Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi

 « Le lion a rugi, qui n’aurait peur ? »  (Amos 3:8)

Le mois d’Elloul, période de Miséricorde, constitue une préparation aux Jours Redoutables, s’étalant de Roch Hachana à Yom Kippour. Plus ces échéances approchent, plus la peur se saisit de l’homme face à la gloire infinie du Roi suprême Qui, assis sur Son trône, juge toutes Ses créatures. En effet, quelle sera sa sentence ? Sera-t-il acquitté ? Si déjà celui qui doit passer en jugement devant une cour de justice humaine est empli d’appréhension, combien plus devrait-on trembler lorsque le Juge n’est autre que le Roi des rois !

Toutefois, cette angoisse et cette crainte ne sont pas suffisantes pour laver l’homme de ses taches et lui permettre d’être acquitté lors du jugement suprême ; seule la techouva, la repentance, peut remplir cet office.

Dans cette optique, le mois d’Elloul permet de se préparer à ce jugement, en répondant à cette invitation à nous rapprocher de D. et à communiquer avec Lui, dans l’esprit du verset : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi – ani ledodi vedodi li », dont les lettres initiales forment, en acrostiche, le nom de ce mois (Elloul). En effet, cette citation exprime de façon remarquable l’essence de cette période – période de rapprochement et de communication avec notre Père céleste.

Cependant, pour que D. se rapproche de l’homme, celui-ci doit entreprendre, de son côté, tous les efforts dans ce sens – Le rechercher et désirer se lier à Lui, dans l’optique du verset (Devarim 30:20) : « pour t’attacher à Lui ».

L’homme doit aspirer à adhérer corps et âme au Créateur, annuler son ego devant Lui et ne se consacrer qu’à Lui – en un mot, fuir la demi-mesure de celui qui reste en partie attaché aux jouissances de ce monde. Etre tout entier « à mon bien-aimé », c’est être assuré que « mon bien-aimé [soit] à moi » – mesure pour mesure, l’Eternel Se lie à l’homme qui œuvre dans ce sens.

Tel est le travail qui doit être entrepris en cette période : éveiller en soi la conscience de la réalité divine, ce qui permet d’intérioriser ce sentiment d’union intime et d’appartenance réciproque entre l’homme et son Créateur.

Pour parvenir à cette perception nous a été donné le mois d’Elloul, prédisposé à cette tâche – à savoir, arracher l’homme aux jouissances de ce monde et le lier corps et âme au Créateur.

Tout au long de l’année, l’homme est plongé dans le matériel, à tel point qu’en dépit des moments qu’il se fixe pour l’étude de la Torah, en dépit des mitsvot et des actes bienfaisants qu’il accomplit, les tracas risquent de l’écarter du Créateur à son insu, et même de l’en détacher complètement. Pourtant, lorsqu’arrive le mois d’Elloul, malgré son éloignement du Très-Haut, c’est le moment idéal pour renouveler et réparer la connexion entre l’homme et D., Qui désire tout autant ce lien.

Une condition toutefois pour mener à bien cette mission et consolider ce lien : dépasser l’égoïsme, annuler son ego devant le Tout-Puissant. Dans cette optique, le moment le plus opportun au renforcement de cette attache est Roch Hachana, jour où le premier homme fut créé, pur et sans faute (cf. Pirké deRabbi Eliézer 8 ; Zohar III 100b).

En ce jour où il est venu au monde, innocent comme le nouveau-né qui n’a jamais péché, il lui sera d’autant plus facile de regagner, par la techouva, cet état antérieur, de devenir une créature nouvelle et irréprochable.

Or, plus le jour du jugement approche, plus les obstacles s’amoncèlent. Car le mauvais penchant redouble d’efforts pour nous faire commettre une faute précisément en ces jours saints. L’homme est, au cours de cette période, comparable à celui qui doit atteindre un certain objectif avant une date butoir. Il s’empresse donc d’agir au plus vite et au maximum de ses forces pour s’acquitter de sa tâche avant le dernier délai. Mais plus il s’y affaire, plus son sentiment de fatigue et de lassitude s’intensifie, au point de devenir insoutenable. Cependant, conscient du peu de temps qui lui reste, notre homme s’efforce de ne pas tenir compte de cette impression et, loin de stopper sa course, d’accroître encore ses efforts. Car s’il s’arrête, il est certain de rater l’échéance et aura donc « couru » en vain.

De même, plus le jour du jugement approche, plus le mauvais penchant tente de faire trébucher l’homme dans de nouvelles fautes, afin qu’il « rate le coche » de la techouva. Il essaie de l’empêcher de réparer le passé, d’annuler sa personnalité et de recréer le lien avec le Divin, le plaçant sous la coupe des forces impures, afin d’annihiler tous ses efforts.

Car telle est l’essence du mois d’Elloul : annuler son ego en faveur du Bien-aimé – le Créateur – en réponse à l’appel, à la sonnerie qui y retentit. Dans les tréfonds du cœur de l’homme, la sainteté spécifique au mois d’Elloul résonne en un vibrant écho : « Revenez, revenez de vos voies perverties » (Ye’hezkel 33:11). « Revenez vers Moi », nous appelle le Créateur, dans l’esprit du verset : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi. »

Mais cette proclamation du Tout-Puissant n’est pas suffisante. C’est à l’homme qu’il appartient de faire le premier pas, en vertu du principe (Chir Hachirim Rabba 5:3) : « Ouvrez-Moi une brèche de la largeur d’un chas d’aiguille et Je vous ouvrirai des portails assez larges pour y faire pénétrer des chars ! » L’homme doit prêter l’oreille à cette annonce du mois d’Elloul, qui l’appelle à renouveler son lien avec D. : « Réveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil ! Secouez-vous de votre torpeur ! », selon les mots du Rambam ou, verset presque similaire : « Que fais-tu là, dormeur ? Debout, invoque ton D. » (Yona 1:6). D., Qui attend de renouveler avec toi le lien éternel, t’appelle à revenir à Lui. Si tu recrées cette attache, le Tout-Puissant t’assistera certainement, comme il est promis (Yoma 38b) : « Celui qui vient se purifier est aidé d’en Haut. »

Grande et infinie est la bonté du Créateur, en cela qu’Il invite en personne l’homme à entamer cette démarche. « Revenez à Moi et Je reviendrai à vous », nous engage-t-Il. Je veux renouer avec vous, bien que vous M’ayez irrité tout au long de l’année, Je vous désire et vous prie instamment de revenir à Moi, nous fait-Il savoir.

Si l’homme prend la peine d’écouter et de répondre à cette invite, et de se consacrer – dans la pleine acception du mot – au Créateur, et uniquement à Lui, sa récompense sera incommensurable : le Très-Haut se liera également à lui – « Mon bien-aimé est à moi ».

Mais, comme nous l’avons dit, il ne sera possible d’atteindre ce niveau qu’au prix d’une abolition de l’ego devant le Tout-Puissant, condition sine qua non pour atteindre ce niveau suprême d’attachement et de fusion de l’homme et de Son Créateur.

Dans ce cas, le plaisir atteint à Roch Hachana sera incommensurable car, après tout le travail entrepris au cours du mois d’Elloul, l’homme jouira du renouveau de son lien avec le Créateur, fusion dépassant l’entendement humain.

C’est une opportunité exceptionnelle que celle donnée au Juif : « Heureux le peuple connaissant la sonnerie [du Chofar] (…) » (Tehilim 89:16) Heureux les membres de Son peuple qui entendent cet écho, les appelant à revenir vers leur Créateur pendant le mois d’Elloul, « (…) cheminant, Eternel, à la lumière de Ta face ». En atteignant le niveau de la perfection à Roch Hachana, après l’éveil et le repentir sincère du mois d’Elloul, ils cheminent ensemble à la lumière de la Face de D.

Roch Hachana – Deux jours de jugement

Cela posé, nous pouvons comprendre l’essence des deux jours de Roch Hachana qui, comme nous le savons, sont des jours de jugement, au cours desquels les livres de la vie et de la mort sont ouverts devant le Maître du monde et où tous les hommes défilent devant Lui comme un troupeau (cf. Roch Hachana 16a et b). Est alors déterminé qui sera inscrit pour la vie, qui pour la mort, qui sera inscrit dans le livre des tsaddikim pour une vie de bonheur, et qui dans le livre des impies pour la mort.

Cependant, cet aspect ne semble pas apparaître dans la Torah. Nos Maîtres relèvent certes une allusion à ces jours de jugement dans les Psaumes (81:4) : « sonnez le Chofar au [nouveau] mois, au jour fixé pour notre solennité », verset ainsi commenté dans la Guemara (Roch Hachana 8b) : « Il s’agit du jour où le Créateur siège sur le trône de jugement pour juger toutes les créatures du monde. » Dans la Torah, en revanche, on peut lire (Bamidbar 29:1) : « vous aurez un jour de sonnerie », allusion aux sonneries du Chofar, outre le fait que ces jours sont désignés comme des jours de joie et de fête, comme l’indique le verset (ibid. 10:10) : « Et au jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes (…) ; elles seront pour vous un souvenir devant votre D. Je suis l’Eternel votre D. » Ainsi, la Torah ne souligne-t-elle que la joie et l’aspect solennel de ce jour. Pourquoi n’évoque-t-elle nullement le jugement qui s’y déroule ?

A la lumière de nos explications précédentes, nous pouvons en concevoir la raison : tout au long du mois d’Elloul, une voix émanant du cœur de l’homme l’appelle à se repentir complètement et à se consacrer totalement à D., à annuler son ego pour Lui. Cette voix intérieure est stimulée par le son du Chofar, qui retentit tout au long de ce mois, au moment des seli’hot quotidiennes, en tant que préparation intense à l’approche du jugement imminent.

Lorsqu’on cherche à réveiller un homme plongé dans une profonde léthargie, on s’y emploie avec force et puissance, car tout coma prolongé risque, à D. ne plaise, de mener à la mort. De ce fait, on agit presque violement, poussé par un sentiment d’urgence.

Or, cela va sans dire, toute cette préparation doit permettre à l’homme de se présenter, le jour du jugement, sous son meilleur jour. Car si l’homme ne se réveille pas et ne renouvelle pas son lien avec le Créateur, qui sait quelle sera sa sentence ?

De ce fait, la Torah ne désire pas qualifier Roch Hachana de « jour de jugement », car elle préfère qu’il soit un jour de grâce et de pardon, outre le fait qu’elle le présente comme une fête, un moment de joie.

En effet, lorsque l’homme se repent pendant tout le mois d’Elloul et renouvelle son lien avec le Créateur, s’unissant à Lui dans l’esprit du verset : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi », il est évident que Roch Hachana sera pour lui jour de joie et de fête, marquant ce renouveau. Dès lors, il est évident que la sentence lui sera favorable, que son souvenir sera agréé devant le Tout-Puissant et qu’il triomphera, comme l’indique le verset précédant celui évoquant Roch Hachana (ibid. 10:9) : « Quand donc vous marcherez en bataille, dans votre pays, contre l’ennemi qui vous attaque, vous sonnerez des trompettes ; vous vous recommanderez ainsi au souvenir de l’Eternel, votre D., et vous serez délivrés de vos ennemis. » On peut lire ici en filigrane une description de la lutte contre le mauvais penchant ; l’homme qui revient à son Créateur pendant tout le mois d’Elloul échappe à ses attaques et est acquitté lors du jugement.

Car le Satan, désireux d’empêcher l’homme de faire techouva et contrarié par le renouvellement de son lien avec le Créateur à Roch Hachana, tente alors de l’accuser. C’est pourquoi le Créateur nous ordonne de sonner du Chofar, comme il est écrit au verset suivant (ibid. 10:10) : « vous sonnerez des trompettes pour accompagner vos holocaustes et vos sacrifices rémunératoires ».

De fait, le son de cette trompe perturbe le Satan, qui ne peut plus jouer les trouble-fêtes. Ainsi que l’indiquent nos Sages (Roch Hachana 16b) : « Pourquoi sonne-t-on parfois debout et parfois assis ? Pour embrouiller le Satan. » Car le combat essentiel se joue entre l’homme et le mauvais penchant. L’homme sonne alors du Chofar pour troubler ce dernier et le mettre en fuite.

De même, lors des campagnes militaires, comme nous l’avons vu, certains soldats ont pour rôle de donner du cor afin de perturber et de faire paniquer l’adversaire, au point de le faire fuir. Fut-il armé jusqu’aux dents et en position de force, lorsque l’ennemi entend le son du Chofar, il est pris de panique et fuit le champ de bataille. D’où l’ordre de la Torah : « vous sonnerez des trompettes ». L’homme doit faire résonner le Chofar ; il doit faire émaner de son cœur l’écho d’un réveil intérieur à même de mettre en fuite le Satan.

Voilà justement qu’en arrivant à Roch Hachana, étroitement lié à son Créateur – le fameux « mon bien-aimé est à moi » – par la techouva et l’annulation de son ego, l’homme parvient à un stade où c’est à lui d’agir afin de maintenir ce lien tout au long de l’année, sans se laisser prendre dans les rets du Satan. Comment procéder ? En se soumettant au commandement : « vous sonnerez des trompettes », c’est-à-dire en sonnant du Chofar pour annuler le pouvoir du Satan qui tente de l’empêcher de jouir de la proximité divine.

Ainsi, afin de continuer à progresser sans arrêt dans le Service divin, afin de parfaire ses intentions et d’accomplir de façon désintéressée et avec dévouement la Volonté divine, l’homme doit sonner du Chofar de tout son cœur et de toute son âme.

Car si, au mois d’Elloul, cette sonnerie était le pendant de la voix intérieure appelant l’homme à faire techouva, à présent, arrivé Roch Hachana, l’homme doit, par ses propres forces, faire retentir le son de cette trompe, afin que cet appel et ce renouveau se maintiennent tout au long de l’année.

Telle est l’idée exprimée dans le verset : « Et au jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes pour accompagner vos holocaustes et vos sacrifices rémunératoires ; elles seront pour vous un souvenir devant votre D. Je suis l’Eternel votre D. ». Le « jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies » évoque Roch Hachana, jour du renouvellement du lien de l’homme avec son Créateur… « vous sonnerez des trompettes » : vous sonnerez du Chofar afin de faire taire le mauvais penchant, qui cherche à empêcher cette proximité… « pour accompagner vos holocaustes (olotékhem) » : à travers une élévation (alia) constante dans tous les domaines… « et vos sacrifices » : à travers votre dévouement, votre abnégation … « rémunératoires – chalmékhem » : dans la perfection (chelémout)… « elles seront pour vous un souvenir devant votre D. » : votre souvenir sera agréé devant l’Eternel, tout au long de l’année. Autrement dit, par ce biais, la sainteté de ce jour s’étendra sur tous les jours de l’année et votre souvenir sera constamment agréé devant D.

Voilà pourquoi Roch Hachana n’est pas qualifié, dans la Torah, de « jour de jugement » mais de jour de joie et de fête. Car lorsque l’homme se réveille pendant tout le mois d’Elloul, et que son lien au Créateur se renouvelle à Roch Hachana, il est certain que ces jours seront caractérisés par la joie, sa sentence étant clémente. Telle est la Volonté divine : faire de ces jours des jours de fête et de joie.

C’est d’ailleurs ainsi que le Choul’han Aroukh décrit ce jour (Ora’h ‘Haïm 581, d’après le Midrach) : « Mais les enfants d’Israël ne sont pas comparables, ils s’habillent de blanc et s’enveloppent de blanc (…), boivent et se réjouissent à Roch Hachana, persuadés que le Saint béni soit-Il fera pour eux un miracle ». Ainsi, si l’homme se réveille et entreprend un véritable repentir, ces jours deviendront des jours de joie et de fête, et il sera acquitté lors du jugement et scellé pour une existence heureuse.

On comprend à présent pourquoi Roch Hachana est appelé « jour du souvenir » : par son renouvellement personnel et le renouveau de son attache au Créateur, le souvenir de l’homme sera favorablement évoqué devant D., pas seulement à Roch Hachana mais tout au long de l’année, dans la mesure où l’homme restera sous l’influence de cette sainteté et en gardera le souvenir toute l’année.

La sonnerie du Chofar à Roch Hachana

Il existe toutefois une différence essentielle entre Roch Hachana et la suite de l’année, puisque l’on ne sonne du Chofar que pendant ces deux jours. Or, le son de cette trompe a le pouvoir d’éveiller l’homme au repentir, de l’amener à se repentir concrètement, de graver en lui le souvenir de D. Ceci l’encourage à fréquenter les synagogues et les maisons d’étude, à étudier la Torah et accomplir les mitsvot, empli d’aspiration à la perfection et d’abnégation, au point que la connexion à D. se renouvelle et qu’il est comme un homme neuf. Dès lors, pourquoi la Torah n’a-t-elle pas imposé de sonner du cor tous les jours ? Pourtant, cela nous permettrait, semble-t-il, de perturber le Satan au quotidien et de nous élever, en sainteté et en pureté, de degré en degré ; ainsi, nous ne perdrions pas de vue notre devoir. Pourquoi donc nous contenter de sonner le Chofar à Roch Hachana ?

En outre, si l’une des finalités de cette corne retentissante est, comme l’expliquent nos Maîtres, de perturber le Satan, pourquoi une prière sincère et véritable, émanant du fond du cœur, n’a-t-elle pas ce pouvoir ? Pourquoi le Chofar est-il à ce sens préférable ? Pourtant, tout au long de l’année, la techouva de l’homme est efficace, sans qu’il ne soit à craindre les interférences du Satan dans sa prière et ses actes, techouva qui n’est pas « claironnée ». Dès lors, pourquoi, à Roch Hachana, faut-il absolument sonner du Chofar ?

Comme nous l’avons précédemment expliqué, la sonnerie du Chofar à Roch Hachana joue le rôle puissant d’une piqûre de rappel. Elle remémore à l’homme l’efficacité de sa techouva toute l’année, cette corne ayant le pouvoir de perturber le Satan tout au long de celle-ci. Or, si l’homme se repent totalement d’une faute, quelle qu’elle soit, commise pendant l’année écoulée, le Satan ne pourra pas entraver son repentir ni l’accuser. Car le son du Chofar, visant le souvenir, continue à vibrer et à résonner tout au long de l’année, permettant à l’homme de se réveiller et de se repentir totalement.

En outre, la Torah fait montre d’une connaissance approfondie de la nature humaine, et notamment de la force de l’habitude et de ses inconvénients. En effet, si l’homme sonnait tous les jours du cor, il risquerait de s’habituer totalement à ce son au point que celui-ci ne l’impressionnerait plus et ne susciterait plus son réveil, son repentir.

De même, celui qui a le mérite de se trouver tous les jours face au roi finit par ne plus tellement s’émouvoir, contrairement à celui qui n’a le mérite de contempler son visage qu’une fois par an ; dans ce cas, son émotion et son éveil seront bien plus puissants et importants.

Ce principe est explicité, dans le livre Imré Chéfer, au sujet de David Hamelekh, qui s’était exclamé (Tehilim 27:4) : « Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur (…), c’est de séjourner dans la demeure de l’Eternel tous les jours de ma vie, de contempler la splendeur de l’Eternel et de fréquenter Son sanctuaire. » En d’autres termes, le roi d’Israël souhaitait vivre chacune de ses visites dans le Temple comme un moment unique et ponctuel, comme si, chaque fois, il y pénétrait pour la première fois, afin qu’il ne s’habitue pas à ce lieu et n’en vienne pas à le banaliser. Car la routine pouvait l’insensibiliser au point qu’il en perde toute révérence pour l’endroit.

De même, la Torah souligne que le cohen gadol n’était pas libre de pénétrer à tout moment dans le sanctuaire : « Signifie à ton frère, Aharon, qu’il ne peut entrer à toute heure dans le sanctuaire, dans l’enceinte du voile » (Vayikra 16:2) ; il ne devait pénétrer dans le Saint des Saints qu’une fois par an, le jour de Yom Kippour, et ce, afin que sa révérence pour ce lieu éminemment saint ne faiblisse pas, et que sa prière annuelle en faveur du peuple juif soit animée de crainte et de ferveur, sentiments dont il n’aurait pu être imprégné s’il avait pénétré à tout instant et chaque jour, dans le Saint des Saints. Or, en ce jour, les enfants d’Israël plaçaient tous leurs espoirs en lui, pour qu’il permette à leurs prières de s’élever et d’atteindre les cieux.

Le lien avec notre problématique est évident : si l’on sonnait tous les jours du Chofar, il n’y aurait pas de différence à Roch Hachana, et l’habitude serait très préjudiciable. En effet, si l’homme était accoutumé à prier et à faire techouva tout au long de l’année, sa prière de Roch Hachana risquerait d’être semblable à celle du reste de l’année, de même que la sonnerie du cor lui deviendrait familière et ne ferait plus sur lui aucune impression.

Pour cette raison, il nous a été imposé de marquer une différence importante, en sonnant de la trompe seulement à Roch Hachana, après la récitation des bénédictions consacrées – « Qui nous a ordonné d’écouter le son du Chofar » et « Qui nous a fait vivre jusqu’à ce temps (chéhé’héyanou) ». Dès lors, cette sonnerie n’est pas une habitude et fait une profonde impression sur l’homme et dans les cieux.

De plus, comme nous l’avons mentionné, le son du Chofar, à Roch Hachana précisément, pénètre profondément les oreilles et le cœur de l’homme et a sur lui un impact démultiplié qui peut lui permettre de se repentir complètement et de s’élever dans la perfection et le dévouement tout au long de l’année.

A présent, nous allons approfondir l’essence de Roch Hachana en tant que jour de jugement. Pourquoi est-ce précisément à cette date que toutes les créatures sont jugées ?

Nos Maîtres expliquent (Pessikta deRav Cahana ; Pirké deRabbi Eliézer 8 ; Zohar III 100b) qu’à Roch Hachana, le premier homme fut créé. Il s’agissait par ailleurs d’un vendredi (cf. Sanhedrin 38a) : le monde fut créé en six jours, la formation de l’homme ayant eu lieu, d’après la Guemara, le sixième, afin de contrer les arguments des Saducéens. Quels évènements présidèrent-ils à sa formation et dans quel ordre se déroulèrent-ils ? D’après la Guemara et le Midrach (Sanhedrin 38b ; Avot deRabbi Nathan 1), « à la première heure, la terre fut agglutinée ; à la deuxième, un bloc fut formé ; à la troisième, ses membres furent étirés ; à la quatrième, une âme lui fut insufflée ; à la cinquième, il se dressa ; à la sixième, il nomma [les autres créatures] ; à la septième, sa conjointe, ‘Hava, lui fut adjointe ; à la huitième, ils montèrent sur le lit à deux et en descendirent à quatre ; à la neuvième, il leur fut ordonné de ne pas manger de l’arbre, comme il est écrit (Beréchit 2 :17) : “Et de l’arbre de la connaissance (…)” ; à la dixième, il trébucha ; à la onzième, il fut jugé et à la douzième, il fut chassé [du Gan Eden] (…) ».

(La Pessikta donne une autre version de la fin : « A la douzième heure, il fut innocenté devant le Saint béni soit-Il, Qui lui dit : “C’est un signe pour tes enfants ; de même qu’en ce jour, tu es passé devant Moi en jugement et as été innocenté, ainsi à l’avenir, tes enfants passeront en jugement devant Moi et seront acquittés !” »)

Il ressort de ces textes que la sentence d’expulsion à l’encontre d’Adam Harichon fut prononcée à Roch Hachana, mais nos Sages précisent (Tan’houma Beréchit) que l’éclat de son visage resta identique jusqu’à l’issue du Chabbat, qu’il célébra en récitant (Tehilim 92:1) : « Psaume, cantique pour le jour du Chabbat (…) ». C’est ainsi qu’Adam passa le premier Chabbat sans que ne soit appliquée la sentence, car le mérite du Chabbat le préserva, en vertu du principe : « on ne juge pas [les crimes passibles] de mort le Chabbat » (Sanhedrin 32a), qui s’applique aussi le vendredi.

On comprendra ainsi pourquoi, même en Terre Sainte, on célèbre deux jours de Roch Hachana : ils correspondent au vendredi et au premier Chabbat vécus par Adam. On sonne alors du Chofar pour embrouiller le Satan, raviver le lien entre l’homme et son Créateur, afin qu’il fasse entièrement techouva et que l’impression de ce souvenir dure toute l’année.

Depuis le premier homme et jusqu’à notre époque, le même scénario se répète : le jugement, qui eut lieu à Roch Hachana, se réitère chaque année pour l’ensemble des créatures, à la même date. Est alors décidé, parmi celles-ci, qui vivra et qui mourra. Les jours de Roch Hachana sont donc bel et bien des jours de jugement, même s’ils ne sont pas définis comme tels dans la Torah, car ils sont la réplique du Roch Hachana vécu par le premier homme, au cours duquel ce dernier fut jugé.

Les seli’hot, pour réparer la faute du veau d’or

Il est possible d’apporter un autre éclairage aux thèmes de Roch Hachana, des sonneries du Chofar et des dix Jours de repentir.

Après le don de la Torah, les enfants d’Israël relâchèrent leur lien à la Torah, et portèrent atteinte aux dix commandements inscrits par le Doigt divin sur les premières Tables de la Loi. C’est pourquoi, lorsque Moché Rabbénou descendit du mont Sinaï, le 17 Tamouz, et surprit les enfants d’Israël en train de servir le veau d’or, il brisa ces premières Tables (cf. Chemot 32:15-19).

De fait, Moché Rabbénou passa trois cycles de quarante jours sur le mont Sinaï. La troisième de ces périodes débuta à Roch ‘Hodech Elloul, pour se terminer à Yom Kippour, date à laquelle le Créateur pardonna aux enfants d’Israël la faute du veau d’or. Leur leader descendit alors de la montagne muni des deuxièmes Tables de la Loi.

En parallèle, lorsque les enfants d’Israël constatèrent qu’ils avaient porté atteinte aux dix commandements – fondements de la Torah et de la foi en l’unicité divine –, ils menèrent pendant quarante jours – de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour – un travail de réparation, afin d’arriver aux jours du jugement purs et dégagés de tout relent de faute. Yom Kippour fut alors pour eux un jour de pardon et d’absolution.

Les enfants d’Israël prirent ainsi le meilleur parti : la Torah ayant été donnée après quarante jours, ils firent techouva dès Roch ‘Hodech Elloul et jusqu’à Yom Kippour, en parallèle à ce premier cycle. Toutefois, l’essentiel de l’amendement et de la techouva s’étend de Roch Hachana à Kippour – dix jours, faisant pendant aux dix commandements, ce qui leur permit ainsi, chaque jour, de « réparer » un commandement.

Ainsi, plutôt que de retentir tout au long de l’année, les principales sonneries du Chofar débutent à Roch Hachana car c’est alors qu’est effectué le travail de réparation des dix commandements. Celui-ci était devenu indispensable du fait qu’après le don de la Torah, les enfants d’Israël ne se renouvelèrent pas convenablement et cessèrent de se consacrer à la Torah ; leur dévouement, ainsi que leur idéal de perfection, se relâcha au point qu’ils touchèrent le fond de l’abîme. Ils construisirent le veau d’or, qui eut pour conséquence la destruction des Tables de la Loi, sur lesquelles étaient gravés les dix commandements.

Ainsi, en contrepartie, nous devons justement sonner de la corne à Roch Hachana – Roch ‘Hodech Tichri – moment de renouveau essentiel, afin de rappeler à tous la nécessité de réparer la faute du veau d’or. C’est la condition sine qua non pour obtenir le pardon de cette faute, car il est impossible d’obtenir l’absolution sans techouva, sans regret du passé. Le cas échéant, en l’absence du pardon et de l’absolution si ardemment souhaités, le jugement sera rigoureux. De ce fait, nous sonnons du cor chaque année, à chaque génération, afin de réparer la faute du veau d’or et l’atteinte portée aux dix commandements.

Or, tout homme ayant naturellement conscience de ce devoir, comme allant de soi, celui-ci n’avait pas besoin d’être précisé dans la Torah. Plus avant, la Torah a volontairement choisi d’éluder cette notion de jugement, afin que tout homme en prenne conscience par lui-même, réalise la gravité de la faute et s’en repente sincèrement. Il n’en reste pas à cet aspect « procédurier » mais vit ce jour comme un jour de joie et de fête – Yom Kippour constituant, d’autre part, un jour de grâce, de pardon et d’expiation.

A cet égard, combien sera sévèrement jugé l’aveuglement de l’homme qui ne comprendrait pas de lui-même la gravité du tort causé ! C’est d’autant plus grave, en ce mois d’Elloul, dédié à la Miséricorde et aux seli’hot, alors qu’une voix retentit, l’appelant à se réveiller de son sommeil : « Réveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil ! Emergez de votre torpeur !  » et à se rapprocher de D. : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi. »

Nos Maîtres nous indiquent par ailleurs que les enfants d’Israël se repentirent de toutes leurs forces de la faute du veau d’or, pendant le mois d’Elloul, lorsque Moché Rabbénou monta récupérer les deuxièmes Tables de la Loi. Les Pirké deRabbi Eliézer (chapitre 46) reviennent en détail sur le déroulement des évènements : lorsque Moché Rabbénou remonta, à Roch ‘Hodech Elloul, sur le mont Sinaï, pour la troisième fois, il fut proclamé dans tout le camp d’Israël : « Regardez Moché, il est monté dans le Ciel pour recevoir les deuxièmes Tables de la Loi, efforcez-vous de vous repentir sincèrement et de regretter tout ce que vous avez fait (…), sonnez du Chofar afin que leur cœur se réveille et qu’ils s’inclinent. » Au même moment, « D. s’élève dans la clameur, l’Eternel, au son du Chofar » (Tehilim 47:6). Lorsque résonna le son du cor, ils furent profondément ébranlés et se repentirent de tout leur cœur et de toute leur âme.

De même, le Yalkout Chimoni (Ki Tissa §391) précise que lorsque Moché monta au ciel pour recevoir les secondes Tables de la Loi, les enfants d’Israël, pendant la même période, restèrent plongés dans le jeûne. Le dernier jour, ils décrétèrent un jeûne même la nuit. Au lever du jour, ils se rendirent au pied du mont Sinaï, sanglotant à l’approche de Moché, qui pleurait également tandis qu’il s’avançait à leur rencontre, jusqu’à ce que leurs pleurs atteignent le trône de gloire. A ce moment, la Miséricorde divine l’emporta et D. accepta leur techouva. Une bonne nouvelle leur fut alors annoncée par Esprit saint : « Mes fils, J’ai juré par mon trône de gloire que ces pleurs seront des pleurs de joie et que ce jour (Yom Kippour) sera un jour d’expiation et de pardon pour vous et vos petits-enfants à travers toutes les générations. »

Jusqu’à la fin des temps, le mois d’Elloul est donc le moment où l’homme doit opérer une techouva sincère, en réparant la faute du veau d’or, en renouvelant son lien avec le Créateur, en s’élevant, en se dévouant, jusqu’à ce qu’il atteigne l’idéal de perfection, un niveau spirituel incomparable, inouï.

De fait, le mois d’Elloul est par essence le moment idéal pour accomplir ce travail. En effet, comme le soulignent les kabbalistes, ses lettres forment en acrostiche le verset de Chir Hachirim : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi – ani ledodi vedodi li ». Or, ces quatre mots se terminent par quatre youd, ayant au total une valeur numérique de quarante. D’une part, ce nombre évoque la réparation du corps humain, puisque le nombre quarante fait allusion à la formation de l’embryon, qui s’étend sur quarante jours (cf. Sota 2a). De l’autre, ce nombre fait allusion à l’expiation de la faute du veau d’or, à cause de laquelle les premières Tables de la Loi – avec les dix commandements –, données après quarante jours (Mena’hot 99b), furent détruites. En outre, cette période correspond à celle allant de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour, période de réparation et de repentir.

Toutes ces données sont intrinsèquement liées. Car si l’homme, dont l’embryon est formé en quarante jours, faute, parce qu’il n’a pas encore réparé le péché du veau d’or – qui provoqua la destruction des Tables de la Loi, données après quarante jours –, il doit réparer son manquement au cours des quarante jours débutant à Roch ‘Hodech Elloul.

Au cours des trente premiers jours, autrement dit pendant le mois d’Elloul lui-même, l’homme doit parvenir au niveau de « je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé – ani ledodi vedodi » (les trois youd finaux ayant une valeur numérique totale de trente). Il arrive ensuite aux dix Jours de repentir, étape essentielle dans le rapprochement avec D. et dans le travail de perfectionnement, jusqu’au moment où le Très-haut devient, pour ainsi dire, vraiment « à lui ». Alors, le quatrième youd est complété – li – allusion au Maître du monde, et le processus de rapprochement achevé.

Cette étape est celle des dix Jours de repentir qui, comme je l’ai lu quelque part, portent bien leur nom puisqu’ils sont destinés à la techouva, à la réparation des dix commandements.

On comprend dès lors clairement pourquoi la Torah n’évoque pas la notion de jugement concernant Roch Hachana, car il va de soi que la phase débutant à Roch Hachana vise à réparer la faute du veau d’or et la « brisure » des dix commandements, ainsi que, plus généralement, les fautes de l’année écoulée. Ce faisant, cette fête en devient vraiment une, marquée par la joie, la grâce, le pardon, l’expiation, et non par la rigueur du jugement.

Il existe par ailleurs un parallèle entre cette phase et l’idée évoquée dans le verset des Psaumes (122:1) : « Je me suis réjoui quand on m’a dit (beomrim li) : nous irons (nélekh) dans la maison de l’Eternel ». La résurgence du li n’est pas fortuite : après que l’homme a entendu le son du cor trouvant dans son cœur un vif écho pendant les trente jours du mois d’Elloul, après qu’il s’est réveillé de sa torpeur et a entamé un processus de techouva – en parallèle au « ani ledodi vedodi » –, arrivé à Roch Hachana, il se réveille comme un lion pour proclamer, à grands sons de trompe, ce renouvellement de son lien avec le Saint béni soit-Il.

Il atteint alors un grand niveau de joie : « Je me suis réjoui quand on m’a dit –beomrim li ». Comment expliquer cette joie ? Par le complément du quatrième youd – du mot li. La joie se renforce alors par le fait d’aller « dans la maison de l’Eternel » –se rapprocher de l’Eternel dans un esprit d’abnégation et une soif de perfection. La joie atteindra ainsi un point d’orgue, celui évoqué dans le verset : « Et au jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes (…) ». Yom Kippour devient alors, à l’issue de ces quarante jours, une célébration marquée par une grande joie.

La joie de cette visite dans la maison de l’Eternel, le nélekh (« nous irons »), de valeur numérique cent, est, par ailleurs, une allusion aux cent sonneries de Chofar exécutées à Roch Hachana. Ce son a le pouvoir de ramener l’homme sur le droit chemin, notamment, comme nous l’avons dit, en perturbant le Satan. Le Juif atteint alors le degré du dernier youd de « ani ledodi vedodi li » : une adhésion totale à la Torah, à la techouva, aux mitsvot et bonnes actions ; il se reconnecte avec le Très-Haut.

Comme nous l’avons expliqué, les dix Jours de repentir sont particulièrement propices à l’amendement de la faute du veau d’or. Or, nous savons qu’il n’est pas de génération ni d’homme qui ne porte une part de ce péché. Et en outre, comme l’indiquent nos Sages sur le verset (Chemot 32:34) : « Mais le jour où J’aurai à sévir, Je leur demanderai compte de ce péché », « dans chaque punition est distillé un peu du châtiment du veau d’or » (cf. Sanhedrin 102a ; Yalkout Chimoni Ki Tissa 393).

De ce fait, si l’homme veut atteindre le niveau de li, un lien étroit avec D., il doit se réveiller à temps, dès Roch ‘Hodech Elloul, afin d’atteindre, en fin de parcours, la perfection. Car il est impossible d’être simultanément attaché à D. et à la faute du veau d’or ; il faut faire un choix entre les deux. Or, il est évident que l’homme aspire à être uniquement lié au Saint béni soit-Il. C’est pourquoi son cœur s’éveillera, à travers la sonnerie du Chofar, pour arriver au niveau du « li » – le renouvellement du lien avec le Saint béni soit-Il, obtenu au prix d’un grand dévouement –, et il atteindra l’idéal de perfection. Amen !

Résumé

 •Le mois d’Elloul est celui du rapprochement avec l’Eternel, à travers la techouva. Le verset exprimant son mot d’ordre est celui du Cantique des Cantiques : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi – ani le dodi vedodi li », dont les initiales forment le mot Elloul. Pour parvenir à cet idéal de proximité divine – « et mon bien-aimé est à moi » –, l’homme doit concrétiser le niveau « je suis à mon bien-aimé » en se vouant totalement à D. De fait, il est beaucoup plus facile, au mois d’Elloul, de se rapprocher de D. et d’annuler son ego – le « ani » – face à D. Toutefois, le mauvais penchant tente alors de faire davantage trébucher l’homme et, si l’on ne veut pas sortir perdant, il faut le surmonter. Comment ? En ouvrant « une ouverture [de la taille] d’un chas d’aiguille », tout en sachant que l’on pourra compter sur le remarquable pouvoir du Chofar, dont le son, en particulier à Roch Hachana, rapproche l’homme de D.

 •On comprend pourquoi, dans la Torah, les jours de Roch Hachana ne sont pas mentionnés en tant que jours de jugement mais comme des jours de fête et de joie, évoqués dans le verset : « Et au jour de votre joie (…) ». Dans le cas où l’homme arrive, au cours du mois d’Elloul, au niveau de « Je suis à mon bien-aimé », alors les jours de Roch Hachana deviennent vraiment des jours de joie et de fête, du fait qu’il est parvenu à se réveiller et se rapprocher de D. au son du Chofar, qui perturbe et met en fuite le Satan. L’homme doit donc surmonter le mauvais penchant de tous ses membres, auquel cas Roch Hachana sera un jour de joie et de fête véritable.

 •Cela nous permet de comprendre pourquoi nous ne sonnons pas du cor toute l’année pour perturber le Satan, et pourquoi la prière n’a pas la même force que le Chofar. Le son de cette corne permet d’éveiller la Miséricorde divine à l’heure où le souvenir de l’homme s’élève devant D. En outre, si l’homme en sonnait quotidiennement, ce son n’aurait pas le même écho dans son cœur, par la force de l’habitude. Pour la même raison, le cohen gadol ne pénétrait dans le Saint des Saints qu’une fois par an. Car si l’homme s’accoutumait au son du Chofar, sa prière de Roch Hachana serait aussi banalisée. De ce fait, celui-ci est « réservé » à Roch Hachana, jour de jugement depuis l’époque d’Adam Harichon, créé et jugé à cette date. De même, nous sommes chaque année jugés en ce jour et devons nous repentir.

 •En outre, les quarante jours s’étalant de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour correspondent à une période de réparation de la faute du veau d’or, outre le fait que c’est aussi la durée passée par Moché Rabbénou dans le ciel pour implorer le pardon divin, attitude que nous devons adopter à notre époque aussi. Le verset : « ani ledodi vedodi li » évoque, de par ses initiales, ce mois. Les quatre youd finaux de cette devise, d’une valeur numérique totale de quarante, font pendant aux quarante jours du don de la Torah et de formation de l’embryon. Les trois premiers youd correspondent aux trente jours du mois d’Elloul. L’homme leur adjoint le quatrième youd pendant les dix Jours de techouva, en se rapprochant du Créateur. De ce fait, ces jours ne sont pas évoqués comme des jours de jugement, car tout homme peut et doit prendre conscience de son obligation de se repentir de la faute du veau d’or. De Roch Hachana à Yom Kippour, l’homme complète le verset précité – par l’ajout du « li », aussi évoqué dans le verset : « Je me suis réjoui lorsqu’on m’a dit (beomerim li) » –, se rapproche du Créateur par la techouva, se détache de l’influence du veau d’or, et mérite d’atteindre l’idéal de perfection ainsi qu’une bonne année.

 

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