Le secret de Yom Kippour : la techouva par humilité

Dans le Midrach (Tan’houma Tissa 31), nos Maîtres expliquent que Moché Rabbénou séjourna cent vingt jours au ciel auprès du Créateur, puis descendit les premières tables de la Loi et les brisa, après quoi il monta de nouveau dans le Ciel (…). La troisième fois, il fit son ascension à Roch ‘Hodech Elloul et resta jusqu’à Yom Kippour, où D. lui dit : « J’ai pardonné selon ta demande ». Le Saint béni soit-Il fixa ce jour comme jour de pardon et d’absolution pour toutes les générations, comme dit (Vayikra 16:30) : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous afin de vous purifier (…) ».

On déduit de ce texte que les enfants d’Israël reçurent la Torah pour la deuxième fois à Yom Kippour. Le dix Tichri évoque donc les dix commandements gravés sur les deuxièmes Tables de la Loi.

Du fait que Yom Kippour est un jour de réception de la Torah, on a l’habitude le soir de Yom Kippour, avant la prière d’Arvit, de sortir un séfer Torah, de l’enlacer et de l’embrasser, et de montrer que nous acceptons à ce moment la Torah avec une soumission absolue. On récite ensuite Kol Nidré et le vidouï, afin de réparer toutes les paroles vaines prononcées au cours de toute l’année, celles ne relevant pas d’une mitsva.

Nous savons, à cet égard, que la parole de tout Juif, quel que soit son niveau, a le pouvoir de construire ou de détruire des mondes. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de réceptionner la Torah de nouveau, il faut auparavant se repentir de tout, et en particulier des bonnes actions que nous nous sommes contentés d’accomplir trois fois, ce qui leur conférait pourtant le statut de règle personnelle.

L’homme doit en outre savoir que l’essence même de ce jour saint l’assiste dans sa techouva car le Satan n’a alors pas le droit de l’accuser. La preuve en est que la valeur numérique des mots « le Satan » est de trois cent soixante-quatre. C’est dire qu’au cours de tous les jours de l’année, il a la permission de nous accuser, sauf à Yom Kippour (Yoma 20a ; Zohar III 63a), où nous pouvons donc nous repentir bien plus facilement.

Une autre allusion à ce phénomène peut être décelée dans le verset : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous ». L’expression « Car en ce jour » a en effet la même valeur numérique que le mot kav – ligne directrice –, ce jour permettant de tracer une voie rectiligne pour toute l’année. En d’autres termes, ce jour est pur et saint dans la mesure où il est dénué d’accusation du Satan.

De ce fait, sa sainteté est telle qu’elle peut prolonger ses effets bénéfiques sur l’homme tout au long de l’année, afin qu’il puisse rester droit pendant tout ce temps, à condition toutefois que toutes ses pensées soient basées sur la Torah. Car en quoi sera-t-il bénéfique de se repentir à Yom Kippour alors qu’on a la tête saturée de pensées allant à l’encontre de la Volonté divine et de la voie de la Torah, pensées dont il ne se repent pas en ce jour  ?

Ainsi, celui qui déteste intérieurement son prochain dans son cœur et n’annule pas cette haine à Yom Kippour, continuant à cultiver de mauvaises pensées, tant qu’il n’annule pas ce sentiment, la donne reste la même et sa techouva demeure nulle et non avenue. A une telle personne, Yom Kippour n’est d’aucun secours, car ce jour n’a le pouvoir d’aider que si l’homme est disposé à changer, conformément au principe (Chir Hachirim Rabba 5:3) : « Ouvrez-Moi une brèche de la largeur d’un chas d’aiguille et Je vous ouvrirai des portails assez larges pour laisser pénétrer des chars. »

Cependant, si l’homme désire sincèrement se transformer, évoluer positivement, il doit avant tout annuler son ego et sa personnalité, comme le laisse également entendre l’expression : « car en ce jour », de valeur numérique identique à celle du mot zakh (pur), allusion au fait qu’en ce jour, l’homme se purifie et se transforme véritablement.

Par ailleurs, les lettres finales de l’expression : « en ce jour » (« bayom hazé »), forment le terme « quoi » (mah), dans le sens de quelque chose d’insignifiant, afin de nous rappeler l’importance de se purifier au point de devenir cendre et poussière, en gardant toujours à l’esprit devant Qui nous sommes appelés à rendre des comptes, en ce jour comme à l’avenir.

Il est en outre fondamental de toujours garder en mémoire le principe exposé par nos Sages (Taanit 16a), en vertu duquel celui qui commet une transgression et ne s’en confesse pas est semblable à celui qui s’immerge dans un bain rituel avec un reptile en main (animal impur). Se tremperait-il dans toutes les eaux du monde qu’il resterait impur. A l’inverse, « qui les confesse et y renonce obtient miséricorde » (Michlé 28:13). Comme l’explique Rachi, il avoue ses fautes et les abandonne définitivement, résolu à ne pas les réitérer.

Or, comment l’homme peut-il parvenir à cet éveil de la conscience à Yom Kippour s’il n’annule pas son ego et ne se soumet pas au Créateur ? Comment peut-on oublier que Celui-ci « sonde les reins et le cœur » ? Cette soumission et cette humilité sont indispensables pour pouvoir se repentir totalement.

L’essence de Yom Kippour

Ainsi, il faut savoir que l’essence de ce jour apporte l’expiation (cf. Yoma 85b ; Kritot 7a) à la seule condition que l’homme se soumette alors totalement à D., se purifie et choisit comme ligne directrice la rectitude de la voie du Service divin. Dans ce cas, il mérite l’aide divine et le mauvais penchant ne le dérange pas. Mais, si l’homme n’annule pas son ego et ses désirs en ce jour, il ne peut bénéficier de son influence. Même si le mauvais penchant est absent, il risque, par ses fautes, de remplir le même office pour lui-même.

Afin que l’homme puisse aisément se choisir une bonne ligne directrice et se détacher de toutes les tentations tout au long de l’année, il soumet son penchant à Yom Kippour en s’infligeant cinq mortifications (Yoma 73b, 76a ; Pessikta Zoutra Emor 23:32) dans des domaines où il a tendance à se laisser séduire par son mauvais penchant. Ainsi, en freinant l’assouvissement de ses envies, il en réduit la force d’attraction. (Soucca 52b ; Yerouchalmi Ketouvot 5:8).

L’homme doit savoir que chaque chose a un commencement. En l’occurrence, l’amorce de l’annihilation du Satan et des pulsions se situe à Yom Kippour, tandis que la préparation à cela débute dès Roch ‘Hodech Elloul.

Tel est le sens du verset (Tehilim 104:21) : « Les lionceaux (kefirim) rugissent après la proie, demandant à D. leur nourriture. » On rapprochera tout naturellement le terme kefirim de Kippour. C’est dire combien lorsqu’un homme ressent Yom Kippour, se soumet à D. et se purifie, se fixant dans son Service divin une nouvelle ligne directrice – un « sentier de rectitude » –, alors ils « demandent à D. leur nourriture ». Ils rugissent, prient pour obtenir l’assistance divine afin qu’ils puissent Le servir. Dans ce cas, ils seront exaucés.

Ensuite, comme poursuit le doux chantre d’Israël, « le soleil commence à poindre (…) » – la lumière divine descend sur eux en abondance –, «  (…) ils se rassemblent (…) » – ils seront toujours unis avec le Créateur en un lien indéfectible. Mais tout dépend du travail de ce jour, car plus est grande la préparation, plus l’homme mérite d’atteindre cette dimension.

A ce titre, comme le mentionnent les ouvrages kabbalistiques, ce jour est un avant-goût du monde futur. Et pour cause : en ce jour, le mauvais penchant est pour ainsi dire inexistant et ne peut donc empêcher l’homme de se connecter au Créateur. Or, l’existence du Satan découle de la faute du premier homme. Avant la Création du Satan, le premier homme vivait dans le Gan Eden dans une quiétude totale. A cause de son péché, l’homme prit conscience de l’existence du Satan, ce trouble-fête qui tente de perturber l’homme dans son Service divin. Or, du fait que le Satan est en ce jour éjecté, on comprend bien que ce jour est semblable au Monde futur.

Or, de même que, dans le Monde futur, il n’y a ni boire ni manger, ni envies – les tsaddikim y siègent et jouissent de l’éclat de la Présence divine (Berakhot 17a) –, à Yom Kippour, l’homme est délesté de ses pulsions et se prive de nourriture et de boisson. De plus, par la prière, il ressent clairement qu’il se tient devant le Créateur, outre le fait qu’à travers les cinq mortifications qu’il s’impose, il prie d’un cœur contrit et ses prières sont entendues. L’importance de ce point est évoquée par le roi David (Tehilim 51:19) : « Un cœur brisé et abattu, ô D., Tu ne le dédaignes point. »

L’homme doit donc s’efforcer, dans sa techouva, d’être parfaitement sincère, que « ses paroles soient en adéquation avec ses pensées » (cf. Teroumot 3:8 ; Pessa’him 63a). En effet, tout au long du mois d’Elloul, l’homme crie et prie, confessant ses mauvaises actions et demandant pardon, ce qu’il continue de faire à Yom Kippour, mais il est important que son cœur soit en phase avec ses paroles, et que son cœur soit véritablement contrit.

Une fois de plus, ce concept s’inscrit dans les mots eux-mêmes. Dans l’expression : « car (ki) en ce jour », le terme ki a une valeur numérique identique, en ajoutant deux pour les lettres elles-mêmes, au terme lev (le cœur). Cela souligne combien le cœur doit être abaissé pour obtenir l’absolution et être purifié.

Si l’homme ne brise pas son cœur par la techouva, il ne pourra ressentir la sainteté du jour. Il pourra prier et jeûner mais vivra ce jour comme un joug pesant, regardant à tout instant sa montre pour vérifier quand le jeûne se terminera, dans sa hâte de manger. Une telle personne sera passée à côté de l’essentiel, à savoir le fait de briser son cœur et de se soumettre.

Il est d’ailleurs stipulé dans la Halakha, sous la plume du Rema, au nom du Maharil (Ora’h ‘Haïm 624:5) : « Les plus pointilleux commencent immédiatement à l’issue de Yom Kippour, à construire la soucca afin de passer de mitsva en mitsva. »

Explication : l’humilité et la soumission ressenties à Yom Kippour doivent se prolonger toute l’année. C’est pourquoi, aussitôt après Yom Kippour, l’homme entreprend de bâtir une demeure pour la Présence divine, outre le fait qu’il sanctifie la lune (Rama Ora’h ‘Haïm 426:2). Ces mitsvot lui font prendre conscience de sa petitesse face à la Création. Il réalise notamment combien il est loin de la lune, qui n’est qu’une des innombrables créatures divines. L’homme prend ainsi conscience de la grandeur du Créateur et de sa propre infériorité (cf. Rambam Yessodé Hatorah 2:2).

En ce jour, l’homme revient à sa racine et reçoit de nouveau la Torah après quarante jours de préparation, à l’instar de nos ancêtres dans le désert. De même, le pardon qui leur fut donné à Yom Kippour est chaque année réitéré, afin qu’ils puissent opérer un repentir total.

Résumé

 •A Yom Kippour, Moché descendit avec les deuxièmes Tables de la Loi et de ce fait, le jour de Yom Kippour est un jour de réception de la Torah. Pour cette raison, avant de réciter Kol Nidré le soir de Yom Kippour, on a l’habitude de sortir un rouleau de la Torah et de l’embrasser. Ensuite, on confesse toutes nos fautes et toutes les paroles interdites prononcées. L’essence de ce jour fournit une aide à l’homme, car le Satan ne peut alors accuser, et l’homme peut redresser le gouvernail pour toute l’année, pour peu qu’il se soit transformé.

 •Pour que l’effet opère, l’homme doit à tout prix annuler son ego, faire preuve de modestie et d’humilité, car il ne pourra se purifier que lorsqu’il se considèrera comme cendre et poussière. Dans le cas contraire, il est comparable à l’homme qui s’immerge dans un bain rituel avec un animal impur en main. L’essence de Yom Kippour n’apporte l’expiation qu’à celui qui fait preuve d’effacement et d’humilité. A travers les cinq mortifications du jour et l’annihilation des tentations, sa techouva reçoit un véritable tremplin et il peut recevoir la profusion pour toute l’année.

 •A ce titre, Yom Kippour est comparable au monde futur, puisque dénué de Satan. L’omniprésence du Satan est liée à la faute du premier homme, sa disparition nous ramène donc à l’état antérieur à cette faute, au paradis, lieu où on ne boit ni ne mange, comme en ce jour. Pour mériter que notre prière soit agréée à Yom Kippour, nos paroles doivent être en adéquation avec notre cœur, contrit. C’est pourquoi, immédiatement après Yom Kippour, on construit une soucca, demeure pour D., et on récite kiddouch halevana, afin de souligner la grandeur de D. et notre propre petitesse. En ce jour, on reçoit de nouveau la Torah, ce qui constitue une grande source de joie pour le Créateur.

 

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