La techouva par la suppression de la mauvaise habitude

A Yom Kippour, nous nous confessons de nos péchés, de façon exhaustive. Il ne s’agit donc pas d’un repentir vague et global, mais précis et détaillé. En effet, le mauvais penchant est puissant et foisonnant, chaque faute en créant une forme spécifique. Il faut donc combattre chacun de ces accusateurs.

Pour cette raison, la Torah précise : « Quand tu sortiras en guerre contre tes ennemis » – au pluriel –, car ceux-ci sont particulièrement nombreux, autant que le nombre de nos péchés. Cependant, si l’on parvient à vaincre ces accusateurs, alors « l’Eternel, ton D., les livrera en ton pouvoir ».

Or, si cela s’applique à l’homme le plus humble, à plus forte raison au tsaddik aussi, du fait que la faute d’un juste a une plus grande influence. Pour l’anecdote, on raconte qu’un Rav, venu en visite chez un autre, lui confia qu’il s’était réincarné dans ce monde pour avoir ressenti, dans sa vie antérieure, une pointe d’orgueil, en disant : « Grâce à D., j’ai beaucoup étudié la Torah ». Pour n’avoir pas réparé cette faute infime, il affirmait être revenu sur terre dans une nouvelle existence.

A cet égard, nos Maîtres nous mettent pourtant en garde contre l’écueil de l’orgueil, qui guette les plus sages d’entre nous (Avot 2:8) : « Si tu as beaucoup étudié la Torah, n’en tire pas gloire ». Il est donc fondamental de se repentir de toute faute, même des plus subtiles.

A ce titre, il convient de se demander qu’est-ce qu’une véritable techouva. Il m’est arrivé de m’interroger, en veille de Yom Kippour, pourquoi les gens ne sont pas influencés par ce jour puisqu’ils recommencent, dès le lendemain, à médire et commettre des fautes sans vergogne ?

Pourtant, ces personnes jeûnent, se préparent à ce jour, s’habillent de blanc et se mortifient. Ne sont-elles pas conscientes du sens de cette fête, de la portée du mois d’Elloul ? Ne savent-elles pas ce que représentent les sonneries du Chofar ? Il ne s’agit pourtant pas d’une période et de jours comme les autres, car ils recèlent un pouvoir et des secrets extraordinaires. Comment peuvent-ils rester hermétiques à tout cela ?

Il m’est même arrivé de demander à des personnes : « Pourquoi donc jeûnez-vous à Yom Kippour ? Qu’est-ce que vous ressentez ce jour-là ? » « Je suis né dans une famille juive et chez nous, tout le monde avait l’habitude de jeûner à Kippour », me suis-je fait répondre. De telles personnes ne ressentent vraiment rien, ou bien peut-être pensent-elles que c’est une mode de jeûner pour perdre quelques calories et maigrir ?

Agir ainsi par moutonnerie, sans la moindre réflexion – jeûner parce que les autres jeûnent, s’habiller de blanc parce que les autres le font, faire les kapparot <*16>16@G avec des poulets comme tout le monde –, c’est ne pas distinguer sa droite de sa gauche. Le fait d’agir ainsi par habitude et sans réfléchir est foncièrement négatif car ainsi, on n’arrivera jamais à la techouva.

Ces individus ignorent totalement pourquoi ils jeûnent, pas plus qu’ils ne ressentent le message du mois d’Elloul, la portée de Roch Hachana et de Yom Kippour et c’est pourquoi, aussitôt cette échéance passée, ils réitèrent leurs fautes, à cause de leurs mauvaises habitudes. Une fois, j’ai demandé à un homme ce qu’il ressentait lors des sonneries du Chofar, et lui, m’a répondu : « La chair de poule », bien qu’il n’en fût pas ainsi.

En vérité, le son du Chofar doit véritablement effrayer et terroriser l’homme, le faire trembler. « Le Chofar sonnera-t-il dans une ville sans mettre le peuple en émoi ? » demandait ainsi le prophète (Amos 3:6). Car, comme l’indique le Rambam (Hilkhot Techouva 3:4) il vise précisément, non pas à leur donner « la chair de poule », mais à les extirper de leur torpeur, les entraîner à se repentir totalement, au point que « le Détenteur des mystères pourra témoigner sur lui qu’il ne réitèrera plus jamais cette faute » (ibid. 2:2). Aussi, après la période des Jours Redoutables, l’homme doit vraiment s’être métamorphosé, à travers la techouva, et ne plus réitérer les fautes du passé.

L’ignorance et la faute prennent donc clairement racine dans les mauvaises habitudes. Même un grand homme doit mener un profond travail de réflexion pour parvenir à se défaire de ses mauvaises habitudes, sans quoi il risque lui aussi de trébucher.

Illustrons ce principe par une parabole : un homme en trombe passe dans la rue. Aussitôt, de nombreuses personnes se mettent à courir derrière lui, sans savoir pourquoi il court, ni quel est son objectif. Cette course effrénée prend fin lorsque notre homme pénètre dans une échoppe pour recevoir le prix qu’il a gagné à la loterie… Tous ses « suivants » sont déconfits : ils ont couru en vain !

De même, celui qui « court » – se hâte de faire techouva – en toute connaissance de cause, mérite un prix de choix – la longévité et une bonne vie. Par contre, tous les autres qui « courent » sans objectif – jeûnent, prient, se revêtent de blanc et font les kapparot sans se repentir, restent bredouilles, car il leur manque l’essentiel – le repentir.

A un jeune enfant qui m’a demandé pourquoi on ne sonne pas du Chofar toute l’année, si ce son a un tel pouvoir, j’ai répondu que si l’on en sonnait tous les jours, l’homme, même le plus tsaddik, s’y accoutumerait et finirait par y être indifférent, ce qui rejoint nos explications précédentes sur l’aspect négatif de l’habitude.

Cependant, il faut se préparer pendant le mois d’Elloul, afin que le son du Chofar entendu à Roch Hachana résonne en nous toute l’année.

La véritable techouva, sans condition

Mes chers frères, cela va plus loin encore, puisqu’à Roch Hachana, nous disons dans nos prières : « Médite et prépare-toi ; qui es-tu et quelle est ton œuvre ? » Ces paroles sont suffisamment fortes pour nous pousser à réfléchir et à connaître la grandeur de D. et notre propre petitesse et nullité (Rambam Hilkhot Yessodé Hatorah 2:2).

Le Rav Israël Salanter insiste d’ailleurs sur le fait qu’autrefois, les hommes étaient véritablement saisis de tremblements et de frissons lorsqu’arrivait Roch Hachana. Certains tsaddikim, déjà au mois d’Elloul, craignaient de sortir dehors par peur du jugement, d’une profondeur insondable.

Or, s’il ne s’agissait « que » du mois d’Elloul, combien faut-il plus trembler et redouter le jugement à Roch Hachana et Yom Kippour ! Combien faut-il alors se repentir totalement du fond du cœur !

Hélas, nous observons souvent l’inverse ! Les bontés divines étant intarissables, il nous est arrivé ainsi d’observer des personnes, qui avaient vécu dans la misère, s’enrichir prodigieusement. Et pourtant, au lieu de remercier le Créateur, elles se laissent aller à leurs envies et rejettent, à D. ne plaise, le judaïsme. De même, d’autres, gravement malades, miraculeusement guéries après avoir sollicité les bénédictions de justes, loin de se repentir davantage, ont déchu et renié les bontés du Créateur. Plutôt que de progresser suite à cet évènement, elles ont dégénéré. Parfois encore, il s’agit de jeunes – ou moins jeunes – qui ne parviennent pas à trouver l’âme sœur et, en désespoir de cause, se rendent auprès des tsaddikim pour leur demander des bénédictions et font le vœu que si D. leur fait rencontrer la personne qui leur est destinée, ils se renforceront au niveau religieux. Pour prouver leur bonne foi, ils achètent tallit, verre de kiddouch, récitent des tehillim et donnent de la tsedaka.

Mais, une fois qu’ils ont trouvé, par miracle, le conjoint recherché, ils n’ont plus aucune velléité de progresser, en faisant un mariage conforme à la Torah et en respectant les lois de pureté familiale. Au contraire, ils préparent une soirée de mariage où hommes et femmes seront mélangés, sans aucune pudeur.

J’ai personnellement connu un jeune homme qui venait me voir chaque semaine pour me demander une berakha dans ce domaine. Malheureusement pour lui, aucune jeune fille ne voulait l’épouser, bien que, contrairement à ses craintes, il fût tout à fait présentable. En proie à une grande détresse, il entreprit une démarche de techouva et finalement, la chance lui sourit et il se fiança avec une avocate religieuse.

Peu avant le mariage, ils vinrent me remettre une invitation personnelle et je leur donnai avec joie et enthousiasme ma bénédiction tout en leur rappelant, bien entendu, l’importance d’observer les lois de pureté familiale. Pourtant, à ma plus grande stupéfaction, le jeune homme me répondit que c’était le désir de sa fiancée, mais qu’il se sentait pour sa part incapable de résister à la tentation chaque mois pendant quinze jours…

Très choqué par ces paroles, je le tançai vertement, mais il resta sourd à mes paroles. Malgré tout, je me rendis à la ‘houpa, dans l’espoir qu’il se soit repris. Mais non. Plutôt que de prendre conscience des bienfaits divins à chaque pas et de se repentir, on Le renie, refusant de garder Ses mitsvot et Sa Torah.

Comment expliquer une telle attitude ? La réponse se trouve sous la plume de nos Maîtres (Avot 5:19) : « Tout attachement qui dépend d’un élément [externe], lorsque l’élément disparaît, l’attachement disparaît. » Si l’homme ne fait techouva que pour obtenir quelque chose, lorsqu’il aura obtenu ce qu’il désire, il trahira le Créateur, du fait que son repentir était intéressé et conditionnel.

L’homme doit donc aimer le Créateur de manière inconditionnelle et désintéressée, « non pas pour obtenir une récompense » (ibid. 1:3). Car « il n’est pas de récompense pour les mitsvot en ce monde » (Kiddouchin 39b), et c’est pourquoi il faut bénir pour le mal comme pour le bien (Berakhot 54a).

En ce qui concerne la période des Jours Redoutables, si l’homme se repent seulement pour être inscrit et scellé pour une bonne vie, aussitôt passée cette période, il retournera à ses fautes et mauvaises habitudes. Il est donc fondamental de faire techouva sans conditions. A ce titre, après Yom Kippour, l’homme a la possibilité jusqu’à Hochana Rabba de prouver sa bonne volonté et se repentir sans condition, ce qu’il prouve en modifiant profondément ses actes et habitudes.

Ceci nous permet d’expliquer la venue des Ouchpizin, ces ancêtres, à partir des Patriarches, qui honorent de leur présence invisible notre soucca pendant sept jours (Zohar III 103b).

En effet, après les fêtes, une fois que la techouva de l’homme a été agréée, ces saints invités éprouvent une grande joie à constater que le repentir de l’homme était désintéressé. David Hamelekh, le dernier des Ouchpizin, qui vient à Hochana Rabba, est le mieux placé pour faire ce constat.

En ce qui concerne l’universalité de cette obligation de techouva, évoquée au début de notre développement, rappelons que même si le tsaddik n’a commis qu’une faute infime, dans la densité du jugement, l’accusation qui pèse sur lui n’est pas moins grande et, de même qu’on peut gagner son monde futur en un instant (Avoda Zara 17a), l’inverse est tout aussi vrai, outre le fait que « plus l’homme est grand, plus son penchant est fort » (Soucca 25a). Et c’est pourquoi nos Sages ont mis en garde (Avot 2:4 ; Berakhot 29a) : « Ne crois pas en toi jusqu’au jour de ta mort », comme le prouve le triste exemple du grand prêtre Yo’hanan, qui bien qu’ayant exercé son sacerdoce pendant 80 ans, finit par devenir Saducéen !

Quelle meilleure nouvelle pour les pères, de visite dans nos souccot, que de constater que leurs enfants – et même les plus justes d’entre eux, qui, pour une légère faute, risquaient de toute perdre – ont fait techouva !

Lorsque nos pères constatent que nous faisons techouva sans condition, de manière désintéressée, et annulons nos mauvaises habitudes, ils viennent dans nos souccot, « à l’ombre de la foi » (Zohar III 103a), se réjouir avec nous.

Telle est la valeur de la techouva à Yom Kippour : se préparer pour toute l’année, afin de ne plus commettre de faute, techouva à la source d’une joie qui trouvera son écho céleste et auprès de nos pères, techouva qui sera agréée et permettra à l’homme d’être inscrit et scellé pour une douce et bonne année.

Résumé

 •Le vidouï de Yom Kippour détaille chaque faute commise, car le Satan se présente pour chaque faute indépendamment, et il faut à chaque fois le vaincre séparément. Même un tsaddik doit se confesser et se repentir des plus infimes fautes. Mais il faut savoir ce qu’est une véritable techouva et ce que représente vraiment Yom Kippour. Jeûner et réciter les kapparot par moutonnerie ou par habitude est à exclure, et il faut donc se repentir de ce type de comportement. Ceux qui agissent ainsi, une fois passé Yom Kippour, réitèrent leurs fautes, car ils n’agissaient pas poussés par la Vérité et une exigence intérieure. Même chez les tsaddikim, on peut trouver ce travers, et ils doivent le réparer.

 •Pour cette raison, on ne sonne pas du Chofar tous les jours, car on s’y accoutumerait et on n’y prêterait plus attention. Il convient de méditer à l’essence d’Elloul, de Roch Hachana et de Yom Kippour, qui recèlent des dimensions insoupçonnées, se repentir vraiment et ne pas renier D. après avoir obtenu la délivrance, comme le font malheureusement beaucoup d’individus, du fait que leur repentir était conditionnel. Il faut donc faire techouva de façon inconditionnelle, sans rechercher de récompense. Un tel repentir, cela va sans dire, sera agréé par le Créateur.

 •Le cas échéant, les ouchpizin viennent visiter les souccot des enfants d’Israël, heureux de constater qu’ils ont fait techouva sans condition. Ils sont d’autant plus satisfaits qu’ils redoutaient l’accusation, encore plus grande, qui pouvait peser sur les justes pour des fautes infimes. En apprenant que ceux-ci on pu se repentir également, ils en éprouvent une joie intense. Tel est le pouvoir d’une véritable techouva à Yom Kippour, dont l’influence s’étend sur toute l’année.

 

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