Choftim 3 Septembre 2022 ז אלול התשפ"ב |
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L’acceptation du joug divin, essentiel du mois d’Éloul
Rabbi David Hanania Pinto
« Tu te donneras un roi. » (Dévarim 17, 15)
Couronner le Saint béni soit-Il et accepter Son joug par l’accomplissement de Ses mitsvot constituent notre raison d’être et, tout particulièrement, l’essence du mois d’Éloul.
Pour réveiller le cœur des hommes, la coutume des communautés juives est de sonner le chofar dès le début de ce mois. Le Rambam explique que ces sonneries ont le pouvoir de secouer les gens, comme si elles lançaient l’appel « Réveillez-vous, les dormeurs, de votre sommeil, ceux qui sont endormis, de votre torpeur ! »
Si, pendant le reste de l’année, le Juif plonge dans la léthargie, en Éloul, D.ieu s’adresse ainsi à lui : « Réveille-toi ! Rapproche-toi de Moi et recherche-Moi, car Je suis proche de toi. Efforce-toi de corriger ta conduite et de te soumettre à Ma royauté. Si tu le fais, Je Me souviendrai positivement de toi et t’inscrirai pour une vie bonne et pacifique. Mais, si tu restes indifférent à cette opportunité de te rapprocher de Moi, refuses de t’améliorer et de M’accepter comme ton D.ieu, pour poursuivre ta routine, ce mépris de ton Roi risquera de te coûter cher. » Tel est le message que l’Éternel adresse à chacun d’entre nous, pendant cette période.
Comment rester indifférents à cet appel, en sachant que, seulement quelques jours plus tard, nous devrons comparaître en justice devant le Créateur et Lui rendre des comptes sur chacun de nos actes ? Comment ne pas craindre d’arriver au jugement sans avocat pour prendre notre défense ? Le roi David lui-même, homme saint et dépourvu de péchés, affirma : « Ma chair frissonne de la terreur que Tu inspires et je redoute Tes jugements. » (Téhilim 119, 120) Que dire de nous, qui commettons tant de péchés ? Combien plus devrions-nous trembler de peur, à l’approche du jugement ! Il nous incombe donc de nous y préparer convenablement, en augmentant nos mérites, qui nous seront d’un grand secours à l’heure critique.
Il y a quelques jours, une femme se présenta à moi quand je recevais le public. Vraisemblablement angoissée, elle tremblait des mains. Inquiet, je me demandais ce qui lui était arrivé. Elle me raconta, en larmes, que les médecins, soupçonnant qu’elle était atteinte de la terrible maladie, lui avaient dit de faire urgemment plusieurs examens. Elle redoutait le pire et attendait impatiemment les résultats. Elle était donc venue me demander une bénédiction pour qu’ils soient bons.
Évidemment, je la bénis de tout mon cœur et la rassurai en lui prononçant des paroles de foi. Mais, en ces instants, j’eus la pensée suivante : « Cette femme avait subi des examens et, apeurée, attendait les résultats. Or, dans quelques jours, nous aussi devrons faire des “examensˮ, puisque D.ieu examinera scrupuleusement nos actes. Nous attendrons ensuite les “résultatsˮ, le dénouement de notre jugement. Comment ne pas être saisis de peur, tout au moins comme cette dame ? Comment rester indifférents et ne pas nous préparer des défenseurs ? Nous avons l’opportunité de nous améliorer, d’adoucir la rigueur de notre sentence par le biais de la prière, de la tsédaka et du repentir. Comment l’homme peut-il ignorer sa piètre situation et ne pas s’efforcer de l’améliorer ? » Voilà les réflexions que me suscita la visite de cette pauvre femme. Pourvu que l’éveil que j’ai éprouvé grâce à elle lui tienne lieu de mérite et contribue à sa guérison !
En réalité, le seul souvenir de tous les malheurs traversés l’année passée devrait nous faire trembler. Combien de gens que l’on côtoyait ont-ils disparu ! Or, tout ceci avait été décrété à Roch Hachana. En ce jour redoutable, D.ieu décide le sort de toutes Ses créatures – qui vivra, qui mourra, qui s’enrichira, qui s’appauvrira, qui mènera une existence paisible et qui une existence agitée, etc. Car, comme nous l’affirmons dans la prière de moussaf : « En ce jour est fixé le sort de chaque pays : lequel verra la guerre, lequel aura la paix, lequel souffrira de la famine ou jouira de l’abondance. En ce jour chaque créature est jugée et destinée à la vie ou à la mort. Qui pourrait se soustraire au recensement de ce jour ? »
Il va sans dire que l’étude de la Torah doit constituer l’essentiel de nos préparatifs au jour du jugement. Il incombe à chacun d’entre nous de s’engager à réserver une plage horaire quotidienne à l’étude. Une telle résolution représente le meilleur avocat, l’étude de la Torah équivalant à toutes les autres mitsvot réunies.
PAROLES DE TSADIKIM
Qui sont les juges et les policiers ?
Un cas intéressant arriva à Bné-Brak. Deux hommes, Réouven et Chimon, achetèrent des billets de loterie. Chacun acheta un billet et racheta à son prochain la moitié du sien, conformément à la Loi.
Après le tirage, Réouven vérifia les résultats et eut la surprise de constater que son ticket était sorti gagnant. Il devait donc remettre la moitié de la somme gagnée à Chimon.
Que fit-il ? Il lui téléphona et lui dit, tout en enregistrant leur conversation : « Je crois que tu n’as pas encore vérifié les résultats du tirage. Moi, je l’ai déjà fait et je voulais t’annoncer que ton billet est sorti gagnant. D’après l’accord que nous avons conclu, tu dois me donner la moitié de ce que tu reçois. »
À l’autre bout du fil, la voix de Chimon, en fureur, retentit : « C’étaient de simples paroles. Je n’avais pas sérieusement l’intention de te vendre la moitié de mon billet… »
Quand il eut terminé d’exposer tous ses arguments, soigneusement enregistrés par Réouven, ce dernier reprit : « Sache qu’en vérité, c’est exactement l’inverse : mon ticket est sorti gagnant et, comme tu viens si bien de l’expliquer, je ne suis pas obligé de te donner la moitié de ce que je vais gagner. »
Les deux hommes se rendirent au Tribunal, qui trancha que Réouven avait le devoir de remettre à Chimon la moitié de l’argent reçu, du fait qu’ils avaient conclu une vente conforme à la Loi.
Rabbi Arié Chakhter zatsal déduit une leçon de morale de cette anecdote. Certes, Réouven a eu recours à une ruse indigne envers son camarade, mais une caractéristique de la nature humaine en ressort clairement : quand autrui est gagnant, on désire recevoir la moitié de ce qu’il gagne, mais quand on est soi-même gagnant, on trouve toutes les raisons du monde pour s’exempter de l’obligation de lui donner la moitié – principe valable pour toute personne ne se travaillant pas.
À travers l’ordre « Tu établiras des juges et des officiers », la Torah nous ordonne de réfléchir sans préjugés. Elle exige que nous fixions dans notre cœur de tels agents, afin de mettre les choses au clair : certaines conduites n’entrent pas en ligne de compte. Même si j’ai envie de mentir, de voler ou de commettre tout autre délit, je ne le ferai pas. Il n’y a même pas à discuter sur ces points.
Lorsque les choses sont claires, nous avons des chances de nous maîtriser au moment de l’épreuve.
Une lutte permanente se tient entre la raison et la passion, cette dernière sortant la plupart du temps gagnante. Par le biais des mitsvot, la Torah nous enseigne comment permettre à la raison de prendre le dessus sur la passion. Par exemple, les interdictions de se venger et de garder rancune sont, a priori, difficiles à réaliser. Elles sembleraient plus adaptées aux anges qu’aux êtres humains, ayant un parti-pris et dotés de sentiments. Pourtant, l’Éternel nous les a données, nous offrant ainsi l’opportunité de subjuguer nos sentiments à notre intellect.
Ajoutons un dernier point important. Chaque fois qu’une dispute éclate, chacune des parties croit avoir raison à cent pour cent. Chacun ne réfléchit que de son point de vue.
Bien souvent, même quand quelqu’un est conscient de s’être mal conduit envers son prochain qui, légitimement, se fâche contre lui, il trouve encore à lui reprocher de s’être fâché plus que nécessaire. Il trouvera cent arguments pour prouver que sa colère était exagérée. Par contre, dans une situation inverse, il ne veillera pas à mesurer son emportement. Pourquoi ? Car l’homme s’aime davantage qu’autrui et il trouve donc toujours des justifications à sa défense.
Celui qui étudie la Torah en retire la force de mettre son ego de côté pour réfléchir de manière objective. Cette capacité réside dans la mitsva d’aimer son prochain comme soi-même. Cela ne signifie pas qu’on doit lui céder sa vie, la nôtre ayant au contraire priorité sur la sienne (par exemple, celui qui traverserait le désert et n’aurait pas suffisamment d’eau pour deux personnes).
La plupart des querelles entre un homme et son prochain seraient résolues si chacun comprenait l’autre comme il se comprend lui-même. La tendance est plutôt d’être très indulgent envers soi-même et extrêmement pointilleux vis-à-vis d’autrui. Les officiers que se place l’homme l’aideront justement à équilibrer son regard.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Seul au cœur de l’impureté
La pureté du regard doit être jalousement préservée, s’agissant d’un domaine duquel dépendent la sainteté et la pureté de l’homme, et qui influence son rapport à la Torah.
Une année, une connaissance m’invita à la bar-mitsva de son fils, à la synagogue d’Eilat. C’est ainsi que je passai quelques heures dans cette ville. En vérité, je ne m’y serais jamais rendu si ce n’avait été dans un but précis : rappeler à l’organisateur de la fête, non pratiquant, qu’il lui fallait se réveiller et faire téchouva.
Cet homme avait toujours été très attaché à la famille Pinto et je voulais ainsi lui signaler qu’il ne pourrait se considérer comme lié à ses enseignements tant qu’il ne se soumettrait pas à la Torah et aux mitsvot. Je pensais, de ce fait, que si je faisais l’effort de participer à cette fête, il serait plus réceptif à mes paroles.
Après m’être un peu attardé à la synagogue pour la bar-mitsva, je décidai, avec mes accompagnateurs, de quitter les lieux. Mais le Ciel n’en avait pas décidé ainsi, puisque plusieurs contretemps surgirent de façon imprévue. L’avion ne décolla pas à l’heure prévue, si bien que nous avons passé deux heures à attendre à l’aéroport d’Eilat, dans une salle petite et bondée de voyageurs attendant le vol qui les ramènerait dans le centre du pays.
Le dévergondage le plus total régnait autour de nous, si bien qu’il était impossible de regarder à droite ou à gauche. C’est ainsi que je fus contraint de rester debout pendant au moins deux heures dans une posture impossible, le visage tourné face au mur sans possibilité de bouger, ce qui me contraria très vivement.
Je regrettai, en ces instants, d’avoir accepté de venir dans cet endroit, et ce n’est qu’après que nous eûmes atteint notre destination que je pus de nouveau respirer librement. Je louai alors le Ciel de m’avoir sauvé du danger spirituel de cette ville impure et de m’y avoir permis de maintenir la pureté de mon regard sans céder à la tentation du mauvais penchant.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Le mois d’Éloul, l’héritage de Yaakov Avinou
Dans son introduction à la section de Dévarim, le Ben Ich ‘Haï explique (Chana Richona) que le patriarche Yaakov prit les mois de Nissan, Iyar et Sivan comme héritage, tandis qu’Essav prit ceux de Tamouz, Av et Éloul. Mais Yaakov parvint ensuite à lui reprendre celui-ci, si bien qu’Essav ne garda plus que Tamouz et Av, mois où eut lieu la destruction des Temples.
Je me suis demandé pourquoi ces deux mois-là sont restés l’héritage d’Essav, alors que Yaakov parvint à lui reprendre celui d’Éloul. Je l’expliquerai en m’appuyant sur l’interprétation de nos Sages du verset « La voix est celle de Yaakov et les mains celles d’Essav » – « Tant que la voix de Yaakov résonne dans les synagogues et lieux d’étude, les mains d’Essav demeurent impuissantes. » Or, durant les mois de Tamouz et Av, le peuple juif connut un relâchement dans l’étude de la Torah, comme il est dit : « Pourquoi ce pays est-il ruiné ? (…) L’Éternel l’a dit : “C’est parce qu’ils ont abandonné la Torah.ˮ » (Yirmiya 9, 11-12) Essav parvint donc à prendre le dessus sur Yaakov et c’est pourquoi il put garder les mois de Tamouz et Av.
Au départ, celui d’Éloul lui appartenait également, mais Yaakov persista dans ses prières et implora l’Éternel en disant : « Maître du monde, il est vrai que pendant Tamouz et Av, le peuple juif a délaissé la Torah, mais, dès que vient Éloul, chacun de ses membres éprouve des sentiments de contrition et s’efforce de se soumettre au joug de la Torah, en réservant des plages horaires à l’étude ou en intensifiant sa participation à des cours de Torah. Dans ce cas, ce mois devrait nous appartenir, car quand nous étudions la Torah, notre force est supérieure à celle d’Essav. » Telle fut la requête de Yaakov. Le Créateur l’exauça en enlevant le mois d’Éloul du domaine d’Essav pour le placer dans celui de Yaakov.
Cela étant, si Yaakov ne parvint à ajouter Éloul à son héritage qu’en vertu de notre renforcement dans l’étude durant ce mois-là, celui qui n’exploiterait pas cette période pour cela et poursuivrait indifféremment sa routine serait l’objet de l’accusation du patriarche : « Qui sait si, à cause de toi, ce mois ne sera pas restitué à Essav ? » Que répondrait-il à une telle accusation ?
Aussi incombe-t-il à chacun d’entre nous, pendant le mois d’Éloul, de se réveiller, d’améliorer sa conduite et, en particulier, de se renforcer dans l’étude de la Torah. Sans nul doute, ceci lui donnera le mérite, lors du jugement, d’être acquitté et inscrit pour une vie bonne et pacifique.
LE CHABBAT
La table de Chabbat
Dans le Zohar (III 272b), nous lisons : « En l’honneur de Chabbat, on préparera une belle table autour de laquelle on prendra place, comme on prépare le dais nuptial pour la kala, car le Chabbat est une reine et une mariée. » Aussi, on disposera la table dans le plus bel endroit de la maison. D’où l’habitude de prendre les repas de Chabbat au salon.
Il est recommandé d’avoir une vaisselle belle et spéciale pour Chabbat, comprenant couverts, assiettes, verres et plats. En effet, l’utilisation du service de semaine ne serait pas de l’honneur du jour saint. La Guémara (Chabbat 119a) souligne qu’à l’approche du Chabbat, Rav Na’hman préparait sa maison en enlevant la vaisselle de semaine pour placer celle de Chabbat. Il disait : « Si Rabbi Ami et Rabbi Assi venaient me rendre visite chez moi, ne leur aurais-je pas servi le repas dans mes plus beaux ustensiles ? »
Plutôt que de mettre la table à la dernière minute et dans la hâte, on veillera à le faire à l’avance, comme on l’aurait fait pour recevoir une reine ou une mariée, dont on attend impatiemment la venue. Toutefois, si, à son retour chez soi, on constate qu’elle n’est pas encore mise, on sera patient et aidera à remplir cette tâche.
Quand l’homme rejoint son foyer après la synagogue, il s’empressera de réciter le Kidouch et de commencer le repas, attestant ainsi l’importance qu’il accorde au Chabbat. Pour cela, il ne s’attardera pas à discuter avec les autres fidèles, même pour parler de Torah. En rentrant rapidement chez lui, il méritera la longévité. La Guémara (Chabbat 119b, Rachi ad loc.) affirme à ce sujet que quand Rabbi Zeira voyait des groupes d’érudits débattre entre eux de paroles de Torah, il les priait de cesser afin de rejoindre leur domicile pour se consacrer à la délectation du Chabbat – dans le cas contraire, cela reviendrait à le profaner.
Le soir de Chabbat, il est très important d’embrasser les mains de ses parents et de recevoir leur bénédiction. D’après la kabbale, il est encore plus capital d’embrasser celles de sa mère. D’après Rabbi ‘Haïm Falagi, cette brakha donnée par les parents à leurs enfants annule toute irritation qu’ils auraient pu avoir contre eux durant la semaine passée et aurait pu leur porter préjudice.
Le Yaavets explique la raison de la coutume de bénir les enfants le soir de Chabbat : à ce moment-là, l’abondance est présente et peut donc être attirée vers eux. Leur jeune âge ne leur permet pas de l’attirer eux-mêmes par leurs actes, tandis qu’un adulte en est capable. Par ailleurs, les enfants, qui n’ont pas encore commis de péchés, sont les meilleurs réceptacles. Les parents béniront néanmoins également leurs plus grands enfants.
Il est recommandé, pour un fils marié, de se rendre chez ses parents le soir de Chabbat afin de leur embrasser la main et de recevoir leur bénédiction. Le Ari zal avait ainsi l’habitude d’aller dans la maison de sa mère, la Rabbanite Sarah, pour lui embrasser la main. Cependant, si cela risque de causer de la peine à son épouse ou à ses enfants, qui ont faim et doivent attendre qu’il revienne pour faire Kidouch, il ira à un autre moment chez ses parents.
EN SOUVENIR DU JUSTE
Rabbénou Yossef ‘Haïm de Babylone zatsal
Rabbénou Yossef ‘Haïm, plus connu sous le nom de Ben Ich ‘Haï et surnommé par les Sages « chef de l’exil de Bavel », nous laissa une fructueuse moisson littéraire, qui ne manqua d’impressionner les plus grandes figures de notre peuple, achkénazes comme sépharades. Le célèbre kabbaliste Rabbi Yéhouda Pétaya zatsal affirma à son sujet : « Son âme aurait dû descendre dans le monde à une époque plus ancienne, mais le Ciel eut pitié de nous et l’envoya à notre époque, afin qu’il abreuve les habitants du monde des eaux de sa Torah. »
Rabbi Yéhouda Tsadka zatsal, Roch Yéchiva de Porat Yossef, affirme avoir entendu d’un des hommes habitués à fréquenter la demeure du Ridbaz, Rabbi Yaakov David de Slotsk zatsal, à l’époque où il habitait en Angleterre, qu’il le vit un jour pleurer. Il interrogea le Ridbaz sur le motif de ses pleurs et il lui répondit : « Aujourd’hui, le chef de l’exil de Bavel a été appelé à rejoindre les sphères célestes. » Puis il ajouta : « Quiconque étudie les ouvrages de Rabbénou Yossef ‘Haïm peut ressentir la sainteté émanant de ses paroles. »
Loin de se limiter à un rayon précis, ses écrits s’étendent sur l’ensemble de la Torah. Plus de soixante ouvrages, la plupart récemment publiés ces dernières années, se penchent sur la Torah écrite. Pour les Sages sépharades des dernières générations, ils constituent la base de la Loi, de la morale, de la kabbale et du drach (exposés toraniques). Quant à ses merveilleux cours, ils traitent de la Torah orale et, jaillissant de son cœur, ils pénétrèrent celui de ses auditeurs. Prenant pour point de départ la Loi, il poursuit avec la Aggada, soit dans le domaine du drach, soit du rémez (mode allusif) soit, encore, du sod (aspect ésotérique). Cette remarquable combinaison se retrouve, à plusieurs reprises, dans son célèbre ouvrage, le Ben Ich ‘Haï, si apprécié par toutes les tendances de notre peuple, en Israël et en Diaspora.
La demeure de Rabbi Yossef ‘Haïm de Bavel devint rapidement un phare vers lequel convergeaient de nombreuses lettres, en provenance du monde entier – de Singapour, de Bombay, de l’Iran, des villes d’Arbistan et du Kurdistan, de Vilna et de Tunis, de Jérusalem et de Tsfat. Ces questions portaient aussi bien sur l’ensemble des domaines de la Torah que sur des sujets d’actualité de tous types ou des énigmes scientifiques. Par exemple, on l’interrogea sur la localisation du jardin d’Éden inférieur, après que des scientifiques eurent prétendu avoir exploré tout le globe terrestre sans trouver l’objet de leur recherche.
Cette question hypothétique, comme d’autres similaires, fut soumise au Ben Ich ‘Haï, qui n’hésitait pas à se prononcer même dans ces domaines. Il attesta ainsi à la fois sa vaste culture générale et une rare spécialisation scientifique en médecine, astronomie, physique, météorologie et économie, comme cela apparaît également dans son responsa de qualité, Rav Péalim.
Rabbi Yé’hezkel Ra’hamim zatsal, auteur du Atsé Hayaar, raconta à ses élèves que lorsque l’ouvrage Ben Ich ‘Haï fut édité, il le consulta et eut une question sur un certain point. Il s’empressa de se rendre chez l’auteur pour lui en faire part. Ce dernier lui répondit : « Sache que tous mes arrêts de ce livre sont de la fleur de farine pure, résultant de l’aide divine dont j’ai bénéficié. »
« Comment se fait-il, poursuivit Rabbi Yé’hezkel, que dans telle section, pour telle loi, vous ayez tranché le contraire de quatre célèbres décisionnaires ?
– Je le sais bien, mon fils, répondit le Sage. Mais de la position de trente autres décisionnaires à d’autres endroits, j’en ai déduit qu’ils tranchaient ainsi. »
Il se mit alors à énumérer ces derniers et à citer leurs paroles. Quand il eut terminé, il se tourna vers Rabbi Yé’hezkel et lui dit : « Je viens d’apprendre qu’il existe encore plusieurs décisionnaires qui sont du même avis. Voulez-vous écouter lesquels ? »
« Non, non, cela suffit… », reprit son interlocuteur en haussant les épaules.
Le Ben Ich ‘Haï intitula ses ouvrages au nom de Bénayahou ben Yéhoyada. Car, après avoir pèleriné sur la sépulture de ce Sage, en Haute Galilée, il ressentit un éclairage particulier de sainteté. Soudain, les sources de la sagesse s’ouvrirent devant lui et de nombreux secrets, ignorés jusque-là, lui furent révélés. Il comprit alors que la racine de son âme provenait de celle de ce Juste et décida, sur le champ, de nommer ses livres au nom de ce dernier.