Tazria-Métsora 22 Avril 2023 א אייר התשפ"ג |
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La gravité du péché de médisance
Rabbi David ’Hanania Pinto
« Voici quelle sera la règle imposée au lépreux (…) » (Vayikra 14, 2)
Cette semaine, nous lisons le passage concernant le lépreux, et le Sifté ‘Hakhamim rapporte (Vayikra 13, 46) qu’il doit son nom de metsora à ce qui est malheureusement son passe-temps favori : motsi chem ra (la diffamation). Rachi s’appuyant sur l’interprétation de nos Maîtres (Arakhin 16b) : « Quelle différence distingue-t-elle le lépreux des autres personnes atteintes par une impureté pour qu’il lui faille demeurer dans l’isolement ? Du fait qu’il a séparé par la médisance le mari de sa femme et l’homme de son prochain, il devra lui aussi être tenu à l’écart. » Quiconque proférait du lachone hara se voyait alors frappé de lèpre à l’instar de Myriam, pour ne citer qu’elle.
Il convient ici de rappeler la gravité que représentait la punition de la lèpre. Comme l’indique la Guémara (Nédarim 64b), « quatre individus sont considérés comme morts : le pauvre, le lépreux, l’aveugle et celui qui n’a pas d’enfants ».
Cette affirmation demande explication : si l’on peut comprendre que le pauvre, l’aveugle ou celui qui n’a pas d’enfants soient considérés comme tels, il est plus difficile de comprendre l’inclusion du lépreux dans une telle catégorie. En effet, il ne manque apparemment de rien, puisqu’il a des enfants, de l’argent, dispose de capacités physiques normales ; il semble profiter de la vie. Que lui manque-t-il donc pour qu’il soit classé parmi les plus malheureux ?
L’explication est que le lépreux s’est vu quitté par la Présence divine ; il est en quelque sorte rejeté par Hachem, Qui est la Source de vie. Il est tenu à l’écart du campement, ainsi que l’impose Hachem (cf. Vayikra 13, 46), Qui lui transmet ainsi le message qu’il est indésirable devant Lui. Aussi, tout ce qu’il peut par ailleurs posséder ne pourrait compenser ce rejet, comparable à la mort.
Cela souligne la gravité de la médisance, qui, loin d’être un acte anodin, a en fait des répercussions dramatiques. Je voudrais à ce propos vous rapporter un incident qui m’a profondément choqué : j’étais à New York quand je reçus la visite d’un homme que je connaissais depuis plusieurs années. « Je suis venu me séparer de vous, car je ne sais pas si je vous reverrai, m’annonça-t-il de but en blanc. »
Interloqué, je lui demandai des explications, et il me confia alors qu’il était atteint de la maladie dont on préfère taire le nom, et que les spécialistes ne lui donnaient plus que quelques semaines à vivre, tout au plus quelques mois.
Je lui expliquai qu’il ne devait pas désespérer et garder foi en une délivrance qui pourrait survenir prochainement. Mais il affirma qu’il sentait sa fin proche et voulait que je prie en sa faveur.
Cette demande me glaça le sang, surtout lorsqu’il insista pour que je prie afin que Hachem soit miséricordieux avec lui et ne garde pas le souvenir de toutes les fautes qu’il avait commises. Soudain, il éclata en sanglots et se mit à confesser ses péchés : « Malheur à moi ! dit-il. Malheur à mon âme ! Quelle honte m’attend dans le Monde de Vérité ! »
Quel choc ! C’étaient, presque mot pour mot, les mêmes paroles que le Gaon de Vilna prononça juste avant sa mort. Il avait alors souligné que le Guéhinam, c’est la honte que l’homme ressentira le jour du jugement face à ses fautes.
Je demandai alors à cet homme pourquoi il n’avait pas pensé à cela des années auparavant, avant de tomber malade. Il n’avait aucune réponse à me donner.
Mais nous connaissons en fait la réponse : un homme plongé dans les vanités de ce monde ne voit pas la vérité : ses envies forment un écran qui la lui masque. Il ne voit que les honneurs, la beauté, l’argent. Ce n’est que lorsque l’heure de sa mort approche qu’il commence à la percevoir, du fait du sentiment d’impuissance qu’elle suscite.
Cette leçon est aussi celle que la lèpre évoque. Du fait de son isolement absolu, le lépreux est comparable au mort. N’ayant aucune compagnie, il en vient logiquement à se remettre en question, en méditant au jour où il se retrouvera dans la solitude de la tombe.
Les ouvrages saints précisent par ailleurs que la prière du médisant ne peut s’élever, car il y a un écran le séparant d’Hachem. C’est comme s’il adressait ses prières aux arbres et aux pierres, tel un idolâtre, si bien que toutes ses suppliques se dirigent finalement vers les puissances impures, ce pour quoi il devra rendre des comptes…
PAROLES DE TSADIKIM
Perles de Torah sur la paracha entendues à la table de nos Maîtres
Lorsque des zéros se transforment en millions
« Voici quelle sera la règle imposée au lépreux lorsqu’il redeviendra pur : il sera présenté au Cohen. » (Vayikra 14, 2)
Dans l’ouvrage Rochi Bachamayim, ce verset est interprété par allusion, selon les termes du Zohar (Pékoudé) : lorsque l’homme adresse une prière sans ferveur ou n’étudie pas la Torah de manière désintéressée, ces mérites de la prière et de l’étude sont conservés dans un firmament particulier ; lorsque l’homme prie la fois suivante avec ferveur ou étudie de manière désintéressée, la prière et l’étude réalisées convenablement élèvent les autres prières et études qui étaient conservées à part dans ce firmament.
Nous pouvons y trouver une allusion dans le verset ci- dessus : « Voici quelle sera la règle imposée au lépreux», ce sera la réparation de la prière adressée sans intention ou de l’étude qui n’était pas désintéressée, « lorsqu’il redeviendra pur » : le jour où il prie et étudie avec la kavana désirée, et à ce moment-là, « il sera présenté au Cohen », la prière et l’étude seront agréées par Hachem…
Un ‘hassid de Tchertkov était le gendre d’un Juif honorable, commerçant aisé et animé d’une grande crainte du Ciel.
Un jour, le ‘hassid se présenta au domicile du Rav de Tchertkov et lui dit :
« Kavod Harabbi, je dois malheureusement informer le Rabbi que mon beau-père ne prie pas… »
Et le Rabbi de répondre : « Pardonne-moi, mais à quelle heure pries-tu ? »
L’Avrekh répondit : « Tard le matin. »
« Apparemment, ton beau-père prie à temps », rétorqua le Rabbi…
Mais notre homme s’entêta et prétendit sans relâche qu’il était persuadé que son beau-père ne priait pas du tout. En conséquence, le Rabbi lui demanda de surveiller son beau-père, et lorsqu’il serait sûr de son information, de l’informer que le Rabbi l’appelait. Et en effet, quelques jours plus tard, le gendre s’adressa à son beau-père et lui communiqua la demande du Rabbi.
Le beau-père pâlit, entra chez le Rabbi, et avec crainte et déférence, se renseigna sur l’objet de l’appel du Rabbi. Le Rabbi lui dit : « J’ai entendu que tu ne pries pas.
– C’est juste, répondit l’homme.
– Comment est-ce possible ? Pourquoi ? » lui demanda le Rabbi.
Et l’homme s’expliqua : « Je ne suis certes pas un grand érudit, mais je possède au moins une qualité : je suis un homme de vérité qui est très scrupuleux sur ce point. Et comme je n’arrive pas à avoir l’intention appropriée pendant la prière, je ne veux pas faire de mensonge, et c’est la raison pour laquelle je ne prie pas. »
Et le Rabbi de répondre : « Il est dit dans les Téhilim (87, 6) : “L’Éternel, en inscrivant les nations, proclame : Untel y est né ! Sélah !” Et voici l’explication :
« Un Juif se rend à la synagogue et prie sans ferveur, le Saint béni soit-Il peut-Il consigner qu’il a fait cette téfila ? Absolument pas ! Ce n’est pas une prière. En conséquence, le Saint béni soit-Il inscrit dans son dossier : zéro.
« Un zéro et un autre zéro s’associent pour former une longue ligne, formée par 364 zéros, comme le nombre des jours de l’année…
« Puis le jour arrive où ce Juif arrive à se sanctifier, et prie de tout cœur. À ce moment-là, le Saint béni soit-Il lui ajoute le chiffre 1. Si l’on ajoute le chiffre 1 du côté droit, ce n’est que 1. Mais si l’on ajoute le chiffre 1 du côté gauche, c’est le chiffre 1 additionné de 364 zéros…
« En effet, toutes les nations du monde écrivent de gauche à droite, mais en revanche, le peuple juif écrit de droite à gauche, or “L’Éternel comptera dans l’écriture des peuples” [traduction littérale du verset précité] : Il écrit le chiffre 1 du côté gauche, et en une fois, la ligne se transforme en ligne qui vaut des milliers de millions… Une prière récitée avec la kavana du cœur donne, en quelque sorte, naissance à toutes ces prières. »
Le Rabbi ordonna en conséquence au Juif devant lui : « A toi de remplir ton rôle, tu répondras Amen aux bénédictions et tu t’efforceras d’avoir l’intention appropriée pour chaque Amen. Mais sache que si tu ne réussis pas toujours, cette prière t’est également comptée ; elle attend d’avoir droit à une prière récitée avec ferveur pour pouvoir s’associer à toutes les autres… »
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Étincelles de émouna et de bita’hon consignées par le Gaon et Tsadik Rabbi David ’Hanania Pinto chelita
Comment remercier le Saint béni soit-Il de manière authentique ?
L’histoire suivante m’a été relatée par M. Choukroun, un Juif animé de la crainte du Ciel. Elle nous démontre la force de la émouna simple et intègre dans le Maître du monde, par laquelle l’homme mérite de voir de grandes délivrances. Plus de trois ans s’étaient écoulés depuis que notre protagoniste cherchait à acheter un appartement. Son épouse, impatiente, le pressait à ce sujet à tout instant : pourquoi ne déployait-il pas plus d’efforts pour trouver un appartement à vendre ?
Notre histoire (en l’an 5771) prit un important tournant le jour de la fête de Pourim. Lorsque M. Choukroun vit que son épouse ne lui laissait plus de répit, il se tourna vers elle : « Tu sais que le jour de Pourim, les Juifs ont bénéficié de lumière et de joie, et chaque année, ce jour-là, les portes du Ciel s’ouvrent à nouveau et la faveur divine s’éveille de nouveau en faveur du peuple juif… »
Elle interrompit son flot de paroles, ne comprenant pas où il voulait en venir.
« Mais quel rapport avec l’appartement ?! » Et son mari de répondre : « Je décrète en cet instant que le Saint béni soit-Il va nous aider, et dès ce soir, nous allons trouver un appartement conforme à nos désirs… »
M. Choukroun poursuivit son récit, et me raconta, ému : « Après avoir fini de parler, je descendis les marches de l’immeuble. Je rencontrai alors un inconnu qui me demanda le nom de la rue. Je hochai de la tête pour le lui confirmer, puis il me demanda : « Où est l’appartement numéro untel ? »
L’appartement était situé sous l’appartement que je louais, et je le lui indiquai. Il me dit alors : « Cet appartement m’appartient. Cela fait bien longtemps que je ne suis venu ici et j’aimerais le vendre depuis fort longtemps, mais je n’ai pas encore trouvé d’acheteur… »
Je compris immédiatement que c’était un signe du Ciel et que ma prière avait porté ses fruits. Je lui demandai des renseignements sur l’appartement, sa taille et le prix qu’il en demandait. Au bout de deux heures seulement (!), nous étions chez un avocat, prêts à préparer le contrat d’achat…
Lorsque ma femme apprit ce qui s’était passé, encore ébahie des merveilles de la Providence divine, elle me demanda : « Qu’en est-il du parking autour de la maison, est-il inclus dans le prix ? » Elle avait à peine fini sa phrase que le propriétaire de l’appartement me téléphona : « Nous avons oublié d’intégrer dans le contrat un paragraphe sur les deux places de parking autour de la maison, mais bien entendu, c’est compris dans le prix… »
En entendant cette histoire, il me fut impossible de ne pas m’émouvoir en voyant de manière tangible la main de D.ieu à l’œuvre. Je lui demandai alors :
« Et qu’as-tu fait de ton côté pour remercier le Saint béni soit-Il de cette immense bonté qu’Il t’a prodiguée ? »
M. Choukroun me répondit sur un ton déterminé : « J’ai pris la résolution d’ajouter deux heures chaque jour à mon étude quotidienne de la Torah. » Je fus très content de sa réponse et déclarai : « Heureux es-tu d’avoir mérité ceci, et c’est réellement le moyen le plus juste de remercier D.ieu pour Ses nombreuses bontés à notre égard. Il ne faut pas se suffire de Séoudot Hodaya (repas festif de remerciements) comme on le fait souvent, mais le point principal pour remercier D.ieu consiste à se renforcer dans la Torah et les mitsvot et à se rapprocher de D.ieu, loué soit-Il, et de Sa Torah. »
C’est un exemple concret de la puissance de la émouna simple et pure, qui a permis à un simple Juif de se lier au Saint béni soit-Il, Qui a satisfait sa volonté et répondu à Sa prière. Comme nous l’avons expliqué, cette faculté est ancrée dans le Juif depuis la mitsva de la circoncision, qui insuffle cette pureté dans son cœur et cette droiture dans le service divin.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David ’Hanania Pinto
Un rappel honteux pour toute la vie
« Puis le septième jour, il se rasera tout le poil, sa chevelure, sa barbe, ses sourcils, tout son poil. » (Vayikra 14, 9)
Quel est le remède du lépreux, comment s’extrait-il de son impureté ?
La Torah affirme que lorsque le lépreux est guéri de la tsaraat, la lèpre, le Cohen prend deux oiseaux, du bois de cèdre, l’écarlate et l’hysope, et égorge un oiseau ; quant au second oiseau, il le plonge dans le sang de l’oiseau égorgé, ainsi que l’hysope, et l’asperge sur celui qui se purifie de la lèpre. Il lavera ses vêtements et baignera son corps dans l’eau. Et la Torah d’ajouter (Vayikra 14,9) : « Puis le septième jour, il se rasera tout le poil, sa chevelure, sa barbe, ses sourcils, tout son poil » : c’est ainsi que celui qui se purifie éliminera son impureté.
Une explication est nécessaire ici. Si la Torah demandait au lépreux de raser ses poils au moment où la lèpre l’a touché et se trouvait encore sur son corps, cela pourrait s’entendre. Mais une fois l’atteinte de la lèpre éliminée, qu’il est totalement guéri, pourquoi est-il tenu d’éliminer tous ses poils ? Rien n’est plus humiliant que cela. Imaginons un homme ayant des cheveux sur la tête et une longue barbe, et soudain, en l’espace d’un instant, il devient totalement chauve, défiguré, méconnaissable, sans barbe ni péot, sans cheveux ni sourcils. Il aura certainement honte de franchir le seuil de sa maison, c’est un traumatisme pour toute la vie. Dans ce cas, quel est l’intérêt d’un tel rasage ?
J’aimerais, avec l’aide de D.ieu, l’expliquer ainsi : nous avons vu à quel point la Torah considère avec gravité l’interdit de médisance. Et la faute de celui qui en profère est incommensurable. Le tort principal est porté à la bouche, et lorsque la bouche est polluée et entachée de propos interdits de médisance et de colportage, les prières récitées par cette même bouche ne sont ni acceptées ni désirées. De même, la Torah étudiée avec cette bouche sera entachée, et n’a pas la faculté de purifier l’âme ni de sanctifier le corps. On remarque que dès lors, l’ascension spirituelle est interrompue, car on n’a plus les outils requis pour poursuivre sa progression.
Et comme le lépreux a porté atteinte à sa bouche et l’a défigurée par des propos interdits, à partir de là, même s’il se consacre à la Torah, celle-ci sera polluée et indésirable, ses prières ne seront ni acceptées ni agréées devant le Saint béni soit-Il. Il doit savoir qu’il a été touché par la lèpre pour avoir ouvert la bouche en proférant des propos négatifs sur son ami, et souillé sa langue par des propos interdits de médisance et de colportage.
Et pour qu’il se remémore toute sa vie la gravité de la faute, la Torah lui a ordonné de commettre un acte humiliant en rasant tous les poils de son corps. Nul doute que cette honte produira une impression profonde sur son esprit, et qu’il n’oubliera pas si vite. Il retiendra pour toujours la gravité de cette faute, et se garder à compter de ce jour de réitérer cette faute.
À MÉDITER
Se renforcer et mériter la bénédiction
La sainteté de la vision est l’un des domaines les plus élevés du service divin. La Torah nous a mis en garde à ce sujet dans le verset (Bamidbar 15, 39) : « Et que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux qui vous entraînent à l’infidélité ».
Généralement, cet interdit est associé à la vision de scènes impures qui conduisent au final à des actes concrets interdits. En fait, le fait même de voir et d’observer constitue un tort en soi, mais aussi en raison de l’effet que cela a sur l’homme.
Voici une petite histoire : Rabbi Matia ben ‘Harach se trouvait au Beth Hamidrach et étudiait la Torah. L’éclat de son visage ressemblait au soleil, sa figure ressemblait à celles des anges de service, car il n’avait jamais posé les yeux sur une femme.
Un jour, le Satan passa par là et le jalousa. Il dit : Est-il possible qu’un tel homme ne faute pas ? Il demanda au Saint béni soit-Il :
« Maître du monde, Rabbi Matia Ben ‘Harach, que représente-t-il pour Toi ? » Il répondit : « C’est un juste parfait. » Et le Satan de reprendre : « Donne-moi la permission de le tenter. » Et D.ieu de lui répondre : « Tu ne le pourras pas. » Malgré tout, Il lui permit d’y aller. Il se déguisa en femme d’une beauté telle qu’il n’y en avait pas eu depuis l’époque de Naama, la sœur de Touval Caïn à cause de laquelle les anges de service avaient fauté, comme il est dit (Béréchit 6, 2) : « Les fils de la race divine trouvèrent que les filles de l’homme étaient belles. »
Il se tint devant lui, et lorsque Matia l’aperçut, il détourna le visage et il se tint derrière lui. Il revint à la charge du côté gauche, et le Tsaddik tourna le visage du côté droit, mais il revenait l’assaillir de tous côtés. Matia déclara : « Je crains que le mauvais penchant n’en vienne à me dominer et m’incite à fauter. »
Que fit ce Tsaddik ? Il appela l’élève qui était son serviteur et lui dit :
« Apporte-moi du feu et un clou ! » Il lui apporta un clou, qu’il fit passer au feu et mit dans ses yeux. Lorsque le Satan vit ceci, il en fut bouleversé et tomba en arrière.
À ce moment-là, le Saint béni soit-Il appela l’ange Réfaël et lui ordonna de guérir Matia ben ‘Harach. Il s’approcha de lui et Matia lui demanda : « Qui es-tu ? » « Je suis Réfaël, envoyé par le Saint béni soit-Il pour guérir tes yeux. » L’homme lui dit : « Laisse-moi tranquille, ce qui est fait est fait. » L’ange retourna chez le Saint béni soit-Il et lui rapporta les propos du Tsaddik. D.ieu lui répondit : « Pars et dis-lui que Je suis garant que le mauvais penchant ne le dominera pas », et il le guérit immédiatement. De là, nos sages ont déduit que tout homme qui ne regarde pas les femmes, à plus forte raison la femme de son prochain, le mauvais penchant ne le domine pas.
Relevons ici le discernement de Rabbi Matia ben ‘Harach : il comprit qu’il vaut mieux s’aveugler les yeux plutôt que de voir une scène interdite, et avec un courage surhumain, passa à l’acte, prêt à subir toutes ces épreuves pour éviter d’enfreindre l’interdit d’observer une femme ou toute scène indécente. Il était conscient que les épreuves auxquelles il risquait d’être exposé ensuite dans le Monde de vérité sont bien plus difficiles. Mais surtout, il savait que ses yeux n’ont pas de valeur si l’on s’en sert pour un interdit, et était prêt à renoncer à la vie pour ne pas flancher une seule fois.
Rabbi Matia ben ‘Harach avait compris que le monde n’est pas livré à lui-même et qu’il n’est pas envisageable de regarder ce que le cœur désire et ensuite, de poursuivre une vie ordinaire ; il était préférable d’être un aveugle, qui est considéré comme un mort, de perdre définitivement la vision, que de fauter par le biais des yeux.
La révélation à laquelle Rabbi Matia a abouti est extraordinaire : les yeux ne nous appartiennent pas, ils nous ont été donnés pour en faire un emploi juste, et lorsque cette mission s’avère impossible, en quelque sorte, les yeux ne sont plus utiles.
DES HOMMES DE FOI
Tranches de vie – extraits de l’ouvrage Des hommes de foi, biographie des Tsaddikim de la lignée des Pinto
Le jeune Na’hmani travaillait dans un port, au Maroc. Il y gagnait un salaire honorable. Un jour, Rabbi ‘Haïm Pinto le rencontra et lui demanda une certaine somme pour la tsédaka. Le jeune homme refusa, prétextant qu’il n’avait pas d’argent. Le Tsaddik insista :
« Comment peux-tu dire que tu n’as pas d’argent ? Dans telle poche, tu as exactement cette somme ! » Extrêmement gêné d’être ainsi découvert, Na’hmani sortit l’argent de sa poche et le remit à Rabbi ‘Haïm, qui lui dit :
« Tu travailles au port, n’est-ce pas ? Va travailler, mais sache que plusieurs Arabes là- bas vont essayer de te tuer en te lançant des pierres. Néanmoins, elles tomberont juste à côté de toi sans te toucher. »
Ensuite, Rabbi ‘Haïm lui donna des instructions précises :
« Je te conseille de quitter le port et de sortir dans la rue. La première affaire qui se présentera à toi, accepte-la. »
Tout se déroula exactement comme prévu. Après son sauvetage miraculeux, il croisa un non-juif dans la rue qui lui fit une proposition :
« J’ai un entrepôt rempli de clous. Je dois le vider complètement en quelques jours, pour le louer à quelqu’un. Si cela t’intéresse, tu peux acheter tout le stock. »
Na’hmani s’étonna de cette proposition si insolite :
« Tu penses que je vais te payer pour te débarrasser de ces clous ? C’est toi qui devrais me payer afin que je te les prenne ! Que vais- je faire d’un tel stock de clous ? »
Ce non-juif réfléchit quelques instants puis demanda à Na’hmani :
« Combien veux-tu pour ce travail de déblayage ? »
Na’hmani proposa une somme que le non-juif accepta. Il vida l’entrepôt et emporta les clous chez lui.
Il en prit quelques-uns dans les mains et remarqua qu’ils étaient fabriqués par une société renommée. Il alla tout de suite chez le cordonnier du quartier et lui demanda : « Dis- moi, combien coûtent les clous de la marque untelle ? » Étonné, le cordonnier lui répondit :
« Quoi ? Mais ces clous sont très rares. Si tu en as, je t’achète tout le stock. » Ils conclurent immédiatement l’affaire et Na’hmani gagna une somme d’argent colossale.
Na’hmani, qui n’avait que seize ans à ce moment-là, retourna chez lui et montra à son père l’argent qu’il avait gagné.
« D’où as-tu eu tout cela ? » lui demanda-t-il. Le fils lui raconta tout, depuis sa rencontre avec le Tsaddik, jusqu’à l’affaire fructueuse qu’il avait réalisée. Après avoir entendu ce merveilleux récit, le père demanda à son fils de l’accompagner chez Rabbi ‘Haïm. Dès leur arrivée, le Tsaddik les pria d’entrer. C’est alors que le père, ému, dit au Rav : « Rabbi, tout cet argent vous appartient.
– Garde-le, répondit humblement le Tsaddik, j’ai déjà pris de ton fils ce dont j’avais besoin pour la tsédaka. »