Behoukotaï 28 Mai 2022 כ"ז אייר התשפ"ב |
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Comment éveiller la racine supérieure de la mitsva
Rabbi David Hanania Pinto
« Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez. » (Vayikra 26, 3)
Citant le Midrach, Rachi commente : « “Si vous vous conduisez selon Mes loisˮ : étudiez la Torah avec assiduité. » Pourquoi l’Éternel exige-t-Il que nous l’étudiions de cette manière ? Ne suffit-il pas de l’étudier simplement ? Et pourquoi toutes les promesses mentionnées dans la Torah ne sont-elles octroyées qu’à celui qui se voue à l’étude de la Torah avec ardeur ?
En préambule, rapportons les paroles du Zohar : « Balak était un sage et un plus grand magicien que Bilam. Ceci nous enseigne que dans tout acte entrepris dans ce monde pour servir le Saint béni soit-Il, l’homme doit éveiller, par l’acte de la mitsva accompli ici-bas, sa racine supérieure. Et cet acte réalisé sur terre doit être effectué dans la sainteté. Lorsque la mitsva n’est pas observée par un acte, elle l’est par le biais de la parole et c’est alors celle-ci qui doit éveiller la racine supérieure de la mitsva. »
Le Zohar poursuit : « De même qu’il nous incombe d’éveiller la sainteté supérieure par l’acte ou la parole, les représentants de l’impureté, eux aussi, peuvent éveiller celle-ci par l’acte ou la parole. Bien que Bilam fût un grand sorcier, qui dépassait tous ceux du monde, Balak l’était encore davantage. Il existe deux types de magie : kessem, dans lequel Balak surpassait tous les autres, et na’hach, dans lequel se distinguait Bilam. Tandis que le premier passe par l’acte, le second se suffit du regard et de la parole. Les magiciens attirent ainsi sur eux un souffle d’impureté qui leur permet de causer des préjudices aux hommes. »
Le peuple juif n’agit pas ainsi, comme il est dit : « Il ne faut point de magie (na’hach) à Yaakov, point de sortilège (kessem) à Israël. » (Bamidbar 23, 23) Aucun de ces deux types de sorcellerie n’existe chez les enfants d’Israël. En effet, tous sont saints et tous leurs actes visent à éveiller un souffle de sainteté, qui vient ensuite les envelopper.
Dès lors, nous comprenons pourquoi nous ne pouvons nous contenter d’étudier la Torah, mais il nous appartient de nous atteler assidûment à cette tâche. Car, seulement de cette manière, notre étude réalisée dans ce monde est en mesure d’éveiller la racine supérieure de cette mitsva.
Ce principe se vérifie d’autant plus lorsque l’étude assidue de la Torah est entourée de sainteté. Le cas échéant, il est certain qu’elle a le pouvoir d’éveiller sa racine supérieure et d’entraîner, sur terre, une influence céleste qui investira l’homme étudiant avec ferveur. Nos Sages affirment à cet égard que, pour ce dernier, la Torah est comme un véritable vêtement.
Mais, le pouvoir de l’étude assidue d’un homme va encore plus loin. Elle éveille les racines supérieures de toutes ses mitsvot accomplies dans ce monde et renforce le lien de l’homme à celles-ci. Comme l’enseignent nos Sages, si la Torah elle-même, donnée à l’homme, ne se trouve plus dans les cieux, néanmoins, son impression y persiste encore depuis le don de la Torah, lors duquel le Saint béni soit-Il l’étudia avec Moché. Cette impression persistante, une fois éveillée, peut nous influencer.
Par conséquent, l’étude assidue de la Torah réalisée sur terre éveille la racine supérieure de cette mitsva. Nous avons donc tout intérêt à nous y consacrer pleinement et nous jouirons alors d’influences célestes positives, qui prendront la forme d’un vêtement spirituel, la « tunique des Maîtres » – apanage de celui qui s’attelle à l’étude de tout son être.
PAROLES DE TSADIKIM
La leçon du covid-19
Dans son discours de renforcement, Rabbi Chimon Galaï chelita cita les commentateurs qui expliquent que le Saint béni soit-Il frappa les Égyptiens afin de les réveiller et que, lorsqu’Il frappe le peuple juif, c’est aussi pour nous réveiller. Quand un père frappe son fils, s’il est déjà réveillé, c’est pour lui faire mal et, s’il dort, c’est pour le réveiller. D.ieu nous a administré un coup douloureux. Or, Il affirme : « Je suis avec lui dans la détresse. » Il est donc évident que Son intention n’est pas de nous faire du mal, mais uniquement de nous secouer.
Si les calculs divins nous échappent, la raison de l’épidémie du covid-19 est néanmoins évidente : elle a pour but de nous bousculer. À l’époque des prophètes, l’Éternel prévint Ses enfants que s’ils n’écoutaient pas leurs avertissements, Il serait contraint de les frapper afin de les réveiller de leur torpeur.
D’après Rav Galaï, il nous incombe de nous renforcer dans nos relations avec autrui, en particulier en nous gardant de médire de lui.
Cette dernière année, nous avons entendu la voix divine nous interpeller – « Réveille-toi ! » Tellement de personnes sont tombées malades ! Jusqu’à présent, qui avait déjà entendu parler d’appareil respiratoire ou d’ECMO ? Combien d’appels téléphoniques implorants ai-je reçus ! « Rav, veuillez bien prier pour nous ! Nous avons du mal à respirer ! » Nous avons toujours cru que la respiration était une faculté évidente et, soudain, nous réalisons que c’est D.ieu, miséricordieux, qui nous l’accorde, comme se l’est exclamé Rav Avramsky : « Quel privilège que de pouvoir respirer ! “Mais moi, grâce à Ton immense bonté (…).ˮ »
« Un jour, je remarquai que l’un des fidèles de notre synagogue avait, dans le sac de son talit et ses téfillin, un bracelet d’hôpital. Je l’interrogeai à ce sujet et il m’expliqua : “J’étais hospitalisé pendant plusieurs jours et, grâce à D.ieu, j’ai pu être libéré. Comment me souvenir de remercier le Saint béni soit-Il pour cela ? En plaçant ce bracelet avec mes téfillin et mon talit. Ainsi, chaque matin, quand je vais à la synagogue, je me souviens de la bonté de l’Éternel, qui m’a permis de sortir de l’hôpital.ˮ »
Quelle leçon doit-on tirer de cette épidémie ? Il faut prendre conscience du grand cadeau que représente la possibilité de se rendre à la synagogue. Il convient aussi de se souvenir que ce lieu est réservé à la prière, surtout à l’heure des offices. Combien de mois avons-nous été privés du privilège de nous réunir à la synagogue ! Par ailleurs, nous devons nous rappeler que c’est une grande chance que de pouvoir respirer de manière autonome. En nous envoyant cette épidémie, le Créateur désirait nous faire prendre conscience du fait que ce qui nous paraît si simple ne l’est pas réellement, mais fait partie des multiples bontés qu’Il déverse sur nous.
Il est très important de renforcer en nous ce sentiment de reconnaissance pour la délivrance que l’Éternel nous a accordée et de savoir désormais que tout ce qui, auparavant, nous semblait évident est loin de l’être. Nous devons tirer une leçon pratique de cette année de corona. Le matin, lorsque nous nous levons et disons « Je Te remercie, Roi éternel, qui m’as rendu mon âme », nous devons le faire d’une autre manière, après avoir compris ce que représente la respiration et combien de Juifs ont souffert parce qu’ils ne parvenaient pas à respirer. Nous ne pouvons pas rester les mêmes hommes que dans le passé. Merci, Créateur, de nous permettre de respirer !
« Il s’agit de remercier pour le passé et de supplier pour l’avenir ! » s’écrie Rav Galaï, en conclusion. A priori, cela contredit les normes de politesse : l’Éternel nous a déjà comblés de bienfaits, comment donc Lui en réclamer d’autres pour l’avenir ? En réalité, le fait de Lui demander de continuer à nous accorder Sa grâce est l’expression la plus éloquente de notre reconnaissance. Comme l’a affirmé le Rav Its’hak Hutner zatsal, le terme hodaa renvoie à la fois au remerciement et au fait de reconnaître. Nous remercions l’Éternel pour toutes Ses bontés à notre égard et L’implorons pour l’avenir, conscients que Lui seul est en mesure de nous donner ce dont nous avons besoin. C’est pourquoi nous Lui demandons de continuer à déverser sur nous tout le bien.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
La brakha avant la crise
Gabby Elbaz, un proche élève, m’a raconté qu’un Juif marseillais l’avait abordé pour lui demander s’il étudiait dans la Yéchiva du Rav Pinto. La réponse étant affirmative, cet homme lui raconta son histoire :
« Il y a quelques années, j’ai entendu dire, à Marseille, que le Rav Pinto chelita était de passage et recevait le public. Je me présentai également, dans l’espoir d’être reçu. Après avoir attendu mon tour, je m’approchai du Rav, qui leva sa main et me bénit en me souhaitant une bonne santé et que le Ciel me protège.
« Cette brakha m’étonna quelque peu : j’étais jeune et en parfaite santé. Pourtant, le même soir, j’en compris le sens : j’étais tranquillement assis à table en train de manger lorsque, soudain, sans aucun signe avant-coureur, je fus victime d’une attaque cardiaque.
« Aussitôt, la brakha du Rav me revint à l’esprit et me redonna l’espoir de guérir, grâce à cette bénédiction reçue le même jour. »
Ainsi se conclut ce témoignage, qui est indéniablement aussi celui de la foi pure de cet homme dans une brakha et des paroles dont la portée lui avait sur le moment échappé – foi qui, certainement, lui valut la protection et la survie.
LA CHÉMITA
On a le droit de consommer les produits de la septième année tant qu’il y en a encore dans les champs. Mais, dès qu’une certaine espèce est épuisée, on est tenu de mettre à la libre disposition du public tout ce qui nous reste dans notre demeure, comme il est dit : « Ton bétail même, ainsi que les bêtes sauvages de ton pays, pourront se nourrir de tous ces produits. » (Vayikra 25, 7) Nos Sages expliquent en effet que tant que les animaux se nourrissent d’une certaine espèce dans les champs, nous pouvons en garder chez nous et en manger, mais, dès qu’ils n’en trouvent plus, nous devons nous débarrasser de ceux en notre possession, desquels il nous est désormais interdit de profiter, à nous seuls. C’est ce qu’on appelle le zman habïour. De quelle manière pratique-t-on le bïour ? En les rendant publics.
Cette obligation ne s’applique qu’aux fruits et légumes dotés de la sainteté de la septième année. Bien que l’année de chémita commence le 1er Tichri et se termine le 29 Eloul, la sainteté des produits dépend du moment de leur pousse. Autrement dit les fruits, les céréales et les légumineuses qui ont commencé à pousser [suffisamment pour que s’y applique l’obligation de prélèvement] avant Roch Hachana de la septième année, ne sont pas dotés de sainteté, même si on les cueille pendant cette année. Mais, s’ils ont atteint ce stade de maturité après Roch Hachana de la septième année, ils sont dotés de sainteté et doivent être traités conformément à cela. L’interdit de séfi’hin s’applique également aux céréales et aux légumineuses.
L’obligation de rendre publics les produits dont le zman habïour est arrivé ne s’applique qu’à ceux dotés de la sainteté de la septième année, c’est-à-dire qui ont poussé, mûri et bourgeonné pendant la septième année, et qui ont été cueillis à un certain moment. C’est pourquoi des fruits qui ont mûri durant la chémita et ont été cueillis de l’arbre seulement la huitième année devront être rendus publics, même durant cette année-là.
Les agrumes qui ont commencé à pousser pendant la sixième année et ont été cueillis la septième ne sont pas dotés de sainteté et sont soumis à l’obligation des différents prélèvements. Cependant, s’ils ont atteint ce stade de maturité durant la septième année, ils sont dotés de sainteté, même s’ils n’ont été cueillis que la huitième. Ils sont alors exempts de l’obligation des prélèvements, comme tous les produits de la septième année rendus publics par leur propriétaire.
La mitsva de mettre à la libre disposition du public les produits de la septième année ne s’applique qu’à la récolte elle-même, c’est-à-dire aux fruits et aux légumes, et non pas aux branches, aux feuilles et au bois.
Si le zman habïour est passé et qu’on n’a pas rendu publics nos produits à ce moment-là, on devra les brûler et ils seront interdits à tous à la consommation. Néanmoins, si on a oublié de les rendre publics ou ne l’a pas fait pour une raison de force majeure, on pourra le faire dès qu’on s’en souvient ou en a la possibilité, et les fruits seront permis à la consommation.
Il faut rendre ces produits publics en présence de trois personnes (trois amis). D’après certains, on doit les sortir de sa demeure, les déposer sur son seuil et déclarer : « Mes frères juifs, quiconque veut en prendre en a l’autorisation. » Puis on les remet de nouveau chez soi et on a le droit d’en consommer jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Selon d’autres, il n’est pas nécessaire de les sortir de son domaine au domaine public et il suffit d’annoncer devant trois hommes qu’on les rend publics. Telle est la stricte loi.
Même après qu’on a rendu ces produits publics et en a fait profiter autrui ou consommé soi-même, on doit leur appliquer les règles de sainteté des produits de la septième année.
De même que les fruits de la septième année doivent être mis à la disposition du public quand arrive leur zman habïour, l’argent reçu en échange de ceux-ci est soumis à la même obligation. Par exemple, l’argent gagné par la vente de raisins devra être rendu public au zman habïour du raisin.
Que faire avec des fruits dont on ne connaît pas avec certitude le zman habïour ? D’après un avis, il faut les rendre publics dès l’instant où on pense que celui-ci est arrivé. Une fois ceci accompli, il sera permis d’en profiter soi-même et d’en manger. Ensuite, le lendemain, on devra procéder une nouvelle fois à cela – les rendre publics et en profiter après. On répétera ceci tous les jours jusqu’à ce qu’on soit sûr que le zman habïour est passé. D’après une autre opinion, lorsqu’on ne sait pas exactement quand est le zman habïour d’une espèce donnée, il ne sert à rien de rendre les produits publics si on en profite ensuite ; il faut les rendre publics et ne pas en profiter jusqu’à ce qu’on soit sûr que leur zman habïour est arrivé.
Ceci étant difficile à réaliser, on a pris l’habitude de rendre les produits publics dès qu’on suppose que leur zman habïour est peut-être arrivé, et de les entreposer chez soi en tant que bien public, c’est-à-dire avec l’intention de ne pas en profiter tant qu’on a un doute à ce sujet. Lorsqu’on rend ces produits publics, on doit affirmer que, bien qu’on les garde dans sa demeure, ils sont à la disposition de tout le monde et que chacun peut s’en servir à tout moment.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La matérialité au service des mitsvot
« Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez. » (Vayikra 26, 3)
Nos Sages (Brakhot 64a) font l’éloge des érudits en soulignant qu’ils « n’ont de repos ni dans ce monde ni dans le suivant ». Rachi explique qu’ils se rendent d’une Yéchiva à l’autre et d’un lieu d’étude à l’autre, tel étant le sens du verset « Si vous vous conduisez selon Mes lois ». Celui qui observe cet ordre, c’est-à-dire s’attelle à l’étude de la Torah, aura l’opportunité d’accomplir les mitsvot – « si vous gardez Mes préceptes et les exécutez ». L’homme ayant l’habitude d’étudier en viendra à observer les mitsvot. Par contre, celui qui est plongé dans les vanités de ce monde ne sera pas entraîné à exécuter des mitsvot, parce qu’il ne se donne pas du tout la peine de les étudier. Tel est le sens de l’enseignement de nos Maîtres « La récompense d’une mitsva est une mitsva » : quand l’homme s’adonne à la mitsva de l’étude, le Saint béni soit-Il fait en sorte qu’il puisse aussi accomplir toutes les autres et, par ce biais, sa récompense dans le monde futur augmente.
Comment parvenir à observer l’ensemble des mitsvot ? En étudiant la Torah dans l’intention de mettre en pratique ses enseignements, comme l’explique Rachi. L’Éternel accorde à l’homme la vie dans ce monde, afin qu’il puisse y accomplir toutes les mitsvot. Nombre d’entre elles dépendent en effet de la matière, comme celles de lékèt, chikh’ha et péa, des prélèvements, des prémices, etc. L’étude de la Torah conduisant à la pratique des mitsvot, le Créateur accorde des biens matériels à celui qui se voue à l’étude, non pas en guise de récompense, mais pour lui permettre d’observer les mitsvot.
C’est pourquoi il est dit « Je donnerai vos pluies en leur saison ». Celles-ci font référence à la matérialité, que l’Éternel donne à l’homme pour l’accomplissement des mitsvot. Or, lorsqu’Il ouvre Son trésor, Il déverse généreusement l’abondance sur l’homme, comme l’a affirmé le prophète : « Je répandrai sur vous la bénédiction au-delà de toute mesure. » (Malakhi 3, 10) Il accorde à l’homme bien davantage que ce dont il a besoin pour exécuter les mitsvot. Il ne cesse de lui donner, parce qu’il est méritant.
Par contre, celui qui ne se voue pas assidûment à l’étude n’est pas digne de recevoir toute cette profusion matérielle, puisqu’il ne l’utiliserait pas pour l’accomplissement des mitsvot. Lors du jugement céleste, après cent vingt ans, on ne pourra prétendre ne pas avoir fait les mitsvot, de son vivant, à cause de la pauvreté. Car ce manque de moyens est la preuve qu’on ne s’est pas suffisamment impliqué dans l’étude de la Torah, celle-ci assurant une situation matérielle honorable permettant d’observer les mitsvot. En effet, comme nous l’avons expliqué, le Saint béni soit-Il n’accorde à l’homme la richesse que dans ce but.
On pourrait objecter que de nombreuses personnes qui n’étudient pas sont pourtant aisées. Les Tosfot ont déjà répondu à cette question : « Le Saint béni soit-Il a créé trois cadeaux dans ce monde : la sagesse, la vaillance et la richesse. Celui qui reçoit l’un les reçoit tous. » Quand donc ? Lorsqu’ils découlent de la force de la Torah et de la crainte de D.ieu. Mais, si elles proviennent d’une autre source, la force et la fortune de l’homme ne lui sont d’aucune utilité. Le prophète Yirmiya (9, 22) affirme à ce sujet : « Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le vaillant ne se glorifie pas de sa vaillance, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse ! Que celui qui se glorifie se glorifie uniquement de ceci : d’être assez intelligent pour Me comprendre. »
EN SOUVENIR DU JUSTE
Rabbi Chlomo Eliezer Alfandri zatsal
Rav Chlomo Eliezer Alfandri zatsal était l’une des plus remarquables figures des grands Maîtres des dernières générations. Vénéré par les Sages de l’Orient comme par ceux de l’Occident, tous affluaient vers sa porte, sépharades comme achkénazes, Admourim et érudits de Lituanie. Dès sa jeunesse, il était en relations épistolaires avec deux Guéonim : Rabbi Akiva Eiger et son gendre, le ‘Hatam Sofer. Il remplit les fonctions de Grand Rabbin de Damas et de Tsfat et, vers la fin de sa vie, s’installa à Jérusalem, où il continua à diffuser autour de lui l’éclat de ses enseignements de Torah et de sa sainteté.
Il naquit environ en 5575 en Turquie, à Istanbul. D’après le ‘Hida, son père, Rabbi Yaakov Alfandri, appartenait à une prestigieuse lignée qui remontait jusqu’à Bétsalel, fils d’Ouri, fils de ‘Hour, de la tribu de Yéhouda.
Dès sa plus tendre jeunesse, il perdit son père. Sa mère, une femme intelligente et studieuse, lui enseigna alors la Torah à ses débuts. Elle jouit, quant à elle, de la longévité et vécut jusqu’à quatre-vingts ans.
Les présidents de la communauté juive de Damas profitèrent des quelques visites de Rabbi Chlomo Eliezer dans leur ville pour se présenter à lui. Impressionnés par sa grandeur en Torah, ils lui proposèrent, au bout de plusieurs années, de présider en tant que Grand Rabbin. Mais, fuyant de telles fonctions, il déclina leur offre.
Son érudition n’avait d’égale que son humilité. Il s’éloignait des postes honorifiques comme le Rabbinat. Il portait des vêtements simples, semblables à ceux du peuple, mais veillait à ce qu’ils soient toujours propres. Il ne mettait pas de chapeau ni de turban, comme les autres Sages de la ville, et ne revêtait pas non plus de longue tunique.
Rav Alfandri était apprécié de tous, Juifs comme non-Juifs. L’une des causes pour laquelle il intervenait avec fermeté, bien qu’il ne fût pas un Rabbin officiel, était l’enrôlement des Juifs de Turquie dans l’armée. La plupart des membres du Conseil spirituel donnèrent à ces derniers la consigne de se mobiliser. Toutefois, Rav Chlomo Eliezer ainsi que deux autres Rabbanim ne signèrent pas cet avis. En outre, il informa les Juifs locaux d’un ancien accord, donné par le gouvernement turc aux immigrants juifs venus suite à l’expulsion d’Espagne, selon lequel nulle contrainte allant à l’encontre de leur religion ne serait exercée contre eux. Or, le recrutement de l’armée n'était pas sans représenter le risque de profaner le Chabbat et de consommer des aliments interdits.
Rav Alfandri apprit une fois que l’un des notables de la communauté, qui était proche du gouvernement, était impliqué dans l’enrôlement des Juifs dans l’armée. Il se rendit alors chez lui et tenta de le convaincre de cesser d’œuvrer dans ce domaine, lui expliquant que cela était en contradiction avec les lois de la Torah. Mais, il ne se contenta pas de cette approche douce et l’avertit que, s’il ne se pliait pas à ses recommandations, il serait sévèrement puni. Or, ce Juif eut l’audace de lui opposer un refus et campa sur ses positions.
Quelque temps plus tard, alors qu’il était en route vers le palais royal pour s’occuper de l’affaire du recrutement des Juifs, il s’évanouit soudainement et mourut. Au moment de l’enterrement, le Rav interdit à tout Sage de prononcer d’éloge funèbre. Les supplications de ses fils et du gouvernement pour l’autoriser s’avérèrent inutiles. Rav Alfandri leur répondit brièvement : « Je suis le serviteur du Roi du monde et je ne recherche que Son honneur ! »
Le roi de Turquie, très irrité de l’intervention du Rav dans le recrutement des Juifs, le convoqua au palais. Cependant, lorsque le Sage se présenta à lui, son allure d’ange de l’Éternel l’empêcha de lui faire le moindre mal.
Rabbi Chlomo Eliezer fut surnommé le « Saba Kadicha ». On raconte que lorsque des élèves de Yéchiva, rasés, venaient le voir pour s’entretenir de paroles de Torah, il refusait de discuter avec eux, leur disant : « D’abord “laisse-moi voir ton visageˮ (c’est-à-dire ta barbe) et, seulement ensuite, “entendre ta voixˮ. » [Cf. Chir Hachirim 2, 14]
Il vécut jusqu’à l’âge avancé de cent quinze ans. Le jour de son enterrement, le mardi 22 Iyar 5690, les Sages de Jérusalem ordonnèrent de cesser tout travail et de fermer les boutiques. Il repose au mont des Oliviers dans le compartiment des pieux.