Yossef se dévoile une remontrance pour toutes les générations

« Yéhouda s’avança vers lui, en disant: De grâce mon seigneur... » (Béréchith 44:8). « Rabbi Yéhouda dit: il s’approcha pour lui faire la guerre. Rabbi Né’hémia dit: pour se réconcilier. Les Sages disent: pour supplier » (Béréchith Rabah 93:4; Yalkout Chimoni Ochéa 22). C’est dire que Yéhouda, en abordant Yossef, était prêt à toutes ces éventualités. Il était prêt à se battre contre lui, et il est certain que Yéhouda s’était mis en danger face aux soldats de Yossef et à l’armée d’Egypte, parce qu’il s’était porté garant de Benyamin, comme il est dit (Béréchith 43:9): « C’est moi qui réponds de lui, c’est à moi que tu le redemanderas. Si je ne te le ramène pas, si je ne te le remets pas, je me déclare à jamais coupable envers toi ».

Tout ce qui est dit dans cette section est merveilleux, et nous tenterons d’éclaircir les questions qui se posent.

1. Les Sages disent (Béréchith Rabah 92:8; Yefat Toar, fin de la section Mikets): « Lorsque l’envoyé de Yossef découvrit la coupe dans la sacoche de Benyamin, tous les frères commencèrent à le frapper et à l’insulter en le traitant de voleur, lui rappelant que sa mère avait volé les idoles de Laban. Mais Benyamin proclamait son innocence, si bien que les frères comprirent que la coupe trouvée dans la sacoche de Benyamin était un stratagème. S’il en est ainsi, pourquoi Yéhouda prend-il des risques supplémentaires et met-il en danger la vie de Benyamin en retournant en ville, chez Yossef? Il aurait pu le renvoyer sur-le-champ chez son père avec les frères ou certains d’entre eux, et aller seul chez Yossef, pour la vie ou pour la mort, dans la guerre qu’il lui déclare. S’étant porté garant envers Ya’akov, il est retourné en Egypte dans l’intention de se faire esclave. Il n’aurait permis à aucun prix que Benyamin devienne esclave, comme il le dit à Yossef (Béréchith 44:33): « Que ton serviteur, à la place du jeune homme, reste esclave de mon seigneur, et que le jeune homme parte avec ses frères! » Pourquoi ne l’a-t-il pas envoyé tout de suite chez Ya’akov, et pourquoi est-il retourné avec lui en ville, chez Yossef.

2. Les frères ont compris que Benyamin n’avait pas volé la coupe, et que Yossef voulait tout simplement les provoquer et régler ses comptes avec eux. La situation était difficile, ils auraient dû tuer l’envoyé de Yossef et continuer leur route. Le fait qu’ils soient retournés en ville chez Yossef dénote leur faiblesse, leur manque d’assurance. Ils mettent la vie de Benyamin en danger car, si une guerre éclatait, Benyamin ne risquait-il pas d’y perdre la vie?

3. Il faut aussi expliquer pourquoi, après qu’il se fut dévoilé à ses frères (Béréchith 45:3), après qu’il leur eut montré qu’il était circoncis (Béréchith Rabah 93:8), les frères de Yossef « ne purent lui répondre, car ils étaient frappés de stupeur » (Béréchith 45:3). Les Sages disent à ce sujet (Béréchith Rabah 93:10): « Malheur à nous au jour du jugement, malheur à nous au jour des représailles ». En effet, Yossef était le plus jeune des frères et, s’ils ne pouvaient pas affronter les accusations dont il était l’objet, c’est une preuve que nous-mêmes aurons du mal à faire face aux accusations le jour du jugement. Il faut expliquer ce Midrach. Où le fait que Yossef fit des reproches à ses frères et qu’il les a accusés est-il indiqué dans le verset, pour que nous en tirions une leçon concernant les reproches qui nous seront faits à l’avenir? Le verset dit seulement que dans leur stupéfaction, ils firent un bond en arrière, et Yossef leur dit (ibid. 45:4): « Approchez-vous de moi je vous prie, et ils s’approchèrent ». Comment savons-nous qu’il leur fit des reproches?

4. Les Sages disent (Tan’houma Vayigach 5): « Lorsque Yossef se dévoila et se fit connaître de ses frères, ils voulurent le tuer ». Comment est-ce possible? Il est dit aussi (Béréchith Rabah 91:6) que lorsque les frères arrivèrent en Egypte, ils se dispersèrent afin de chercher Yossef dans tout le pays car ils s’inquiétaient sur son sort. Pourquoi, lorsqu’ils le retrouvent enfin, l’auraient-ils tué? Pourquoi les Sages disent-ils qu’ils voulaient le tuer? Les frères ont constaté la bravoure de Yossef (Béréchith Rabah 93:7), il est gouverneur du pays, c’est lui qui distribue le blé à tout le peuple (Béréchith 42:6), il est resté juste et aussi vertueux à la fin de sa vie qu’au début car « lorsqu’il était esclave il craignait D. tout autant que lorsqu’il était roi » (Tan’houma Nasso 28), et tous les Egyptiens se sont circoncis sous son ordre (Béréchith Rabah 91:5). Si les frères avaient tué Yossef, toute l’Egypte aurait alors appris la chose, et cette nouvelle serait parvenue aux oreilles de Ya’akov en Erets Israël. Quel intérêt pouvaient-ils tirer d’un tel malheur? D’autant plus que Ya’akov leur dit (ibid. 42:1): « Il y a vente de blé en Egypte », et les Sages expliquent (Béréchith Rabah 91:6): « Il eut la révélation que son espoir était en Egypte, il s’agit de son fils Yossef ». A présent, les frères comprirent que Ya’akov leur avait parlé de Yossef. N’est-il pas étonnant qu’à ce moment précis, ils aient voulu le tuer? Et comment D. pourrait-Il agréer une telle chose?

Pour expliquer toute cette section, nous devons savoir que la Torah ne rapporte pas des événements historiques ou des anecdotes, et le Zohar a déjà maudit ceux qui croient que la Torah raconte des faits divers (III, 149b). Certains récits de la Torah sont incompréhensibles, parce que nous n’en saisissons pas le sens profond, caché dans ces récits. Nous essayons seulement de les comprendre tels quels, superficiellement. Nous devons savoir que, dans tous les récits de la Torah, dans leurs moindres détails, figurent des directives et des enseignements pour tous les temps et pour toute situation dans laquelle l’homme pourrait se trouver, et dont il doit tirer leçon. Notre section aussi cache en elle des choses sublimes.

Par la grâce du Roi Suprême, nous allons expliquer le récit de Yossef et ses frères, comme il se doit. Yossef le Juste dit à ses frères (Béréchith 42:18): « Faites ceci et vous vivrez. Je crains le Seigneur ». Il est surprenant qu’en Egypte, dans ce pays rempli d’idoles et d’impureté et connu pour ses débauches (Chemoth Rabah 1:22), l’un des souverains de ce pays déclare qu’il craint le Seigneur... C’est une chose étonnante car la crainte de D. fait partie des fondements de la foi d’Avraham, Yits’hak et Ya’akov, qui avaient vraiment la crainte de D. et qui inculquèrent cette crainte dans tous les cœurs et amenèrent les gens à se soumettre à D. Et justement là, en Egypte, lieu qui ignore la crainte de D., les frères découvrent que règne un roi grand et puissant, bienveillant envers tous les peuples, qui ne garde pas ses récoltes uniquement pour son propre peuple mais les distribue dans tous les pays, comme il est écrit (Béréchith 41:57): « De tous les pays on venait en Egypte... » Ya’akov eut la vision qu’on vendait du blé en Egypte; autrement dit, il vit qu’il y avait en Egypte un rejeton de ses descendants, caractérisé par la bienveillance et la générosité. Effectivement, si ces qualités se rencontrent en Egypte, c’est signe qu’il s’y trouve quelqu’un qui craint D. et a une grande confiance en Lui, car il ne se soucie pas seulement de son propre pays, mais de tous les pays atteints par la famine.

De plus, les frères ont pu constater qu’en Egypte, pays de voleurs et de brigands, il existe pourtant des gens honnêtes. Lorsque les frères viennent rendre l’argent qu’ils ont trouvé dans leur sacoche, en disant (Béréchith 43:21-22): « Quand nous sommes arrivés dans l’auberge et que nous avons ouvert nos sacoches, l’argent de chacun était dans son sac, notre même poids d’argent: nous le rapportons, ainsi qu’une autre somme pour acheter des vivres... », les Egyptiens leur répondent (ibid. 43:23): « ...votre argent nous est parvenu », c’est-à-dire que votre argent est déjà entré dans les caisses de l’état et il nous est interdit de recevoir de vous un autre paiement. Est-ce possible? Les frères en furent impressionnés et ils comprirent que le maître et gouverneur du pays était effectivement un homme juste, saint et rempli de la crainte de D. C’est pourquoi Yéhouda ne craint pas de retourner dans la ville avec Benyamin et tous ses frères (ce qui répond à la première question), car il savait que le roi du pays craignait le Ciel et qu’il serait possible de parvenir avec lui à un compromis, sans dispute ni querelle.

En approfondissant davantage, nous trouvons d’autres raisons qui ont effacé toute crainte du cœur de Yéhouda si bien qu’il consentit à retourner en ville, même avec Benyamin. Yossef demanda à ses frères (Béréchith 43:27): « Comment se porte votre père, ce vieillard dont vous avez parlé? Vit-il encore? » Il est certain que celui qui pose une telle question se laissera amadouer et acceptera un compromis, afin de ne pas causer de peine à un vieux père. Par ailleurs, Yéhouda ne désirait pas tuer l’envoyé de Yossef et retourner en terre de Canaan vers son père, pour que le Nom de D. ne soit pas profané. S’il avait agi de la sorte, tous y auraient vu la preuve qu’ils avaient volé la coupe. De plus, le roi (ils ne savent pas que c’est Yossef) craint D. S’il apprend que les fils de Ya’akov ont fait une telle chose, il risque de perdre sa crainte de D. et de penser dans son cœur: si les fils de Ya’akov qui enseignent la crainte de D. agissent ainsi, c’est que « il n’y a pas de Juge et il n’y a pas de Justice (Vayikra 28:1; Cho’har Tov 47:6), et ils en concluront que tout est permis. A propos d’une situation semblable, les Sages ont dit (Avoth I:11; Avoth D’Rabbi Nathan 11:4; Tana D’Bey Eliyahou Rabah 82): « Sages, mesurez vos paroles! Vous pourriez être condamnés à l’exil et déportés dans un lieu où les eaux sont malsaines (c’est-à-dire où des principes contraires aux vôtres sont enseignés). Les élèves qui suivent vos enseignements pourraient en boire et mourir, et le Nom de D. serait profané », c’est-à-dire que d’autres parviendraient à des conclusions qui ne sont pas conformes à la vérité. Yéhouda prend donc la peine de retourner auprès de Yossef, et ne tue pas l’envoyé (ce qui répond à la question 2), pour ne pas amener Yossef à douter de D.

C’est le sens de: « Yéhouda s’approcha de lui ». Il s’approcha pour lui faire la guerre, la guerre de la Torah, afin de sanctifier le Nom de D. publiquement, et il retourna vers Yossef avec Benyamin et tous ses frères afin de se justifier devant Yossef qu’il considérait comme un homme ayant la crainte de D.  Telle était la voie de Yéhouda qui avouait ses propres fautes, sans honte (Sotah 7b). Il ne pensait pas un seul instant qu’en retournant vers Yossef, il lui ferait effectivement la guerre. En arrivant devant Yossef, il lui dit: Je suis venu avec mon frère Benyamin et je ne me suis pas enfui vers mon père en terre de Canaan, parce que « ton serviteur a répondu de cet enfant à son père » (Béréchith 44:32). Le mot br[, garant, est formé des mêmes lettres que le mot r[b, insensé, c’est-à-dire que si j’avais fui, ou si j’avais tué l’envoyé, j’aurais profané le Nom de D. par un acte insensé. A cause de moi, tu en serais venu à douter de D.  C’est pourquoi je prends le risque de venir vers toi ouvertement, vers toi qui es « l’égal de Pharaon » qui ne craint pas D. et qui ne croit pas en Lui. J’ai fait tous ces efforts afin de ne pas causer de profanation du Nom de D.

La qualité de Yéhouda est de reconnaître ses fautes. Si l’on trouve la coupe dans la sacoche de Benyamin, Yéhouda doit reconnaître que Benyamin est, apparemment, le voleur. Il ne peut pas nier cette évidence. Effectivement, il s’y conforme, et c’est pourquoi il se présente avec Benyamin devant Yossef. Il avoue, pour ne pas causer de profanation du Nom de D., de même qu’il le fit envers Tamar sa belle-fille, en confessant publiquement (Béréchith 38:26): « Elle est plus juste que moi ».

Malheur à nous au jour du jugement et de la rétribution

Maintenant nous pouvons comprendre les reproches que Yossef adresse à ses frères et surtout à Yéhouda. Ses reproches étaient si virulents que tous furent saisis de stupeur et bondirent en arrière. Il lui suffit de leur dire: « Je suis Yossef » (Béréchith 45:3) pour causer leur stupeur. Ces paroles-là ont rappelé aux frères la rétribution dans le monde à Venir: « Malheur à nous au jour du jugement ». Comment pourront-ils l’affronter? Nous apprenons ainsi qu’il y aura, à l’avenir, un jugement.

Comment savons-nous que Yossef leur fit de telles remontrances? Quelle était l’intention de ses propos (ce qui répondra à la question 3)?

Yossef parle ainsi à Yéhouda: Toi, tu te distingues par la qualité de l’aveu, car tu as confessé publiquement ta faute. Lorsque ta belle-fille Tamar fut condamnée à être brûlée et qu’elle t’a dit: « Souviens-toi Qui t’a créé », tu as sanctifié le Nom de D. (Béréchith Rabah 85:12), sans tenir compte de l’opinion publique. De même, tu n’as pas tué l’envoyé lorsqu’il a trouvé la coupe dans la sacoche de Benyamin, au contraire, tu es revenu ici avec Benyamin pour te proposer comme esclave à sa place. En cela aussi tu as avoué, afin de ne pas profaner le Nom de D.

Pourquoi, lorsque je suis venu vous rendre visite, envoyé par mon père,  as-tu été le premier à vouloir me tuer, comme il est écrit (Béréchith 37:20): « Or ça, venez, tuons-le, jetons-le dans quelque citerne ». Ensuite vous m’avez jeté dans la citerne (verset 24), dans « un puits qui était vide d’eau mais plein de serpents et de scorpions » (Chabath 22b). Pourtant ces serpents et ces scorpions ne m’ont pas mordu, et c’est une preuve évidente que je n’ai pas porté atteinte au sceau de l’Alliance sacrée. Si je fus épargné, c’est la preuve que je suis saint et pur, et si toutes vos accusations contre moi avaient du vrai et que j’avais commis une faute quelconque, je n’aurais pas été sauvé de ces serpents et de ces scorpions. Pourquoi, lorsque je suis venu vous visiter, n’as-tu pas fait valoir que j’étais votre frère sans hésiter, comme tu le fais à présent? Pourquoi en fin de compte m’avez-vous vendu alors que je n’avais rien fait de mal? Pourquoi avez-vous commis une telle faute?

En disant « Je suis Yossef, votre frère », il leur montra qu’il était circoncis, qu’il n’avait pas porté atteinte au signe de l’Alliance et qu’il était resté fidèle à lui-même. Il était allé à Che’hem sur l’ordre de son père, et donc - tel est l’argument de Yossef - bien que j’aie su que vous me haïssiez à cause de mes rêves et de mes paroles (Béréchith 37:4 et 8), j’ai obéi avec dévouement à l’ordre de mon père. Mais vous, vous avez voulu me tuer et vous lui avez causé une grande peine. Où est la justice? Où est la sanctification du Nom de D.? Comment peut-on servir D. fidèlement tout en ayant un meurtre sur la conscience? Pourquoi n’avez-vous pas tenu compte alors de la peine de notre père qui a tant souffert à cause de moi et qui a refusé de se laisser consoler? Pourquoi ne t’es-tu pas porté garant de moi afin de me sauver, comme tu t’es porté garant de Benyamin? Si mon père me préférait, c’est qu’il avait sans doute une bonne raison pour cela. Pourquoi as-tu voulu m’éloigner et lui causer une peine profonde et irrémédiable? Est-ce seulement parce que tu en as fait la promesse à notre père que tu te sacrifies maintenant? Si tu ne t’étais pas porté garant de l’enfant, tu l’aurais abandonné ici, comme tu as abandonné Chimon lorsque je l’ai arrêté et mis en prison, comme il est écrit (Béréchith 42:19): « L’un de vos frères sera détenu en prison » et (ibid. v. 24), « Il sépara d’eux Chimon qu’il fit incarcérer en leur présence ». Ne faut-il pas toujours se sentir « responsable de l’enfant », se sentir responsable des autres, même si l’on n’en a pas fait le serment ni la promesse?

En outre, tu plaides devant moi: « Comment retournerais-je auprès de mon père sans ramener son enfant? » (ibid. 44:34) ce qui serait envers lui un crime mais, si tu es puissant, si tu es le roi (Béréchith Rabah 92:5) et que tu peux tout, pourquoi n’as-tu pas tenté de me sauver, moi? Et si tu dis: « De grâce, mon seigneur! » pour signifier que le Nom de D. est inscrit dans ton cœur, vous avez vous-mêmes juré et associé D. à votre serment de ne pas révéler à notre père que vous m’avez vendu (Tan’houma Vayechev 2). Votre conduite est-elle correcte?

Nous avons beaucoup à apprendre des reproches de Yossef à ses frères, dans le sens où il est dit: « malheur à nous au jour du jugement ». Et que dire lorsque D. fera des reproches à chacun de nous pour sa conduite? Est-il possible de se conduire avec légèreté dans la synagogue et ensuite prier intensément - celui qui agit ainsi est la cause de sa propre confusion... S’il interrompt sa prière pour parler de choses et d’autres et qu’au moment où l’on sort le Séfer Torah de l’arche, il l’embrasse avec vénération, mais parle pendant la lecture de la Torah, est-ce une conduite convenable? Comment peut-on exprimer à la fois des marques de respect et se conduire avec tant de légèreté? C’est un des reproches qui nous sera fait au jour du jugement. Lorsque nous voyons sur le bras de quelqu’un les marques des courroies des Tephillin, nous savons que cet homme est attaché à D., comme nous le disons dans la prière: « Que toutes les forces de mon âme et de mes sens soient soumises au service de D., béni soit-Il », et nous ajoutons le verset: « Je te fiancerai à moi pour toujours, tu seras ma fiancée par la droiture et la justice, par la tendresse et la bienveillance, ma fiancée en toute loyauté, et alors tu connaîtras l’Eternel » (Ochéa 2:21-22). Les Sages disent à propos du verset (Devarim 28:10): « Tous les peuples de la terre verront que le Nom de l’Eternel est associé au tien et ils te redouteront », qu’il s’agit des Tephillin que l’on porte sur la tête (Brach’ot 6a). Mais si, tout de suite après, nous nous conduisons avec dédain envers autrui ou si nous ne prions pas avec la concentration requise, nous serons exposés à des accusations et à des reproches très lourds, car est-il possible d’être à la fois attaché à D. et de s’éloigner de Lui? Est-ce pensable?

Les reproches de Yossef étaient tellement écrasants que les frères en ressentirent une grande honte et, incapables de lui faire face, ils en vinrent à vouloir le tuer effectivement. Quand un homme important ressent tout à coup qu’il n’est qu’un objet vide de tout, qu’il n’est rien, qu’il est perdu et sans espoir, il devient d’autant plus menaçant et dangereux que son désespoir peut l’amener à commettre un acte de folie (D. nous en préserve), au point de vouloir tuer. Si ce n’était que « les anges ont repoussé les frères et les ont séparés » (Tan’houma Vayigach 5), ils auraient tué Yossef pour ne pas affronter ses sévères reproches, car il leur démontrait combien ils étaient peu de chose... tout le contraire de ce qu’ils pensaient être. Chacun doit rester égal à lui-même en toute circonstance et ne pas se conduire de façon inconstante. Il faut plus que tout éviter de s’enorgueillir et de se conduire avec fierté, en se croyant capable de rester intact jusqu’au jour de la mort. Yo’hanan le Grand Prêtre, qui a servi pendant quatre-vingts ans, est devenu Saducéen à la fin de sa vie (Brach’ot 29a; Yoma 9a), comme le disent les Sages (Avoth 2:4): « Ne te fie pas à toi-même jusqu’au jour de ta mort » (ce qui répond à la question 4).

Le reproche de Yossef consiste à leur faire remarquer que par leurs actes ils perdent tout, comme dit le Midrach (Chemoth Rabah 35:1): « D. a créé beaucoup de choses, mais le monde ne méritait pas d’en faire usage et Il les a cachées », pour nous faire savoir combien le monde a perdu en ne méritant pas de faire usage de ces créations. De même Yossef fait savoir à ses frères combien de bienfaits ils ont perdus pour l’avoir haï et s’être conduits de façon inconstante.

Les Sages disent (Tan’houma Vayigach 5): « Lorsque Yossef vit que ses frères étaient dispersés dans tous les coins, il entreprit de les apaiser et leur dit : Approchez-vous de moi. Ils s’approchèrent et ils se réconcilièrent avec lui ».

Nous voyons là que celui qui fait des reproches doit aussi apaiser celui qu’il a critiqué afin qu’il n’en vienne pas se désespérer à cause de la honte ressentie. Il est possible que nous ayons une indication de cela dans le commandement de la Torah (Vayikra 19:17): « Tu reprendras ton prochain et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui ». Il ne faut pas lui causer une telle honte qu’il en viendrait à vouloir tuer celui qui lui fait des réprimandes. Le Sefer Ha’hinoukh écrit (Commandement 239): « Dans le Midrach Sifra (Vayikra 19:17) il est dit : Est-il permis de lui faire des reproches au point qu’il en blêmisse? La Torah commande: « Tu n’assumeras pas de péché à cause de lui », ce qui nous enseigne qu’il faut tout d’abord prononcer les réprimandes avec douceur, en privé, avec des paroles acceptables, afin de ne pas faire honte au coupable, mais si l’on craint qu’il n’accepte pas les reproches et qu’il se retourne contre nous, nous sommes dispensés de lui faire des reproches ». Ainsi Yossef les a tout de suite apaisés pour qu’ils n’en viennent pas à vouloir le tuer. De même, un voleur pris en flagrant délit est à ce moment-là extrêmement dangereux puisqu’il s’est fait prendre et qu’il a été vu au moment où il a commis le vol. C’est en soi un reproche énorme que le voleur est incapable d’affronter, et c’est pourquoi il faut tout de suite l’apaiser, le tranquilliser, l’amadouer, afin d’éliminer le danger imminent, et l’amener à se corriger. Puisque les frères n’ont rien fait contre Yossef lorsqu’ils se sont approchés de lui, cela montre qu’ils ont reconnu le bien-fondé de ses propos, et qu’ils ont accepté de se réconcilier avec lui.

Les reproches de Yossef sont tellement sévères et la honte des frères tellement profonde qu’ils ont voulu le tuer pour y échapper, tant ils étaient incapables de soutenir sa présence. Cela nous enseigne combien, lorsque D. accusera l’homme pour toutes les pensées et les intentions cachées de son cœur, pour toutes les fautes et les transgressions commises durant sa vie - et cela en présence de tous les Justes - combien grandes seront sa honte et sa déchéance! Il voudra s’enfuir, mais il n’aura pas où fuir de devant le Trône de Gloire, comme il est écrit (Téhilim 139:7): « Où me retirerais-je devant Ton esprit? Où chercherais-je un refuge pour me dérober devant Ta face? » Tel sera le reproche que nous devrons affronter à l’avenir, malheur à nous au jour du jugement, malheur à nous au jour des reproches. Si les frères de Yossef n’ont pas pu soutenir sa présence et qu’ils ont voulu le tuer pour échapper à la honte, à plus forte raison notre propre honte et notre propre déchéance seront immenses, et nous n’aurons même pas où nous enfuir.

Nous pouvons prouver autrement pourquoi les frères de Yossef désiraient le tuer, et en tirer un enseignement important. Les frères de Yossef le haïssaient à cause de ses rêves et parce qu’ils pensaient qu’il voulait les dominer, comme il est écrit (Béréchith 37:8): « Régnerais-tu sur nous? Deviendrais-tu notre maître? » Cette idée ne les quittait pas: Pourquoi veut-il régner sur nous? Mais à partir du moment où ils vendirent Yossef et qu’ils virent la peine et la douleur inconsolables de leur père, qui dit (ibid. 37:35): « Je rejoindrai, en pleurant, mon fils dans la tombe », la haine et la jalousie qu’ils nourrissaient envers Yossef s’effacèrent de leur cœur, et ils désirèrent le libérer à tout prix. « Ils se dispersèrent dans toute l’Egypte à la recherche de Yossef et ils le cherchèrent jusque dans les quartiers des prostituées » (Tan’houma Mikets 8). Mais ils n’avaient pas pensé qu’il deviendrait le gouverneur tout-puissant de l’Egypte, ils supposaient qu’il avait été vendu pour être l’esclave de quelque maître Égyptien. Au moment où ils apprirent qu’il était le roi d’Egypte, leur haine se raviva de plus belle. Ils n’acceptaient pas le fait qu’il les domine, et ils étaient prêts tout simplement à le tuer, si l’ange ne les avait pas repoussés, sauvant Yossef de leurs attaques. Malgré leur grandeur et leur sainteté, les frères n’avaient pas corrigé leur défaut comme il convient. Ils n’avaient oublié leur haine que momentanément mais ils n’avaient fait aucun effort pour la déraciner complètement de leur cœur. S’ils l’avaient déracinée, ils auraient été heureux de le savoir roi et de voir ses rêves prophétiques réalisés car des rêves qui ne sont pas envoyés par D. ne se réalisent pas. Mais, parce qu’ils n’avaient pas déraciné le fondement de leur haine, elle s’éveilla alors de plus belle.

Nous constatons souvent un tel phénomène. Lorsque quelqu’un hait son prochain et qu’il le perd de vue pour longtemps, il oublie sa haine et il semble qu’elle a disparu. Mais au moment où ils se rencontrent de nouveau (et surtout s’il constate que celui qu’il hait le dépasse en grandeur), la haine ancienne, revivifiée, devient encore plus forte qu’auparavant. Pour l’éliminer totalement, il faut déraciner la raison même qui en est la cause.

Après avoir été repoussés et dispersés grâce à l’intervention d’un ange, les frères eurent peur car ils comprirent que telle était la volonté de D. Chaque homme peut tirer de l’exemple que si quelqu’un parvient à une position élevée et dominante, c’est que D. l’a voulu ainsi. Accepter ce fait permet de dissiper la jalousie. En effet, Yossef était un homme vertueux, saint et pur, et s’il eut de tels rêves, c’est qu’ils avaient un sens profond. Les frères ne pouvaient pas manquer de savoir que c’était justement Yossef qui était destiné à vaincre Essav, et que « Les descendants d’Essav seront soumis justement par les descendants de Yossef » (Baba Bathra 123b; Zohar I, 155a). En le haïssant, ils mirent leur propre vie en danger tout autant que la sienne. Si son nom avait été effacé par leur faute, qui aurait mené pour eux la guerre contre Essav? Cela montre que leur susceptibilité a été un obstacle pour les frères. C’est une leçon valable pour tous les temps - malheur à nous au jour du jugement et au jour des reproches - elle nous enseigne que nous devons éliminer toute susceptibilité personnelle. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons aborder le Roi des rois, béni soit-Il, le jour du jugement. Puissions-nous en être capables!

 

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