Faire techouva par le pouvoir de la Torah et en se démarquant des non-juifs
Le mois d’Elloul est, par excellence, celui de la techouva, comme son nom le suggère, puisqu’il est formé des lettres initiales du verset : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi – ani ledodi vedodi li » (Chir Hachirim 6:3), tandis que ses lettres finales ont une valeur numérique de quarante, de même que le mot li. Il s’agit des quarante jours allant de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour, moment idéal pour la techouva (cf. Michna Beroura Ora’h ‘Haïm chap. 581).
Or, la techouva passe essentiellement par la Torah, donnée à l’issue de quarante jours, (Mena’hot 99b) qui seule permet de se repentir. Par ailleurs, un seul jour ne suffit pas pour ce faire, mais il faut une préparation accrue, outre le fait que la Torah sera le gage du maintien de l’homme dans le droit chemin, permettant qu’il ne retourne pas à ses fautes (Rambam Techouva 2:2).
L’homme doit s’assurer l’aide de bons avocats, préparant sa défense bien longtemps à l’avance – il s’agit de la Torah et des mitsvot. Car s’il réalisait la profondeur du jugement qui l’attend, sa peur serait très grande. Dans les ouvrages de moussar, on insiste sur l’ampleur de ce jugement. Chaque lettre de la prière, chaque instant de relâchement dans l’étude sont pris en compte. Si l’homme en était conscient, il serait pris de peur car, tout au long de l’année, il ne prête pas attention à ses actes, se montrant extrêmement permissif, ce dont il devrait avoir honte.
On voit ainsi que les frères de Yossef, face au visage de leur frère retrouvé (Beréchit 45:3), furent pris d’un sentiment de honte insurmontable en pensant à ce qu’ils lui avaient fait. Combien plus devrions-nous nous sentir honteux lorsque le Très-Haut nous juge ! Comme le disent nos Sages, « Malheur à nous au jour du jugement ! Malheur à nous à l’heure de la remontrance ! » (Beréchit Rabba 93:10)
Pourtant, d’aucuns prétendent qu’il faut avancer, suivre le progrès… L’homme évolue, prétendent-ils, et vous seuls, les religieux, refusez de changer et d’évoluer. Mais il faut savoir que toutes les civilisations ont disparu pratiquement sans laisser de trace, tandis que seule notre petite nation, le peuple juif, a survécu pendant des millénaires !
Les ethnologues ne trouvent pas d’explication à la survie miraculeuse du peuple juif, mais nous savons que ce phénomène est dû au fait qu’Israël est le vecteur de la Vérité et que la Vérité est éternelle, tandis que le mensonge disparaît. Le secret de cette pérennité passe par la techouva. Même si les enfants d’Israël commettent une faute, ils se repentent (Chemot Rabba 23 :11), notamment au cours du mois d’Elloul, moment particulièrement propice à la techouva.
S’écarter des non-juifs
Mais le repentir seul n’est pas suffisant ; un autre point est essentiel dans la techouva : garder ses distances avec les non-juifs, ne pas se mêler à eux, comme il est dit (Devarim 12:29-30) : « Quand l’Eternel, ton D., aura fait disparaître devant toi les nations (…) prends garde de te fourvoyer sur leurs traces, après les avoir exterminés devant toi (…) » ; autrement dit, la Torah nous met en garde contre toute velléité d’assimilation et d’imitation.
Mais, demande le Rabbi de Tsanz, de mémoire bénie, s’il est écrit : « après les avoir exterminés devant toi », il semblerait que le Saint béni soit-Il Lui-même se chargeait d’exterminer ces peuples. Dès lors, comment était-il concevable que les enfants d’Israël eussent pu les suivre et les imiter, après qu’ils eurent été totalement exterminés et rayés de la surface de la planète ?
Le message de ces versets est particulièrement percutant : on voit que même le témoin de nombreux miracles peut parfois, plutôt que de faire techouva, continuer à pécher, du fait que le mauvais penchant lui « bouche les yeux », l’empêche de voir le bien. Pour cette raison, la Torah nous met en garde : il ne suffit pas de fuir les non-juifs et leur influence quand ils sont vivants mais il faut se distancier de leurs us et coutumes et de leur manière d’agir, même après leur mort ! En effet, le mauvais penchant a l’habitude de faire miroiter au Juif le côté logique et bien-fondé des agissements du goy, ce qui l’entraîne à les imiter. Même après leur disparition, il faut continuer à fuir leur influence qui garde encore son pouvoir néfaste, de longues années après celle-ci ; il est donc nécessaire de s’en écarter le plus possible, et c’est là le pouvoir d’une véritable techouva.
Ce principe se retrouve au sujet du don de la Torah : les enfants d’Israël devaient se préparer à ce grand évènement pendant quarante-neuf jours, un seul jour de purification étant totalement insuffisant, du fait que les habitudes perverses égyptiennes étaient encore ancrées en eux et qu’ils devaient complètement oublier, effacer ce qu’ils avaient vu et fait en Egypte. La nécessité de faire table-rase de ce « bagage égyptien » est évidente à la lumière des revendications des Hébreux à leur sortie d’Egypte (Bamidbar 11:5) : « Il nous souvient du poisson que nous mangions pour rien en Egypte, des concombres et des melons (…) ». On voit bien qu’en dépit de toute leur préparation, ils n’étaient pas à l’abri de résurgences de souvenirs de la gastronomie égyptienne, des plaisirs du palais – ou autres – liés à cette culture, d’où l’importance de ce travail préparatoire.
Chaque Juif est doté d’une âme, appelée « flambeau » (Chabbat 32a), comme il est dit (Michlé 20:27) : « L’âme de l’homme est un flambeau divin », et comme nous le disons à ‘Hanoucca : « Ces bougies sont saintes et nous n’avons pas le droit de les utiliser », autrement dit, nous n’avons pas le droit de mettre à contribution notre âme dans des domaines autres que ce qui relève du saint. Et, pour illuminer cette bougie, autrement dit l’âme, nous avons besoin de feu – de la Torah, appelée feu (Devarim Rabba 3:13 ; Tan’houma Yitro 12). La Torah a donc la capacité d’illuminer l’âme et, comme le dit le célèbre aphorisme (Tséda Ladérekh 12) : « Un peu de lumière repousse beaucoup d’obscurité ».
J’ai entendu, à ce sujet, une intéressante explication : le bon penchant n’œuvre que dans la lumière, puisque nous accomplissons les mitsvot à la lumière, de même que la prière et l’étude. Le mauvais penchant, en revanche, agit dans l’obscurité, conformément à la description des impies, « travaillant dans les ténèbres » (Yechayahou 29:15). Les péchés sont accomplis à la faveur de l’obscurité, comme le disent nos Maîtres (Moèd Katan 17a ; Kiddouchin 40a) : « Si l’homme voit que son mauvais penchant menace de prendre le dessus, qu’il revête des vêtements noirs et s’enveloppe de noir (…) », car les fautes sont d’obscurité, tandis que la lumière du bon penchant repousse l’obscurité du mal et que, par le pouvoir de la Torah, l’homme peut parvenir à un repentir total.
L’élévation dans tout ce qui a trait à la sainteté
A la lumière de ces explications, nous pouvons comprendre le fait que, comme nos Sages l’expliquent (Chabbat 88a), au moment du don de la Torah, le Saint béni soit-Il renversa de façon menaçante la montagne sur les enfants d’Israël comme une coupole, en apparente contradiction avec leur déclaration unanime : « nous ferons et nous écouterons » (Chemot 24:7), contradiction que ne manquent pas de relever les Tossefot. Si les enfants d’Israël étaient prêts à s’engager inconditionnellement, notent-ils, pourquoi les avoir placés face à cette menace ?
De fait, viendront des périodes où l’homme risque de dire qu’il ne désire pas la Torah, et c’est pour de tels moments que le Saint béni soit-Il retourna la montagne, afin que l’homme courbe alors l’échine, se fasse humble et se repente. Ce faisant, même lorsqu’arriveront ces moments de faiblesse, il sera conscient du pouvoir de la techouva et de la Torah, qui sont à même de le faire revenir vers le Créateur.
On peut sans doute comprendre sous cet éclairage le rapport entre les parachiot Nitsavim (se tenir debout) et Vayélekh (aller, cheminer) – à priori, deux programmes contradictoires. Ou bien on chemine, ou bien on est statique. Mais en vérité, le Juif doit toujours cheminer dans le domaine de la sainteté, vers des objectifs saints, et c’est précisément ce qui assure sa stabilité et lui permet de ne pas modifier ses opinions, conformes aux coutumes ancestrales et notre sainte Torah. L’apparente contradiction se trouve ainsi résolue.
En outre, il faut fuir l’ambivalence d’une existence oscillant entre le pôle de la foi et celui de l’incroyance, la stabilité dans le bien et le cheminement vers le mal, l’amour des justes et son antithèse, l’éducation de ses enfants à la Torah et la télévision, de même qu’une femme ne devrait pas concilier l’allumage des bougies du Chabbat avec celui de la télévision… Il faut donc être stable tout en cheminant dans la sainteté.
Les enfants d’Israël s’écrièrent sans hésiter : « nous ferons et nous écouterons » ; néanmoins, il y avait un risque que, par peur du feu (Tossefot Chabbat 88a), ils reviennent ensuite sur leur engagement, et c’est pourquoi D. les a contraints à accepter la Torah en retournant la montagne au dessus d’eux comme une coupole. Au fond de leur cœur, ils voulaient certes la Torah et, quand passera la peur, ils la recevront même avec amour – à l’époque d’Esther et de Mordekhaï –, conformément à la Volonté divine, D. aspirant à un amour indéfectible. Tel est le message sous-jacent : lorsque, par la suite, ils n’auront plus peur, ils devront tout de même observer la Torah.
On peut comparer cela à un médecin qui oblige un malade à avaler un médicament. Au départ, le malade s’exécute par peur du praticien, mais par la suite, au vu des effets positifs des remèdes, il en vient à aimer le spécialiste qui les lui a prescrits et les prend avec amour.
De même, au moment du don de la Torah, les enfants d’Israël furent poussés à agir par crainte, après quoi l’amour pouvait prendre le relais, la joie étant essentielle dans le Service divin, puisque ce sentiment entraîne dans son sillage une véritable crainte de D.
Comment atteint-on ce niveau ? Par une techouva réelle et constante, qui tire sa force dans la Torah et dans l’établissement de barrières avec les non-Juifs et leurs actes. C’est ainsi que nous mériterons, si D. veut, une bonne et douce année, matériellement et spirituellement.
Résumé
•Elloul est le mois de la techouva, à laquelle fait allusion le verset : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi », dont les initiales forment le nom de ce mois. Les lettres finales des mots de ce verset ont pour valeur numérique quarante – en écho à la période s’étalant de Roch ‘Hodech Elloul jusqu’à Yom Kippour, en parallèle à la Torah, donnée après quarante jours. Ceci souligne combien celle-ci a le pouvoir de nous rapprocher de D. Pour parvenir à ce niveau, il faut se préparer intensivement et avoir honte du péché, à l’instar du sentiment ressenti par les frères de Yossef, qui fit dire à nos Sages : « Malheur à nous au jour du jugement ! Malheur à nous au jour de la remontrance ! » Il convient de souligner qu’en tant que peuple juif, nous avons survécu, tandis que toutes les civilisations ont successivement disparu, car nous sommes des représentants de la Vérité tandis qu’elles sont les vecteurs du mensonge. Un des principes essentiels de la techouva consiste à s’éloigner d’eux et de leurs actes, car ceux-ci peuvent conserver une influence néfaste, même après leur disparition. Pour cette raison, les enfants d’Israël durent se préparer pendant quarante-neuf jours pour effacer de leur esprit les coutumes égyptiennes.
•L’âme est qualifiée de bougie, bougie qu’il ne faut utiliser que pour des activités liées à la sainteté. Car le bon penchant fournit de la lumière tandis que le mauvais penchant est d’obscurité ; un peu de la lumière du bon penchant peut repousser l’obscurité du mauvais penchant. De ce fait, le Saint béni soit-Il inclina sur les enfants d’Israël la montagne comme une coupole, conscient des périodes d’ombre où ils ne désireraient pas la Torah, seul gage de retour à D. Les parachiot de Nitsavim et Vayélekh sont accolées, sans que cela ne délivre un message contradictoire : il faut se diriger vers tout ce qui a trait à la sainteté, et c’est ainsi qu’on acquiert la stabilité. Celle-ci est par ailleurs fondamentale, afin de ne pas osciller dangereusement entre le bien et le mal. Tel est le message de la montagne renversée comme une coupole, afin que les enfants d’Israël reçoivent par la suite la Torah avec amour, se réjouissent en D. et atteignent une véritable révérence face au divin.