Parachat Hayé Sarah 23 Novembre 2024 כב חשון התשפ"ה |
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Une utilisation optimale du temps
Rabbi David Hanania Pinto
« Le serviteur prit dix chameaux parmi les chameaux de son maître et partit, chargé de ce que son maître avait de meilleur. Il s’achemina vers la Mésopotamie, du côté de la ville de Na’hor. » (Béréchit 24, 10)
Notre patriarche Avraham ordonna à son serviteur Eliezer de se rendre à la ville de ‘Haran pour trouver, parmi les filles de ce pays, une épouse à son fils Isaac. Nos Sages expliquent (Béréchit Rabba 59, 11) que la route qu’Eliezer devait parcourir s’est raccourcie, au point qu’il effectua en un seul jour le long trajet jusqu’à ‘Haran, qui prenait généralement plusieurs jours. Pourquoi Abraham, réputé dans le monde entier pour sa grande piété, ne mérita pas un tel miracle lorsque le Saint béni soit-Il lui ordonna de quitter ‘Haran pour se rendre en terre de Canaan ?
En vérité, le Maître du monde ne confronte jamais l’homme à une épreuve qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Aussi, lorsqu’une épreuve se présente à lui, c’est forcément qu’il détient le potentiel lui permettant de la surmonter. Si, à D.ieu ne plaise, il n’y parvient pas, c’est une preuve qu’il n’a pas investi suffisamment d’efforts pour affronter vaillamment les difficultés. Or, Eliezer avait une fille, qu’il désirait profondément marier à Isaac. Par conséquent, parcourir la longue route séparant ‘Haran de Canaan représentait une mission qui dépassait ses potentialités humaines ; l’Eternel, conscient de la difficulté, lui raccourcit alors le chemin, afin de lui permettre d’exécuter pleinement la volonté de son maître Avraham.
A l’inverse, le patriarche était d’un niveau si élevé qu’il était en mesure de parcourir toute la distance séparant ‘Haran de Canaan sans contester les voies divines ni poser de question. Ceci, du fait qu’il suivait l’ordre de son Créateur, bien qu’il ne sût pas vers où il se dirigeait. Aussi, chaque pas effectué par Avraham sur l’ordre divin constituait une épreuve en soi. Or, le Saint béni soit-Il, qui désire donner une grande récompense à ceux qui suivent Sa voie sans contester, a justement maintenu la longueur du chemin qu’Avraham devait parcourir, dans le but de le récompenser pour chaque pas.
Ainsi donc, nous comprenons à présent pourquoi le Tout-Puissant a raccourci le chemin d’Eliezer, miracle qu’il n’a pas opéré pour le compte d’Abraham. Nous en déduisons également l’importance de prendre conscience de la valeur du temps, en mettant à profit chaque instant pour servir notre Créateur comme nous le devons ; nous mériterons alors un salaire inestimable. Nous apprenons aussi que l’Eternel ne confronte jamais l’homme à une épreuve qu’il est incapable de surmonter.
Lorsque Eliezer vit au loin Lavan, muni d’une arme, arriver à sa rencontre, il prononça immédiatement le Nom divin, suite à quoi lui et ses dix chameaux s’envolèrent dans les airs. Pourquoi Eliezer n’a-t-il pas plutôt livré combat à Lavan, d’autant plus qu’il était connu pour sa vaillance militaire, la preuve étant qu’Abraham était allé combattre les cinq rois, accompagné de lui seul, et qu’à eux deux, ils les avaient vaincus ? Dès lors, pourquoi Eliezer a-t-il craint de combattre Lavan et a-t-il choisi d’esquiver son attaque en prononçant le Nom de l’Eternel ?
Proposons l’explication suivante. Eliezer était conscient que la mission qui lui avait été donnée de rechercher une épouse pour Its’hak représentait une grande épreuve et il désirait donc la remplir au plus vite, afin d’être sûr de ne pas y faillir. Pour cette raison, il n’a pas voulu perdre vainement de temps en combattant Lavan et a préféré recourir au Nom divin, grâce auquel il pouvait le vaincre facilement et donc s’acquitter le plus rapidement de la mission de son maître.
Par contre, lorsque Eliezer retourna chez son maître accompagné de Rébecca, il ne bénéficia pas d’un raccourcissement du chemin, parce qu’il avait déjà rempli sa mission, et la longueur de la route ne représentait donc plus aucun risque. Une fois qu’Eliezer avait trouvé, en la personne de Rébecca, la conjointe destinée à Its’hak, et que, de plus, il avait constaté sa réussite dans cette mission, preuve de l’approbation de l’Eternel, il n’avait plus aucune intention de marier sa fille à Its’hak, conscient qu’on ne peut aller à l’encontre du projet divin.
D’ailleurs, Eliezer lui-même désirait que le chemin du retour conserve sa longueur réelle, puisqu’il ne représentait plus d’épreuve pour lui ; ainsi, la grande distance à parcourir ne ferait qu’augmenter sa récompense, pour chacun des pas effectués en direction de la maison de son maître – le Saint béni soit-Il ne privant pas Ses créatures de la récompense qui leur est due.
D’après la Kabbale, le Saint béni soit-Il a conçu le monde entier dès le premier jour de la Création, puis a concrétisé chaque création au jour lui correspondant.
La division de l’année en jours, semaines et mois, a pour but de susciter la réflexion de l’homme, couronne de la création, et de provoquer en lui un examen de conscience : a-t-il su mettre à profit le temps précieux qui lui a été alloué, ou, à D.ieu ne plaise, l’a-t-il gaspillé dans les vanités de ce monde ? On raconte qu’une fois, Rav Chakh, de mémoire bénie, se mit à pleurer devant ses élèves. Il leur expliqua ensuite la raison de ses pleurs : ce jour-là, il n’avait pas récité le Chéma au moment exact, le plus opportun, où, chaque jour, il veillait scrupuleusement à le faire ; or, ce moment étant passé, il n’en avait plus la possibilité.
GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA
Un œil qui voit, une oreille qui entend
Au cours de l’un de mes innombrables voyages en avion, l’homme assis à côté de moi, visiblement juif, ne cessait d’épier le moindre de mes faits et gestes. Au moment où les repas furent distribués parmi les passagers, je tirai de mon sac un sandwich et, après avoir lavé mes mains conformément à la halakha, je récitai la bénédiction et me mis à le manger. Mon voisin, par contre, se contenta du plateau distribué, contenant des mets clairement non cachère.
Lorsqu’il eut terminé son repas, mal à l’aise, il se sentit obligé de me dire : « Il faut bien que je mange ; je n’ai pas le choix.
– Pourquoi aurais-je le choix, et pas vous ? répliquai-je. Et si je vous proposais de partager mon repas cachère, est-ce que vous le mangeriez à la place de celui, non cachère, servi par la compagnie ?
– J’y réfléchirais », me dit-il.
Nous avons continué à discuter un moment, jusqu’à ce qu’il apprenne que je venais de France.
« Est-ce que vous connaissez le Rav Pinto ? me demanda-t-il, pour ajouter ensuite : « Ma mère m’a beaucoup parlé de lui et j’aurais aimé le rencontrer.
– Oui, je le connais et, d’après mes informations, il devrait prochainement être de passage dans notre lieu de destination. »
Cette information fit sauter de joie mon compagnon de voyage, qui m’assura qu’il allait essayer de le rencontrer. À l’atterrissage, nous nous dirigeâmes vers le terminal des arrivées, où m’attendaient les dirigeants de la communauté locale, venus m’accueillir. Mon compagnon de voyage comprit alors soudain que le Juif barbu qui était assis à côté de lui dans l’avion et avec lequel il avait discuté pendant le voyage n’était autre que le Rav Pinto en personne. Confus et honteux, il m’avoua être très gêné que je l’aie vu manger non cachère.
Je lui répondis qu’il n’avait pas à avoir honte de moi, car, dans peu de temps, je repartirais et il m’oublierait. « Par contre, conclus-je, vous devriez avoir honte de D.ieu, du fait que Sa présence se trouve en tout lieu, qu’Il est témoin de toutes vos actions et que le jour viendra où Il vous demandera des comptes sur tous vos péchés. »
DE LA HAFTARA
Haftara de la semaine : « Le roi David était âgé, chargé de jours (…) » (Mélakhim I, chap. 1)
La haftara reprend la même expression, « chargé de jours », concernant le roi David, que celle employée à propos d’Avraham Avinou. En outre, la haftara rapporte qu’avant sa mort, David nomma son fils Chlomo pour lui succéder, de même qu’il est mentionné dans la paracha qu’Avraham donna tous ses biens à Its’hak.
PAROLES DE TSADIKIM
Quelques conseils de Rav ‘Haïm Kanievsky chelita sur la conduite à adopter concernant les chidoukhim
« Pour y chercher une épouse à mon fils, à Its’hak. » (Béréchit 24, 4)
Rav ‘Haïm répète souvent qu’il a constaté, une fois après l’autre, que lorsqu’un chidoukh n’a pas été décrété au ciel, des histoires n’ayant jamais existé surgissent soudain et entravent sa réalisation, alors que, quand il a été décrété, les vérités, pourtant existantes, demeurent cachées afin qu’il se concrétise. Ainsi, un homme vint une fois voir le ‘Hazon Ich, se lamentant que son voisin d’en bas le diffamait sans cesse et expliquant ses craintes, consécutives, de ne pouvoir marier ses enfants. Le Sage le rassura en lui disant : « Quand le bon chidoukh viendra, on se renseignera sur toi auprès du voisin d’en haut. » Et ainsi en fut-il.
A quel âge se marier ?
Rav Kanievsky recommande beaucoup de marier les enfants jeunes, conformément aux paroles de la Michna et à la position du Rambam : « A dix-huit ans pour le mariage. » Il cite l’avis du ‘Hazon Ich qui désirait se marier dès l’âge de dix-sept ans. A ceux craignant que le mariage ne les empêche d’étudier, il répond que cet argument était vrai en Diaspora, où il existait peu de Collélim, mais qu’aujourd’hui, l’homme étudie au contraire mieux après son mariage. Il rapporte l’histoire du petit-fils du ‘Hazon Ich, que ce dernier désirait marier jeune, ce que sa mère refusa, et qui, finalement, resta célibataire.
Prières pour le chidoukh :
Quand on demande à Rav ‘Haïm à partir de quel âge il faut commencer à prier pour que ses enfants aient de bons chidoukhim et que cela se fasse facilement, il répond : « Depuis leur naissance. »
Une ségoula pour un chidoukh :
A un ba’hour venu lui demander une ségoula pour trouver rapidement son zivoug, Rav Kanievsky recommanda l’étude du traité Kidouchin.
Doutes concernant un chidoukh :
Un avrekh ayant des doutes concernant un chidoukh proposé à son fils vint les exposer au Gadol Hador : « J’ai un fils brillant, pour lequel je reçois de temps à autre des propositions. Maintenant, on vient de nous proposer une jeune fille, mais dont les parents n’ont pas de grands moyens. Je crains que le joug du gagne-pain n’empêche mon fils, après le mariage, de se vouer à l’étude de la Torah. Est-il préférable d’attendre une autre proposition, d’une famille plus aisée ? » Rav ‘Haïm trancha : « Si la jeune fille est bien, il pourra mieux étudier après le mariage, quelles que soient les conditions. » (Divré Sia’h)
CHEMIRAT HALACHONE
La mitsva de juger selon le bénéfice du doute
Même si les paroles qu’on lui a rapportées, selon lesquelles untel a médit de lui ou a agi à son encontre, sont véridiques, il a l’obligation de juger ce dernier avec le bénéfice du doute et de supposer qu’il n’avait pas de mauvaises intentions.
C’est une mitsva de le juger positivement et, s’il ne le fait pas, cela lui sera considéré comme un péché, celui d’avoir donné crédit à de la médisance.
PERLES SUR LA PARACHA
Un compte précis
« La vie de Sarah (…) » (Béréchit 23, 1)
Rabbi Akiva Eiguer zatsal donne une interprétation originale de celle de Rachi, « toutes [ses années] furent pareillement bonnes », interprétation répondant à la question pouvant se poser concernant le nombre d’années supplémentaires qu’Avraham vécut par rapport à son épouse. Il explique que le patriarche atteignit certes l’âge de 175 ans, mais il ne reconnut son Créateur qu’à celui de 48 ans (d’après un avis de nos Sages).
En retranchant ce nombre d’années, on obtient celui atteint par Sarah à la fin de sa vie, soit 127 ans. Car, comme le souligne par ailleurs Rachi, la matriarche s’appelait également Yiska, du fait qu’elle voyait (sokha) l’inspiration divine. Selon cette perspective, ils vécurent le même nombre d’années, idée pouvant être lue en filigrane à travers les mots de Rachi « toutes furent pareillement bonnes ».
Ce monde n’est qu’un couloir
« Je ne suis qu’un étranger domicilié parmi vous. » (Béréchit 23, 4)
Le Or Ha’haïm explique qu’Avraham ne voulait pas affirmer qu’il était un habitant de ce monde. Car, les justes sont conscients que celui-ci n’est qu’un couloir menant au palais, le monde à venir, comme le roi David qui dit à son sujet : « Je suis un simple étranger sur la terre. »
C’est pourquoi le patriarche se définit tout d’abord comme un « étranger », puis, seulement dans un deuxième temps, précisa aux fils de ‘Het qu’il était domicilié parmi eux.
Chidoukh ou commerce ?
« De ne pas choisir une épouse à mon fils parmi les filles des Cananéens. » (Béréchit 24, 3)
Le nom du peuple Cananéen renvoie à la notion du commerce, comme l’illustrent de nombreuses occurrences de la Torah où ce nom désigne des marchands.
L’auteur du Likoutim Vessipourim en déduit la consigne implicite que revêtait l’ordre d’Avraham à Eliezer : ne pas choisir, pour son fils, une épouse parmi les gens considérant les chidoukhim comme des affaires – se focalisant, par exemple, sur l’importance de la dot –, mais plutôt la rechercher parmi ceux ayant bon cœur et des vertus, qualités essentielles pour un chidoukh.
Quand s’incline-t-on devant un animal ?
« Avraham se prosterna devant le peuple du pays. » (Béréchit 23, 12)
On raconte qu’à une certaine occasion, le Noda Biyéhouda zatsal dut rassembler des fonds pour une cause importante.
Arrivé à la maison d’un homme avare et fier, son accompagnateur lui dit : « Maître, il n’est pas de votre honneur que vous vous rendiez chez un tel individu. »
Le Sage lui répondit calmement : « Quand quelqu’un a besoin de lait, il est prêt à se baisser devant une bête, pourvu qu’il puisse la traire… »
DANS LA SALLE DU TRÉSOR
Rabbi David Hanania Pinto
Ichmaël tombe devant Its’hak
« Le nombre des années de vie d’Ichmaël fut de cent trente-sept ans. Il défaillit et mourut et rejoignit ses pères. » (Béréchit 25, 17)
D’après les commentateurs, le fait que la Torah nous donne le nombre d’années vécues par Ichmaël est la preuve qu’il se repentit avant de mourir. Rachi va également dans ce sens en soulignant que le verbe « défaillir » figurant à son sujet n’est employé qu’à propos de justes, d’où nous pouvons déduire qu’il fit complète repentance avant de quitter ce monde.
En outre, la Torah souligne qu’Ichmaël donna naissance à douze princes, mérite que lui valut la mitsva de la circoncision. Le Zohar (II 32a) ajoute que, s’il reçut une récompense si considérable pour l’accomplissement d’une seule mitsva, nous pouvons en déduire que D.ieu ne retient le salaire d’aucune de Ses créatures et qu’Il rétribuera encore bien davantage le Juif fidèle, se pliant scrupuleusement aux mitsvot de la Torah.
Cependant, la fin du verset précité, « et rejoignit ses pères », laisse entendre que cette mitsva pratiquée par Ichmaël ne pourra tenir lieu de mérite à ses descendants dans les temps futurs. Nos Sages (Yalkout Chimoni, Bamidbar 684) affirment à ce sujet qu’alors, le Saint béni soit-Il proclamera que quiconque détient en sa possession un livre de généalogie peut venir prendre sa récompense. Les descendants d’Ichmaël s’avanceront, arguant qu’ils sont aussi ceux d’Avraham. Mais, s’étant corrompus et mariés avec d’autres peuples, leurs enfants seront tous des bâtards et ils n’auront pas de livre généalogique à présenter.
LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE
« Et bien ! La jeune fille à qui je dirai : “Veuille pencher ta cruche, que je boive”, et qui répondra : “Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux”, puisses-Tu l’avoir destinée à Ton serviteur Its’hak et puissé-je reconnaître par elle que Tu t’es montré favorable à mon maître ! » (Béréchit 24, 14)
Rachi commente : « Elle est digne de lui, puisqu’elle est charitable. Elle mérite d’entrer dans la maison d’Avraham. » Eliezer se fixa un critère visant à déterminer quelle serait l’épouse convenant à Its’hak et digne d’être intégrée au foyer d’Avraham – la bonté.
Néanmoins, nous pouvons nous demander pourquoi Eliezer se contenta de tester la jeune fille sur cette vertu, alors que, outre celle-ci, Avraham en possédait de nombreuses autres, comme la crainte de D.ieu, la confiance et la foi en Lui. Même si elle avait atteint la perfection dans le domaine de la bonté, peut-être d’autres qualités lui feraient défaut. Le cas échant, comment pourrait-elle faire partie de la famille d’Avraham ? D’après les versets de la Torah, son serviteur se suffit pourtant de la tester sur ce point.
Les Maîtres moralistes posent également la question suivante : même si elle avait des traits de caractère très raffinés, elle avait grandi dans un foyer idolâtre. Comment donc envisager un tel parti pour le fils du patriarche ? Bien qu’elle ne s’adonnât pas elle-même à l’idolâtrie, elle s’imprégna de l’atmosphère ambiante de son foyer. A quoi servent donc les vertus quand on a grandi dans une ambiance si délétère ?
Dans le Zikhron Meïr, Rav Rovman zatsal explique qu’Eliezer, le plus ancien serviteur d’Avraham, était doté d’une grande sagesse. Il avait compris exactement en quoi consistait sa mission : trouver pour Its’hak une épouse qui, comme Sarah, serait digne de remplir les mêmes fonctions et aurait l’insigne mérite que la Présence divine réside dans sa demeure, qu’un nuage soit attaché à la porte de sa tente et que les lumières brillent d’une veille de Chabbat à l’autre ; une épouse attachée à l’Eternel par l’amour de la charité, dans l’esprit de l’adage : « De même qu’Il est miséricordieux, sois miséricordieux. »
Eliezer était convaincu que le Créateur avait conçu une âme d’une telle pureté, qui se trouvait donc quelque part dans le monde. Aussi, L’implora-t-il de témoigner cette charité à Avraham en lui accordant la réussite dans ses recherches et en lui permettant de parvenir miraculeusement au but.
Dans sa grande sagesse, Eliezer sut définir un critère dépassant les normes humaines, une bonté caractérisant intrinsèquement et exclusivement les matriarches. Leur attachement profond à l’Eternel s’exprime par une volonté de pratiquer la charité même envers des personnes riches n’en ayant pas réellement besoin. Tel est le bien-fondé de la prière d’Eliezer : « Puissé-je reconnaître par elle que Tu t’es montré favorable à mon maître ! » Il savait que, s’il rencontrait une jeune fille noble répondant de plein gré à sa requête, il pourrait être sûr d’avoir atteint le but, une conduite de ce niveau n’existant pas ailleurs dans le monde.
Néanmoins, comment renoncer aux autres midot ?
Dans le traité Avot (2, 9), nous pouvons lire : « Il leur dit : “Sortez et regardez quel est le droit chemin auquel l’homme doit adhérer.” Rabbi Eliezer dit : un bon œil ; Rabbi Yéhochoua dit : un bon ami ; Rabbi Yossé dit : un bon voisin ; Rabbi Chimon dit : d’anticiper l’avenir, et Rabbi Elazar dit : un bon cœur. Il leur dit : “Les paroles de Rabbi Elazar ben Arakh me paraissent supérieures aux vôtres, car elles les comprennent.” »
Rabbi Ovadia de Barténoura explique que le cœur est le moteur de toutes les autres forces, la source à l’origine de toutes les actions, d’où la réflexion de Ben Zakaï selon laquelle les propos de Rabbi Elazar comprenaient ceux de ses pairs.
L’auteur du Tiférèt Israël nous éclaire sur le sens profond de cette explication : « Quand le cœur de l’homme est serein et joyeux, il regarde son prochain d’un œil bienveillant ; nombreux sont alors les gens qui l’apprécient, ce qui lui vaut un bon ami et un bon voisin. Sa sérénité lui permet aussi d’anticiper l’avenir et d’aimer l’Eternel de tout son cœur et de toute son âme. »
Or, l’observation d’une bonne action accomplie par un individu n’est pas suffisante pour en déduire qu’il a bon cœur. Car, il peut parfois agir ainsi par manque de caractère, en raison de son incapacité à voir l’autre souffrir. Son acte vise alors son propre soulagement ou est stimulé par d’autres motifs similaires, plutôt que par la volonté de venir en aide à autrui.
Par contre, il en allait différemment de Rivka. Il est connu qu’un chameau, qui parcourt le désert, boit d’énormes quantités d’eau qu’il garde en réserve dans son corps. En abreuver un représente donc un travail de longue haleine, puisqu’il boit en moyenne soixante-dix litres. Or, un seau n’en contient qu’une dizaine. Par conséquent, Rivka dut puiser sept seaux pour chacun des chameaux d’Eliezer, soit soixante-dix en tout.
Alors qu’Eliezer et ses hommes la regardaient sans lui proposer la moindre aide, Rivka continuait à les servir avec joie et zèle, comme si elle apportait son assistance à des gens sans moyens qu’elle aurait tirés de l’embarras. Elle fit ainsi preuve de sa profonde générosité d’âme. Car, celui qui a bon cœur désire ardemment être bon envers autrui, non pas par manque de caractère ou par miséricorde, mais mû par la joie générée par cette opportunité de pratiquer de la charité.
Tentons de nous inspirer des actes grandioses de nos ancêtres et de pratiquer de la bienfaisance envers notre prochain de plein gré, avec joie et un réel entrain !