Parachat Vaéra 21 Janvier 2023 כח טבת התשפ"ג |
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Être capable de voir ses lacunes
Rabbi David ’Hanania Pinto
« Voici qui t’apprendra que Je suis l’Éternel ! Voici, je vais frapper, de ce bâton que j’ai en main, les eaux du fleuve, et elles seront changées en sang. » (Chémot 7, 17)
L’objectif essentiel des dix plaies était que les Égyptiens reconnaissent Hachem et la puissance de Son bras, qu’ils réalisent que Lui seul dirige ce monde qu’Il a créé, dans ses moindres détails. Le but de la plaie du sang était également que Paro reconnaisse Hachem – comme Il le dit : « Voici qui t’apprendra que Je suis l’Éternel ! » – et se soumette à Lui. Cette plaie représentait, en effet, une démonstration de la puissance exclusive de Son bras et aurait pu suffire à prouver au tyran et à ses sujets qu’Il agit dans ce monde à Sa guise et que l’univers lui appartient tout entier. Pourtant, contre toute logique, le cœur de Paro et des Égyptiens resta bouché et, loin de se laisser impressionner par la vision qui s’offrait à eux, ils refusèrent de reconnaître Hachem.
Si l’on approfondit la réflexion sur la plaie du sang, si frappante, on réalisera que le corps de l’homme est composé d’une grande quantité de liquides – qui sont de l’eau et du sang. Or, cette proportion de liquides doit répondre à un équilibre bien précis, et c’est la raison pour laquelle, dans Sa sagesse suprême, le Créateur a conçu l’homme avec un certain nombre d’orifices, de sorte que les liquides superflus qui s’accumulent dans le corps puissent être évacués par voie naturelle. Car en cas d’excédent, l’homme pourrait se retrouver en grand danger et même, à D.ieu ne plaise, mourir. Dans le cas inverse,en cas de manque, c’est la déshydratation, avec un risque non moins important.
Lors de la plaie du sang, toute l’eau qui se trouvait en Égypte, en quelque lieu que ce soit, se transforma en sang. Le verset nous apprend qu’« il y avait du sang dans toute la terre d’Égypte, dans les arbres et les pierres ». Rachi souligne que la précision « toute la terre d’Égypte » vient inclure les baignoires, tandis que « les arbres et les pierres » font allusion à l’eau stockée dans des ustensiles de bois ou de pierre.
Or, une telle situation, où la moindre goutte d’eau, en Égypte, était transformée en sang, aurait logiquement dû inclure l’eau se trouvant dans les corps des Égyptiens, ce qui revenait immanquablement à la mort. Mais le Créateur s’abstint d’opérer cette transformation en eux – décision qui représentait en soi une preuve de plus de Sa toute-puissance sur la nature.
Cette plaie allait en outre permettre un renversement de situation remarquable. Jusque-là, les Hébreux étaient totalement soumis aux Égyptiens, leurs puissants maîtres, mais avec la plaie du sang, les rôles allaient en un instant se trouver inversés : les enfants d’Israël devenaient les « maîtres », la tête haute, tandis que les Égyptiens se tenaient humblement devant eux pour les implorer de leur vendre quelques gouttes d’eau, à même d’assouvir leur soif insoutenable. Mais Paro choisit contre toute attente d’endurcir son cœur, s’écriant : « Qui est l’Éternel pour que j’écoute Sa voix ? Je ne connais pas Hachem et Je ne renverrai pas Israël. »
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David ’Hanania Pinto
Des piqûres de rappel
L’objectif essentiel des plaies qui furent envoyées aux Égyptiens était d’enseigner aux enfants d’Israël que l’Éternel est gouverneur du Ciel et de la terre, et qu’il n’est rien en dehors de Lui ; Il a le pouvoir de changer la nature et d’en faire à Sa guise.
Lors de la plaie des bêtes sauvages, toutes les sortes de bêtes et d’animaux sauvages se sont rassemblées en Égypte – volatiles, reptiles, etc. Un vrai zoo. Normalement, libres de tout mouvement, ces bêtes auraient dû s’entretuer, à l’issue d’affrontements sanglants. La loi du plus fort. Pourtant, cette fois, il n’en fut rien et une extraordinaire unité s’instaura entre elles dans un seul objectif – réaliser la Volonté divine en frappant l’Égypte.
Or, il arrive parfois, même à notre époque, qu’Hachem nous inflige une piqûre de rappel, nous prouvant avec une clarté incontestable qui dirige l’univers et tout ce qui se passe sur terre. Ainsi, le cataclysme dont a été victime Haïti en hiver, il y a huit ans, lorsqu’un violent séisme y a fait des ravages. Les morts se sont comptés par centaines de milliers, tandis que des milliers de personnes, soudain privées de toit, erraient parmi les décombres. Qui a fait tout cela ? Sans l’ombre d’un doute, Hachem, au sujet duquel il est dit (Téhilim 104, 32) : « Il regarde la terre et elle tremble, touche les montagnes, et elles fument. »
Par un simple regard, Il peut renverser l’ordre établi. Et ce, afin de rafraîchir notre mémoire et de nous permettre de prendre conscience qu’Il dirige tout et que l’âme de toute créature est entre Ses mains.
Mais gardons-nous de penser qu’Il serait cruel envers la Création en la détruisant – nous savons bien que lorsque les anges voulurent entonner la Chira suite à l’ouverture de la mer Rouge, Hachem s’y est opposé en arguant « les œuvres de mes mains sont en train de se noyer et vous entonneriez la Chira ? » (Méguila 10b) En dépit de la méchanceté des Égyptiens qui méritaient bien la noyade, il était difficile à Hachem de voir la souffrance et la mort des impies ; à plus forte raison Lui est-il difficile de voir celle des justes.
PAROLES DES TSADDIKIM
Perles de Torah sur la paracha entendues à la table de nos Maîtres
Pourquoi le Rav Kotler eut-il une crise d’appendicite ?
« C’est Aharon et Moché » (Chémot 6, 26)
« Il y a des endroits où Aharon précède Moché, et des endroits où Moché précède Aharon, pour nous enseigner qu’ils sont d’un niveau équivalent. » (Rachi)
Pourquoi, ici, est-ce Aharon qui est cité en premier ?
Le ‘Hatam Sofer nous propose à cet égard une explication remarquable :
Cet ordre ne se retrouve en fait que dans la paracha de Vaéra. Il est expliqué que Moché était en fait supérieur à Aharon, et c’est pourquoi il fut investi de sa mission de sauvetage et de délivrance des Hébreux. Mais, dans la fin de la paracha de Chémot, est exprimée la joie profonde d’Aharon à l’égard de ce choix divin, et c’est justement cette grandeur d’âme qui mui a valu d’être placé sur un pied d’égalité avec son frère, au point que dans la paracha de Vaéra, qui lui fait suite, le nom d’Aharon est mentionné avant celui de Moché.
Cela nous démontre le pouvoir remarquable des vertus. Jusqu’où va un cœur pur ? Jusqu’à se réjouir du choix de son frère cadet par Hachem. Un homme capable de se réjouir ainsi pour son frère plus jeune que lui du plus profond de son cœur était digne de porter sur cet organe le ‘hochen, le pectoral du Grand Prêtre, et même d’être cité en premier.
Rabbi ‘Hizkia Michkovsky chelita, Machguia’h de la Yéchiva Or’hot Torah, racontait l’anecdote suivante au nom de Rabbi Hillel Zachs zatsal. Une fois, un ba’hour se présenta devant le Rav Aharon Kotler zatsal hurlant de douleur, les mains sur le ventre. On comprit rapidement qu’il souffrait d’une crise d’appendicite et on décida de l’emmener d’urgence à l’hôpital pour qu’il puisse être opéré.
Plein de compassion pour son élève en proie à une telle souffrance, Rabbi Aharon l’accompagna jusqu’à la porte de sa maison, en lui souhaitant « réfoua chéléma », avant qu’on le conduise à l’hôpital.
Or, une semaine à peine s’était-elle écoulée que Rabbi Aharon souffrit d’une crise d’appendicite, ce qui était aussi rare que dangereux à son âge ! Grâce à D.ieu, le Gaon s’en sortit, mais toujours est-il que quand Rabbi Hillel vint rendre visite à son Maître, celui-ci lui confia qu’il avait l’impression qu’Hachem avait voulu lui donner une leçon dans le domaine de la compassion. Il aurait sans doute dû davantage se mettre à la place de son élève lorsque celui-ci était venu se plaindre de terribles douleurs.
A MEDITER
Se renforcer et mériter la bénédiction
Nous avons jusque-là évoqué la vertu de l’amour d’autrui, sa grandeur et le mérite qu’elle permet d’acquérir – tant matériellement que spirituellement. Nous voudrions à présent évoquer l’envers de la pièce, à savoir ce que nous risquons de perdre si la haine vient se substituer à l’amour, et la dissension à l’unité…
Car de la même manière exactement que la Torah nous ordonne d’aimer autrui – à travers la mitsva « tu aimeras ton prochain comme toi-même » –, elle nous enjoint (Vayikra 19, 17) : « Ne hais pas ton prochain en ton cœur ; tu réprimanderas ton prochain et ne porteras pas de faute à cause de lui ». En d’autres termes, non seulement en haïssant autrui, on perd la mitsva d’aimer son prochain, mais on se rend également coupable de la transgression d’un interdit de la Torah.
Lorsqu’on entend qu’Untel ou Unetelle est en proie à une maladie grave, nous hochons la tête, soupirant avec pitié : « Oh, le pauvre ! Que de malheurs et de souffrances ! » Pourtant, étonnamment, la maladie grave que nous portons dans notre cœur, nous ne la sentons pas du tout. Nous n’y sommes nullement sensibles, n’y prêtons pas la moindre attention et ne comprenons pas combien nous sommes en fait à plaindre.
Il est question, vous l’aurez compris, du redoutable mal que représente la haine gratuite. Oui, il s’agit d’une maladie, plus redoutable peut-être qu’une véritable pandémie ! Et contrairement à la majorité des maladies, elle est généralisée, touchant les deux cent quarante-huit membres du corps, de même que les trois cent soixante-cinq tendons.
À travers l’accomplissement de fautes, un souffle d’impureté touche le membre impliqué – comme le soulignent nos Sages (Kétouvot 5b), « l’homme ne doit pas faire retentir à ses oreilles de vaines paroles, car elles sont le premier membre brûlé ». Ils veulent dire que quand on écoute des paroles interdites, on attire sur ses oreilles un souffle d’impureté, et c’est pourquoi celles-ci seront brûlées en premier. De même, tout membre par le biais duquel une faute est commise subit ce phénomène, qui se vérifie en fait dans tous les domaines.
Or, tout ceci concerne les membres ou organes qui ne sont pas directement liés à l’âme, même si leur absence se fait cruellement sentir le cas échéant. Mais lorsque l’organe touché est étroitement lié à l’âme, combien cette déficience est-elle lourde ! Ainsi, s’il s’agit du cœur, dont dépend la vie de l’homme, s’il venait à manquer, que vaudrait-il ? S’il en est ainsi, par cette faute amère de la haine gratuite, qui prend essentiellement siège dans le cœur, l’homme attire sur son cœur un souffle d’impureté. Or, étant donné qu’il est l’organe essentiel dans la vie de l’homme, ce sont tous ses membres qui sont finalement touchés !
Lorsqu’une maladie touche un membre, il s’agit certes d’un danger bien réel, mais il existe tout de même une chance de sauver le malade. Par contre, lorsqu’une tumeur a déjà développé des métastases dans des organes vitaux, tels que le cœur ou le cerveau, que dire ? La situation est infiniment plus grave, et les chances de guérison, presque nulles.
Le ‘Hafets ‘Haïm nous enseigne qu’il en va de même pour les maladies de l’âme. Chaque faute touche un membre bien précis, celui par lequel l’homme a fauté. Lorsqu’il s’agit d’un organe secondaire, même si le malade est en danger, le danger n’est pas immédiat et il reste encore un important espoir de le sauver. Mais lorsque l’homme faute par un membre étroitement lié à l’âme, par exemple s’il cultive dans son cœur la haine gratuite, sa situation est nettement plus grave, et il n’y a presque aucun espoir de le sauver !
GUIDES PAR LA EMOUNA
Qui dirige nos pas
Alors que j’étais à l’étranger et que je devais prendre le vol du retour, j’ai demandé au Rav ‘Haïm Korson, un de mes amis proches, qu’il m’accompagne dans la salle d’attente réservée aux voyageurs. Il fallait pour cela qu’il demande un permis spécial, mais il répliqua qu’il était déjà trop tard : vu l’heure, le responsable ne devait plus se trouver dans son bureau. J’insistai cependant pour qu’il tente le coup. Après une demi-heure, il était de retour, arborant un grand sourire.
Il m’en expliqua la raison : « Dès que le Rav m’a dit de me rendre dans ce bureau, j’y suis allé, avec bien peu d’espoir d’obtenir un tel permis. Mais en arrivant là-bas, j’ai trouvé un Juif désespéré, qui était en train de prier de tout son cœur, et, lorsque je l’ai vu, j’ai immédiatement compris que c’était pour lui que j’étais allé dans ce bureau. Je lui ai tout de suite demandé en quoi je pouvais l’aider.
« Il me répondit : “Loué soit l’Éternel Qui a entendu ma prière ! Je me trouve là, désespéré, ne sachant que faire, car la personne qui devait m’accueillir à l’aéroport n’est pas venue, et je suis perdu, sans endroit où aller. Je ne parle pas la langue du pays et ne sais pas comment m’en sortir.”
« J’ai aussitôt entrepris de l’aider en lui appelant un taxi qui le conduise à destination », conclut Rav Korson avant d’ajouter : « Est-ce que je peux me permettre de vous poser une question : quand vous m’avez envoyé demander l’autorisation, est-ce que vous saviez déjà que l’homme que nous cherchions n’était pas présent, mais qu’il y avait, par contre, un Juif qui avait désespérément besoin d’aide pour arriver à destination, et que j’allais ainsi pouvoir l’aider ? »
« Je l’ignorais, lui répondis-je. En fait, quand je t’ai demandé si tu pouvais m’accompagner dans la zone réservée aux voyageurs et que tu m’as répondu que tu ne pouvais pas entrer avec moi, car l’homme qui délivrait ce type de permissions n’était pas présent, j’ignore pourquoi j’ai tellement insisté pour que ce soit toi qui m’accompagnes, et pour que tu ailles tout de même chercher une autorisation. Après tout, je n’étais pas seul. Pourquoi était-ce si indispensable ?
« Le Très-Haut m’a apparemment inspiré ce désir pour sauver ce Juif en détresse qui était en train de prier de tout son cœur qu’Il lui vienne en aide, et c’est ce que tu as fait, en lui apportant ton aide au moment où il en avait besoin. »
Nombreuses sont les conceptions dans le cœur de l’homme ; mais c’est le dessein de D.ieu qui l’emporte.
DES HOMMES DE FOI
Tranches de vie – extraits de l’ouvrage Des hommes de foi, biographie des Tsaddikim de la lignée des Pinto
Toutes les nuits, Rabbi ‘Haïm Pinto avait coutume de réciter le tikoun ‘hatsot à la synagogue. Une nuit, en arrivant a à la synagogue, il heurta dans la pénombre un des fidèles qui était assis sur les marches.
« Que fais-tu là à cette heure-ci ? », lui demanda Rabbi ‘Haïm.
« Je suis paralysé ! » répondit-il.
Puis, en pleurant, il implora le Tsaddik : « Je suis venu tout spécialement pour que le Rav me voie et me prenne en pitié. Je demande au Rav de bien vouloir prier pour que, par le mérite de ses ancêtres, je guérisse de cette terrible maladie. »
Rabbi ‘Haïm le prit dans ses bras et l’emporta à l’intérieur afin qu’ils récitent ensemble le tikoun ‘hatsot.
Lorsqu’ils eurent terminé, le Tsaddik appela plusieurs fidèles et leur demanda d’emmener cet homme au cimetière. Là-bas se trouvait le tombeau de son ancêtre, le saint Tsaddik Rabbi ‘Haïm Hagadol.
À leur arrivée, Rabbi ‘Haïm s’approcha de la sépulture en criant et en pleurant : « Grand-père, grand-père, prie D.ieu de prendre cet homme en miséricorde. Ni lui ni moi ne partirons d’ici avant qu’il ne soit guéri. »
Et un grand miracle arriva !
Au moment même où Rabbi ‘Haïm prononça sa supplication, le paralytique se mit à ressentir des sensations dans tout son corps et, après quelques minutes, il fut déjà capable de marcher comme tout le monde.
Passée une certaine période, cet homme eut le privilège d’épouser une femme vertueuse qui lui donna des enfants. À tous, il raconta ce prodige qu’il avait vécu par le mérite de Rabbi ‘Haïm Pinto Hakatan et celui de son grand-père (d’après Rav Hillel Benhaïm de Beer-Sheva qui eut le mérite de s’occuper de la synagogue de Rabbi ‘Haïm Pinto).
EN PERSPECTIVE
Le mauvais penchant, tel un ressort
Lors de la plaie de la grêle, Paro s’écrie, à l’encontre de son impiété : « Cette fois-ci, j’ai fauté ; Hachem est juste, tandis que moi et mon peuple sommes des impies. » Pourtant, que voit-on peu après ? « Il continua à fauter et il endurcit son cœur. » Comment un tel comportement est-il possible, après avoir compris qu’Hachem est juste ?
Dans son Mikhtav Mééliahou, Rav Dessler propose l’explication suivante : lorsqu’un homme se contente de repousser son mauvais penchant sans le supprimer, même si, pour le moment, il l’a surmonté, il ne fait somme toute que tendre le ressort davantage. Or, plus on le tend et plus il durcit, si bien qu’on risque finalement d’aboutir au résultat inverse.
De la même manière, loin de se reprendre véritablement, Paro ne fit que repousser momentanément le mauvais penchant et avouer la vérité, et c’est pourquoi son impiété revint encore plus forte et, dans son entêtement, il endurcit son cœur.
CHEMIRAT HALACHONE
Une erreur fréquente
Il n’y a aucune permission de croire du lachone hara, même s’il est émis en présence de la personne dont il est question – celle-ci n’ayant pas acquiescé. À plus forte raison est-ce interdit en son absence, lorsque le médisant se contente de prétendre qu’il ne se serait pas gêné de parler devant elle – ce n’est pas une raison pour le croire.
Pourtant, ceci est malheureusement très répandu.