Chabbat 'Hol Hamoêd Soukot 15 Octobre 2022 כ תשרי התשפ"ג |
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Le séjour dans la soucca, un couloir vers la vie éternelle
Rabbi David Hanania Pinto
La mitsva propre à Souccot est de se réjouir, c’est pourquoi, dans la prière comme dans le birkat hamazone, cette fête est appelée le « temps de notre joie ». Tentons de comprendre le sens profond de cette joie.
Le mois d’Éloul, propice au repentir, est l’amorce du voyage de l’homme vers le Saint béni soit-Il. Il s’agit de profiter de la proximité du Créateur pour se rapprocher de Lui, comme il est dit : « Cherchez le Seigneur pendant qu’Il est accessible ! Appelez-Le tandis qu’Il est proche ! » (Yéchaya 55, 6)
Comment parvenir à se rapprocher véritablement de D.ieu ? Pour cela, trois étapes sont nécessaires. La première est de se préparer correctement pendant la période des séli’hot, principalement par le repentir, en s’engageant à améliorer sa conduite et à accomplir de bonnes actions.
Mais cette étape n’est pas suffisante. Il faut ensuite passer à la seconde, les dix jours de pénitence, qui incluent le jugement de Roch Hachana. Nous nous rapprochons alors de plus en plus de l’Éternel, tandis que notre crainte de D.ieu s’intensifie, avec la conscience de Sa grandeur suprême et de l’étendue de Son royaume sur l’ensemble de l’univers.
Ainsi, chaque jour, nous sentons que nous nous approchons davantage du Saint béni soit-Il et qu’Il est à nos côtés, comme un « Roi dans les champs ». Car, plus nous aspirons à gagner en proximité avec Lui, plus Il le désire Lui aussi. Ce rapprochement s’accroît jusqu’à Kippour où il atteint son summum, dans l’esprit du verset «Car en ce jour, on fera propitiation sur vous afin de vous purifier ; vous serez purs de tous vos péchés devant l’Éternel » (Vayikra 16, 30).
Après ces deux étapes, nous sommes prêts pour la dernière, qui correspond avec la fête de Souccot. Lors de celle-ci, le Saint béni soit-Il déploie Ses Noms saints sur Ses enfants, si bien que ces derniers s’attachent à Lui. Dans la Torah, il est écrit : « Vous demeurerez dans des tentes durant sept jours. » (Vayikra 23, 42) En hébreu, les dernières lettres des mots de ce verset forment le terme motèt, qui apparaît dans les Téhilim : « La perversité cause la mort du pécheur. » (34, 22) Nous y lisons en filigrane que le séjour dans la soucca a le pouvoir de chasser les puissances impures, surnommées « mort », et de nous conduire à la vie éternelle.
Enfin, après la grande joie de Souccot où nous nous sommes assis dans la soucca à l’ombre de l’Éternel, avons joui de Sa Présence et avons accueilli chaque jour un nouveau ouchpizine, vient le huitième jour de fête, Chémini Atsérèt, qui est au-delà de la nature. L’Éternel nous demande de nous arrêter [sens de atsérèt] un jour de plus près de Lui, pour le célébrer ensemble. La sainteté de ce jour est la plus élevée et influe sur tout le reste de l’année. Tout au long de celle-ci, il est en effet possible de puiser dans le courant spirituel propre à ce jour.
Dès lors, nous comprenons pourquoi la fête de Souccot est appelée le « temps de notre joie » et la raison pour laquelle nous devons nous y réjouir. Car, après avoir parcouru toutes ces étapes et nous être élevés, depuis le début du mois d’Éloul, nous sommes heureux d’avoir atteint une telle proximité avec le Saint béni soit-Il. Notre soucca, dans laquelle nous sommes entourés des Noms divins, est un avant-goût du monde à venir, le monde du repos éternel où domine la royauté divine.
En outre, pendant Souccot, l’homme se purifie et se détache de ce monde en quittant sa demeure fixe pour séjourner dans une cabane provisoire, à l’ombre de l’Éternel. Il atteste ainsi de sa disposition à renoncer au matériel pour adhérer au spirituel, aux Noms divins présents dans la soucca. C’est pourquoi, après une période de sept jours d’élévation, le Créateur est si satisfait de l’homme qu’Il lui demande de ne pas Le quitter immédiatement, mais de s’attarder un jour de plus à Ses côtés en Son honneur – « Une fête solennelle pour l’Éternel, ton D.ieu ».
Vient alors le jour de Sim’hat Torah, où nous nous réjouissons avec celle-ci et sommes heureux de nous êtres hissés à un haut degré de sainteté pendant tous les jours de fête. C’est la raison pour laquelle il est appelé le « huitième jour », car il est au-delà de la nature, qui est symbolisée par le chiffre sept. Notre joie atteint son paroxysme et nous sommes en extase devant l’Éternel et Sa Torah.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
En 5772, lors d’un de mes passages à Miami à l’occasion de ‘Hanoucca, je pus constater le redoutable pouvoir du mauvais penchant, qui aveugle l’homme. Convié au domicile de l’un des notables de cette ville, j’entrai dans son magnifique palais. Je ne pouvais ignorer la magnificence des lieux. Je n’avais encore jamais vu de maison si soignée et si somptueuse – un véritable palais royal. L’éclat de chaque coin glorifiait le monde matériel. Pour compléter le tableau, plusieurs voitures de luxe étaient garées dans son parking privé.
Lorsque je me levai pour partir, il me raccompagna avec un groupe d’hommes et je ne pus m’empêcher de soupirer amèrement. Étonnés, ils me demandèrent : « Pourquoi le Rav soupire-t-il ? » Je leur répondis : « Je soupire en pensant à l’investissement excessif dans ce monde de mensonge. L’homme s’imagine-t-il réellement qu’il emportera avec lui toute sa fortune dans la tombe ? Non, évidemment. Aussi, pourquoi choisit-il de consacrer tant de temps et de forces pour un monde éphémère ? Croit-il qu’il y vivra éternellement ? »
Mais telle est la tactique du mauvais penchant. Il n’offre pas à l’homme le loisir de penser à la fin qui l’attend et l’aveugle, présentant le mensonge comme une vérité, le mal comme le bien, l’amer comme le doux.
Lorsque je m’apprêtais à repartir, ils voulurent me raccompagner dans l’une des voitures de luxe du parking, dont le coût s’élève aujourd’hui à plus de deux cent mille dollars. Mais je leur dis fermement : « Je ne suis pas prêt à m’asseoir dans ce véhicule. Veuillez bien me conduire dans un plus simple. » Je me sentais, en effet, incapable de tellement jouir des plaisirs de ce monde et estimais qu’un voyage dans cette voiture contredisait tout mon mode de vie. La Torah nous demande de nous contenter de peu et de nous éloigner des jouissances matérielles. Je craignais que le fait d’accepter leur proposition ne porte atteinte à tous mes efforts pour progresser spirituellement.
Leur surprise n’en fut pas diminuée. « Pourquoi le Rav dédaigne-t-il tant les jouissances de ce monde ? » Je leur expliquai : « Dans Avot (4, 17), le Tana affirme : “Une heure de jouissance dans le monde futur est supérieure à tous les plaisirs réunis de ce monde.ˮ A priori, cet enseignement semble surprenant : les plaisirs terrestres sont-ils si limités ? Les hommes semblent pourtant se plaire dans ce monde et en tirer de la jouissance.
« C’est que ce monde est celui du mensonge, alors que le suivant est celui de la vérité. Les jouissances terrestres ne sont pas parfaites, car l’homme sait qu’elles sont fugitives, tout comme ce monde. Par contre, celles du monde à venir sont éternelles et illimitées. L’auteur du Messilat Yécharim écrit (chap. 1) que le fait de jouir de l’éclat de la Présence divine est une jouissance authentique et représente la plus grande qui soit, supérieure à toutes celles de ce monde. C’est pourquoi les jouissances du monde futur sont inestimables, tandis que celles de ce monde sont insignifiantes en comparaison. »
Je constatai que mes paroles de morale avaient touché mes auditeurs et leur avaient fait prendre conscience, dans une certaine mesure, de leur raison d’être dans ce monde et de ce qui pouvait leur apporter une satisfaction éternelle.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La proximité divine, l’apanage du peuple juif
L’Admour Sar Chalom de Belz – que son mérite nous protège – avait l’habitude de dire qu’il respirait l’air de Kippour. En effet, en ce jour, règne une atmosphère sainte, qui sanctifie notre corps et l’aide à se purifier de plus en plus.
À mon humble avis, j’ajouterai que cet air saint propre à Kippour, qui purifie l’homme en ce jour, continue à l’influencer durant la fête de Souccot, où il est assis dans la soucca à l’ombre de l’Éternel, entouré des nuées de gloire et de Ses saints Noms, ainsi qu’à Chémini Atsérèt. Puis il poursuit son effet purificateur tout au long de l’année.
Il est important de savoir que cet esprit de pureté et de sainteté, propre au peuple juif, constitue l’essence et la joie de Souccot. Les non-Juifs ne sont pas du tout intéressés par la mitsva de la soucca, comme le souligne la Guémara (Avoda Zara 3a). Elle nous décrit la réaction qu’ils auront, dans les temps futurs, lorsque l’Éternel leur proposera de construire une soucca en pleine chaleur : ils commenceront ce travail, mais donneront bien vite un coup de pied à leur cabane qu’ils délaisseront. Ainsi, la puissance, la sainteté et la joie de Souccot appartiennent uniquement au peuple juif, qui accomplit cette mitsva avec amour même lorsque le soleil darde ses rayons. Car notre seule aspiration est d’observer les mitsvot de l’Éternel.
Telle est bien l’essence de notre joie. Nous devons nous réjouir de notre statut de Juifs qui nous octroie, en exclusivité, la joie de la mitsva. Après nous être repentis pendant les Jours redoutables et préparés correctement à la fête de Souccot, nous sommes en mesure de puiser de son courant de sainteté et de nous imprégner de l’atmosphère régnant dans la soucca, cette demeure de l’Éternel où résident Ses Noms saints.
C’est pourquoi nous devons remercier le Saint béni soit-Il et nous écrier haut et fort : « Heureux sommes-nous et combien notre lot est enviable » d’être Juifs et d’avoir l’opportunité de nous préparer convenablement à Souccot pendant les jours de Miséricorde ! Durant cette fête, nous avons donc bien de quoi nous réjouir de notre prérogative d’être à l’ombre de l’Éternel.
LE CHABBAT
Le Kidouch
Sur une table dressée avec une nappe, on récite le Kidouch sur du vin avant le repas. On prononce uniquement la bénédiction « boré péri haguéfèn », puis on boit. C’est ce qu’on appelle le « Kidoucha rabba » (grand Kidouch).
En vérité, le Kidouch du matin est plus court que celui du soir ; aussi pourquoi mérite-t-il l’appellation de « grand Kidouch » ? Quatre raisons sont données :
1. Pour l’honorer, à la manière dont on désigne un aveugle par l’expression sagué nahor, signifiant « beaucoup de lumière ».
2. Car la bénédiction de haguéfèn est d’une grande importance, puisqu’elle est récitée à toute occasion où plusieurs bénédictions sont prononcées sur une coupe de vin (mariage, circoncision, etc.).
3. Pour une raison ésotérique.
4. Le repas de la journée du Chabbat est parallèle à la vertu du yessod, surnommée « Chabbat Hagadol », c’est pourquoi le Kidouch de la journée est surnommé le « grand Kidouch ».
Pourquoi doit-on réciter le Kidouch le matin, alors qu’on l’a déjà récité la veille au soir ? Afin de marquer la distinction entre les repas de semaine et ceux de Chabbat. En effet, chaque jour, après avoir prié à la synagogue, l’homme retourne chez lui et se lave les mains pour déjeuner. S’il se contentait de se conduire ainsi le Chabbat, il ne serait pas apparent qu’il mange en l’honneur du jour saint. Aussi fait-il précéder son repas du Kidouch.
Si on n’a pas de vin pour le Kidouch du matin, on le récitera sur un réviit (81 grammes) de boisson alcoolisée couramment bue dans le pays, comme de la bière blanche, de l’arak ou de la liqueur. On dira les versets du Kidouch (im tachiv…), puis on prononcera la bénédiction de chéhakol et boira d’un trait la majorité d’un réviit (41 grammes). Si on ne possède pas de boisson de ce type, on utilisera une boisson chère, comme du jus de fruits naturel ou une boisson sucrée. Si on n’a pas non plus cela, on récitera le Kidouch sur du pain (on se lavera les mains avec la bénédiction requise, récitera les versets du Kidouch, puis la bénédiction de hamotsi).
Il est interdit de manger avant le Kidouch. Toutefois, si une femme a des difficultés à attendre que son mari rentre de la synagogue, elle peut réciter elle-même le Kidouch sur du jus de raisin et en boire un réviit ou manger un kazaït de gâteau. Mais, si cette solution ne lui convient pas, elle a le droit de manger sans dire le Kidouch.
Cette indulgence envers les femmes s’explique par le fait que d’après certains Richonim, elles sont exemptées de l’obligation du Kidouch de la journée. En outre, d’aucuns permettent de manger avant celui-ci. Par conséquent, il existe un double doute concernant les femmes à cet égard et c’est pourquoi il leur est permis de manger avant le Kidouch du matin. Par contre, les hommes sont obligés de réciter celui-ci (cf. Choul’han Aroukh 289a) et n’ont nullement le droit de manger auparavant.
EN SOUVENIR DU JUSTE
Rabbi Moché Yaakov Ravikov zatsal
Rabbi Moché Yaakov Hacohen Ravikov, surnommé « le cordonnier de Tel-Aviv », naquit en Lituanie, dans le village d’Ozori. Son père, tailleur de métier, était un Tsadik caché, plongé jour et nuit dans l’étude de la Torah ésotérique. Âgé de soixante-dix ans à la naissance de son fils, il parvint, durant le reste de ses années d’existence, jusqu’à quatre-vingt-dix-huit ans, à lui enseigner à la fois les secrets de la Torah et le métier de cordonnier.
L’exemple personnel d’amour de la Torah qu’il absorba au sein de son foyer conduisit Rabbi Yaakov à l’imiter. Ainsi, en grandissant, il étudiait la Torah sept heures par jour, avant d’entamer sa journée de travail.
En 5670, il fit sa alia et s’installa dans le village d’Ouria. Lorsque Rav Kook, Rav de Yaffo, eut vent de sa venue, il estima qu’un Tsadik de cette envergure n’avait pas sa place dans un lieu reculé, mais devait plutôt rejoindre une ville comprenant une grande population juive. Il l’invita à venir le voir et lui enjoignit d’ouvrir une boutique à Yaffo.
Rabbi Yaakov obtempéra et loua un magasin rue Chabazi, à la frontière de Yaffo. Il acheta des outils de cordonnerie et des cuirs, puis accrocha une enseigne « Cordonnier ». Il s’installa près de là et, en peu de temps, son foyer se transforma en un véritable phare vers lequel affluaient les masses. Nombreux furent ceux qui connurent la délivrance par son biais.
Dans sa jeunesse, il avait l’habitude, le jeudi, de se rendre aux boulangeries du quartier pour rassembler des ‘halot et les distribuer à des veuves et des orphelins. Quand on lui demandait d’où il savait qui avait besoin d’aide, il répondait en souriant « Je le sais… ».
Rav Friedman chelita, l’un des Rabbanim de Londres, qui eut la chance de le fréquenter, raconte que tous s’accordaient sur quelques qualités propres à sa personnalité : « Un éclat d’une intensité surnaturelle émanait de son visage, ainsi qu’un profond amour pour ses frères juifs et un véritable souci de ne jamais médire d’eux. Quand je lui ai rendu visite, il m’a montré le livre de chémirat halachone qu’il avait acheté des mains du ‘Hafets ‘Haïm et grâce auquel il fut toute sa vie à l’abri de la médisance. »
Tout au long de son existence, il se levait à minuit et commençait à réciter le tikoun ‘hatsot. Aussitôt après, il étudiait la Torah exotérique et ésotérique pendant sept heures d’affilée, jusqu’au lever du jour, où il priait. Ensuite, il étudiait encore quelques heures avec assiduité, avant de se rendre à sa boutique.
Son proche parent, Rav Hominer, raconte qu’il avait entendu un de ses voisins de Tel-Aviv témoigner que la maison du cordonnier restait éclairée toute la nuit. Quand on l’interrogeait à ce sujet, il répondait qu’il devait réparer des chaussures pour des enfants qui en avaient besoin le lendemain pour aller étudier au Talmud-Torah.
Celui qui trouvait cette réponse étrange se levait au milieu de la nuit, s’approchait de son modeste logis et avait la surprise de constater que le cordonnier était entouré d’un groupe d’hommes de valeur, qui étudiaient avec lui la Torah ésotérique.
Fuyant les honneurs, il se considérait comme un simple travailleur accomplissant fidèlement sa besogne. Cependant, certains Tsadikim de sa génération révélèrent sa véritable personnalité et publièrent sa piété et sa sainteté auprès de ses disciples.
Le Chabbat, Rabbi Yaakov avait l’habitude de parler en public au cours du repas de séouda chlichit, à la synagogue de la Yéchiva « Hékhal Hatalmoud » de Tel-Aviv. Il rédigeait ensuite ces paroles de Torah sous forme de lettres, où figuraient les grandes lignes de son allocution. Son fils, Rabbi Yossef zal, les fit imprimer en quelques dizaines d’exemplaires, à l’intention de ses élèves et de ses proches. Avec le temps, ces recueils prirent de l’ampleur et ils finirent par constituer un ouvrage, Likouté Rabbi Moché Yaakov.
De même qu’un aspect mystérieux enveloppait son existence, son décès fut à cette image. Le jour de Sim’hat Torah, il sentit que son heure était arrivée. Il demanda alors à son fils de réciter avec lui le chapitre 146 des Téhilim. Lorsqu’ils arrivèrent au verset « Que son souffle se retire de lui, il rentre dans sa poussière ; le jour même, ses projets sont anéantis », son fils sursauta, comprenant que son père comptait ainsi se séparer de ce monde pour rejoindre celui de la vérité. Aussi refusa-t-il de poursuivre avec lui cette lecture. Rabbi Yaakov se tint sur le seuil de sa demeure et appela un passant juif ; il lui demanda d’entrer pour continuer de lire ce psaume avec lui, ce qu’il fit. À la fin du chapitre, le Tsadik embrassa la mézouza et alla se coucher sur son lit, où il eut des pensées profondes liées à l’unification du Nom divin, au cours desquelles il rendit son âme pure au Créateur.