La prière de la Neïla : un sceau pour toute l’année
Il est écrit (Vayikra 16:30) : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous, pour vous purifier de toutes vos fautes (…) ». En considérant la sainteté de ce jour, on ne peut qu’être pris de peur et de tremblements.
Si le Maître du monde nous a promis : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous », cette promesse nécessite pour s’accomplir une techouva réelle de tout cœur et de toute âme, la sainteté du jour influençant et poussant l’homme dans cette direction.
C’est un peu comparable à un homme qui passe la nuit dans la rue mais qui, le matin venu, lorsque le soleil darde sur lui ses rayons, est obligé de se lever à cause de la chaleur. De même, à Yom Kippour, même si l’homme a un cœur de pierre, la sainteté du jour rayonne sur lui, le forçant à se lever et à se réveiller. Ensuite, par sa techouva, ce jour a sur lui une influence bénéfique pour toute l’année, afin qu’il puisse se repentir dès que nécessaire, à la moindre faute.
Le verset promet : « Car (ki) en ce jour » évoque ce fait, à travers son premier mot, qui forme les initiales de l’expression kol yom (« chaque jour »). En effet, sous l’impact de Yom Kippour, chaque jour peut devenir propice à une techouva réussie.
Une preuve supplémentaire se trouve dans la haftara de Yona, récitée à Min’ha de Yom Kippour. « Le commandant de l’équipage s’approcha de lui et lui dit : « Que fais-tu là, dormeur ? Debout ! Invoque ton D. (…) » (Yona 1:6), peut-on y lire. Voilà une allusion au fait que même si l’homme est fatigué par les privations du jour, il doit se raffermir et orienter toutes ses pensées vers D., à la prière de Neïla, moment décisif, attendu dans le Ciel, où l’on ressent la volonté de l’homme de se repentir et où il lui est possible de tout bouleverser, avant la clôture des portes. Malheur à l’homme qui dort à ce moment ou qui pense à des vanités, car il risque de tout perdre ! C’est pourquoi, justement à cet instant, on l’appelle et on lui dit : « Debout ! Invoque ton D. »
En outre, le mot neïla peut se décomposer en noun-ayin (na) et youd-lamed-hé, de même valeur numérique que Adam (l’homme) – quarante-cinq (Zohar II 119b). Explication : on appelle l’homme et on lui dit : « na – bouge », secoue-toi et déplace-toi pour t’exiler dans un lieu de Torah (cf. Avot 4:14 ; Chabbat 147b), car pour mériter la Torah, il faut s’exiler.
Grâce à la Torah et à son acceptation, les fautes sont expiées. Car la Torah empêche l’homme de pécher, outre le fait qu’elle « protège et sauve » (Sota 21a). Par l’acceptation du joug de la Torah, l’homme peut ainsi mériter une vie bonne et prospère et une année de bénédictions, matérielles et spirituelles.
Par ailleurs, nous connaissons tous le parallèle établi dans de nombreux ouvrages entre Pourim et Yom Kippour (littéralement : Yom Kippourim – « le jour comme Pourim »). En effet, Pourim est supérieur à Yom Kippour, en cela qu’à Yom Kippour, le repentir de l’homme est mû par la crainte, tandis qu’à Pourim, il est mené par l’amour.
Or, de même qu’à Pourim, il est dit (Esther 9:26) : « Les Juifs ont accompli et reçu » – « Ils ont accompli ce qu’ils avaient déjà reçu », ils ont de nouveau reçu la Torah, à Pourim, dans un élan d’amour, nous expliquent les Sages (Chabbat 88a ; Chevouot 39a) –, ainsi faut-il recevoir de nouveau la Torah à Yom Kippour, non pas par contrainte ou dans un esprit de mortification, mais par amour et dans la joie.
D’ailleurs, une autre question se pose : pourquoi, à Roch Hachana et Yom Kippour, y a-t-il des prières spéciales pour la subsistance, et non pour la santé. Pourtant, à quoi sert l’argent et la richesse quand il n’y a pas la santé ?
La réponse est, me semble-t-il, que tout homme naît en bonne santé. Si nous voyons quelqu’un de malade, il faut vraisemblablement mettre ses maux sur le compte des fautes commises dans cette existence ou dans une vie antérieure, et qu’il doit réparer. Aussi, s’il se repent, il recouvrera la santé, par le pouvoir de la Torah, qui amène la guérison au monde (Avot 6:7) et qui est pour l’homme un remède et un élixir de vie (Erouvin 54a). En se consacrant à la Torah, l’homme méritera la guérison.
La fortune, en revanche, est un don de D., et c’est pourquoi c’est un domaine dans lequel il faut L’implorer. S’il le mérite, l’homme recevra cet effet de la Bonté divine, ce qui pourra lui permettre d’étudier dans la quiétude, sans perturbations.
Nos Sages affirment à juste titre (‘Houlin 91a ; Chemot Rabba 1:25) que l’argent des justes leur est plus cher que leur corps, en cela qu’il leur permet d’œuvrer dans de nombreux domaines.
Pour cette raison, les fidèles ont l’habitude de surenchérir pour mériter d’ouvrir l’Arche sainte (acte favorable pour une bonne subsistance), à coup de sommes faramineuses. Cela nous montre combien la subsistance dépend de D. et combien si tous espèrent avoir une subsistance facile, celle-ci doit être mise à contribution dans le Service divin, sans oublier que l’homme ne doit pas être asservi à son argent, mais bien en être le maître.
Prenons bien garde de ne pas imiter l’exemple de ces hommes qui délaissent notre sainte Torah pour courir après la fortune, dans le but de l’augmenter. Ils oublient qu’ils n’emporteront après leur mort ni gloire ni richesse, comme il est écrit (Tehilim 49:18) : « Car, quand il mourra, il n’emportera rien ; son honneur ne le suivra point [dans la tombe]. »
Pouvoir de la mezouza et des tsitsit dans le travail de l’homme
Dans le même ordre d’idées, la mezouza rappelle à l’homme deux points : d’une part, que le Tout-Puissant garde les portes d’Israël et qu’il n’a rien à craindre, et de l’autre, elles lui remémorent l’importance de ne pas rester oisif et de se consacrer aux mitsvot chez soi comme à son travail.
Le terme mezouza lui-même est éloquent, en cela qu’il peut être décomposé en zouz (bouge) et mêm-hé, de même valeur numérique qu’Adam (homme), cela pour signifier à celui-ci que, même s’il est fatigué par son travail, il doit « bouger » – notion de mobilité que nous avions mis en avant concernant le mot Neïla – et aller étudier la Torah. Lorsque l’homme sort, il doit savoir que la mezouza le protège de tout mal et que, du moment qu’il étudie la Torah et accomplit les mitsvot, il ne pourra être blessé.
Nos Maîtres soulignent l’immense pouvoir de la mezouza (Avoda Zara 11a), à travers l’histoire d’Onkelos, neveu de l’empereur romain, qui s’était converti au judaïsme. En désespoir de cause, son oncle avait envoyé des troupes chargées de le ramener à Rome. Face aux soldats médusés, Onkelos mit sa main sur la mezouza et leur en expliqua la caractéristique : « Un roi de chair et de sang reste habituellement à l’intérieur de son palais, protégé par des soldats qui mènent la garde au dehors. Mais nous, au contraire, sommes placés sous la bonne garde de notre Roi, Qui nous protège de dehors, comme il est dit (Tehilim 121:8) : “L’Eternel protègera ton départ et ton arrivée (…)”. » A l’écoute de ce discours, toute la troupe se convertit. Ce récit nous éclaire quant à la valeur et au pouvoir de la mezouza.
Toujours à ce sujet, avant la mort des premiers-nés en Egypte, il est écrit (Chemot 12:13) : « Le sang, dont seront teintes les maisons où vous habitez, vous servira de signe : Je reconnaîtrai ce sang et Je vous épargnerai, et le fléau n’aura pas prise sur vous lorsque Je sévirai sur le pays d’Egypte. »
Précisons, pour reprendre l’expression du prophète (Ye’hezkel 16:7 ; Mekhilta Chemot 12) qu’en Egypte, les enfants d’Israël étaient « nu[s] et dénudé[s] » de mitsvot. Or, le destructeur ne distingue pas les justes des impies (Baba Kama 60a), en particulier lorsqu’il n’y a pas de Torah. C’est pourquoi le signe du sang sur les portes était indispensable, afin que les enfants d’Israël se souviennent qu’ils se consacraient à la réalisation de mitsvot et qu’ils soient protégés.
Notons, en outre, que hadam, le sang, a une valeur numérique de quarante-cinq, comme le mot Adam, l’homme, abstraction faite de la lettre daleth, qui évoque la porte (déleth), et la mezouza qui s’y trouve, pour protéger les enfants d’Israël.
De même, les tsitsit amènent à la réalisation et l’observance de toutes les mitsvot, comme il est dit (Bamidbar 15:39) : « vous le verrez et vous vous souviendrez de tous les commandements de l’Eternel ». Pour preuve, ils sauvèrent de la débauche un homme qui s’apprêtait à commettre une faute avec une prostituée, en le fouettant au visage (Mena’hot 44a).
La mezouza comme les tsitsit protègent donc l’homme et le gardent afin qu’il puisse se consacrer à la Torah et aux mitsvot, et c’est aussi le pouvoir de la prière de Neïla, dont l’influence s’étend sur toute l’année.
Résumé
•Du verset : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous », nous déduisons que D. nous accorde l’absolution même si nous fautons devant Lui. Ce jour a une influence sur toute l’année et éveille l’homme durablement. Même celui qui a un cœur de pierre s’éveille, éveil qui se prolonge durant l’année, comme indiqué dans la haftara de Yona : « Debout ! Invoque ton D. ». Car c’est justement à un tel moment, celui de la prière de Neïla, qu’il faut se réveiller, se lever, implorer la Miséricorde divine et prier pour toute l’année avant que les portes ne se referment.
•Telle est la spécificité de neïla, mot qui peut être décomposé en na (bouger) plus la valeur numérique du mot adam. Le but est de signifier à l’homme qu’il doit se déplacer pour un endroit de Torah, car celle-ci le protège et lui octroie une bonne vie. On compare par ailleurs Yom Kippour à Pourim, date de réception et d’acceptation renouvelée de la Torah. A Kippour également, il faut recevoir la Torah, non par contrainte mais par amour. De ce fait, on ne récite pas à Roch Hachana ni Yom Kippour de prières particulières pour la santé, car celle-ci dépend de l’homme – s’il ne faute pas, il sera en bonne santé – tandis que la richesse est une donnée dépendant de D., qu’il faut utiliser à bon escient, sans en devenir esclave. A Neïla, on vend le mérite d’ouvrir l’Arche sainte, acte favorable pour obtenir la fortune, qui peut permettre de réaliser bien des mitsvot.
•Cet aspect se retrouve dans la mezouza, terme que l’on peut décomposer en zouz (bouger) et mêm-hé, de valeur numérique quarante-cinq, comme le terme adam (l’homme). Cette allusion se retrouve dans le signe au sang apposé sur les portes des Juifs en Egypte avant la plaie des premiers-nés, sang évoqué par le prophète Ye’hezkel, qui ajoute que les enfants d’Israël étaient alors « nu[s] et dénudé[s] » de mitsvot, qui pouvaient les protéger. Les tsitsit ont également un tel pouvoir protecteur, ainsi que la prière de Neïla, dont l’influence s’étend sur toute l’année.