Parachat Kora'h 6 Juillet 2024 ל סיון התשפ"ד |
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La richesse amassée pour le malheur de celui qui la possède
Rabbi David Hanania Pinto
« Kora’h, fils de Yitshar, fils de Kéhat, fils de Lévi, prit (…) » (Bamidbar 16, 1)
La Guémara s’interroge (Sanhédrin 109b) : que signifie « prit » ? Rèch Lakich explique qu’il prit une mauvaise marchandise. Rachi commente qu’il « se prit à aller d’un autre côté pour se séparer de la communauté et s’insurger contre la prêtrise. C’est ainsi que le Targoum traduit : “Il se sépara” du reste de la communauté pour chercher querelle.
L’âme d’un Juif comprend en elle toutes celles des autres Juifs, toutes liées à une même racine. Aussi, l’influence d’un individu se ressent-elle sur l’ensemble de la communauté. En particulier, une grande responsabilité repose sur les hommes se vouant à l’étude de la Torah, liés à tous leurs frères juifs. Par le biais de leur étude, ils sont en mesure d’influencer spirituellement leurs coreligionnaires, en suscitant chez eux un renforcement dans la Torah et les mitsvot.
C’est ce qui explique le malheur dans lequel tomba Kora’h. Bien qu’il fût prophète et fît partie des porteurs de l’Arche sainte, du fait qu’il s’exclut de la communauté, son âme n’en fit plus partie. Dès lors, il perdit toute responsabilité vis-à-vis du peuple, si bien que le mérite de ses membres ne put plus lui être crédité. Par conséquent, il fut déraciné de ce monde et perdit également sa part dans le suivant.
Pourtant, cet épisode reste étonnant. Kora’h n’était pas un homme simple. Nos Sages affirment (Midrach Tan’houma) qu’il était un grand sage et comptait parmi les porteurs de l’Arche sainte, comme il est dit : « Quant aux enfants de Kéhat, il ne leur en donna point : chargés du service des objets sacrés, ils devaient les porter sur l’épaule. » (Bamidbar 7, 9) Le Arizal note que les dernières lettres du verset « Le juste fleurit comme le palmier » forment le mot Kora’h. Ceci signifie qu’il était un juste. Comment donc tomba-t-il à un si bas niveau, rassemblant tant d’hommes pour les inciter à s’insurger contre l’Eternel et Ses élus ? Qui plus est, opulent et honoré de tous, il jouissait d’une position très prestigieuse, à en croire les propos de la Guémara (Pessa’him 119a) : « Rabbi Lévi affirme : Kora’h avait trois cents mules blanches chargées des clés de ses trésors. » S’il en est ainsi, pourquoi Kora’h médit-il de Moché et Aharon ?
Une autre question se pose : si Kora’h était tellement mécréant, pourquoi le Saint béni soit-Il lui accorda-t-Il tant de richesses ?
Afin de le comprendre, tentons de savoir d’où lui provenaient tous ces biens. Nos Sages (Pessa’him 119a) nous fournissent une réponse : « Rabbi ‘Hama bar ‘Hanina dit : Yossef cacha trois cadeaux en Egypte et Kora’h découvrit l’un d’eux. » Avec l’aide de D.ieu, j’expliquerai ce qui suit. L’Eternel savait que Kora’h était profondément affecté du vice de la jalousie. Afin de l’aider à le déraciner et à corriger également ses autres vices, Il fit en sorte qu’il découvre l’un des trésors dissimulés par Yossef, de sorte que, en contemplant sa richesse, il se souvienne de ce juste et soit influencé par ses vertus. En effet, bien que ses frères, jaloux de lui, lui rendissent la vie amère et entraînassent sa descente en Egypte, il ne leur rendit pas la pareille et se comporta à leur égard avec miséricorde. En outre, il ne jalousa pas la royauté de Yéhouda et ne rechercha pas les honneurs, se conduisant au contraire avec humilité envers tous et leur parlant avec amour et affection.
C’est pourquoi le Créateur eut pitié de Kora’h et lui accorda une partie des richesses de Yossef afin qu’il se souvienne de la piété de celui-ci, s’imprègne de ses vertus et annihile la jalousie et les autres vices ancrés en lui. Mais, il ne prit malheureusement pas leçon de cela et sa jalousie l’expulsa de ce monde.
Nos Sages nous mettent notamment en garde contre ce vice : « La jalousie, le désir et la recherche des honneurs expulsent l’homme de ce monde. » (Avot 4, 21) Ils affirment par ailleurs (Sanhédrin 119a) : « Le verset “La richesse amassée pour le malheur de celui qui la possède” se rapporte, d’après Rabbi Chimon ben Lakich, à celle de Kora’h, qui n’eut pas l’intelligence de s’inspirer du mode de vie de Yossef le juste, d’apprendre de lui l’humilité et de s’éloigner de l’orgueil et de la jalousie. C’est pourquoi il tomba au plus bas niveau, s’insurgeant contre Moché et Aharon. Et qu’advint-il finalement de lui ? “Ils descendirent, eux et tous les leurs, vivants dans la tombe ; la terre se referma sur eux et ils disparurent du milieu de l’assemblée.” » (Bamidbar 16, 33)
Tel est le sens du commentaire de nos Sages selon lequel Kora’h prit une mauvaise marchandise : il s’appropria un bien qui ne lui revenait pas. Car le Très-Haut lui avait accordé l’un des trésors de Yossef afin de susciter sa réflexion sur les vertus de ce juste. S’il avait eu de telles pensées, il aurait mérité cette richesse. Mais, en concevant de la jalousie pour Moché et Aharon, faute d’avoir travaillé sa jalousie innée, il se rendit indigne de ces biens et ce fut comme s’il les avait volés.
Puissions-nous avoir le mérite de corriger nos vices, d’améliorer nos traits de caractère, de nous éloigner de la jalousie, du désir et de la recherche des honneurs et de nous parer de vertus belles et droites ! Amen.
CHEMIRAT HALACHONE
Quand il est permis de louer publiquement
Il est permis de louer quelqu’un en public quand on est sûr que ses auditeurs ne le blâmeront pas, par exemple lorsqu’ils ne le connaissent pas.
On veillera cependant à ne pas le louer outre mesure.
PAROLES DE TSADIKIM
La sensibilité des justes pour les autres
« Afin que nul profane (…) ne subît le sort de Kora’h et de sa faction. » (Bamidbar 17, 5)
L’épisode de Kora’h est, malheureusement, toujours d’actualité, le penchant pour la querelle étant perpétuellement attisé par le vice de la jalousie. C’est pourquoi la Torah nous met en garde contre le fait de se laisser entraîner par nos mauvais traits de caractère afin d’éviter de nous comporter à l’instar de Kora’h et de ses adeptes.
La biographie du Roch Yéchiva de Mir (Békhol Nafchékha), le Gaon Rav Nathan Tsvi Finkel zatsal, dépeint la personnalité exceptionnelle de celui sur les épaules duquel reposait la gestion de cette immense Yéchiva, tant sur le plan matériel que spirituel. Dans sa grande piété, il sut agir avec une grande sagesse et veilla toujours à ce que ses actes n’entraînent pas de profanation du Nom divin.
Lorsque les locaux de la Yéchiva de Mir, à Jérusalem, ne furent plus suffisants pour loger les centaines de ba’hourim y étudiant, la direction fut contrainte de louer des appartements dans le quartier de Beit Israël.
Le Roch Yéchiva donna pour instruction aux jeunes hommes locataires de veiller à ne pas entraîner le déménagement de familles habitant dans l’appartement qu’ils loueraient, en proposant au propriétaire une plus grande somme que celle versée par celles-ci.
Il insistait en effet sur le fait qu’un ben Torah ne pourra jamais réussir ni s’élever dans l’étude si, à cause de lui, une famille s’est trouvée contrainte de déménager. La peine et les frictions engendrées par cette affaire ne sont autres que les fruits des machinations du mauvais penchant qui tente d’introduire une atmosphère de querelle entre les murs du Beit hamidrach.
L’histoire qui suit illustre combien il était sensible aux sentiments d’autrui et mettait un point d’honneur à ne pas lui faire de peine.
En pleine célébration de l’un des mariages auxquels il participa, on eut un doute au sujet de l’un des noms figurant dans la kétouva. On ne savait pas s’il était compréhensible. On décida alors d’appeler un jeune enfant pour le lire. Après que celui-ci le lut selon sa compréhension, les assistants se mirent à débattre si c’était juste ou non. Au milieu de tout le tumulte, le Roch Yéchiva remarqua que le jeune enfant semblait confus, ne comprenant pas pourquoi tout le monde était si agité et ressentant qu’il était l’objet de cette agitation.
Avec sa sagesse et sa bienveillance caractéristiques, il sortit une pièce de sa poche, la remit à l’enfant et lui dit : « Tu as très bien dit ! »
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Le bonheur des personnes soutenant la Torah
Avant l’un de mes voyages aux Etats-Unis où m’accompagna mon fidèle assistant, sa femme vint me voir pour que je lui donne une brakha. Se plaignant de la grande fatigue qu’elle éprouvait ces derniers temps, elle me raconta qu’ils devaient bientôt déménager, ce qui était la source d’une atmosphère tendue dans leur foyer.
Je fus mal à l’aise, conscient qu’elle se sacrifiait pour permettre à son mari de m’accompagner dans tous mes déplacements. Je priai intérieurement l’Eternel de placer dans ma bouche les mots qui la renforceraient.
Je lui répondis : « Il est vrai que vous devez faire face à de nombreuses difficultés. Néanmoins, sachez que, relativement, elles sont petites à côté de celles des femmes stériles, n’ayant pas les moyens de subvenir aux besoins de leur famille ou encore atteintes d’une grave maladie. Par exemple, je viens juste de recevoir une femme à laquelle les médecins ont récemment découvert une tumeur au cou et dont la vie est en danger. Vos difficultés personnelles vous causent certes du souci, mais, en comparaison au malheur de cette dame qui doit maintenant lutter pour vivre, elles sont presque insignifiantes. »
Je continuai à lui parler dans ce sens, tout en insistant, sans trop savoir pourquoi, sur cet exemple de tumeur au cou.
Elle finit par accepter mon discours et retourna chez elle raffermie.
Quelques jours plus tard, avant notre montée dans l’avion, je remarquai la mine triste et préoccupée de mon assistant.
« Qu’as-tu donc, aujourd’hui ? lui demandai-je.
–Il y a deux jours, ma femme a soudain remarqué une grosseur dans son cou. Angoissée, elle s’est empressée d’aller consulter le médecin qui, à son tour effrayé, l’a envoyée immédiatement effectuer de nombreux examens. Depuis, je suis profondément bouleversé et redoute grandement les résultats de ces examens. »
Tentant de le calmer, je lui dis : « Ne t’inquiète pas. Ta femme n’a rien au cou ! »
Mon secrétaire sembla apaisé et un sourire timide apparut sur son visage.
L’heure du décollage arriva. Confiants, nous prîmes place dans l’avion, tandis qu’à ce même instant, la femme de mon assistant alla faire les examens prescrits par son praticien. Au cours de l’un d’eux, on lui fit une biopsie du cou afin d’analyser le prélèvement. Grâce à D.ieu, les résultats furent bons, infirmant tous les doutes qui pesaient concernant la présence d’une tumeur. En parfaite santé, elle put retourner chez elle sans délai.
Dès qu’elle reçut les résultats des examens, elle téléphona, émue, pour nous annoncer la bonne nouvelle. Partageant sa joie, je dis : « Tel est le mérite des personnes soutenant la Torah. Celui qui soutient l’arbre de la vie la mérite en retour. »
PERLES SUR LA PARACHA
Béni Celui qui m’a créé Cohen
« Celui qu’Il aura élu, Il le laissera approcher de Lui. » (Bamidbar 16, 5)
Rabbi Tsadok de Lublin demande pourquoi tout Cohen, descendant d’une lignée de Cohanim, ne prononce pas quotidiennement la bénédiction « Béni Celui qui m’a créé Cohen », de même que tout homme dit « Béni Celui qui ne m’a pas créé femme ».
L’Admour de Gour, Rabbi Avraham Mordékhaï, propose la réponse suivante : dans la Mékhilta, il est écrit qu’avant que les enfants d’Israël ne commissent le péché du veau d’or, tous étaient aptes à être Cohanim, comme il est dit : « Mais vous, vous serez pour Moi une dynastie de Cohanim et une nation sainte. » Ce n’est que suite à ce péché que les Cohanim furent désignés, à l’exclusivité, pour servir dans le Temple. Par conséquent, si les Cohanim disaient la bénédiction « Béni Celui qui m’a créé Cohen », ils retireraient en quelque sorte des honneurs du blâme de leur prochain, ce qui est interdit.
A l’abri de la Rigueur divine
« Séparez-vous de cette communauté, Je veux l’anéantir à l’instant ! » (Bamidbar 16, 21)
A qui est adressé l’avertissement « Séparez-vous » ?
D’après Rabénou ‘Haïm ben Attar – que son mérite nous protège –, il n’est pas adressé à Moché et Aharon qui ne risquaient pas d’être atteints par la Rigueur, même s’ils se trouvaient au milieu de l’assemblée, mais aux Tsadikim, comme les membres des familles de ces derniers, ainsi qu’à Yéhochoua et Calev.
C’est pourquoi le verset poursuit en ces termes : « Je veux l’anéantir à l’instant ! » Car, un décret avait déjà été prononcé à l’encontre de cette génération, mais elle y avait échappé grâce à la prière de Moché qui avait supplié D.ieu de ne pas en exterminer les membres comme un seul homme, mais au fur et à mesure. Cependant, après qu’ils eurent fauté une nouvelle fois, le décret d’extermination pesant sur eux repris le dessus, le Satan profitant d’une heure critique pour accuser l’homme.
Une mort inoubliable
« La terre ouvrit son sein et les dévora, eux et leurs maisons et tous les gens de Kora’h. » (Bamidbar 16, 32)
La punition subie par Kora’h pour s’être rebellé contre les élus de l’Eternel ne manque de nous interpeler : pourquoi devait-il être englouti par la terre, plutôt que frappé par l’une des quatre formes de peine de mort en vigueur au tribunal ? Pour quelle raison D.ieu choisit-Il de lui infliger une mort si étrange ?
Rabbi Mordékhaï Chmouël Krol zatsal l’explique remarquablement. Nos Sages affirment qu’« il existe un décret selon lequel le souvenir du défunt s’efface du cœur de l’homme ». Or, le Saint béni soit-Il désirait que nous nous souvenions à jamais de Kora’h afin que nous en déduisions notre devoir de nous éloigner de la querelle. Il était donc nécessaire de le punir d’une manière marquante, de sorte que cela reste à jamais gravé dans notre mémoire et nous serve de leçon.
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Les regrets de Kora’h
Nos Sages affirment (Baba Batra 74a) que, dans les temps messianiques, Kora’h méritera la vie du monde futur.
A travers les dernières lettres du verset « Le juste fleurit comme le palmier », formant le nom de Kora’h, le Ari zal – que son mérite nous protège – voit une allusion au fait qu’il se repentit lors de ses derniers instants.
Nous pouvons expliquer que, de même que ses fils ne moururent pas parce qu’ils se repentirent, Kora’h fit lui aussi repentance de manière ultime. Il est possible qu’à l’instant même où la terre s’ouvrit pour l’engloutir, il éprouva des pensées de contrition, mais il était alors déjà trop tard.
On peut présumer que celles-ci lui vinrent grâce à ses enfants. En effet, nos Sages affirment (Yalkout Chimoni, Kora’h 752) : « Par quel mérite les fils de Kora’h furent-ils épargnés ? Alors qu’ils étaient assis chez leur père, ils aperçurent soudain Moché et cachèrent immédiatement leur visage dans le sol, se disant : “Si nous nous levons devant notre Moché rabénou, nous humilierons notre père, alors que nous avons l’ordre de le respecter. Et si nous ne nous levons pas, nous enfreindrons l’ordre de la Torah de se lever devant une tête blanche (Vayikra 19, 32). Il vaut mieux que nous nous levions devant Moché, quitte à humilier notre père.” A ce moment, leur cœur les poussa à se repentir et le roi David leur attribua le verset “Mon cœur agite un beau dessein.” (Téhilim 45, 2) »
D’après ce Midrach, il semble clair que, si Kora’h se repentit de manière ultime, c’est sous l’influence de ses fils qu’il vit hésiter concernant la manière de se comporter et, finalement, opter pour rendre honneur à Moché. Leur exemple s’ancra en lui et éveilla, ultimement, des pensées de repentir. Il désira également se repentir, gêné par le dérekh érets témoigné par ses enfants, mais il lui fut trop difficile de surmonter son penchant pour la recherche des honneurs et la fierté qui l’animait.
Ce n’est qu’au moment où il constata que son sort avait été scellé et que sa fin était imminente que ses sentiments de contrition prirent le dessus. Mais il était trop tard et il fut englouti par la terre, à cause de la grande profanation du Nom divin qu’il avait causée.
En outre, Moché avait décrété à son encontre que D.ieu le frapperait d’une punition tout à fait nouvelle afin que tous constatent qu’il était bien Son élu et n’agissait pas de sa propre initiative, contrairement à ce que Kora’h avait tenté de leur faire croire. Le Créateur devait donc immédiatement lui attribuer cette sanction afin de bien mettre les choses au clair. Toutefois, dans les temps futurs, Il acceptera son repentir et lui donnera droit au monde futur. ‘Hanna le prophétisa en disant : « L’Eternel fait mourir et vivre ; Il précipite au tombeau et en retire. » (Chmouel I 2, 6)
LA FEMME VERTUEUSE
« Elle s’assure que ses affaires sont prospères ; sa lampe ne s’éteint pas la nuit. »
D’après nos Sages, ce verset se réfère à la prophétesse ‘Hanna qui, grâce à ses supplications prononcées dans le tabernacle, mérita de donner naissance au prophète Chmouel. Le Midrach souligne ainsi : « “Elle s’assure que ses affaires sont prospères”, c’est ‘Hanna qui goûta au délice de la prière, comme il est dit : “Et ‘Hanna se mit en prière et elle dit : Mon cœur se délecte en l’Eternel (…)”. C’est pourquoi elle eut le mérite d’avoir un fils équivalant à Moché et Aharon, puisque tous éclairèrent le peuple juif telles des bougies, comme il est dit : “Moché et Aharon étaient parmi Ses prêtres, Chmouel parmi ceux qui invoquaient Son Nom.” (Téhilim 99, 6) Et au sujet de Chmouel, il est écrit : “Chmouel aussi dormait et la lampe sacrée brûlait encore dans le temple de l’Eternel.” (Chmouel I 3, 3) »
Si nos Maîtres ont institué les lois relatives à la Chmoné Esré à partir du comportement de ‘Hanna, lorsqu’elle supplia l’Eternel de lui accorder un fils, c’est bien afin de transmettre à toutes les générations le remarquable pouvoir de la femme, à travers ses prières et sa conduite, de fonder un foyer de Torah et d’élever ses enfants à l’aune de celle-ci, mission dont elle retirera ensuite une immense satisfaction.
L’histoire qui suit est racontée au sujet d’un repenti de notre génération. Saisi par une puissante émotion, il se tint devant les murs de la Yéchiva sans parvenir à comprendre ce qui l’avait soudain poussé à y retourner, après tant d’années où il s’était éloigné du judaïsme. Parfois, assis face à un album de photos familial, il se demande comment il est possible que, suite à des générations d’assimilation, il se retrouve maintenant assis à table avec ses enfants pour étudier la Guémara avec Rachi et Tosfot.
Il alla poser cette question au Gaon Rav Shakh zatsal. Précisons ici qu’il est loin d’être le seul à se la poser, nombre d’autres repentis s’interrogeant de même. Après un bref instant de réflexion, il lui répondit soudain comme dans un sanglot : « La grand-mère, les larmes de la grand-mère. Lorsqu’elle se tenait devant les bougies de Chabbat, elle murmurait ses suppliques à l’Eternel : “Donne-moi le mérite d’élever des enfants et petits-enfants sages, aimant et craignant D.ieu (…)”. Ces larmes n’ont pas été versées en vain ; elles ont le pouvoir d’agir même de nombreuses années plus tard et de ramener des enfants dans leur territoire. »
Plus tard, lorsqu’un élève lui demanda comment il avait mérité d’avoir de grands enfants, il répondit brièvement : « Grâce au mérite d’une grande dame. »
Dans cet esprit, Rav Chlomo Wolbe zatsal développe, dans un de ses ouvrages, l’importance de la prière. Puis, il ajoute soudain une note personnelle : « En ce qui me concerne, je suis certain que, si je suis arrivé où j’en suis dans la Torah, c’est grâce aux prières de ma mère. J’avais remarqué qu’elle priait pour moi jusqu’à dix fois par jour. »
Elle ancre en ses enfants des valeurs spirituelles
Outre le pouvoir de la mère juive d’implorer le Tout-Puissant en faveur de ses enfants, elle est également dotée d’un sixième sens. Nos Sages affirment à cet égard que « la femme cerne mieux les invités que l’homme ». Rabbi Akiva Eiger lui-même avait l’habitude de s’asseoir jusqu’à ‘hatsot avec sa femme pour débattre avec elle de sujets relatifs à la crainte du Ciel.
Cette habitude de délibérer de tels sujets se retrouve déjà chez nos patriarches et matriarches. Ainsi, Avraham et Sarah discutèrent de l’attitude à adopter à l’égard d’Ichmaël. Nos Maîtres affirment qu’ils étaient en désaccord, jusqu’à ce que le Saint béni soit-Il enjoignît à Avraham : « Pour tout ce que Sarah te dit, obéis à sa voix. » Celle-ci lui avait dit « Renvoie cette esclave et son fils » et l’Eternel lui donna Son aval, signifiant à Avraham de s’aligner à sa position qui témoignait sa prophétie (cf. Rachi).
La spécificité de la femme, soulignée à de maintes reprises par nos Sages, est mise en exergue par Rabbi Moché bar Yossef de Trani (le Mabit, dans son ouvrage Beit Elokim) qui lui attribue la « force de l’extension », la comparant à l’eau qui détient cette même force.
Durant leurs quarante années de pérégrinations dans le désert, les enfants d’Israël furent approvisionnés en eau par un puits, mis à leur disposition par le mérite de Miriam. Nous pouvons nous demander pourquoi précisément l’eau leur fut accordée grâce à elle. Plusieurs explications peuvent être données et, parmi elles, le fait qu’à l’image de l’eau, la femme détient le pouvoir de l’extension. Dans le corps humain, c’est l’élément liquide – en l’occurrence le sang – qui apporte à tous les tissus de l’organisme les éléments nutritifs et l’oxygène dont ils ont besoin, assurant ainsi leur vitalité. Composant soixante-dix pour cent du corps humain, les liquides jouent ce rôle primordial sur pas moins de cent vingt mille kilomètres de vaisseaux sanguins.
De même, la femme possède ce pouvoir d’extension, puisqu’elle assure la perpétuation des bases spirituelles posées par son mari, étudiant au Beit hamidrach. Grâce à son approche subtile et affective, elle parvient en effet à ancrer profondément des valeurs spirituelles dans ses enfants et petits-enfants.