Parachat Behoukotaï 1er Juin 2024 כד אייר התשפ"ד |
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« Faisons l’homme » dit pour Rabbi Chimon bar Yo’haï
Rabbi David Hanania Pinto
« Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez. » (Vayikra 26, 3)
Tous les vendredis soir, nous avons la coutume d’entonner le chant « Bar Yo’haï » dans lequel nous disons « “Faisons l’homme” a été dit pour toi. » Nos Maîtres affirment (Sanhédrin 38b) que, lorsque le Saint béni soit-Il voulut créer l’homme, Il prit conseil auprès de Ses anges. Les commentateurs expliquent que, quand Il vit que Rabbi Chimon bar Yo’haï naîtrait dans les générations à venir, Il dit aussitôt « Faisons l’homme », réalisant qu’il valait la peine de créer le monde entier et tous ses habitants pour que l’âme de Rabbi Chimon puisse y descendre.
Mais comment donc ce Sage parvint-il à un si haut niveau ? Par le pouvoir de la Torah, à l’étude de laquelle il se voua. Le fait que sa hilloula tombe à la période où nous lisons la section de Bé’houkotaï n’est pas un hasard. Celle-ci s’ouvre par le verset « Si vous vous conduisez selon Mes lois », commenté par Rachi : « Attelez-vous à l’étude de la Torah. » Car la Torah s’acquiert essentiellement par l’effort acharné, comme le souligne le Tana : « Telle est la voie de la Torah : tu mangeras du pain avec du sel, boiras de l’eau au compte-gouttes, coucheras sur le sol. Tu vivras une vie de souffrances et peineras dans l’étude de la Torah. » (Avot 6, 4) Seulement par ce biais est-on en mesure d’acquérir la Torah.
Rabbi Chimon bar Yo’haï, qui mena une vie de souffrances durant ses treize ans de séjour dans une grotte, incarne cette maxime. Il plongea son corps jusqu’au cou dans la poussière, si bien qu’il fut couvert de crevasses et c’est dans cet état déplorable qu’il se consacra avec assiduité à l’étude de la Torah, ne s’accordant pas le moindre repos. Quant à sa nourriture, elle se limita à des caroubes et à de l’eau. Or, ce sont justement ces difficultés qui lui valurent d’atteindre un si haut niveau en Torah.
La Guémara raconte (Chabbat 33b) que, lorsqu’il sortit de la grotte, Rabbi Pin’has ben Yaïr lui lava le corps et, constatant qu’il était couvert de crevasses, se mit à pleurer. Rabbi Chimon lui demanda pourquoi il pleurait et il répondit : « Malheur à moi qui t’ai vu dans un tel état ! » Le Sage lui répondit : « Heureux sois-tu de m’avoir vu ainsi, car si tu ne m’avais pas vu ainsi, tu ne m’aurais pas trouvé ainsi [à ce niveau]. »
Rabbi Chimon signifiait à son gendre que telle était l’unique voie permettant à l’homme de devenir un grand en Torah. En effet, seule une étude accomplie dans la détresse s’intègre dans l’homme et a le pouvoir de modifier son essence et de l’élever. Par contre, s’il recherche les plaisirs de la vie et n’en fait qu’à son gré, il est certain qu’il ne pourra pas mériter la couronne de la Torah.
En outre, une série de promesses suit l’incipit de notre section « Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez », notamment : « Je vous donnerai les pluies en leur saison », « Je ferai régner la paix dans ce pays »… Ainsi donc, le Saint béni soit-Il assure à celui qui se voue à l’étude de la Torah que ses besoins matériels seront comblés par Ses anges, ce qui rejoint la conception de Rabbi Chimon. Ce dernier affirma à cet égard qu’il pouvait, en s’appuyant sur le pouvoir de la Torah, protéger le monde entier et le soustraire à la justice divine. Ceci est sous-entendu dans la promesse « Je ferai régner la paix dans ce pays », signifiant que le monde peut parvenir à un état de perfection grâce au mérite d’une étude assidue de la Torah.
Dès lors, nous comprenons pourquoi le jour de la hilloula de Rabbi Chimon est si joyeux, au point que tous les êtres humains, depuis Adam jusqu’à ceux vivant à notre époque, sont heureux. Car, non seulement ce Sage peut nous acquitter de la justice, grâce à la Torah ésotérique qu’il révéla au monde, mais en plus, l’assiduité dans l’étude de la Torah, qui nous permet de pénétrer son essence, rapproche la Délivrance et nous offre ainsi l’opportunité de libérer la sphère Majesté de l’emprise des puissances impures. Il y a donc bien lieu de se réjouir et cette joie que nous manifestons annule les puissances impures, aussi appelées « chagrin » et « soupir » d’après le Ari zal. D’où la mitsva de se réjouir en ce jour. Mais si, à D.ieu ne plaise, on est au contraire triste, les puissances impures auront une emprise sur nous, par le biais de la tristesse.
On raconte que le Ari zal se rendit à Méron pour la hilloula de Rabbi Chimon bar Yo’haï et, dans son entrain, se leva pour danser. Un homme de taille haute et au visage resplendissant vint danser avec lui, tandis que le soleil se joignit aux deux danseurs. Toutes les personnes présentes restèrent interdites face à ce spectacle. Elles se demandèrent qui était cet homme et ce que le soleil faisait ici. Le Ari zal leur expliqua alors qu’il s’agissait de Rabbi Chimon en personne et que le soleil était Rabbi Elazar Azkari, un Tsadik jusqu’à ce jour resté caché.
Dans notre génération qui manque malheureusement de foi, à cause de l’avancée technologique et de la propagation d’appareils comme l’ordinateur et le téléphone portable, nous devons plus que jamais raffermir notre croyance dans le pouvoir des Tsadikim.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Un amour désintéressé
Une dame, en pleurs, se présenta à moi. Elle était accablée de malheurs : la paix conjugale faisait défaut à son foyer, ses enfants ne lui procuraient pas de satisfaction, sa situation pécuniaire n’était pas reluisante et elle n’était pas en très bonne santé.
Profondément peiné par sa situation, je lui demandai quelle bénédiction je pouvais lui donner. A ma grande surprise, elle me répondit qu’elle n’était pas venue pour me demander de la bénir, mais afin que je bénisse sa voisine qui, souffrant d’une très grave maladie, gisait sur son lit de mort.
« En ce qui me concerne, ajouta-t-elle, je suis vivante, en dépit de toutes mes souffrances. Mais la vie de ma voisine est en danger et c’est donc pour elle que j’aimerais demander une bénédiction à votre honneur. »
Ses paroles me renforcèrent et j’en retirai une leçon de morale. Quelle grandeur d’âme que de penser uniquement à la peine de son amie, au point d’en d’oublier la sienne ! En outre, cette femme avait appris à se réjouir de ce qu’elle avait et à se concentrer sur cela plutôt que de regarder ce qu’il lui manquait. Nous pouvons en déduire notre devoir de nous réjouir de notre lot et de considérer positivement chaque événement vécu, tout en nous souvenant que notre récompense sera proportionnelle à notre souffrance.
De même, je connais personnellement l’un des donateurs soutenant nos institutions. Il y a quelques années, la roue a tourné en sa défaveur et il s’est retrouvé dans une très mauvaise passe. Sa paix conjugale s’est elle aussi dégradée et il en est presque arrivé au divorce. Cependant, je l’ai toujours encouragé, lui disant de ne pas désespérer, de continuer à servir le Créateur d’un cœur entier et d’assister à ses cours fixes de Torah. Après quelque temps, tout s’est arrangé et sa situation s’est rétablie.
Nos Maîtres nous ont mis en garde à ce sujet en affirmant : « Tout amour qui dépend d’un élément [externe], lorsque l’élément disparaît, l’amour disparaît. » (Avot 5, 16)
Ainsi, celui qui sert l’Eternel, accomplit Ses mitsvot et Le remercie uniquement lorsque tout va bien, cessera de le faire une fois confronté à l’adversité. Son amour dépendait d’éléments externes et n’était pas authentique.
Par contre, l’homme qui sert D.ieu de manière inconditionnelle, mû par un réel amour pour Lui, continuera à Le servir face aux difficultés. C’est le niveau le plus sublime. Même lorsqu’il jouit de la sérénité et que tous ses besoins sont comblés, il ne profite pas des biens de ce monde pour sa jouissance personnelle, mais uniquement en tant que moyens lui permettant de servir le Très-Haut. C’est pourquoi, s’il lui arrive de perdre des biens matériels, il ne s’en afflige pas, mais poursuit son étude de la Torah et son observance des mitsvot qui représentent sa plus grande délectation.
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Eternel, ma force, mon appui (…) » (Yirmiya chap. 16)
Lien avec la paracha : la haftara mentionne les punitions que D.ieu infligera aux enfants d’Israël s’ils ne se conforment pas à Ses lois et n’observent pas Ses mitsvot, sujet de notre paracha où sont prédits les malheurs qui s’abattront sur eux s’ils sont infidèles aux mitsvot.
PAROLES DE TSADIKIM
Ne pas importuner autrui mais l’aider
« Si vous vous conduisez selon Mes lois. » (Vayikra 26, 3)
Le Baal Hatourim nous révèle ici un principe de base dans le service divin à travers une formidable allusion : les initiales des mots du verset précité forment le terme avot (pères), où nous lisons notre devoir de suivre les voies de nos ancêtres.
Lorsqu’on demanda au Saba de Slabodka, Rav Nathan Tsvi Finkel zatsal, comment il pouvait résumer l’œuvre de sa vie, il répondit : « Je m’efforce d’éduquer mes élèves à remplir leur tâche d’être sages et bons. »
Rabbi Eliezer Tourk chelita décrit la pureté des traits de caractère de Rav Arié Finkel zatsal, Roch Yéchiva de Mir-Brakhfeld, qui incarnait la pureté des vertus et symbolisait l’intégrité dans la Torah, dans la conduite et dans la crainte de D.ieu, prototype du Juif modèle agréé par l’Eternel.
A l’époque où la famille Finkel habitait à la rue Malakhie, à Jérusalem, Rav Arié, installé dans son salon, était plongé dans son étude quand il entendit de puissants bruits de coups et de percements en provenance de l’étage supérieur. Au départ, il se demanda à quoi ils correspondaient, mais il le comprit rapidement quand des morceaux de chaux et de plâtre tombèrent du toit.
« Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il à la Rabbanite. Pourquoi entend-on tant de coups d’en-haut ? Tout va bien ?
–Tout va bien, le rassura-t-elle. Le voisin d’en-haut fait des travaux d’agrandissement. »
Un sourire bienveillant éclaira le visage du Rav. Il se leva, ferma son livre de guémara, revêtit sa veste et son chapeau et monta les escaliers. Ses coups à la porte se noyèrent dans le bruit infernal des travaux. Après de longues minutes, l’un des enfants les remarqua et vint lui ouvrir.
« Papa est là ? demanda-t-il.
–Papa, Papa ! Le voisin Finkel est à la porte. »
Le père, quelque peu gêné, apparut. Le Rav Finkel ? Il ne lui avait même pas parlé de ses projets de construction. Qui sait comment il allait réagir… Mais, arrivé au seuil de son appartement, il eut une surprise. Un spectacle tout à fait imprévisible l’attendait.
« Bonjour, lui dit Rav Arié sur un ton cordial et d’un visage avenant, tout en lui serrant la main avec chaleur. Je me suis tellement réjoui d’apprendre que vous avez entrepris des travaux. Cela fait longtemps que je m’étais demandé comment vous parveniez à vous arranger dans un si petit appartement.
« J’imagine que ces constructions vous reviennent très cher, mais je suis désolé de ne pas pouvoir vous apporter un soutien financier, ayant moi-même de faibles moyens. Néanmoins, si vous avez besoin d’avoir recours à un emprunt, je vous propose de signer en tant que garant et je m’en réjouirai. »
Encore un mot gentil, encore une poignée de main et Rav Arié redescendit chez lui pour se replonger dans son étude.
Et le voisin ? Interdit, il resta sur le seuil de son appartement, observant d’un regard incrédule le Rav descendre les marches. Pensif, il se dit : « Comment Rav Finkel et sa famille s’arrangent-ils, eux, pour vivre dans un appartement aussi étroit ? » Mais, plus encore, il se demanda : « Comment fait-il pour avoir un œil aussi bienveillant ? Comment parvenir à ne voir que l’intérêt des autres ? »
Un jour où l’un des membres de sa famille exprima quelque peu son mécontentement au sujet de la construction, Rav Arié, surpris, lui répondit : « Si ce voisin qui fait des travaux était notre fils, nous y opposerions-nous ? »
CHEMIRAT HALACHONE
Une bonne résolution
Au moment où l’on récite le Chéma, lorsqu’on arrive au verset « Imprimez donc Mes paroles dans votre cœur », correspondant à une soumission au joug de la Torah et des mitsvot, on s’engagera à ne pas transgresser les mitsvot négatives et positives liées à la parole.
PERLES SUR LA PARACHA
Lié toute la journée par le nœud des téfilin
« Si vous vous conduisez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez. » (Vayikra 26, 3)
La mitsva des téfilin a le statut d’une loi irrationnelle (‘hok), comme il est dit : « Tu observeras cette institution (‘houka) en son temps, à chaque anniversaire. »
D’après le Or Ha’haïm, le verset « Si vous vous conduisez selon Mes lois » fait allusion à notre devoir de porter les téfilin, appelés ‘houka, tout au long de la journée, à la condition toutefois de veiller à respecter l’ensemble des halakhot lui étant liées, comme celle de ne pas détourner son attention de cette mitsva.
D’où la suite du verset « Si vous gardez Mes préceptes » ; en d’autres termes, nous devons bien observer les halakhot accompagnant la pose des téfilin.
Le Or Ha’haïm et ses élèves avaient ainsi l’habitude de marcher toute la journée avec leurs téfilin. Dans une lettre relative aux sessions d’étude de sa sainte Yéchiva, à Jérusalem, Rabénou Hakadoch témoigne : « La manière d’étudier est avec le talit et les téfilin, tout au long de la journée, avec sainteté, crainte du Ciel, modestie et une conduite pieuse. »
L’homme naît pour pouvoir s’atteler à la tâche de l’étude
« Si vous vous conduisez selon Mes lois. » (Vayikra 26, 3)
D’après nos Maîtres, ce verset signifie que nous devons nous atteler assidûment à la tâche de l’étude de la Torah.
Rav ‘Haïm de Brisk zatsal explique sur le mode allusif cet enseignement de nos Sages (Sanhédrin 99b) : « “L’homme naît pour le labeur”, pour peiner dans l’étude de la Torah. » Lorsque le fœtus se trouve dans le ventre de sa mère, un ange lui apprend toute la Torah. Aussi, ne manque-t-il de rien, hormis d’une chose : la peine accompagnant l’étude. C’est la raison pour laquelle il doit venir au monde, afin d’ajouter à l’étude de la Torah cet ingrédient indispensable. Tel est le sens des mots « L’homme naît pour le labeur. »
Le gage pris par Yaakov du prophète Eliahou
« Et Je Me ressouviendrai de Mon alliance avec Yaakov. » (Vayikra 26, 42)
Le nom de Yaakov est écrit ici avec un Vav supplémentaire. Rachi commente : « Cinq fois, le nom Yaakov est écrit plein (avec un Vav) et cinq fois, le nom Eliahou est écrit défectueux (sans Vav) : Yaakov a reçu une des lettres du nom d’Eliahou comme gage et promesse qu’il annoncerait la délivrance de ses enfants. »
Sur le mode allusif, l’auteur de l’ouvrage Avné Hachaham fait remarquer que le nom Yaakov correspond aux initiales de l’expression « OuméEliahou kibel Yaakov arvon bé’hamicha », Yaakov reçut par cinq fois un gage d’Eliahou.
Pourquoi le patriarche prit-il cinq fois un gage du prophète ? Le chiffre cinq renvoie aux cinq livres de la Torah ; en l’observant et en l’étudiant, on rapproche la venue du prophète Eliahou.
Cela étant, pourquoi lui prit-il précisément la lettre Vav ? Car sa valeur numérique complète équivaut à treize, allusion à notre devoir de nous attacher aux treize attributs de Miséricorde du Créateur. De même qu’Il est clément et miséricordieux, nous nous devons de l’être.
SUR LES TRACES DE NOS ANCÊTRES
Rabbi David Hanania Pinto
Rabbi Tsadok dit : “N’en fais pas [des paroles de Torah] une tiare pour te glorifier ni une pioche pour creuser.” » (Chap. 4, 5)
Il existe un principe fondamental dans l’étude de la Torah : lorsqu’un individu étudie par fierté, elle ne se maintient pas. On doit plutôt aborder l’étude avec une modestie extrême. Celui qui se repent avant d’étudier, son étude le mène à la modestie. Rabbi Elimélekh de Lizensk zatsal écrit, dans son Tseytel (alinéa 10), que l’homme a l’obligation de faire une téchouva complète avant d’entamer l’étude. S’il n’examine pas ses actes avant de la commencer, elle ne pourra se maintenir.
Je rentrai une fois chez mon Rav et maître, le Tsadik Rabbi ‘Haïm Chmouel Lopian zatsal. Il me confia qu’il était en train d’écrire un commentaire sur l’ouvrage Chev Chmatata de l’auteur du Ktsot Ha’hochen zatsal. Il ajouta : « Sache qu’avant de commencer à étudier, ce saint Rav ouvrait son livre et s’isolait avec son Créateur. Il faisait un examen de conscience et lisait le verset : “Quant au méchant, D.ieu lui dit : Qu’as-tu à proclamer Mes statuts ?” Il agissait ainsi, car il se considérait comme indigne d’étudier la Torah. Chaque fois qu’il s’asseyait pour étudier, il se faisait des reproches, examinait ses actes et se repentait afin d’enraciner en lui la vertu de modestie. C’est ainsi que ce saint Rav mérita de s’élever et d’écrire de précieux ouvrages, comme Ktsot Ha’hochen et Chev Chmatata, car il étudiait avec une extrême humilité.
Mon Rav conclut : « Si l’auteur du Ktsot Ha’hochen agissait ainsi, combien plus devons-nous examiner notre conduite et nous remettre en cause avant d’entamer l’étude ! Mais malheureusement, la situation s’est renversée. On vient étudier au beit hamidrach et, avant d’y entrer, on passe plusieurs coups de fil, on fume une ou deux cigarettes ; puis, une fois à l’intérieur, on discute avec son compagnon d’étude de ce qui s’est passé ce jour-là au travail et à la maison et, seulement alors, on ouvre un livre pour étudier ! Il ne reste de l’heure fixée que la moitié, voire moins encore. Est-ce là une préparation adéquate à l’étude de la Torah ? »
Si nous veillions à examiner nos actes avant l’étude et nous nous considérions comme nuls devant D.ieu, à l’instar du Ktsot Ha’hochen, nous n’en viendrions pas à négliger l’étude de la Torah ni à nous enorgueillir. En effet, celui qui, grâce à l’étude du moussar, s’efface entièrement, ne pense à rien d’autre pendant l’étude. Dans le cas contraire, on mêle des discussions profanes à l’étude qui ne pourra se maintenir et nous fera trébucher.
En résumé, l’homme ne peut parvenir à la modestie par le biais de la Torah que s’il l’étudie dans un esprit de soumission et de morale.
LA FEMME VERTUEUSE
« Elle se procure de la laine et du lin et accomplit sa besogne d’une main diligente. »
Dans son ouvrage Divré Torah, l’auteur des responsa Min’hat Elazar de Minkatz raconte l’incroyable histoire qui suit.
Dans le cadre d’un projet de construction d’une nouvelle voie ferroviaire desservant le village de Hokliva, le gouvernement local décida de déplacer certaines sépultures du cimetière juif. Afin de surveiller ces manœuvres, d’imminents juges et Rabbanim se rendirent sur les lieux, accompagnés d’une grande assemblée.
Parmi les tombes devant être déplacées, certaines étaient très anciennes, datant de plusieurs centaines d’années. Soudain, le Gaon de Minkatz, alors jeune homme de treize ans, entendit de grands bruits autour de l’une de ces tombes. Curieux, il alla vérifier ce qui se passait.
Arrivé au niveau de la tombe, ses cheveux se hérissèrent. Elle avait plus de cent ans d’ancienneté et le corps y reposant était entièrement indemne, comme s’il venait d’y être déposé.
Encore sous le choc, il se mit à réfléchir quel mérite avait valu à ce défunt un tel miracle, auquel une infime minorité de gens a droit dans chaque génération. Vraisemblablement, il s’agissait là d’un des trente-six justes cachés qui était, toute sa vie durant, attaché à son Créateur…
Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il se mit à lire l’épitaphe inscrit sur la sépulture : y figurait le nom d’une femme juste, louée par d’exceptionnels éloges et, en particulier, pour sa grande pudeur. Bien qu’elle fût couturière, qu’elle « se procur[ât] de la laine et du lin », elle était restée pudique toute sa vie durant, tant dans son habillement que dans ses manières et ses relations avec ses nombreuses acheteuses qui, grâce à elle, se vêtirent aussi pudiquement.
Avec le plus grand respect, on sortit la défunte, la revêtit d’un nouveau linceul blanc et la redéposa dans son cercueil pour l’enterrer à nouveau.
Le Gaon de Minkatz conclut son histoire en soulignant l’immense sanctification du Nom divin qui en résulta, tant parmi les Juifs que parmi les non-juifs qui, tous, constatèrent l’insigne vertu de la pudeur détenue par les femmes pieuses de notre peuple.
Que fait le Kaf Ha’haïm au marché ?
Si l’on tentait de donner un aperçu de la grandeur de la Rabbanite Pinto – qu’elle repose en paix – concernant la vertu de la pudeur, on aurait l’image d’une femme vertueuse qui, avec sagesse, parvint à prendre les rênes de son foyer avec grâce et discrétion, en dépit du joug que cela représentait. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné, son mari, le Tsadik Rabbi Moché Aharon – puisse son mérite nous protéger –, se cloîtra durant quarante ans dans l’étage supérieur de sa maison pour prier et se plonger dans l’étude de la Torah. C’est donc la Rabbanite qui devait, à elle seule, gérer au mieux tous les aspects de son foyer.
Rabbi Yaakov Hillel chelita, Roch Yéchiva de Ahavat Chalom, atteste que, dans toutes les générations, il était de coutume que le chef de famille apporte la subsistance à celle-ci, tandis que son épouse restait chez elle, en vertu du verset : « Ta femme sera comme une vigne féconde dans l’intérieur de ta maison. » A l’instar de notre matriarche Sarah, la femme juive est confinée dans sa tente et n’en sort pas, occupée à remplir les diverses tâches domestiques.
Même les achats au marché étaient un concept étranger à la femme. Un des célèbres Sages de la Hongrie, qui connaissait l’immense valeur du remarquable ouvrage Kaf Ha’haïm, raconte à cet égard l’histoire suivante. Un jour, il rencontra au marché un Sage sépharade qui achetait des légumes pour Chabbat. En discutant avec lui, il réalisa qu’il s’agissait de Rabbi Yaakov Sofer zatsal, auteur du Kaf Ha’haïm, qui, en personne faisait les courses au marché local. Surpris, il ne sut que penser. Ce Sage n’était-il pas constamment plongé dans les quatre coudées de la loi ? Que faisait-il donc ici ?
Dans la même veine, les anciens de Jérusalem racontent que, lorsque le fils de l’auteur du Divré ‘Haïm de Tsanz vint visiter la ville sainte, il se rendit chez le célèbre kabbaliste auteur du Chémen Sasson, président de la synagogue ‘hassidique Beit-El, dont il avait entendu vanter l’exceptionnelle piété et sainteté. Mais il ne le trouva pas chez lui. Il l’attendit devant sa maison quand il le vit soudain arriver, seul, portant deux paniers emplis de fruits et de légumes qu’il venait d’acheter au marché en l’honneur de Chabbat.
Dans les anciennes générations, de strictes décisions étaient prononcées au sujet de la pudeur de rigueur chez les femmes, en particulier dans les communautés sépharades. A titre d’exemple, une décision prononcée en 5514, imprimée dans le livre des décisions rabbiniques et signée par douze autorités de la génération, ne concernait que la pudeur de la femme juive : « Aucune femme juive, même âgée, n’a le droit de sortir au marché sans avoir couvert ses vêtements d’un châle, même pour aller d’une cour à la cour voisine. De même, il lui est interdit de s’asseoir à la porte de sa cour pour discuter avec ses amies, ce qui lui est aussi prohibé d’une fenêtre à l’autre, du moment que des gens passent au milieu. Une femme n’ayant pas encore atteint l’âge de cinquante ans n’a pas le droit d’amener ni de chercher le pain au four ni d’effectuer des déplacements similaires. »