Terre Sainte. De nombreuses années plus tard, alors qu’elle approchait des quatre-vingts ans, elle désira s’installer en Israël pour réaliser la bénédiction du Rav. Elle prit conseil auprès de Rav ‘Haïm de Volozhin, qui lui répondit : « Si tu as l’assurance du Tsadik, pourquoi te dépêcher de voyager ? Qui sait combien tu vivras encore après avoir accompli cela ? Il est préférable d’attendre encore et tu verras par la suite quand viendra le moment propice. »
Elle suivit ce conseil et resta à Minsk. Plusieurs années plus tard, lorsqu’elle atteignit un âge encore plus avancé, elle décida de monter en Terre Sainte. Elle y entreprit la fondation d’une synagogue, conformément à la bénédiction qu’elle avait reçue. À peine cet édifice fut-il achevé qu’elle rendit l’âme à son Créateur…
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Pleurer la ruine du Temple
« Il se jeta au cou de Binyamin son frère et pleura. » (Béréchit 45, 14)
Rachi explique que Yossef pleura sur les deux Temples qui se trouveront dans le territoire de Binyamin et seront détruits, tandis que ce dernier pleura sur le sanctuaire de Chilo qui sera dans le territoire de Yossef et sera détruit.
Pourquoi versèrent-ils à ce moment des larmes pour les destructions de ces sanctuaires ? En outre, pourquoi chacun des frères se lamenta-t-il sur la ruine qui aurait lieu sur le territoire de l’autre ?
Dans son commentaire sur la Torah, le ‘Hafets ‘Haïm explique le verset « Yossef dit à ses frères : “Je suis Yossef.ˮ » Depuis la première venue des fils de Yaakov en Égypte, ils se posèrent de nombreuses questions au sujet de cet étrange vice-roi qui les soupçonnait d’espionnage et leur parlait si durement. À leur deuxième visite, ils se demandèrent ce que le Créateur leur faisait ainsi subir. Soudain, lorsque Yossef leur révéla son identité en prononçant ces deux mots, tout s’éclaircit. De même, au moment où l’humanité entendra les deux mots « Je suis l’Éternel », tous comprendront rétrospectivement l’enchaînement des divers événements de leur vie, jusqu’alors énigmatique, et y percevront clairement la bonté de la main divine.
Naturellement, des retrouvailles entre frères, après une séparation de vingt-deux ans, devaient être accompagnées de larmes. Toutefois, ils savaient que cette longue séparation avait été décrétée par D.ieu et visait leur intérêt. Aussi, se gardèrent-ils de pleurer à ce sujet. Néanmoins, incapables de retenir totalement leurs larmes, ils les dirigèrent vers la destruction des sanctuaires.
Ils choisirent de pleurer précisément pour cela, parce que leur désunion résultait de la haine gratuite régnant entre eux, péché également à l’origine de la destruction du second Temple (cf. Yoma 9b). De plus, chacun se lamenta sur la ruine qui aurait lieu dans le territoire de l’autre, afin d’apporter une réparation complète à cette faute.
Quant à Yaakov, il se trouvait à un niveau si élevé qu’il n’avait même pas besoin de pleurer lors de ses retrouvailles avec Yossef. Pleinement conscient que tout était le fruit de la volonté divine, il récita, à ce moment, le Chéma, attestant l’unicité de D.ieu.
LA CHÉMITA
Durant la chémita, certains interdisent de pulvériser de l’insecticide sur les arbres attaqués par des vers. A fortiori, on n’a pas le droit de le faire en guise de prévention. D’après d’autres, cela n’est prohibé que si le but est d’améliorer l’état de l’arbre, mais, si on ne cherche qu’à le préserver de dommages, c’est permis. Ainsi, si des spécialistes affirment que l’arbre risque de dépérir ou que la plupart de ses fruits se gâteraient, on pourra y pulvériser de l’insecticide, de préférence par le biais d’un non-Juif. D’autres ne sont pas de cet avis. Les lois de la chémita étant, à notre époque, midérabanan, il y a lieu de se montrer indulgent à cet égard. Toutefois, avant d’y procéder, on s’assurera que c’est indispensable à la survie des fruits et des légumes et qu’on ne le fait pas uniquement par précaution, comme les autres années. À l’heure actuelle où les champs agricoles sont attaqués par de nombreux insectes et situés très proches les uns des autres, ces pulvérisations sont presque toujours vitales à la production.
Pendant la chémita, il est permis de piéger normalement des souris qui attaquent les arbres. On a même le droit de placer un piège dans le champ accolé à un verger. On peut également mettre du poison dans le verger pour éviter que les arbres soient endommagés par des souris.
Si, dans son champ, de mauvaises herbes empêchent les plantes de bien grandir et qu’il est clair que, sans intervention, elles connaîtront un grand dommage, on a le droit de pulvériser du désherbant. Si cette méthode ne s’avère pas efficace, la taille est autorisée, même avec un sécateur ordinaire, à condition de faire attention de ne pas labourer le sol. En cas de réelle nécessité, on pourra même avoir recours à des outils agricoles ordinaires, comme un couteau qui ne retourne pas le sol. Cependant, on ne tranchera pas seul, mais chaque cas sera soumis à une autorité rabbinique.
Il est permis de nettoyer le jardin de notre cour et d’en retirer toute la saleté, tant que notre intention n’est pas de préparer le terrain pour semer. De même, on a le droit de rassembler les déchets des arbres du jardin à l’aide d’un balai ou d’un balai ramasseur, ainsi que d’enlever les pierres, tant qu’on ne le fait pas en vue de travailler la terre. Enfin, il est autorisé de déraciner des herbes ou des chardons, afin de pouvoir s’asseoir dans son jardin ou le traverser. Il est recommandé d’y placer une table et des chaises pour prouver notre intention d’utiliser la cour, et non pas de préparer le terrain à l’agriculture. Néanmoins, d’après la stricte loi, ces signes ne sont pas nécessaires concernant la cour d’une maison, car l’intention du propriétaire est évidente.
EN SOUVENIR DU JUSTE
Rabbi ‘Haïm Todros Taflinsky zatsal
Le quartier de Baté Vitenberg de Jérusalem eut le privilège de voir grandir des Juifs d’un niveau exceptionnel, des Justes et des érudits, exclusivement plongés dans l’étude de la Torah et le service divin. Parmi eux se distingua l’éminente personnalité de Rabbi ‘Haïm Todros Taflinsky zatsal, qui faisait tout pour qu’on ne le considère pas comme tel.
Sa conduite, bien particulière, constitue pour nous un rappel à l’ordre de notre devoir de respecter tout Juif, même s’il semble, en apparence, simple. Alors qu’il comptait parmi les Tsadikim cachés de sa génération, son comportement semblait prouver le contraire, si bien que, par ignorance, certains en venaient à le mépriser. En outre, le peu qu’on connut de sa grandeur n’en représentait qu’une infime portion.
Dans sa jeunesse, il parvint déjà à terminer l’étude de l’ensemble du Chass. Un peu plus tard, il maîtrisait tous les domaines de la Torah, le Choul’han Aroukh, la kabbale, le Zohar, etc. À un âge plus mûr, il s’imposa des périodes de retrait et se voua exclusivement à l’étude et à la prière, en totale rupture avec les vanités de ce monde.
Ceux qui le connaissaient de près savaient qu’ils avaient affaire à un Juif saint, capable d’amener des délivrances tout à fait miraculeuses par sa prière. Pour des raisons mystérieuses, il avait l’habitude de se faire passer pour le commun des mortels, ayant recours à toutes sortes de techniques pour qu’on le prenne pour un pauvre homme, intérieurement brisé.
De grands Tsadikim, célèbres ou cachés comme lui, s’étaient liés d’amitié avec Rabbi ‘Haïm, avec lequel ils s’entretenaient de paroles de Torah. Cependant, il veillait à dissimuler l’estime qu’ils lui portaient, tout comme sa grandeur. Il se conduisait avec une telle simplicité qu’il était difficile de lui témoigner des égards. Il étudiait souvent la Torah avec une grande ferveur, mais, dès l’instant où des gens entraient dans sa demeure, il s’empressait de fermer ses livres et feignait d’être ivre ou désœuvré.
Son habitude de s’auto-mépriser causait aux autres de grandes difficultés à savoir ce qui se cachait derrière cette façade. Parfois, il faisait mine d’être un ignorant, attitude déshonorante que peu de personnes sont capables d’adopter. Un jour, il avoua à ses disciples : « Pensez-vous qu’il m’est facile de me faire passer pour un ivrogne, de me dénigrer et d’encourager les gens à me décrier ? Mais que faire ? On a publié ma piété, alors je m’enfuis. »
Un de ses élèves raconta : « Une fois, je marchais avec Rabbi ‘Haïm dans la rue quand, soudain, un vieillard juif s’approcha de lui et lui tendit le kvitel [demande formulée à un Rav sur papier] d’un homme ayant besoin d’un grand salut. Mon Maître regarda le papier qu’il déchira aussitôt en deux. Le vieillard lui jeta un regard méprisant et dit : “Fou !ˮ Rabbi ‘Haïm me souffla avec douceur : “Il pense sûrement que je suis devenu fou, mais, s’il avait su qu’en déchirant ce papier, j’ai déchiré le décret pesant sur cet individu, il aurait réagi autrement.ˮ »
Un jour, Rabbi ‘Haïm se rendit à Nétivot et rejoignit la demeure de Rabbi Israël Abou’hatséra zatsal. Le Tsadik était en train de faire une séoudat mitsva, en compagnie de nombreux Sages, invités à sa table. Subitement, Rabbi ‘Haïm monta sur la table et se mit à y danser. L’un des assistants le prit pour un fou et lui ordonna sévèrement de descendre par respect pour le Sage. Toutefois, celui-ci le gronda et le renvoya, alors qu’il enjoignit à Rabbi ‘Haïm de poursuivre à son gré sa danse.
Baba Salé s’expliqua ensuite à son gendre, Rabbi David Yéhoudayof zatsal, auquel il chuchota à l’oreille : « Sache qu’un très grave décret avait été prononcé et que Rabbi ‘Haïm a dansé jusqu’à parvenir à l’annuler. » Puis, il continua à s’exprimer avec émerveillement sur chaque geste effectué par ce dernier dans ce but.
Vers la fin de sa vie, Rabbi ‘Haïm parlait souvent de son pressentiment qu’un grand tremblement de terre allait survenir et causer la mort de milliers de Juifs. Un jour, il confia à l’un des membres de sa famille : « Désolé, je vais devoir vous quitter. Je ne pourrais supporter cette tragédie. » Et effectivement, quelques jours plus tard, le 7 Tévèt, son âme rejoignit les sphères célestes.