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Parachat Vayé'hi

11 Janvier 2025

יא טבת התשפ"ה

Horaires de Chabbat
Localité Allumage Fin de Chabbat Rabbenou tam
Paris 16h57 18h10 18h59
Lyon 16h58 18h08 18h54
Marseille 17h04 18h11 18h55
Tel Aviv 16h33 17h34 18h08
Jerusalem 16h18 17h33 18h11

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Un service divin froid – à proscrire

Rabbi David Hanania Pinto

« Rassemblez-vous, je veux vous révéler ce qui vous arrivera dans la suite des jours. » (Béréchit 49, 1)

D’après nos Sages (Pessa’him 56a), lorsque Yaakov désira révéler à ses enfants la fin des temps, la Présence divine se retira de lui. Il craignit alors que l’un d’eux ne fût indigne. Ses fils lui répondirent : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est un. » En d’autres termes, de même que, dans ton cœur, il n’y a qu’un D.ieu, ainsi en est-il dans le nôtre. Le patriarche répondit : « Loué soit à jamais le nom de Son règne glorieux. »

Ce passage de Guémara pose une difficulté : comment Yaakov put-il soupçonner l’un de ses enfants d’avoir une tare, alors que le Nom divin leur est intrinsèquement lié, comme il est dit : « Les tribus de l’Eternel, selon la charte d’Israël » (Téhilim 122, 4) ? En outre, il était conscient de leur grandeur, aussi pourquoi durent-ils lui prouver leur droiture en se soumettant au joug divin par la récitation du Chéma ?

Lors de la retrouvaille avec Yossef, Yaakov ne se jeta pas à son cou pour l’embrasser et nos Maîtres expliquent qu’il récitait le Chéma. Pourquoi donc choisit-il ce moment pour le faire ? Etait-ce l’heure où il devait s’acquitter de ce devoir ?

Afin de répondre à ces questions, tentons tout d’abord de définir de quelle faille le patriarche craignait que sa descendance ne soit entachée. La Michna (Soucca 29b) statue qu’un loulav sec est impropre à l’utilisation. La Torah nous ordonne de prendre un loulav vert et frais ; s’il est sec, ce n’est plus un loulav, mais un simple morceau de bois. Cette loi recèle une allusion significative pour le service divin : on ne doit pas exécuter les mitsvot de manière sèche, sans entrain, ce qui invaliderait son service divin. Il peut arriver qu’un homme récite les trois prières quotidiennes et étudie la Torah, mais le fasse comme un automate, avec froideur et nonchalance.

Yaakov savait que ses enfants étaient justes et purs. Néanmoins, le départ de la Présence divine le conduisit à craindre que certains d’entre eux ne manquassent d’enthousiasme dans le service divin. C’est pourquoi ils le rassurèrent immédiatement en récitant le Chéma, lui prouvant ainsi qu’il n’avait pas lieu de se soucier à ce sujet. Ils lui signifiaient en effet que, de même que de son point de vue il n’existait qu’un D.ieu au joug duquel il se soumettait avec joie et vénération, ainsi en était-il les concernant. Ce témoignage réjouit grandement le patriarche, qui remercia le Ciel en disant : « Loué soit à jamais le nom de Son règne glorieux. »

Un arbre robuste et haut qui commence à sécher à l’intérieur est en voie de dépérissement, même si son aspect extérieur n’a pas été affecté. Car il ne sera plus en mesure de résister aux vents. A cette image, Yaakov craignait que si ses enfants manquent d’entrain dans l’accomplissement de la volonté divine, les mauvais vents d’Egypte, pays de l’impureté, les déracinent de leur source pure et les éloignent de l’Eternel.

Nous comprenons, dès lors, pourquoi Yaakov se mit à réciter le Chéma lors de ses retrouvailles avec Yossef. Car, il se souciait à son sujet : jusqu’à présent, il était un homme saint et pur, habitant en Terre sainte et animé d’une volonté passionnée de servir D.ieu, mais qu’en serait-il suite à son arrivée en Egypte, pays impur, susceptible d’entraîner un refroidissement dans ce domaine et d’éteindre son enthousiasme ? Aussi, s’empressa-t-il de prononcer le Chéma et de se soumettre au joug divin, unifiant le Nom divin afin d’éveiller son âme et de raffermir son cœur dans le service divin. Précisément au moment où il s’apprêtait à s’installer parmi les autres peuples, il devait se protéger et se renforcer en spiritualité.

Mais comment annihiler de nous cette froideur malsaine ? Seule l’étude assidue de la Torah peut nous y aider. Celui qui réserve quotidiennement des plages horaires à l’étude méritera, outre l’immense récompense qui lui sera réservée, d’éveiller son âme à l’accomplissement des mitsvot avec zèle et chaleur.

Puisse le Créateur nous aider à retirer de notre sein tous les éléments entravant Son service, que ce soit le manque d’entrain ou de solidarité. Nous serons alors en mesure d’exécuter Sa volonté avec vénération et enthousiasme, imprégnés par la sainte Torah, rosée nous redonnant vie, et en harmonie totale avec notre prochain.

GUIDÉS PAR LA ÉMOUNA

La langue fautive

Il y a environ dix ans, en 5770, la veille du Chabbat de la section Vayé’hi, ma mère, qu’elle repose en paix, a confectionné un magnifique gâteau en l’honneur de Chabbat. Après le repas de vendredi soir, on l’apporta à table. Je fus le seul à avoir le temps d’en goûter avant que ma sœur, affolée, le reprît. Il était ‘halavi !

Je fus profondément peiné et il serait difficile de décrire le chagrin qui emplit alors mon âme.

Evidemment, je m’empressai de rejeter ce que je pouvais de ma bouche. Puis, je me mis à examiner mes actes, réfléchissant pourquoi ce désolant incident m’était arrivé. La semaine passée, j’étais en Israël et avais donné de nombreux cours de Torah. En outre, je m’étais dévoué pour accomplir de nombreuses tâches en faveur de la communauté. Aussi, pourquoi devais-je tomber dans l’écueil du mélange lait-viande ?

Je me souvins alors que, quelques jours plus tôt, j’avais trébuché dans ma parole de manière involontaire. Je discutais avec ma mère d’un certain sujet et elle ne me comprit pas bien, si bien que mes propos la blessèrent. Elle me raconta plus tard que, durant trois jours, elle en était très affligée et avait même versé des larmes. En réalité, je n’avais pas eu la moindre intention de lui causer de la peine, à D.ieu ne plaise, mais il y avait simplement eu un malentendu. Cependant, le Saint béni soit-Il m’avait tenu rigueur pour cette mégarde : ma bouche, qui avait blessé ma mère et porté atteinte à son honneur, avait aussi été menée à consommer par inadvertance un aliment lacté après un repas carné.

Je suis certain que je n’oublierai jamais ce jour, qui restera à jamais ancré dans ma mémoire. Car, comment moi, David Pinto, approchant la soixantaine, ai-je pu transgresser un interdit si grave, fût-ce de manière involontaire ? Il va sans dire que cela m’engage à me remettre en question.

DE LA HAFTARA

Haftara de la semaine : « Les jours de David approchant de leur fin (…) » (Mélakhim I chap. 2)

Lien avec la paracha : la haftara relate le décès du roi David qui dicta ses dernières volontés à son fils Chlomo, tandis que, dans la paracha, sont mentionnées la mort de Yaakov et ses dernières volontés à son fils Yossef.

CHEMIRAT HALACHONE

Le devoir de se méfier et de se renseigner

L’interdiction d’accorder du crédit à des propos médisants s’applique même si celui qui les raconte le fait publiquement, devant plusieurs personnes. Ceci ne constitue pas une preuve de la véracité de ses paroles. Ceux qui les entendent ont uniquement le droit de s’en méfier et de mener une enquête afin de vérifier si elles sont véridiques. Le cas échéant, ils réprimanderont l’intéressé.

PAROLES DE TSADIKIM

Quel Suisse remporta le prix Nobel ?

« Il a goûté le charme du repos et les délices du pâturage ; et il a livré son épaule au joug et il est devenu tributaire. » (Béréchit 49, 15)

Dans le monde entier, la Suisse est connue pour ses vues à couper le souffle et ses montagnes aux sommets enneigés amplifiant encore sa beauté. On envie également la sérénité, la tranquillité et la patience respirées par ses habitants. Enfin, ce pays ne connaît pas la pauvreté, son économie est stable et tous ses habitants ont un niveau de vie élevé. Un tableau plutôt prometteur et rassurant.

A l’opposé, deux autres pays, la Pologne et la Lituanie, ne bénéficient pas de tous ces atouts. Leurs paysages n’ont rien de particulier, la pauvreté règne en maîtresse, ils souffrent d’un grand retard technologique, leur économie est déficitaire. Un bilan bien sombre et déprimant.

Or, contrairement à toute attente, la Suisse, qui jouit d’un climat pacifique et d’une grande richesse, n’a réussi à apporter au monde sa contribution sur aucun plan. En effet, on ne trouve ni de scientifiques suisses ni d’inventions technologiques provenant de ce pays. Qu’a-t-il donc apporté au monde ? Uniquement les images de ses beaux paysages ornant salons et lobbys.

Et qu’en est-il des pays plus pauvres entourant la Suisse, la Pologne, la Lituanie et la Hongrie ? Alors qu’à Berlin les lumières éclairaient déjà les rues, où des moyens de transport modernes avaient été mis à la disposition des habitants, à Varsovie, à Vilna et à Lodz, régnait l’obscurité, à défaut d’installations électriques. Or, c’est justement en ces pays que naquirent les plus grands commerçants de la planète et, toute proportion gardée, les plus éminents érudits de notre peuple, comme le Gaon de Vilna et Rabbi ‘Haïm en Lithuanie, le Rama, le Maharcha et le Maharchal en Pologne, le ‘Hatam Sofer et Rabbi Akiva Eiguer en Hongrie, et la liste est encore longue. Tous ces géants vécurent dans le plus grand dénuement et le souci constant de la survie quotidienne. Comment expliquer une telle énigme ?

La réponse se trouve dans notre paracha, à travers la bénédiction de Yaakov à ses enfants. Lorsque vint le tour d’Issakhar, il le bénit en lui disant : « Il a goûté le charme du repos (…) et il est devenu tributaire. » Une contradiction flagrante apparaît dans ces propos : s’il a constaté le bien-être du repos, pourquoi a-t-il choisi de devenir tributaire ? Généralement, celui qui apprécie la saveur du repos s’empresse plutôt de réserver une chambre dans un hôtel pour le week-end à venir. Comment comprendre la réaction d’Issakhar face à sa perception du repos ?

Le Machguia’h de Mir, Rav Yérou’ham, en retire un principe fondamental pour la vie, rectifiant notre appréhension du concept tant chéri du repos. Pour les nations du monde et la plupart des gens, il est synonyme de vacances de rêve dans un hôtel luxueux ou encore d’une situation soustrayant l’homme au joug du gagne-pain et lui offrant le loisir d’agir à sa guise, sans la moindre contrainte.

Cependant, la Torah a une tout autre conception du repos. Le repos authentique est synonyme de soumission à un joug imposant des barrières, des charges et un emploi du temps à respecter du matin au soir. Seul ce mode de vie offre à l’âme l’agréable sensation d’avoir accompli ses devoirs, ce qui emplit l’homme de vitalité et chasse de lui tout sentiment déprimant de vide intérieur. Un homme menant une telle existence jouit du calme authentique.

La véritable sérénité, conclut Rav Yérou’ham zatsal, réside dans l’accoutumance à se soumettre à un joug et à fournir des efforts, le corps et l’âme de l’homme devenant ainsi résistants face à tout vent perturbateur. Tel est le repos au sens fort du terme, apanage de celui qui se sait capable de surmonter les permanents changements et embûches de la vie.

PERLES SUR LA PARACHA

L’importunité d’une accusation contre le peuple juif

« Yaakov vécut. » (Béréchit 47, 28)

Le célèbre commentaire de Rachi, « Il désirait leur révéler la fin des temps et la Présence divine s’est retirée de lui », a fait couler beaucoup d’encre.

Rabbi Bonam de Pachis’ha zatsal l’explique à sa manière : le patriarche désirait révéler à ses enfants l’atmosphère qui règnerait à la période pré-messianique, celle d’ignorance et d’effronterie, mais l’esprit divin le quitta.

Pourquoi donc ? Car le Saint béni soit-Il ne désirait pas qu’il prononce des paroles désobligeantes sur le peuple juif.

Qui est appelé « fils du Créateur » ?

« Il manda son fils Yossef. » (Béréchit 47, 29)

Pourquoi est-il écrit Vayikra livno léYossef au lieu de Vayikra livno Yossef ?  Que signifie la répétition de la préposition en hébreu ?

Le Noam Elimélekh zatsal explique que le fait d’être fidèle à la Torah, d’accomplir ses ordres et de ne pas transgresser ses interdits, ne correspond qu’au niveau d’un serviteur se pliant aux instructions de son maître.

Mais, afin d’être le « fils du Créateur », il faut s’imposer des barrières supplémentaires, faire preuve de zèle et d’une volonté d’aller toujours de l’avant. Tel est le sens de notre verset : si l’on désire savoir qui est considéré comme le « fils du Créateur », la réponse est « léYossef », c’est-à-dire celui qui cherche sans cesse à renchérir sur son service divin.

Le mérite des pères

« Que la Divinité dont mes pères, Avraham et Its’hak, ont suivi les voies. » (Béréchit 48, 15)

Le Or Ha’haïm note que Yaakov invoque l’Eternel en s’appuyant tout d’abord sur les mérites de ses pères, avant de mentionner le sien. Les hommes de la Grande Assemblée en ont déduit l’ordre dans lequel agencer les bénédictions de la chémoné esré : commencer par évoquer les patriarches, aimés par l’Eternel, puis formuler ses demandes et éveiller la Miséricorde divine.

Yaakov mentionna son propre mérite par l’expression « Que la Divinité qui a veillé (haroé) sur moi », laissant entendre qu’il se considérait face à l’Eternel comme une pièce de bétail devant son berger (roé), prête à le suivre aveuglément en tout lieu.

Garder à l’esprit le jour de la mort

« Yossef dit à ses frères : “Je vais mourir.” » (Béréchit 50, 24)

Pourquoi est-il écrit anokhi mèt, littéralement « je meurs » plutôt que « je vais mourir » ? Rabbi Akiva Eiguer zatsal explique que Yossef désirait ainsi informer ses frères qu’il n’éprouvait ni animosité ni rancune à leur égard.

Nos Sages (Brakhot 5a) nous recommandent plusieurs moyens de lutter contre le mauvais penchant, notamment l’étude de la Torah. Si même celle-ci s’avère inefficace, l’ultime secours consiste à se souvenir du jour de la mort.

En d’autres termes, afin de déraciner de son cœur tout sentiment de supériorité, il convient d’évoquer la fin de tout mortel. Yossef parla de sa mort au présent afin de signifier que, toute sa vie durant, il s’est souvenu du jour de la mort, ce qui lui a permis d’acquérir la vertu de l’humilité.

Nos Maîtres affirment également (Chabbat 152b) que les os de l’homme qui n’est pas animé par des sentiments de rancune ne se décomposent pas. Ceci explique la suite du discours de Yossef : « Et alors vous emporterez mes ossements de ce pays. » Autrement dit, même si vous devrez encore rester plusieurs années en Egypte, quand viendra l’heure de la délivrance, vous pourrez emporter mes ossements, car ils ne se seront pas décomposés.

DANS LA SALLE DU TRÉSOR

Rabbi David Hanania Pinto

La perception pure des justes

Si l’on observe de près la paracha, on remarquera que le mot « yeux » figure à plusieurs reprises : « Or, les yeux d’Israël, appesantis par la vieillesse », « les yeux seront pétillants de vin ». Quel est le sens de ces mentions récurrentes ?

En réalité, si le patriarche ne pouvait voir à proprement parler, il percevait néanmoins l’avenir au moyen de sa perçante vision spirituelle. Lorsque Ephraïm et Ménaché se trouvèrent face à lui, il savait qu’ils étaient des Tsadikim, mais vit, dans leur descendance, des idolâtres. Or, incarnant la vertu de la vérité – comme il est dit : « Tu témoigneras à Yaakov la fidélité » (Mikha 7, 20) –, il ne put cacher cette vision et demanda : « Qui sont ceux-là ? »

De même, durant ses vieux jours, mon saint grand père, Rabbi ‘Haïm Pinto – que son mérite nous protège –, était aveugle et, pourtant, son sens spirituel lui permettait de tout voir, si bien qu’il était capable d’appeler par son nom chaque personne entrant chez lui.

Il y a quelques décennies, mon père et Maître, Rabbi Moché Aharon – que son mérite nous protège – devait se faire soigner les yeux. Ayant entendu parler d’un spécialiste des maladies des yeux qui habitait à Manchester, je décidai d’y emmener Papa. Nous entreprîmes donc ce long voyage ensemble. Arrivés à destination, nous prîmes un taxi qui nous déposa à deux rues du cabinet du docteur, celui-ci étant inaccessible aux véhicules. Nous dûmes alors continuer à pied.

Mon père ne s’était encore jamais rendu en Angleterre. Ses rues lui étaient totalement étrangères. Et pourtant, à peine descendu du taxi, il se mit à marcher à toute vitesse, le visage penché vers le bas. Il savait exactement vers où se diriger, tandis que moi, j’avais de la peine à suivre son rythme et devais courir derrière lui. Je me demandais bien comment il connaissait le chemin.

Lorsque nous arrivâmes devant le cabinet, il s’arrêta et me demanda avec simplicité : « Est-ce ici ? » Et effectivement, il ne s’était pas trompé.

Comment Papa avait-il mérité d’atteindre un si haut niveau de sainteté ? Car, toute sa vie durant, il avait veillé à préserver la sainteté de ses yeux, les mettant à l’abri de toute vision indécente. Cette vigilance lui permit d’être animé de l’inspiration divine, au point qu’il était parvenu à déterminer l’adresse du praticien sans le moindre repère spatial.

Puissions-nous avoir le mérite de préserver nos yeux des mauvaises visions et de nous sanctifier, tant au niveau de l’acte que de la vue et de la pensée !

LA PARACHA SOUS UN NOUVEL ANGLE

Parmi les bénédictions prononcées par Yaakov à ses enfants, figure celle, bien particulière, que mérita Yissakhar, « il est devenu tributaire ». A quel joug se soumit-il ? A celui de la Torah, répond Rachi.

Rabbi ‘Hizkiahou Michkovsky chelita raconte l’histoire suivante. Un jeune homme surdoué, doté d’une prodigieuse mémoire, était capable d’étudier une page de Guémara en cinq minutes. On pouvait ensuite tester ses connaissances en pointant l’aiguille au hasard à un endroit de la page. Mais, un beau matin, en se réveillant, il constata à son grand désarroi qu’il avait perdu ce don exceptionnel.

Il s’empressa alors de se rendre auprès de nombreux Rabbanim pour recevoir leur bénédiction et recueillir leurs conseils. Chacun l’orienta selon son approche personnelle.

Pourtant, le Steipler zatsal réagit tout autrement. Il lui dit : « Je refuse à tout prix de te maudire. Avoir un appareil photo dans sa tête n’est pas une bénédiction ! L’homme ne vient pas au monde pour photographier. Il y a suffisamment d’appareils de ce type dans le monde. Nous y sommes venus pour fournir des efforts, pour peiner à la tâche ! » Les pleurs et supplications du ba’hour n’impressionnèrent nullement le géant, qui persista dans son refus de le bénir pour recouvrir sa prodigieuse mémoire.

Un autre ba’hour vint une fois voir le Rav Steinman zatsal pour lui faire part des difficultés qu’il rencontrait dans sa Yéchiva et de sa volonté de changer de lieu d’étude. Le Tsadik lui répondit : « Tu as des difficultés ? Sache que c’est très bien ! Justement quand tout ne va pas comme on le voudrait, on a le mérite de faire des acquisitions en Torah. Car elle ne s’acquiert que par les efforts, les souffrances ! C’est uniquement de cette manière que l’homme peut s’élever dans la Torah. » Il trancha en lui enjoignant fermement de rester à sa Yéchiva.

Le ‘Hafets ‘Haïm affirmait déjà que « notre génération est gâtée ». Il en résulte que peu sont ceux qui méritent d’acquérir la Torah. Nous grandissons dans une génération où tout doit aller comme sur des roulettes, si bien que la moindre difficulté est une raison suffisante d’abandonner l’étude. Un tel état d’esprit entrave notre élévation.

A ses débuts, la Yéchiva « Or’hot Torah » était située au-dessus d’une pâtisserie. La fumée et l’odeur en émanant accentuaient les difficultés de l’étude. Nous en fîmes part au Roch Yéchiva zatsal, qui nous répondit, élevant la voix : « Pensez-vous que la création s’est modifiée ? La manière d’acquérir la Torah a toujours été la même : manger du pain trempé dans du sel et boire de l’eau avec mesure. Si tout était facile, on ne pourrait réussir. Pour réussir, il faut affronter des difficultés. Soyez contents que telles sont celles que vous rencontrez. Une étude de la Torah dénuée d’efforts, d’investissement et de dévouement n’en est pas une. »

Un chien de moins de cinq ans

Le Rav Mochikovsky raconte une autre histoire mettant en exergue la personnalité exceptionnelle du Rav Hirsh.

La particularité de la Yéchiva de ‘Hévron, dirigée par les deux Machgui’him Rabbi Meïr ‘Hadach et Rabbi Hirch Pali, était la méticulosité dans les relations interhumaines. Ces deux Rabbanim en donnaient l’exemple à leurs élèves, accueillant chacun avec un visage avenant, se conduisant de manière raffinée et cherchant constamment un moyen de les réjouir, les aider ou les soutenir moralement. Ils se dévouaient totalement pour eux. La maison de Rabbi Meïr leur était ouverte de jour comme de nuit. Ses disciples y entraient pour se restaurer à toute heure. Il leur donnait même les clés de son domicile. Il n’avait pas de vie privée.

Lorsque Rabbi Hirsh décéda, je vins faire une visite de deuil. On y lut une lettre, envoyée par fax, où il était écrit : « Ecoutez l’éloge de Rabbi Hirsh zatsal, prenez la mesure de son rapprochement avec tous ceux qu’il connaissait et de son dévouement aux ba’hourim de sa Yéchiva. Mais j’aimerais mettre les choses au clair : pensez-vous qu’il ne rapprochait de lui que ses proches, qu’il ne se dévouait que pour ses élèves ? Lorsque j’étais hospitalisé à Hadassa, Rabbi Hirsh, qui ne me connaissait pas, a vu que je souffrais. Je ne pourrais décrire tout ce qu’il fit en ma faveur. J’ai ressenti qu’il ne vivait pas pour lui-même, mais uniquement pour moi et pour les autres.»

Concluons par une histoire tournant à son sujet dans la Yéchiva de ‘Hévron. Il est difficile de savoir si elle eut vraiment lieu ou non, mais généralement, on n’y inventait pas d’histoires.

Un jour, Rav Hirsh voyageait en bus et s’était assis sur un des bancs du fond. A l’un des arrêts, une dame non religieuse monta, accompagnée d’un grand chien. Le chauffeur lui demanda de payer aussi pour celui-ci, mais elle refusa. Une querelle éclata, le ton s’éleva et le bus entier fut plongé dans la confusion.

Loin de trouver cela indigne de son honneur, le Machguia’h de ‘Hevron se leva de sa place, marcha dans le bus jusqu’à parvenir au chauffeur et lui dit avec un sourire : « Ce chien a moins de cinq ans, alors il ne doit pas payer.»

En l’espace d’un instant, la tension tomba. Cette réflexion fit sourire le chauffeur, ainsi que la femme avec laquelle il avait débattu. Le conflit fut clos et le bus poursuivit sa route.

Que pensez-vous de cette anecdote ? Le Rav s’est abaissé, s’est couvert de honte ? Pas du tout ! Rav Hirsh ne tenait pas compte de telles considérations. Ce qui importait pour lui était de prononcer un mot gentil et de rétablir la paix entre un homme et son prochain.

 

 

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