Parachat E'kev 24 Août 2019 כ אב התשפ"ד |
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Le veau d’or
Rabbi David Hanania Pinto
« Et je vis qu’en effet vous aviez péché contre l’Éternel, votre Dieu, vous vous étiez fait un veau de métal, prompts à quitter la voie que le Seigneur vous avait indiquée. » (Dévarim 9, 16)
Dans la section d’Ekev, Moché répète aux enfants d’Israël toutes les fautes qu’ils ont commises à l’encontre du Tout-Puissant, bien qu’Il se fût montré miséricordieux à leur égard. L’une des fautes les plus graves commises dans le désert fut celle du veau d’or, accusation de premier ordre qui continue à nuire aux enfants d’Israël, de génération en génération.
Il convient d’expliquer pourquoi la faute du veau d’or constitue la principale accusation à l’encontre du peuple d’Israël au point que, dans chaque génération, nous continuons à être châtiés pour ce péché commis par nos ancêtres. De même, pourquoi les enfants d’Israël choisirent-ils de fabriquer cette idole avec de l’or et n’utilisèrent-ils pas un véritable veau prélevé sur leur abondant bétail ? Par-dessus tout, comment comprendre – question que de nombreux commentateurs posent – que ce peuple, surnommé à l’époque « génération de la connaissance », qui mérita de voir la Présence divine et de vivre des miracles, put-il tomber si bas qu’il commit une des trois fautes capitales. En effet, ils virent de leurs propres yeux l’accomplissement des prodiges divins et eurent le privilège d’être guidés dans le désert d’une manière miraculeuse – leurs vêtements ne s’abîmaient pas, ils recevaient leur nourriture du Ciel, nourriture intégralement absorbée par le corps sans rejet de déchets, et le puits de Myriam les désaltérait durant toutes leurs pérégrinations. Alors, comment ont-ils pu être aussi ingrats et susciter la colère divine en fabriquant une idole de métal ?
Les paroles de nos Sages (Sanhédrin 97a) peuvent nous aider à répondre à cette question : « Le fils de David ne viendra que lorsque les poches se seront vidées de leurs sous. » Cette déclaration est pour le moins étonnante ! En effet, quel lien existe-t-il entre la venue du Messie et la récession ? Est-ce à dire que le Tout-Puissant ne peut déclencher la délivrance dans une période d’abondance ?
En fait, rappelons qu’après l’ouverture de la mer des Joncs et la noyade de l’armée égyptienne, Dieu dut détacher de force Son peuple du bord de mer, affairé qu’il était à ramasser l’énorme butin que les flots avaient rabattu sur le rivage. Rachi l’explique dans son commentaire du verset (Chémot 15, 22) « Moché fit décamper Israël de la plage des Joncs ». Notons cependant qu’avant de quitter l’Égypte, les enfants d’Israël « empruntèrent » aux Égyptiens, sur ordre divin, des ustensiles en or et en argent, sans intention de les restituer. Ainsi s’accomplit la promesse que Dieu avait faite à leurs ancêtres selon laquelle leurs descendants sortiraient d’Égypte avec une grande richesse.
Les enfants d’Israël possédaient donc déjà une fortune colossale, et pourtant, ils étaient avides de s’emparer du butin égyptien. Cela nous montre sans conteste l’importance que revêtait l’argent à leurs yeux. On ne peut nier l’utilité et le caractère indispensable de l’argent dans la vie d’un homme, comme l’atteste la célèbre déclaration de nos Sages (Pirké Avot 3, 17) : « En l’absence de farine, il n’est pas de Torah. » Toutefois, il convient de s’interroger : quelle place l’homme doit-il octroyer à l’argent, et doit-il aller jusqu’à le considérer comme l’essentiel ?
Il ne faut pas attribuer à l’argent une place trop importante et veiller à ne pas le gaspiller bêtement. En même temps, l’argent ne doit pas devenir une source d’orgueil pour son possesseur et lui faire croire que c’est grâce à ses efforts qu’il a acquis sa fortune. Il doit se répéter inlassablement que tout provient de D.ieu, Qui seul décide qui sera riche ou pauvre. Si son seul centre d’intérêt est l’argent et que toutes ses pensées sont centrées sur la manière d’en acquérir toujours davantage, il en deviendra très rapidement esclave, le servant comme une idole.
Il semblerait que la raison pour laquelle la faute du veau d’or est mentionnée dans la section de Ekev soit liée à l’image du talon, akev, évoquée par son titre, qui se trouve à l’endroit le plus bas du corps humain. En effet, ce n’est que lorsque l’homme consent à se rabaisser et est prêt à « se tuer à la tâche » dans la tente de la Torah, en se contentant de peu, qu’il peut servir Dieu de tout son cœur.
Ceux qui pensent être capables de conjuguer profusion de biens et profusion dans l’étude de la Torah se trompent complètement, car, comme nous l’avons mentionné, ces deux réalités s’opposent et sont inconciliables. Dès lors que l’esprit de l’homme est occupé par la matérialité, très rapidement, la Torah ne trouvera plus grâce à ses yeux. Il montrera davantage d’empressement à accumuler les richesses matérielles que les richesses spirituelles.
Ce n’est que lorsque le cœur des hommes sera libéré de toute attirance pour les biens de ce monde, que Dieu pourra nous faire jouir de Sa présence, dans l’esprit du verset « Sa royauté s’étendra à tout » (Téhilim 103, 19).
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Tsion avait dit : “L’Éternel m’a délaissée, le Seigneur m’a oubliée” (…) » (Yéchaya 49)
Cette haftara fait partie de celles lues au cours des 7 Chabbatot de consolation suivant le 9 Av et, de fait, cette haftara contient des passages destinés à consoler le peuple juif, et d’autres, concernant la foi en D.ieu et en Sa Torah.
CHEMIRAT HALACHONE
Même sans blâme
Celui qui prétend rapporter les paroles et agissements des uns sur les autres (« Untel a dit ça sur toi », « untel t’a fait ça », « j’ai entendu qu’il t’avait fait ça »), même s’ils ne sont pas en soi répréhensibles aux yeux du rapporteur et que l’auteur des paroles ou des actes ne les nierait pas – soit parce qu’il est dans le juste, soit parce qu’il avait à travers ces actes ou ces paroles une autre intention –, le rapporteur transgresse tout de même l’interdit du colportage.
PAROLES DE TSADIKIM
Vaut-il la peine de se mettre en colère ?
« (…) en faisant le mal aux yeux d’Hachem pour L’irriter » (Dévarim 9, 18)
Le vice de la colère, que nous aimerions tant effacer de la mémoire du genre humain est clairement circonscrit par nos Sages dans les Pirké Avot : « Certains s’irritent et s’apaisent facilement ; d’autres s’irritent facilement, mais s’apaisent difficilement. » Rabbi Yossef Mougrabi chelita explique dans son livre Avot Oubanim que ceux qui s’irritent facilement s’énervent à tout propos. Que ce soit chez eux, sur leur lieu de travail ou au volant, dès que quelque chose ne se passe pas comme ils le veulent, ils se mettent en colère.
D’un autre côté, ils se calment aussi rapidement qu’ils se sont énervés, comme dans la scène suivante : Monsieur rentre chez lui et se met en rogne contre ses proches, se dispute – parfois âprement –, mais quelques minutes plus tard, il retourne à la routine comme si de rien n’était, sans garder rancune. Bien vite, la colère a disparu de son cœur.
Un tel homme « perd le bénéfice de sa qualité à cause de son défaut ». Il se comporte comme un insensé, comme un jeune enfant s’énervant pour un rien et se calmant tout aussi rapidement.
Nous connaissons tous des gens de cette trempe, dont la vie n’en est pas une. Un rien les fait exploser. Et même s’ils se calment rapidement, qui peut supporter la proximité d’un homme s’énervant à tout bout de champ ? Non seulement il devient objet de mépris pour les autres qui savent tous que, quelques minutes après l’explosion et les cris, il se calmera et demandera pardon, mais il se dévalorise avant tout à ses propres yeux. C’est pourquoi il « perd le bénéfice de sa qualité à cause de son défaut ».
Qu’est-ce que cela signifie ?
Si quelqu’un a sur son compte en banque un déficit de cent mille dollars et dépose quatre mille dollars, ces derniers seront noyés dans son découvert, si bien qu’il n’a même pas l’impression d’avoir fait un dépôt. De même, si quelqu’un se met en colère, même s’il se calme rapidement, que vaut cette qualité face à ce que lui a fait perdre son éclat de fureur ?
Nous pouvons tous trouver d’innombrables raisons de nous énerver et d’éclater. Mais notre obligation en tant qu’hommes est de surmonter cette tendance naturelle et d’acquérir la vertu de la patience.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Non merci !
Un jour, un homme d’affaires juif vint me demander une brakha pour réussir une importante transaction. Si tout se passait bien, il s’engageait à partager avec moi les bénéfices de l’affaire, s’élevant à des millions d’euros.
Au départ, je dois avouer qu’il m’est venu à l’esprit de lui faire coucher son engagement par écrit, mais en y réfléchissant, je rejetai cette idée et lui répondis que j’étais prêt à le bénir même sans cela, car je redoutais l’épreuve de la richesse, qui peut détourner l’homme du droit chemin et lui faire préférer l’argent à son Créateur.
Cette réplique suscita l’étonnement de tous ceux qui se trouvaient dans la pièce. Comment pouvais-je aussi facilement renoncer à des bénéfices si importants qui, avec l’aide d’Hachem, auraient pu me permettre d’ouvrir de nombreuses yéchivot et d’accroître la Gloire divine dans le monde ?
Je leur expliquai que je pourrais certes utiliser cette somme énorme comme moyen de diffuser la connaissance de D. dans le monde, sans devoir me soucier chaque mois de trouver de nouvelles sources de financement. Cependant, la richesse présente un risque tel que je préférais être sans cesse préoccupé par la recherche de fonds pour mes institutions. Car qui sait si moi-même et mes enfants, qui n’avons jamais été habitués à mener un train de vie élevé, serions à même de surmonter cette épreuve ?
Mon ancêtre, le Tsadik Rabbi Yochiahou Pinto, de mémoire bénie, donna à tous ses ouvrages des titres évoquant l’argent : Kessef Niv’har, Nivh’ar Mikessef, Kessef Nimas, Kessef Mezoukak, Kessef Tsarouf, etc. Il expliqua à l’époque que les gens ont tendance à aimer l’argent de toutes les fibres de leur être et aspirent à l’abondance matérielle au-delà de leurs besoins réels.
Or, de même que l’homme ne peut évidemment vivre sans argent, il faut prendre conscience qu’il n’est pas possible de vivre sans Torah, et que l’idéal serait d’aimer son Créateur au moins autant que son argent.
PERLES DE LA PARACHA
La guérison dans les lettres de la Torah
« L’Éternel écartera de toi toute maladie (…) » (Dévarim 7, 15)
Un pauvre vida une fois son cœur auprès du saint Rav Yaakov de Radzymin zatsal : non seulement il vivait dans le plus grand dénuement, sans subsistance décente, mais depuis quelque temps, se plaignit-il amèrement, il était en proie à toutes sortes de douleurs et de maladies.
« Le livre de la Torah ne comporte pas de signes de vocalisation, si bien que l’on pourrait lire le verset de Dévarim “l’Éternel écartera du pauvre (mi-makh) toute maladie” », lui fit astucieusement remarquer le Tsadik.
Cette brakha originale s’accomplit, et notre ami guérit de tous ses maux.
La faim justifie… la manne
« Oui, Il t’a fait souffrir et endurer la faim, puis Il t’a nourri avec cette manne que tu ne connaissais pas et que n’avaient pas connue tes pères (…) » (Dévarim 8, 3)
A priori, une question se pose sur ce verset : en quoi est-ce une louange que de souligner combien Hachem affama les enfants d’Israël ? Pourquoi Moché Rabénou fait-il ce rappel a priori négatif du « mal » que D.ieu fit à Ses enfants ? Et en fait, comment comprendre cette apparente « cruauté » ?
Le Mékadech Halévi explique là-dessus qu’il ne s’agissait pas d’un mal, mais d’un bien. Car le Saint béni soit-Il savait que s’Il comblait immédiatement Ses enfants de Ses bienfaits, par la force des choses, ils ne sauraient pas les apprécier à leur juste valeur et n’en tireraient pas un profit maximal.
C’est pourquoi Il les fit auparavant souffrir de la faim, après quoi seulement… « Il t’a nourri avec cette manne que tu ne connaissais pas et n’avaient pas connue tes pères ». Après cette étape de privations, ils étaient ainsi à même de profiter pleinement du cadeau envoyé par Hachem et de Lui en être reconnaissants.
Une vitalité liée aux mitsvot
« Toute la mitsva que Je vous impose en ce jour, ayez soin de les suivre, afin que vous viviez (…) » (Dévarim 8, 1)
À quelle mitsva le verset fait-il allusion ? C’est d’autant plus difficile à comprendre qu’au début de notre paracha, il a déjà été précisé « Pour prix de votre obéissance à ces lois et de votre fidélité à les accomplir (…) ». Qu’est-ce que la Torah ajoute dans notre verset ?
Cette question est posée par le Or Ha’haïm, qui répond de la manière suivante :
Ce verset ne vise en fait qu’à nous avertir que toutes les mitsvot de la Torah sont considérées comme une seule grande mitsva, avec une base et une structure commune, si bien que, si l’homme ne fait pas attention à une seule « petite » mitsva, sa pratique des mitsvot est incomplète, comme s’il n’avait pas accompli convenablement toutes les mitsvot de la Torah.
La Torah illustre en quelque sorte ce principe par une image lorsqu’elle précise « afin que vous viviez » : de même que si quelqu’un a mal à l’un de ses 248 membres, la douleur diffuse à l’ensemble du corps – et que le fait de ne pas avoir mal ailleurs ne lui est d’aucun soulagement –, ainsi le manque d’une mitsva ne pourra jamais être complété par la pratique du reste des mitsvot.
Mais le Or Ha’haïm va plus loin : la vitalité des membres et tendons de l’homme dépend de l’observance des mitsvot, puisqu’on compte 248 membres – autant que de mitsvot positives – et 365 tendons, en parallèle aux interdits. « Ainsi, conclut-il, lorsque tu t’abstiens d’une mitsva appartenant à cet ensemble, tu retires en quelque sorte la vitalité à un membre. »
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Un regard juste : la clé de la Torah et de la crainte du Ciel
« Et maintenant, Israël, qu’est-ce que l’Éternel te demande, si ce n’est de Le craindre ? » (Dévarim 10, 12)
Moché Rabénou souligne qu’Hachem n’a pas des exigences démesurées envers nous ; il attend somme toute quelque chose de simple : la crainte du Ciel, présentée, d’après le plus grand prophète d’Israël, comme un objectif facile à atteindre. Facile ?! Nous savons pourtant, en pratique, combien il est difficile de parvenir à l’acquérir !
En fait, elle n’est pas difficile à acquérir en soi, mais à notre niveau existent différents facteurs perturbant notre Service d’Hachem et qui nous empêchent d’y parvenir. Le principal facteur est le goût et l’attrait pour les vanités de ce monde, au détriment de celui pour la Torah. Dans ce cas, celle-ci n’a pas le pouvoir de l’influencer et de lui donner les sentiments de crainte du Ciel qui lui sont nécessaires dans sa lutte contre le mauvais penchant.
Je remarquai une fois, me trouvant dans les escaliers d’un immeuble, qu’au fur et à mesure de mon ascension, le sol était de plus en plus propre. Et si le rez-de-chaussée était extrêmement sale, les étages supérieurs étincelaient de propreté. La netteté des étages dépend en fait de la fréquence du passage : en effet, le rez-de-chaussée est, pour ainsi dire, un « lieu public » où les allées et venues sont constantes ; aux étages supérieurs ne passent que les résidents, et plus on monte, moins l’escalier est emprunté, puisqu’il ne l’est que par ceux qui habitent aux étages supérieurs.
Cette vision a éveillé en moi la réflexion suivante : plus l’homme est lié à la matérialité et à ce bas monde, plus il est « sale » ; tandis que plus il s’élève au-dessus des contingences de ce monde et s’en détache, plus il est « propre ». L’essentiel est de savoir que les vanités terrestres n’ont aucune valeur et que la vie de ce monde, avec tous ses plaisirs – lesquels n’ont aucune valeur intrinsèque –, n’a été conçue que pour servir l’homme… qui, lui, sert son Créateur. Seul cet état d’esprit peut permettre d’acquérir Torah et crainte du Ciel.
LA FEMME VERTUEUSE
A la mémoire de Mazal Tov bat Mo'ha Sim'ha Zal
פִּ֭יהָ פָּתְחָ֣ה בְחָכְמָ֑ה וְתֽוֹרַת־חֶ֝֗סֶד עַל־לְשׁוֹנָֽהּ
"Elle ouvre sa bouche avec sagesse, une Torah de bonté sur les lèvres"
Lorsque Rabbi Elazar arrivait à ce verset, il s’étonnait : que signifie l’expression « Torah de bonté » ? Y aurait-il deux versions : une Torah qui est bonté et une qui ne l’est pas ?
La Torah destinée à être enseignée, nous explique la Guémara dans le traité Soucca (49b), est une Torah de bonté. Tandis que la Torah qui n’a pas cette finalité ne mérite pas ce titre.
Nos Sages soulignent ici un principe fondamental : il existe une Torah altruiste et une Torah qui ne l’est pas. La Torah de ‘hessed est une Torah que ses détenteurs ne gardent pas pour eux-mêmes, mais partagent généreusement, transmettent volontiers à tous. Cependant, ne peut se prévaloir de cela que celui qui diffuse la Torah de manière désintéressée – et non pour sa gloire personnelle et pour mériter les louanges de tous. La « Torah de bonté » ne se trouve que là où, loin de toute course aux honneurs, la modestie prévaut. Dans ce cas, la motivation de cette transmission n’est pas égoïste mais bonté pure.
Cela s’applique à merveille à la noble Rabbanite Mazal Pinto, puisse son mérite nous protéger, qui parvint à ce niveau de « Torah de ‘hessed » qu’elle accomplit de tout son être et de tous ses moyens, et qu’elle a mérité de transmettre à la prestigieuse descendance qu’elle a laissée derrière elle. C’est ce qui ressort notamment du parcours de son fils, le Gaon et Tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita, qui répand la Torah auprès de Juifs de tous niveaux et de toutes les origines, dans le monde entier – tant par la diffusion de l’étude que par la pratique de la bienfaisance, de manière totalement désintéressée.
Quiconque a connu la Rabbanite peut témoigner qu’elle n’ouvrait la bouche que pour prononcer des paroles de sagesse, à l’instar des érudits dont tous les propos sont sagesse – et même ceux qui semblent banals sont riches en enseignements. Puisqu’on parle de ‘hessed, elle possédait une « Torah de ‘hessed », une sagesse exceptionnelle pour faire du ‘hessed de la manière la plus juste, sachant comment prêter aux gens et se soucier qu’ils remboursent, comment donner la tsédaka de manière à encourager ceux qui étaient en détresse à se tirer de leur situation. Même le ‘hessed qu’elle faisait, elle savait comment le pratiquer avec sagesse, à la manière d’une échet ‘hayil qui, avant même de parler de sagesse ou de ‘hessed, réalisait concrètement les pratiques qu’elle évoquait – dans l’esprit du verset « elle ouvre sa paume au pauvre et tend ses mains vers le nécessiteux ».
Par le mérite de la Rabbanite
C’est l’épouse du Gaon Rabbi Isser Zalman Meltzer qui l’encouragea à publier son œuvre, le Even Haézel. Voici comment les choses se passèrent : après l’édition du livre de Rabbi Moché Mordékhaï, beau-frère de Rabbi Isser Zalman, sa femme lui demanda avec curiosité :
« Pourquoi n’écris-tu pas un livre de ‘hidouchim (explications novatrices conçues lors de l’étude) ?
– Je n’ai aucun commentaire inédit à écrire, répondit-il simplement.
– Comment est-il possible, s’étonna la Rabbanite, qu’après tant d’années en tant que Roch Yéchiva, tu n’aies aucun ‘hidouch personnel ?
– J’ai bien pensé à quelques petits ‘hidouchim par-ci par-là, mais il n’y a pas de quoi en faire un livre…
– Dans ce cas, insista la Rabbanite, réunis ceux que tu as déjà conçus jusque-là dans une brochure, et au fur et à mesure que tu en auras d’autres, tu pourras sortir d’autres brochures. Avec le temps, elles finiront par former un livre important, tant en quantité qu’en qualité. »
Le Rav suivit le conseil de la Rabbanite et imprima une brochure. Quelque temps plus tard, il en imprimait une deuxième… et ainsi se constitua son œuvre maîtresse, le Even Haézel sur le Rambam.
« Tout cela est grâce à la Rabbanite Beila Hinda », avait l’habitude de dire le Rav Meltzer.
Quand la femme ouvre sa bouche avec sagesse…