Parachat Toldot 18 Novembre 2023 ה' כסלו התשפ"ד |
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Yaakov, l’élu des patriarches
Rabbi David ’Hanania Pinto
« Yaakov, homme entier, vécut sous les tentes. »(Béréchit 25, 27)
Par ce verset, la Torah définit le début de la vie de Yaakov, l’élu des patriarches qui, en grandissant, méritera de parler avec le Saint béni soit- Il, même du vivant de son père Its’hak. Yaakov fut l’élu des patriarches du fait qu’il était un « homme entier, assis dans les tentes », c’est-à-dire qu’il détenait deux forces : le pouvoir de la Torah et une sincérité, une droiture visant la Vérité. Ces vertus sont le contre-pied des personnalités d’Essav et de Lavan qui étaient des escrocs. Yaakov a appris à faire face à cette fausseté, en utilisant la ruse positivement, dans le but de lutter contre le mauvais penchant. Il nous reste à comprendre comment il a appris à utiliser le bon côté de ce défaut.
Notre patriarche Yaakov savait que Lavan l’Araméen portait bien son nom – arma signifiant la ruse. Il était encore plus faux qu’Essav, dont Yaakov connaissait déjà la duplicité. En dépit de toute la sagesse de Yaakov, Lavan parvint à le tromper, en lui donnant Léa à la place de Ra’hel. Pourtant, à la fin de son séjour dans la maison de Lavan, Yaakov affirma : « J’ai séjourné auprès de Lavan » (Béréchit 32, 5), affirmation que Rachi interprète ainsi : « J’ai séjourné auprès de Lavan et ai observé les six cent treize mitsvot » ; Yaakov est parvenu à y préserver totalement son intégrité spirituelle.
Or, si Yaakov a su trouver les forces nécessaires pour lutter contre son mauvais penchant, c’est parce qu’il combattit ses adversaires avec ruse. Il a utilisé les défauts de ses ennemis pour vaincre son penchant. Ceci démontre à quel point une étude assidue de la Torah, pendant une période de quatorze ans, en exil, loin de son foyer et sans le moindre repos, a le pouvoir de pénétrer en l’homme et de lui donner la force nécessaire pour lutter contre les ruses du mauvais penchant. Nous devons cependant définir de façon plus précise comment Yaakov est parvenu à ancrer en lui ces bases essentielles et éternelles qui lui ont ensuite permis de côtoyer de près des mécréants, sans en subir la mauvaise influence et en utilisant leurs propres armes pour les vaincre.
Notre patriarche Yaakov, qui a étudié la Torah toute sa vie, a pourtant jugé nécessaire de consacrer quatorze années supplémentaires à l’étude, avant de quitter Beer Cheva pour ‘Haran, bien qu’il retardât ainsi l’exécution de l’ordre parental de se marier. En dépit de son âge avancé – soixante-trois ans –, il savait qu’étudier encore quatorze années dans la Yechiva de Chem et Ever lui permettrait de surmonter l’épreuve à laquelle il devrait faire face, celle de combattre et d’anéantir le pouvoir du mal, incarné par Lavan.
A présent, nous sommes en mesure de comprendre l’enseignement suivant de nos Sages : « Rabbi Yichmaël enseigne : “Si tu rencontres ce vilain [le mauvais penchant], entraîne-le vers la maison d’étude.” » (Kidouchin 30b) La seule solution pour vaincre le mauvais penchant consiste à se plonger dans l’étude de la sainte Torah. C’est pourquoi, avant de se rendre auprès de Lavan le méchant, Yaakov alla étudier à la Yechiva de Chem et Ever.
Il en ressort une idée remarquable. Après que Yaakov eut consacré tant d’années à l’étude dans la Yechiva de Chem et Ever, il eut une vision divine, alors qu’il était en route pour ‘Haran, comme il est dit : « Une échelle était dressée sur la terre, et son sommet atteignait le ciel. » (Béréchit 28, 12) C’est justement en récompense à son exceptionnel dévouement pour la Torah, pour laquelle il s’était sacrifié corps et âme, qu’il mérita une révélation de la Présence divine. Evidemment, si Yaakov avait su que cet endroit était tellement saint, il n’y aurait pas dormi, comme le soulignent les versets : « Yaakov se réveilla de son sommeil (…) et moi, je l’ignorais (…) Que ce lieu est redoutable ! Ceci n’est autre que la maison du Seigneur, et c’est ici la porte du ciel. » (Ibid. 16-17) Mais le Saint béni soit-Il a retardé Yaakov précisément à cet endroit et l’y a endormi, afin de pouvoir S’y révéler à lui.
Yaakov s’était attaché de façon si intense à la Torah qu’il avait sanctifié chacun de ses membres au service de l’Eternel. Aussi, ses pieds, qui avaient pris l’habitude de se dévouer pleinement à l’étude, aspiraientils à rester sur place pour étudier. C’était la première fois que le sommeil l’avait emporté sur Yaakov et il n’y était pour rien, puisque c’était le Tout-Puissant qui l’avait endormi. Or, même dans son sommeil, Yaakov a rêvé de paroles de Torah, comme il est dit : « Yaakov s’est réveillé de son sommeil (michnato) » ; nos Sages interprètent (Béréchit Rabba 69, 7) : « Ne lis pas michnato, mais mimichnato », c’est-à-dire « de son étude ». Combien notre génération, où les gens avalent des calmants pour mieux savourer leur sommeil, se trouve-t-elle loin de ce niveau!
A l’époque de l’Holocauste, un Admour d’Alexander, que son mérite nous protège, alors qu’il s’apprêtait à réciter le Kiddouch sur le vin, le soir du Séder, prononça d’abord ces paroles d’encouragement, en présence de ses ’hassidim : « Kadech : tout Juif a le devoir de sanctifier chacun des membres de son corps. » Il s’agit là d’une tâche très ardue et on ne peut y parvenir que par le biais de la Torah. Lorsque nous nous lavons les mains, nous prononçons la bénédiction : « Qui nous a sanctifiés par Ses mitsvot, et nous a ordonné de procéder à l’ablution des mains. » Nous nous sanctifions avec de l’eau, car la Torah est comparée à l’eau. Les Justes de cette époque possédaient une force spirituelle qu’il nous est impossible d’appréhender. Alors qu’ils cheminaient vers les morts les plus atroces, ils entonnaient des chants de louange à leur Créateur. Cette force exceptionnelle émanait de leur être qu’ils avaient sanctifié et voué pleinement à Dieu.
Or, c’est notre patriarche Yaakov qui a implanté en nous ce potentiel. Il incombe à l’homme de rester toujours proche du Saint béni soit-Il et, lorsqu’il ressent une certaine régression dans son service divin, de se ressaisir par le biais de l’étude de la Torah.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Perles de l’étude de notre Maître le Gaon et Tsadik Rabbi David ’Hanania Pinto chelita
La tente de Yaakov, en opposition au champ d’Essav
« Les enfants ayant grandi, Essav devint un habile chasseur, un homme des champs, tandis que Yaakov, homme entier, vécut sous les tentes. » (Béréchit 25, 27)
Yaakov et Essav sont deux frères ; le premier est désigné comme un « homme assis sous les tentes » et, le second, défini comme un « homme des champs ». Généralement, on plante une tente dans un champ à l’aide de pieux, afin de la fixer solidement pour qu’elle résiste aux vents, même violents. Plus la tente est grande et plus les piquets que l’on utilise doivent être grands et solides, de sorte qu’elle ne soit pas déracinée du sol, quelles que soient les conditions météorologiques.
Lorsque le verset affirme que Yaakov vivait sous les tentes et qu’Essav était un homme des champs, c’est une allusion au fait que Yaakov a dû construire une tente solidement rivée au sol afin de se protéger de l’influence d’Essav qui travaillait dans les champs, symbole de la matérialité de ce monde. Dans cette tente de la Torah, Yaakov s’est dévoué corps et âme, se préservant ainsi de l’influence de son frère mécréant.
Nous pouvons en retirer une leçon : l’homme qui désire se préserver des vanités de ce monde – symbolisées par le champ – doit se construire une tente et la renforcer avec autant de piquets que nécessaire ; de cette façon seulement, il pourra échapper aux vanités du temps.
Ainsi, grâce à la tente que Yaakov a construite dans les champs, il a pu s’isoler du monde qui l’entourait pour se consacrer de tout son être à l’étude de la Torah et atteindre un niveau très élevé. Par le mérite de la Torah qu’il a étudiée, Yaakov, depuis sa tente, est parvenu à propager l’esprit de la Torah dans tout son entourage.
Lorsque Yaakov quitta Bersabée, les habitants de cet endroit ressentirent le départ de ce Juste et, avec lui, celui de la bénédiction qui l’entourait. Nos Sages expliquent : « Le départ d’un Juste laisse des marques dans la ville ; sa beauté s’en va, son éclat s’en va, sa majesté s’en va. » Yaakov, qui s’était enfermé dans la tente pour y étudier assidûment la Torah, représentait la beauté, l’éclat et la majesté de l’endroit où il résidait et vers lequel il attirait la bénédiction ; pour cette raison, son départ se fit ressentir. Yaakov a planté une tente pour y étudier la Torah et se détacher du champ, c’est-à-dire du monde matériel qui l’entourait ; il a ainsi mérité de devenir l’éclat de la ville, en transformant le champ dans lequel il avait planté sa tente en verger de pommes.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Étincelles de émouna et de bita’hon consignées par le Gaon et Tsadik Rabbi David ’Hanania Pinto chelita
Quatre bébés en bonne santé
C’est un homme heureux qui vint ce jour-là m’annoncer que sa femme attendait, non pas un, mais… quatre enfants !
Cependant, après lui avoir fait passer certains examens, les médecins voulaient éliminer deux des embryons, évaluant leurs chances de survie commune comme nulles. Ils estimaient par contre qu’elles seraient bien plus élevées s’ils n’en laissaient survivre que deux.
Chaque cas est différent et on ne peut, bien sûr, généraliser, mais toujours est-il qu’à ce moment-là, je m’y opposai fermement et dis au mari, après lui avoir conseillé de vérifier la Halakha dans une telle situation : « Est-ce que tu as foi et confiance dans le Maître du monde ? » Il me répondit par l’affirmative. J’ajoutai alors que si D.ieu avait formé ces quatre embryons, tous avaient des chances de naître en bonne santé. Tout était question de émouna !
Cependant, plus la grossesse avançait et plus les spécialistes insistaient, prétendant qu’ils risquaient de perdre les quatre enfants.
Désorienté, ce Juif me consulta de nouveau, mais je restai inébranlable : « Là où il y a foi et confiance en D.ieu, il n’y a pas de danger ! Le Créateur a donné à la femme la possibilité de mettre au monde des enfants en parfaite santé ; cela ne dépend donc que de Lui et de notre foi en la toute-puissance divine, et non pas des pronostics du corps médical. »
Cet homme n’était pas particulièrement pratiquant, mais il avait foi et confiance en D.ieu et c’est ce qui lui permit de tenir tête aux praticiens, avec une ténacité remarquable.
Et pourtant, pendant toute la grossesse, il se trouva confronté à une épreuve très difficile, à une pression sans précédent. Les médecins lui répétaient inlassablement qu’il risquait à tout instant de perdre les quatre bébés, mais il avait une émouna très forte et c’est ce qui lui permit de tenir bon.
S’il avait écouté les médecins, peut-être n’aurait-il que deux enfants à l’heure actuelle, peut-être même n’en aurait-il pas eu. Mais il renforça sa foi dans le Créateur et, grâce à D.ieu, il a aujourd’hui quatre enfants en parfaite santé. En outre, ce miracle l’a profondément ébranlé et, depuis lors, il s’est considérablement renforcé dans sa pratique du Judaïsme.
PAROLES DE TSADIKIM
Perles de Torah sur la paracha entendues à la table de nos Maîtres
Quand le chadkhan loue le père de la cala
« Puisse-t-il t’enrichir, le Seigneur, de la rosée des cieux et des sucs de la terre ! » (Béréchit 27, 28)
Au centre de notre paracha, nous pouvons lire les bérakhot qu’Its’hak donna respectivement à ses fils Yaakov et Essav. Or, si l’on s’y penche de plus près, on notera une différence entre ces deux séries de bénédictions.
Les premières, reçues par Yaakov, commencent par mentionner un bienfait céleste – « la rosée des cieux » –, puis seulement un bienfait terrestre – « des sucs de la terre » –, alors que les secondes, reçues par Essav, sont données dans l’ordre inverse – « une grasse contrée sera ton domaine et les cieux t’enverront leur rosée ». Quel est le sens de cette inversion ?
L’ouvrage Chaar Bat Rabim l’explique remarquablement par l’exemple d’un chadkhan qui fait une proposition de mariage à un ba’hour. Si celui-ci est un vrai ben Torah, sérieux et ne cherchant qu’à étudier, il commencera par lui faire l’éloge du père de la cala, lui dire combien il craint D.ieu et aime la Torah et ajoutera qu’il a un beit hamidrach empli de livres où il pourra avoir le loisir d’étudier. Au passage, il mentionnera que c’est un homme riche qui lui apportera certainement un soutien financier.
Par contre, si le jeune homme n’est pas un véritable ben Torah, mais est plus porté vers les affaires de ce monde, le discours du chadkhan sera différent : il commencera par lui vanter l’exceptionnelle richesse du père de la cala, qui possède des terrains de jeu, une salle de sport, etc., et sera sans doute en mesure de lui faire profiter de ses biens, puis, à la fin, il précisera qu’il a aussi un beit hamidrach bien garni de livres qu’il pourra consulter à sa guise.
Le chadkhan s’adresse donc à chacun en fonction de son niveau spirituel. Or, tel est justement le sens profond de l’inversion qui apparaît dans les bérakhot prononcées par le patriarche. Comme nous le savons, ses paroles étaient le fruit de l’inspiration divine, aussi, celles qu’il adressa à Yaakov, « homme intègre, assis dans les tentes », se focalisaient sur le spirituel, mentionné en premier lieu, puis seulement évoquaient aussi l’aspect matériel, car « s’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah ».
Par contre, celles qu’il donna à Essav, attiré par les plaisirs de ce monde, se concentraient sur l’aspect matériel, conformément à l’explication de Rachi selon laquelle la « grasse contrée » se réfère à l’Italie, pays où il pourrait satisfaire ses envies matérielles. Dans un second temps, Yaakov évoqua la rosée des cieux, allusion aux aspirations spirituelles qu’il serait aussi à même de combler dans le cas où il le désirerait…
DES HOMMES DE FOI
Lors d’un voyage en autobus entre ‘Haïfa et Tel Aviv, Rav Aminadav Krispin, le Rav de Kiriat Byalik, se retrouva assis à côté d’un officier supérieur de la police. Ils engagèrent la conversation, parlant de choses et d’autres, quand elle dévia sur la ville de Mogador. Il se trouvait qu’ils en étaient tous deux originaires.
Le Rav lui posa la première question, incontournable : « Avez-vous connu Rabbi ‘Haïm Pinto ?
– Bien sûr, répondit-il, qui ne le connaissait pas ? Personnellement, je lui dois la vie. »
C’est ainsi qu’un jour, Rav Krispin me rapporta l’aventure merveilleuse qui était arrivée à cet officier :
Lorsqu’il était jeune, il se destinait à travailler pour une société de transports française en tant que chauffeur de poids lourd sur l’axe Mauritanie-Maroc. A l’époque, le pouvoir français était en lutte contre les rebelles musulmans, aussi sa mère lui conseilla-t-elle de demander une bénédiction à Rabbi ‘Haïm Pinto avant d’acheter son camion.
Rabbi ‘Haïm bénit le jeune homme pour ses déplacements et conseilla à sa mère d’acheter un caftan blanc et de le déposer sur le siège près du conducteur.
Le conseil déplut quelque peu au jeune homme :
« Rabbi, de nos jours, seuls les Arabes revêtent encore le caftan. La tenue vestimentaire moderne venue d’Europe a remplacé ce vêtement traditionnel. Quel besoin ai-je d’en acheter un ? »
Le Rav se contenta de lui répéter : « Fais ce que je te dis. Viendra un jour où ce vêtement te sauvera la vie. » Il n’ajouta aucune explication.
Le jeune homme remplit la requête du Rav. Il posa respectueusement le caftan sur le siège du passager, tandis que les mots prononcés par la bouche sainte du Tsadik résonnaient encore à ses oreilles.
Cela faisait quatre mois qu’il avait commencé à travailler, quand une nuit, il fit un arrêt à un endroit où se cachaient des rebelles. A cause du froid, il se couvrit du caftan acheté par sa mère et s’endormit.
Le matin, il se réveilla de son profond sommeil avec des forces renouvelées, prêt à poursuivre sa route. C’est alors qu’il vit de sa cabine, au-dessus de plusieurs camions stationnés près de lui, les têtes pendues de leurs chauffeurs… Il s’était avéré que cette même nuit, les rebelles s’étaient introduits sur le parking et étaient passés silencieusement d’un camion à un autre, tout en observant les conducteurs endormis. Ils avaient fait la déduction que celui qui portait un vêtement européen devait être français et donc décapité. En revanche, ils ne touchèrent pas à ceux qui portaient un caftan, supposant qu’ils devaient être arabes et marocains.
« C’est ainsi que j’eus la vie sauve, par le mérite de cette bénédiction, du conseil et du caftan », raconta l’officier.
« A mon retour, je racontai ces terribles évènements à ma mère et m’empressai de me rendre chez le Tsadik pour réciter la bénédiction “hagomel”. »