Parachat Vayéra 12 Novembre 2022 יח חשון התשפ"ג |
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Avraham Avinou, partie du Char divin
Rabbi David Hanania Pinto
« L’Éternel se révéla à lui dans les plaines de Mamré, tandis qu’il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. » (Béréchit 18, 1)
D’après nos Maîtres, cet événement eut lieu le troisième jour consécutif à la circoncision d’Avraham, où l’Éternel vint lui rendre visite pour “prendre de ses nouvellesˮ. Toutefois, notre verset dit simplement « à lui », aussi comment peut-on être certain que cette révélation fut faite au patriarche ?
Le Or Ha’haïm explique que le Saint béni soit-Il se révéla à Avraham, parce que, suite à sa circoncision, il devint partie du Char divin. Nous pouvons nous demander sur quoi ce commentateur se base pour avancer une telle assertion. Peut-être cette révélation était-elle due à une autre raison. En outre, d’où tient-il qu’au moment même de la circoncision, Avraham se rattacha au Char divin ?
Il est connu que la circoncision permit au patriarche d’atteindre la perfection, ce que le texte désire justement nous enseigner ici.
Avant avoir pratiqué celle-ci, sa conduite était certes déjà exemplaire. Il suivait les voies divines, s’efforçait constamment de proclamer le Nom de D.ieu dans le monde, convertissait ses contemporains, leur enseignait avec dévouement Torah et mitsvot et ancrait en eux la foi dans le Créateur. Il construisit des centres de Torah et creusa des puits d’eau – l’eau renvoyant toujours à la Torah. Par tous ces actes, il glorifiait le Nom divin aux yeux de l’humanité.
Néanmoins, il n’était pas un Juif parfait, du fait qu’il possédait encore le prépuce. Uniquement après sa circoncision, alliance éternelle avec le Créateur, il atteignit la perfection complète, car, depuis cet instant, lui et toute sa descendance devinrent le peuple appartenant exclusivement à D.ieu. Sans nul doute, Avraham ressentait désormais qu’il détenait en lui une partie divine et était étroitement attaché au Char divin.
C’est pourquoi le texte ne précise pas explicitement à qui l’Éternel apparut, du fait que, suite à la circoncision d’Avraham, le Saint béni soit-Il s’était lié à lui, lui permettant ainsi de s’élever au sublime niveau de devenir partie intégrante du Char divin.
Ceci explique également pourquoi il suffisait que D.ieu apparaisse au patriarche, sans qu’il fût nécessaire de lui parler. Car cette visite du Très-Haut n’était autre que l’expression de leur étroite union consécutive à la circoncision.
En outre, à ce moment-là, toute la lignée appelée à descendre d’Avraham fut sanctifiée. Elle entra dans l’alliance conclue avec l’Éternel d’être, à jamais, Son peuple de prédilection. La révélation de D.ieu au patriarche n’avait donc pas besoin de passer par la parole, puisqu’il s’agissait ici uniquement de se montrer à Avraham, devenu partie du Char divin et futur père d’une lignée sainte.
L’omission du nom d’Avraham dans le texte n’est pas fortuite. Par ce biais, la Torah nous enseigne qu’en dépit du niveau idéal qu’il atteignit suite à sa circoncision, il se soumit pleinement au Saint béni soit-Il et n’éprouva pas la moindre fierté d’avoir mérité Sa révélation. A fortiori, il ne se désola certainement pas de ne pas s’être vu adresser la parole de l’Éternel ni appeler par son nom, mais d’avoir simplement eu droit à Son apparition, en guise de « visite au malade ».
Nous déduisons de cette étude combien l’homme doit aspirer à la grandeur, à la perfection, à l’union avec le Créateur pour se rattacher, lui aussi, au Char divin, à l’instar du premier patriarche. Il incombe à tout Juif de se lier au triple lien, celui unissant la Torah, le Saint béni soit-Il et le peuple juif. De cette manière, il deviendra partie de la divinité, devant laquelle il s’effacera, annulant ainsi également le « prépuce de son cœur ».
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Ni l’or ni l’argent
Une fois, alors que je me trouvais dans le cimetière de Genève, je remarquai, au milieu du terrain, une stèle particulièrement belle et imposante. Je demandai à mon accompagnateur qui y était enterré et il me répondit que c’était la tombe du notable Edmond Safra, qu’il repose en paix, ce mécène remarquable qui aida tant d’institutions de Torah avec une grande modestie.
Lorsqu’il était encore vivant, il fallait parfois attendre un ou deux ans, dans le meilleur des cas, pour pouvoir le rencontrer. Certains espéraient tout au plus lui serrer la main, être photographiés à ses côtés et peut-être même jouir d’un de ses sourires. Même de grands Rabbanim et des hommes célèbres avaient dû attendre longtemps avant d’obtenir un rendez-vous avec lui, pour pouvoir lui demander de l’aide en faveur de leurs institutions.
Et maintenant, son tombeau était déserté, personne ne s’y tenait ni n’y attendait son tour. Je compris concrètement le sens de l’enseignement du roi Salomon : « Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. » (Kohélèt 9, 4) Tant qu’on vit, on a toujours la possibilité d’œuvrer davantage, mais, dès l’instant où l’on meurt, cette opportunité nous est retirée.
Par la suite, je remarquai sur la stèle de cet homme une liste d’inscriptions, de laquelle je retirai une formidable leçon de morale. J’y lus ainsi : « Ici repose Edmond Safra, qui a érigé et soutenu de nombreuses institutions de Torah et synagogues, et généreusement pratiqué l’aumône envers les pauvres, la veuve et l’orphelin. » Quant à l’immense chaîne de banques qu’il dirigeait, l’épitaphe n’en faisait pas mention ; seuls figuraient ses actions charitables et ses dons en faveur de la Torah.
Car, comme l’ont si justement noté nos Sages dans Avot (6, 10) : « Lorsqu’un homme décède, ce ne sont ni l’argent, ni l’or, ni les pierres précieuses et les perles qui l’accompagnent [devant le Tribunal céleste], mais seulement la Torah et les bonnes actions, comme il est dit (Michlé 6, 22) : “Qu’elles te guident dans tes marches, veillent sur ton repos et te soient un sujet d’entretien à ton réveil.” »
PAROLES DE TSADIKIM
Pourquoi on ne s’enquit pas du bien-être spirituel d’autrui
D’après le Midrach, Avraham enseignait à ses invités à remercier l’Éternel, après qu’ils avaient terminé de se restaurer dans sa tente hospitalière, installée à Beer-Chéva.
Pourquoi ne leur apprit-il pas également à prononcer la bénédiction précédant la consommation ? L’Admour de Gour zatsal répond que, le cas échéant, il n’est pas sûr qu’ils auraient accepté. Mais, une fois qu’ils avaient mangé les plats préparés par Avraham et Sarah, cuisinés dans un esprit de sainteté et avec l’espoir qu’ils transmettent à leurs hôtes la crainte du Ciel, ces derniers étaient investis d’une aspiration à s’élever et à se rapprocher de D.ieu. Désormais, ils étaient réceptifs aux paroles d’Avraham et se réjouissaient de réciter les bénédictions de grâce.
Rabbi Chalom Messas zatsal, Grand Rabbin et président du Tribunal rabbinique de Jérusalem, interprétait de manière originale le verset « Tout refuge me fait défaut, nul ne se soucie de ma personne » (Téhilim 142, 5). Un refuge est un lieu où l’homme peut s’enfuir et se cacher afin d’être épargné. Le roi David signifie ici : si tu vois un homme ayant l’impression de ne pas avoir de refuge, sache que c’est parce que nul ne s’enquit au sujet de l’âme d’autrui – « nul ne se soucie de ma personne ». Tout au long de la journée, les gens ne s’intéressent qu’à ce qui a trait au matériel.
Quand on rencontre son prochain, on lui demande de ses nouvelles, de celles de sa famille et de ses enfants, mais on ne l’interroge pas sur son évolution spirituelle – le sujet qu’il étudie, le niveau religieux de son quartier, sa propre progression, etc.
Comme le rapporte l’ouvrage Machkhéni, la vie du Rav Messas illustre l’importance de donner priorité au spirituel. L’Éternel comble alors miraculeusement les manques de l’homme, en particulier lorsqu’il accepte avec amour et confiance le sort qu’Il lui réserve.
Pendant sa jeunesse, il habitait à Meknès. Après son mariage, il désirait continuer à étudier la Torah, mais sa situation pécuniaire, très médiocre, semblait compromettre ce projet. Quand ils n’eurent plus de quoi manger, il se rendit à la synagogue, ouvrit l’arche sainte et, avec sa simplicité caractéristique, s’écria en pleurs : « Maître du monde, Tu nous as ordonné d’étudier la Torah et je veux continuer à me consacrer à cette tâche. De grâce, aide-moi et fais en sorte que je ne sois jamais contraint de me détacher d’elle. »
Quelques jours passèrent et les Rabbanim locaux se rassemblèrent pour débattre au sujet du Talmud-Torah. Au départ, de nombreux Juifs envoyaient leurs enfants y étudier, mais ils trouvèrent ensuite que les conditions étaient bien inférieures à celles des écoles françaises, aussi nombre d’entre eux optèrent pour ces établissements profanes. Les Rabbanim cherchaient donc à rehausser l’image de marque du Talmud-Torah, en nommant un directeur spirituel capable de donner le ton et d’attirer de nombreux élèves.
Contrairement à toute attente, tous s’accordèrent sur la personnalité de Rav Messas, qu’ils jugèrent à même de remplir une telle fonction, en dépit de son jeune âge de vingt-six ans – soit des dizaines d’années de moins que les enseignants !
Les gens furent étonnés qu’un jeune homme puisse diriger les Maîtres qui, peu auparavant, lui avaient enseigné dans son enfance. Avec humilité, il reconnut que ce mérite n’était à créditer qu’à sa prière pure adressée au Maître du monde.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
La vérité, finalement mise à jour
Après la naissance de Yits’hak, les railleurs de la génération prétendirent qu’il était le fils d’Avimélekh, du fait qu’il naquit peu après l’enlèvement de Sarah dans son palais (Tan’houma, Toldot 1). Ils plaisantèrent tant à ce sujet que le Saint béni soit-Il fit en sorte que la physionomie de Yits’hak ressemble à celle d’Avraham, afin de les faire taire.
Comment eurent-ils donc l’audace de se moquer ainsi du patriarche, alors qu’il était en quelque sorte leur Maître, qui leur avait enseigné la foi en D.ieu ? En réalité, à chaque génération, des railleurs se lèvent contre les hommes de bien, voire contre les éminents Tsadikim.
De même, dans la section de ‘Houkat, nous trouvons que les nations du monde ironisent sur la mitsva de la vache rousse et son aspect irrationnel. Ils demandent pour quelle raison un seul poil noir la rend impropre et comment elle peut à la fois purifier les impurs et souiller les purs (Bamidbar Rabba 19, 1). Pourtant, même le roi Salomon, le plus sage des hommes, ne parvint pas à appréhender le sens profond de cette loi, ce qui lui fit dire : « Je voudrais me rendre maître de la sagesse, mais elle s’est tenue loin de moi. » (Kohélèt 7, 23) Car nous ne sommes pas en mesure de comprendre sa signification essentielle.
De fait, les railleurs des générations ne trouvent rien d’autre à faire que d’ironiser le monde entier. Bien qu’ils sachent pertinemment que leurs moqueries sont mensongères, ils s’y complaisent.
Toutefois, les cibles de leurs moqueries, comme ici Avraham et Sarah, doivent accepter cette épreuve avec amour. L’essentiel est que la vérité finit toujours par être mise à jour. Ainsi, quand Yits’hak grandit, on put constater qu’il était un Tsadik, ce qui n’aurait pas été possible s’il avait été le fils d’Avimélekh. Tous reconnurent alors qu’Avraham était son père.
Nous en déduisons la réaction que doit avoir un Juif orthodoxe face aux moqueries de son entourage, ricanant de son engagement excessif dans la Torah ou de son décalage par rapport à la génération du progrès dans laquelle il vit. Il ne doit nullement craindre de telles remarques et se souvenir que ces railleurs finiront par devoir reconnaître la vérité et seront couverts de honte, tandis que le Nom divin sera sanctifié dans le monde entier.
LE CHABBAT
Réciter la havdala à la clôture de Chabbat
1. Rabbi Yo’hanan affirme : « Trois hommes héritent une part dans le monde à venir : celui qui habite en Terre Sainte, celui qui éduque ses enfants à l’étude de la Torah et celui qui récite la havdala sur du vin à la clôture de Chabbat. » (Pessa’him 113a) Rabbi Yéhochoua ben Lévi dit : « Celui qui récite havdala sur du vin à la clôture de Chabbat aura des fils dignes d’enseigner. » (Chévouot 18b) Rabbi Tsadok ajoute que cet individu sera appelé « saint » par l’Éternel, qui fera de lui une ségoula (Pirké de Rabbi Eliezer).
2. Il est interdit de faire tout travail avant d’avoir récité la havdala, sauf si on a récité le passage « ata ‘honantanou » dans la prière de la amida. Si on est obligé de faire un travail avant la prière, on dira d’abord « Baroukh hamavdil ben kodech lé’hol ». Les femmes diront également cette phrase avant d’entreprendre un travail.
3. Après avoir terminé le repas de séouda chlichit, il est interdit de manger et de boire quoi que ce soit, depuis la chékia jusqu’à la havdala. D’après la Loi, il est permis de boire uniquement de l’eau, mais il est préférable de se montrer strict à cet égard et de ne rien prendre avant la havdala.
4. Si on s’est trompé et a prononcé la bénédiction sur un aliment ou une boisson avant havdala, on en goûtera un peu, afin que cette bénédiction ne soit pas vaine.
5. Si on n’a pas de vin, on récitera la havdala sur une boisson alcoolisée bue dans le pays (bière, vodka, etc.) et on en boira la majorité d’un réviit (au moins 41 grammes) d’un seul trait. Si c’est difficile, on pourra le faire avec de petites interruptions. Mais il est interdit de faire havdala sur du thé, du café, du lait, du jus d’orange ou autres boissons similaires. Cette bénédiction serait vaine et on ne serait pas acquitté du devoir de réciter la havdala. Aussi, si on ne dispose pas de boisson alcoolisée, on comptera sur le passage de la amida tenant lieu de havdala.
6. Celui qui arrive au milieu de la récitation de la havdala et n’entend que la dernière bénédiction, « qui sépare le saint du profane », est quitte de ce devoir. Car, ne buvant pas lui-même le vin, ce n’est pas grave s’il n’a pas entendu la bénédiction sur celui-ci. Toutefois, il veillera ensuite à réciter celles sur les encens et sur la bougie.
LE TRAVAIL SUR SOI
Les vices, source des infractions routières
On ne connaît que trop bien ce tableau de veille de Chabbat ou de fête : la rue principale de la ville est complètement encombrée, la circulation très dense. Quelle en est donc la cause ? Une véritable énigme. Pris de curiosité, l’un des conducteurs en arrêt sort de son véhicule et se lève, à la recherche d’une réponse.
Monsieur untel, qui avait encore une dernière course à faire pour Chabbat, a garé sa voiture à un endroit interdit. À cause de lui, la circulation est bloquée. Après avoir fait ses emplettes, il trouve le temps de discuter avec le propriétaire du magasin de la qualité de sa marchandise et la manière de régler sa facture. Et les autres ? Ils sont assis dans leur véhicule en grommelant, tandis que ceux installés dans des taxis devront débourser un beau supplément.
On peut se demander pourquoi cet homme a agi de la sorte. A-t-il mauvais cœur ? Cherche-t-il à voler du temps aux gens en ces courts après-midis hivernaux de vendredi ? Rav Chlomo Wolbe zatsal répond par une merveilleuse parabole. Quelqu’un se trouve dans une salle emplie de miroirs, depuis le sol, jusqu’au plafond, ainsi que sur les murs. Partout où il pose son regard, il ne voit que lui-même. À l’instant où il en sort, il découvre soudain le monde qui l’entoure, le ciel et les hommes.
L’homme ayant bloqué la circulation n’est pas foncièrement mauvais, mais il ne voit que lui-même. Il a besoin d’acheter quelque chose, gare son véhicule à l’endroit qui lui convient et ne pense pas que d’autres risqueront d’en souffrir.
Il y a des dizaines d’années, Rav Wolbe fonda un beit midrach particulier, appelé « Beit hamoussar ». Comme son nom l’indique, il s’agit d’une institution où l’on n’étudie que de la morale. Peu après l’ouverture, il rassembla les avrékhim et invita un grand Sage de la morale à venir leur parler. Au cours de sa si’ha, il leur affirma de manière explicite que toutes les infractions routières – comme ne pas céder le passage – étaient un problème de mauvais traits de caractère.
En réalité, cette idée a déjà été énoncée par nos Maîtres dans Avot : « Prie pour la paix du pays, car s’il n’y avait la crainte, les hommes se dévoreraient mutuellement. » (3, 2)
Comme l’explique Rabbi Yérou’ham de Mir zatsal, l’homme est incapable de tuer. Pourtant, des meurtres sont perpétrés dans le monde. Comment l’expliquer ?
La réponse est simple : si l’homme voyait qu’un autre existe en face de lui, il ne pourrait le tuer. Celui qui le fait est simplement plongé dans sa propre existence, ce qui l’empêche de percevoir autrui. Il construit sa vie autour de son ego.
De cette manière, on arrive au pire de tout, le meurtre. Celui-ci ne se réfère pas uniquement à l’homicide physique. Des mots peuvent aussi tuer. Or, de telles paroles sont émises quand on ne voit pas son prochain, ne pense pas qu’il est aussi un homme méritant d’être pris en considération.
Concluons par les paroles de notre Maître Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita. Il explique qu’Avraham nous enseigne la vertu de la bienfaisance, qui n’est autre que la base de l’univers, comme il est dit : « Le monde est bâti sur la bienfaisance. » En l’absence de celle-ci, il ne pourrait se maintenir. Or, la bienfaisance ne doit pas se limiter au cercle réduit de sa famille ; elle doit s’étendre au reste des hommes, à quiconque a besoin de notre aide. Notre premier patriarche nous en donna l’exemple, comme l’atteste le surnom que l’Éternel lui donna, par le mérite de son dévouement sans borne pour ses contemporains : « Je te fais le père d’une multitude de nations. »