Le miracle de Yom Kippour

Sur le verset (Vayikra 23:32) : « Ce jour [Yom Kippour] est pour vous un chômage absolu, où vous mortifierez vos personnes ; dès le neuf du mois au soir, depuis un soir jusqu’à l’autre, vous observerez votre chômage », la Guemara s’étonne : « On ne jeûne pas le neuf mais le dix ! » Et de répondre que « quiconque boit et mange le neuf est considéré comme ayant jeûné le neuf et le dix, [soit deux jours]. »

Il est difficile de comprendre comment le fait de boire et manger la veille de Yom Kippour fait de ce jour un jour de jeûne supplémentaire, crédité à celui qui suit ces directives. Comment peut-on mettre sur le même plan le fait de prendre un repas le neuf et celui de jeûner le dix ? Cette deuxième attitude n’est-elle pas nettement supérieure au fait de manger avec appétit, voire gloutonnerie, en cette veille de fête ? Quelle est la mortification propre au neuf Tichri, sur la base de laquelle on établit cette comparaison avec le dix ?

L’explication de ce paradoxe tient dans la réponse à une question très connue : pourquoi y a-t-il, au début du mois de Tichri, dix Jours de techouva – ni plus ni moins ? Pourtant, la Halakha établit (Michna Beroura, chapitre 581) l’existence d’une période de quarante jours de repentir, en s’appuyant sur le verset (Chir Hachirim 6:3) : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi », dont les initiales forment le mot Elloul et les lettres finales (4 youd) ont pour valeur numérique quarante.

La  période s’étalant de Roch ‘Hodech Elloul jusqu’au neuf Tichri, est de 39 jours (lamed têt), constitue par ailleurs une allusion aux trente-neuf lumières de sainteté et de pureté que l’homme peut intégrer par le biais d’une préparation convenable pendant cette période.

En arrivant au trente-neuvième jour, en cette veille de Yom Kippour, l’homme parachève sa préparation pour arriver au quarantième jour, totalement lié et consacré à D., réalisant ainsi le verset : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi ».

Ainsi, ces trente-neuf jours, qui font pendant au verset d’Isaïe (26:19) : « car Ta rosée (tal, de valeur numérique 39) est une rosée de lumière », permettent à l’homme de bénéficier d’un éclairage de sainteté. Par conséquent, le neuf Tichri, trente-neuvième jour et summum de cette période « éclairée », qui correspond à la veille de Kippour, est placé, comme nous l’avons vu, sur un pied d’égalité avec le jour suivant, puisque l’homme y est déjà lié de toutes ses fibres au Créateur. En cette veille de Kippour, le Saint béni soit-Il agrée la techouva de l’homme et le rapproche de Lui, et c’est pourquoi ce jour clôture d’une certaine manière les jours de repentir.

A présent, tentons d’analyser l’état d’esprit de l’homme en ce jour, ce qui nous permettra de répondre à la question posée en préambule. C’est pour l’homme un jour de tension intense et de crainte du jugement, jour de techouva qu’il ressent donc réellement comme un jour de mortification, déterminant quant à son avenir. De ce fait, il lui est alors extrêmement difficile de manger et de boire comme à l’accoutumée, et il ne se sent pas d’appétit.

C’est un peu la disposition dans laquelle se trouve certainement, toutes proportions gardées, l’homme devant lequel repose un mort. Si on lui demande de boire ou de manger, chaque bouchée avalée, chaque gorgée, sera pour lui un supplice. De même, le neuf Tichri, le fait de manger, même pour une mitsva, est extrêmement pénible à l’homme, tant il est habité par la peur du jugement.

On voit donc que la Torah a une connaissance intime de la nature humaine puisque, précisément en ce jour où il termine de recevoir les trente-neuf lumières de sainteté de cette période, elle lui ordonne de manger et boire, de sorte que ces actes, pénibles à ce moment, lui soient considérés comme un jeûne et une mortification. Or, c’est justement à travers ces gestes que l’homme pourra recevoir la totalité des lumières saintes de cette période et annihiler son attrait pour l’alimentation.

C’est donc par le biais de cette nourriture consommée uniquement pour le Créateur – pour notre « Bien-aimé » –, au prix d’efforts considérables, que l’homme pourra s’élever, et c’est en cela que réside toute la grandeur de celui qui mange et boit le neuf Tichri.

Approfondissons à présent la notion d’appartenance réciproque mise à jour par le verset : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi ». Ce concept s’exprime en deux volets : d’une part à travers le mois d’Elloul, période de repentir, de seli’hot et de Miséricorde, jusqu’à Roch Hachana. Le deuxième « épisode » débute à Roch Hachana, avec les dix jours de techouva qui vont jusqu’à Yom Kippour.

L’homme atteint alors le niveau suprême de connexion à D. – « Je suis à mon Bien-aimé… » – à l’issue du neuvième jour, qui est le jour de mortification essentiel de cette période, puisqu’il marque le summum du combat de l’homme contre son mauvais penchant, à travers la difficile obligation de s’alimenter. Il reçoit alors les trente-neuf lumières précédemment mentionnées, et est désiré et agréé par D. – « …et mon Bien-aimé est à moi ».

Enfin, lorsque l’homme dépasse cette dimension et arrive au quarantième jour (la guematria de tal, à laquelle on ajoute un pour le concept lui-même), qui est aussi le dixième des jours de repentir, il atteint une dimension surhumaine, celle décrite dans le verset : « Car en ce jour, il fera propitiation sur vous pour vous purifier, vous vous purifierez de tous vos péchés devant l’Eternel » (Vayikra 16:30), purification surnaturelle.

Ce jour constitue une extrême bonté du Tout-Puissant envers tout homme : selon Rabbi, de par son essence, il lui apporte l’expiation (Yoma 85b ; Kritot 7a). Car parfois, des accusateurs se présentent, tentant de séparer l’homme de son Créateur, mais en ce jour saint, Celui-ci, non seulement ne les écoute pas et attend la techouva de l’homme, mais, plus même, Il les empêche purement et simplement d’accuser !

Ainsi, à Yom Kippour, le Satan n’a pas le droit d’accuser (Yoma 20a ; Chir Hachirim Rabba 1:15), outre le fait que l’essence de ce jour est d’apporter à l’homme l’expiation et de le rapprocher de son Créateur. Ce jour arrive, et les accusateurs sont impuissants ; toutes les fautes de l’homme, tous ses errements, sont effacés et pardonnés, ce qui constitue un véritable miracle.

Ainsi, après la préparation du mois d’Elloul et les dix Jours de repentir, qui incluent le « supplice » du neuvième jour, l’homme atteint Yom Kippour, qualifié de « Chabbat », jour saint, qui apporte l’expiation. Mais la « magie » n’opère que s’il s’y est intensivement préparé et a absorbé les bienfaits des trente-neuf lumières.

L’homme devient alors invisible aux yeux des accusateurs ; il prend, en fonction de son niveau, l’aspect des anges et séraphins. Alors, sous l’influence de la sainteté du jour, il parvient au degré le plus élevé et devient « blanc comme neige », dans l’esprit du verset (Yechaya 1:18) : « Vos péchés fussent-ils comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme neige ». L’homme atteint alors la véritable crainte de D. et une authentique révérence pour le divin, crainte que l’on retrouve en allusion dans le verset (Devarim 10:12) : « Et maintenant, Israël, qu’est-ce que l’Eternel, ton D., te demande, si ce n’est de [Le] révérer ». D’ailleurs, l’expression ki im (« si ce n’est ») fait allusion à ce jour : son premier terme est composé des lettres youd et kaf, initiales de « Yom Kippour », tandis que son second, de valeur numérique quarante et un, évoque aussi ce jour.

En vérité, le jour de Yom Kippour dépasse la dimension naturelle représentée par le nombre quarante, puisque la veille, lors du neuvième des dix Jours de repentir, l’homme atteint déjà la dimension de quarante (guematria de tal, plus un). Kippour est donc en quelque sorte le quarante-et-unième jour, permettant d’expier les fautes de l’homme de façon surnaturelle.

Cependant, pour parvenir à une véritable révérence pour D. à Yom Kippour, les dix Jours de techouva précédents sont indispensables, dix jours – ni plus ni moins – qui font pendant aux dix sphères auxquelles l’homme se lie et qu’il associe entre elles afin de réunir tous les conduits de sainteté en un seul faisceau.

Or, du fait que le but de l’homme sur terre est de lier les quatre dimensions du monde l’une à l’autre (Emanation, Création, Transformation et Action), lorsqu’il réalise sa mission en ce jour où il parvient à un niveau de blancheur immaculée – de pureté parfaite –, nul accusateur ne peut s’en prendre à lui, et il reste lié au Créateur à travers la lumière enveloppante.

Tel est le programme présenté par le verset : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi » : une dimension dépassant la nature, qui permet à l’homme, pur de toute faute, de se lier pour l’éternité au Créateur.

Résumé

 •On considère celui qui mange le neuf Tichri puis jeûne le dix, comme ayant jeûné deux jours. Pourtant, une abstinence absolue n’est-elle pas supérieure ? En quoi la veille de Kippour comporte-t-elle une dimension de privation ? Et pourquoi avoir fixé seulement dix Jours de techouva ? En vérité, cette période est plus large puisqu’elle va de Roch ‘Hodech Elloul à Yom Kippour – période de quarante jours à laquelle fait allusion le verset : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi », dont les initiales forment le mot Elloul et les lettres finales ont une valeur numérique de quarante. Le neuvième des dix Jours de repentir, qui est aussi le trente-neuvième de cette période, l’homme reçoit, s’il s’est dûment préparé, les trente-neuf lumières spirituelles. En ce jour, l’homme est empli de crainte et il lui est très difficile de s’alimenter ; c’est donc une souffrance qui n’est pas moindre que celle de jeûner le lendemain. A Yom Kippour, l’homme se rapproche de D. au point de tisser un lien parfait tel que celui décrit dans le verset : « Je suis à mon Bien-aimé et mon Bien-aimé est à moi ». L’homme se consacre totalement à D. – « à Moi » –, mot dont la valeur numérique – quarante – évoque ce quarantième jour dont l’essence apporte l’expiation.

 •Ce verset – comme cette période – s’exprime en deux volets : « Je suis à mon Bien-aimé », au mois d’Elloul… « et mon Bien-aimé est à moi », qui correspond aux dix Jours de repentir. Lorsque Yom Kippour arrive, en une sorte de dépassement de la Nature, représentée par le nombre quarante, le Satan n’a pas le droit d’accuser, le Saint béni soit-Il agrée la techouva de l’homme et absout ses fautes. Ce niveau peut être atteint grâce à toute la préparation entreprise et à l’absorption des trente-neuf lumières de sainteté. Les dix Jours de techouva, qui font pendant aux dix sphères, permettent de tout lier à D. et de rallier les quatre dimensions du monde à la lumière divine enveloppante ; ils se concluent par Yom Kippour, où l’homme obtient l’expiation de ses fautes de façon surnaturelle.

 

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