Les jours de miséricordeet de seli’hot Faire taire l’Accusateur

Moché Rabbénou monta dans le ciel au mois d’Elloul, mois consacré à la demande de miséricorde et de pardon. Il passa tout ce temps absorbé dans l’étude et les prières, révisant tout ce qu’il avait appris la fois précédente afin de faire taire, par la Torah, l’Accusateur.

Il prolongea également son séjour céleste les deux jours de Roch Hachana, au cours desquels D. passe de l’attribut de Rigueur – la stature « debout » – au trône de Miséricorde. En additionnant les trente jours du mois d’Elloul aux deux journées de Roch Hachana, Moché atteignit alors le degré du lev (le cœur), de valeur numérique trente-deux, en allusion au fait que « le Miséricordieux scrute le cœur » (Sanhedrin 106b ; Zohar II 165b) de l’homme lors du jugement.

En ce jour, il parvint au niveau du verset : « Eternel, crée-moi un cœur pur et fais renaître en moi un esprit droit » (Tehilim 51:12). Nous avons donc, d’une part, les trente-deux jours incluant Roch Hachana et, de l’autre, les quarante jours du don de la Torah (Mena’hot 99b), ce qui fait un total de soixante-douze, en allusion au Tétragramme dont c’est, d’après un mode de calcul, la valeur numérique.

Après Roch Hachana, au cours des huit jours suivants, et ce jusqu’à Yom Kippour, Moché Rabbénou s’éleva jusqu’à la dimension du chiffre huit du verset (Vayikra 9:1) : « Et ce fut au huitième jour », c’est-à-dire au-delà de la dimension espace-temps que nous connaissons ; il dépassa les contingences naturelles et, en arrivant à Yom Kippour, il eut le mérite d’obtenir de D. le pardon et l’absolution pour l’ensemble des enfants d’Israël, ainsi que le lui apprit le Très-Haut : « J’ai pardonné selon ta parole » (Bamidbar 14:20 ; cf. Rachi Devarim 9:18).

Cette nouvelle période de quarante jours et quarante nuits (Devarim 10:10) passés sur la montagne ne fut pas vaine, car Moché Rabbénou, de par son influence sur le peuple, l’entraîna avec lui dans son ascension spirituelle, jusqu’au niveau suprême.

Cette période de réception des secondes Tables de la Loi faisait en fait pendant au premier cycle de quarante jours, du six Sivan jusqu’au dix-sept Tamouz. Ces deux phases forment quatre-vingts, valeur numérique de la lettre pé – allusion à la bouche. A travers ces deux périodes passées sur le mont Sinaï, Moché Rabbénou répara donc le thème de la voix de la Torah – sa mélodie émanant de la bouche de l’homme. Il renforça ainsi, en quelque sorte, le pouvoir du Créateur et fit plier les forces impures, désacralisées.

Cela nous permet également de comprendre le cycle des quarante jours de pardon s’étalant de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour, qui fait suite à la période allant du dix-huit Tamouz à Roch ‘Hodech Elloul, ces quarante jours intermédiaires placés sous le signe de la colère, suite à la construction du veau d’or et au bris des premières Tables de la Loi.

Dans son Maguid Mécharim, Rabbi Yossef Caro zatsal écrit d’ailleurs que les mois de Tamouz et d’Av sont des mois de rigueur, suivis par le mois d’Elloul, mois de miséricorde, où tous se lèvent de bon matin pour réciter les seli’hot. Or, si l’on réparait pendant les mois de Tamouz et d’Av nos manquements, nous n’aurions plus besoin de faire techouva au mois d’Elloul, comme l’explique Rabbi Shmelke de Nikolsburg, à propos du verset (Iyov 31:1) : « J’avais fait un pacte avec mes yeux : comment aurais-je porté mes regards sur une jeune fille ? »

Cependant, à travers les quarante jours qui vont de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour, Moché Rabbénou signifia aux enfants d’Israël qu’il est possible de tout réparer, de faire taire l’Accusateur et de s’élever en Torah, même au-delà de la nature, comme un ange ou un séraphin. Tel est le travail que tout Juif doit entreprendre pendant cette période : faire taire Essav et son ange afin que celui-ci soit réduit à l’impuissance et ne puisse accuser les enfants d’Israël, tout au long de l’année, de négligence dans l’étude de la Torah.

La crainte du Ciel et le travail sur soi, clés de la techouva

On raconte qu’un jour, Rav Aharon Kotler se rendit, avec un autre Rav, à un certain endroit, afin de ramasser des fonds. Mais la réussite était loin d’être au rendez-vous et leur récolte fut plus que maigre.

Cependant, à la même période, un rabbin libéral arriva dans la même ville et réussit avec une rapidité époustouflante à rassembler une somme importante. Le Rav Kotler fut interrogé : comment expliquait-il son propre échec dans une mission si sainte, face au succès foudroyant de cet impie ?

Réponse de ce grand maître : « C’est la Volonté divine. Le Saint béni soit-Il souhaite que je ne rassemble pas rapidement les contributions des résidents locaux, afin que je m’attarde dans ces lieux. Je vais donc prolonger mon séjour de deux semaines, ce qui me permettra de donner de nombreux cours de Torah aux habitants. Ainsi, tous entendront la voix de la Torah, ce qui les renforcera, tout en consolidant mes propres acquis et ma foi. Plus mes démarches échouent dans le domaine financier, plus je vais donner de cours et rester dans la ville ! D. ne voulait pas, en revanche, que quiconque ici subisse l’influence néfaste du rabbin libéral, et c’est pourquoi sa collecte fut couronnée de succès de façon foudroyante, et il s’en est allé aussitôt arrivé ! »

Cette analyse reste vraie à notre époque. Combien de fois voyons-nous un homme dénué de crainte du Ciel obtenir aussitôt grâce aux yeux de son auditoire, sans que nul n’exprime la moindre réprobation, ce qui ne laisse pas de le surprendre lui-même ! C’est la Volonté divine qui est à l’œuvre à travers ce phénomène, partant du fait que toute construction durable doit être basée sur des fondements solides et exige un investissement considérable, qui en assure la pérennité.

De ce fait, dans le cas du rabbin libéral ou des individus de cet acabit, dont l’œuvre est vouée à l’effondrement tant elle est loin de la Vérité éternelle, leur discours semble recueillir l’assentiment immédiat afin qu’ils s’éclipsent – ainsi que leur influence – tout aussi rapidement qu’ils sont apparus. En revanche, tout ce qui est destiné à durer nécessite des bases solides, plus difficiles à mettre en place, et c’est pourquoi les Rabbanim sont souvent obligés de « se battre » pour être écoutés.

Dans cet esprit, celui qui est confronté à une épreuve doit se dépasser, et, par cela, il parvient à un très haut niveau. Or, nous savons qu’à Yom Kippour, nous avons besoin de très bons avocats et on ne peut s’imaginer les frais que représenterait l’envoi de tels défenseurs au ciel… cela n’a pas de prix. Mais qui sont donc nos défenseurs ? Les Maîtres du moussar nous livrent la solution : « Celui qui passe l’éponge, on passera l’éponge sur tous ses péchés. » (Yoma 23a ; Meguila 28a ; Debé Elyahou Zoutra 8) Celui qui, par un travail sur soi, dépasse les données de son tempérament, se verra, mesure pour mesure, pardonner ses errements.

Une condition, toutefois, à cela : qu’il écoute les paroles de Torah et non d’autres échos. « Tu en parleras », nous dit la Torah – « d’elle et non d’autres choses », causes d’éparpillement et de perte de temps, soulignent nos Maîtres (Yoma 19b). A mon sens, le plus grand travail sur soi est donc d’annuler sa volonté et d’aller étudier la Torah, se renforcer dans les mitsvot, ou encore d’enseigner la Torah à d’autres, dans la crainte du Ciel.

Car toutes les futilités n’ont de valeur que pour un temps déterminé, elles sont variables et éphémères. La Torah en revanche est immuable et éternelle et, même si elle n’est pas toujours tenue en haute estime par un large public, lorsqu’on s’y plonge, on en découvre la véritable valeur, on ne peut plus s’en séparer et elle nous amène à la techouva et à la crainte du Ciel.

 

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