Humilité et effacement : les bases du Service divin

La sainteté ne s’acquiert que par un travail d’annulation de son ego et d’efforts dans l’étude, dans l’esprit de l’injonction : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Vayikra 19:18), ainsi commentée par Rabbi Akiva : « C’est un principe essentiel de la Torah. » (Yerouchalmi Nedarim 9:4) En d’autres termes, si l’on veut enseigner la Torah à son prochain, il faut faire preuve de beaucoup d’amour envers celui-ci pour qu’il accepte de se soumettre à notre tutelle. Pour parvenir à ce niveau, il est nécessaire de se comporter avec un effacement et une humilité incomparables, à l’instar du modèle préconisé par nos Maîtres : « ne tire pas fierté de son savoir, (…) partage les souffrances de son prochain » (Avot 6:6). A l’élève, réciproquement, il incombe d’effacer sa propre personnalité devant celle de son maître afin de bien en comprendre les enseignements.

Le fait de s’effacer devant l’autre représente un niveau très élevé, comparable à celui décrit dans le verset : « ceux que l’on offense et qui ne rendent pas l’offense, subissent l’affront et ne réagissent pas » (Chabbat 88b ; Guittin 36b). Le fait de rester impassible face aux railleries, sans manifester la moindre colère, constitue le niveau suprême d’humilité, base d’une élévation considérable.

Or, le mois de Nissan, à y regarder de plus près, est caractérisé par une telle aptitude. C’est le mois des miracles (nissim) et « le premier des mois de l’année » (Chemot 12:2). Si l’on ressent les miracles dont bénéficièrent nos pères en ce mois, on pourra ressentir tout au long de l’année les prodiges dont on bénéficie, et recevoir un puissant influx de sainteté venant du Créateur. C’est pourquoi, la mention du souvenir de la sortie d’Egypte est donnée sur le mode impératif – « afin que tu te souviennes, tous les jours de ta vie, du jour où tu as quitté l’Egypte » (Devarim 16:3). C’est ainsi qu’on peut, pendant toute l’année, puiser dans l’éclairage divin et la sainteté qui présidèrent à cet évènement.

Au-delà, il est important de se souvenir de la sortie d’Egypte et de la ressentir jour et nuit, comme il est expliqué : « les jours de ta vie – les jours ; tous les jours de ta vie – les nuits » (Berakhot 12b). Car nous sortons chaque jour d’Egypte – des mains du mauvais penchant. En effet, celui-ci a chaque jour une nouvelle possibilité de nous asservir, mais en se rappelant la sortie d’Egypte, nous avons raison de lui et sortons de la servitude à la liberté et de l’esclavage à la délivrance.

Cela nous permet de comprendre l’injonction de nos Sages (Pessa’him 116b) : « A chaque génération, l’homme a l’obligation de se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte. » Cet impératif, unique en son genre, semble très difficile à réaliser. Comment peut-on nous imposer, à nous qui avons toujours été libres, le ressenti d’un esclave qui a été libéré ? A la lumière de nos explications précédentes, la réponse est claire : en se préparant à l’approche de Pessa’h à travers la recherche du ‘hamets, au prix d’efforts personnels assortis d’une annulation de son ego, on ressent dans une infime mesure la servitude de nos ancêtres. Or, s’ils n’étaient pas sortis d’Egypte, nous-mêmes y serions à ce jour esclaves.

A ce titre, même si la Torah affirme que l’on pourrait se contenter d’une simple annulation du ‘hamets (Pessa’him 4b), nos Maîtres ne se suffirent pas de cette exigence et y ajoutèrent celle d’une véritable recherche, justement afin que l’on ressente ce sentiment de servitude suivi de celui d’élargissement du prisonnier relâché.

Cela doit passer par le souci de l’autre, la solidarité. Ainsi, à l’heure où on débarrasse notre maison des moindres résidus de ‘hamets, on pensera à tous les nécessiteux qui n’ont pas la moindre miette de ‘hamets dont ils pourraient se défaire, outre le fait qu’en sortant d’Egypte, les enfants d’Israël élevèrent avec eux les étincelles de sainteté, et ce, à travers l’aide au prochain. C’est aussi la raison pour laquelle nous récitons chaque année, au début du séder : « Que celui qui a faim vienne et mange », car la délivrance doit passer par la tsedaka, le fait de soutenir et d’assister le pauvre – tant au niveau matériel que spirituel – avec humilité.

La quintessence de Pessa’h passe donc par cette humilité, cet effacement, cette sanctification, cette volonté de se distinguer des goyim, dans l’esprit du verset (Chemot 12:27) : « C’est le sacrifice de Pessa’h en l’honneur de l’Eternel, Qui sauta par-dessus les demeures des enfants d’Israël (…) ». Il frappa les Egyptiens et préserva nos familles. D. enjamba les 60 (samekh) myriades d’Hébreux et tua le pa’h – terme composé des deux autres lettres de Pessa’h –, les Egyptiens, « piège de l’oiseleur, (…) la peste meurtrière » (Tehilim 91:3). A travers les préparatifs de Pessa’h, on doit donc se préparer à ce sauvetage divin, ressentir que D. nous sauve, que « le filet (pa’h) s’est rompu, et nous sommes sains et saufs » (ibid. 124:7).

Une condition toutefois à cela : ne pas sortir du cadre de la Torah et du Judaïsme, en vertu de la mise en garde de Moché Rabbénou aux enfants d’Israël (Chemot 12:22) : « Que pas un d’entre vous ne franchisse alors le seuil de sa demeure, jusqu’au matin ! » Rester « à la maison », c’est, en d’autres termes, ne pas se laisser influencer par les lois de la rue, édictées par les non-juifs, et par leur influence délétère, ne sortir que pour se rendre à la maison d’étude, étudier et prier. A cet égard, un important travail est nécessaire pour garder cette liberté, cette marge de manœuvre.

Comme nous l’avons par ailleurs expliqué, le secret pour se maintenir dans le Judaïsme et acquérir cette sainteté : se comporter avec humilité et étudier la Torah. A cette condition, on bénéficiera de la profusion céleste pour s’élever et se rapprocher du Créateur. On ressentira alors constamment ce sentiment d’élévation propre à la fête de Pessa’h.

Résumé

 •Lors de la fête de Pessa’h, nous avons le commandement de manger des matsot, « pain de misère », ainsi que des herbes amères, qui évoquent l’humilité, précisément à l’heure où chacun se sent comme un prince. Il faut en outre rechercher le ‘hamets et l’éliminer – s’effacer face au Créateur et consommer de la matsa, si difficile à digérer. La Torah et la modestie ne sont certes pas faciles à acquérir, mais si l’on fournit ce travail, on ressentira à Pessa’h un avant-goût du Monde futur. Lorsqu’on trime comme un esclave pour nettoyer sa maison de toute trace de ‘hamets, on ressent dans une certaine mesure la servitude de nos ancêtres en Egypte, ce qui nous permet d’atteindre un niveau d’effacement et d’humilité importants. Tout orgueil effacé, on devient un véritable serviteur de D., se consacrant à l’accomplissement des mitsvot dans un esprit de techouva, condition pour bénéficier de la bénédiction divine.

 •« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ; c’est un principe essentiel de la Torah. » Lorsqu’on étudie avec une autre personne, on doit s’effacer devant lui pour lui transmettre son savoir – la réciproque étant tout aussi vraie. Il faut atteindre le niveau de « ceux que l’on offense mais qui ne répliquent pas », cet effacement devant l’autre permettant certainement, à plus forte raison, de s’effacer devant le Créateur.

 •On touche là à l’essence du mois de Nissan, mois des miracles (nissim), dont nous devons nous souvenir, à l’instar de la sortie d’Egypte, qu’il faut ressentir comme un évènement vécu à titre personnel. Si l’on ressent la servitude dans laquelle se trouvaient nos ancêtres, en se préparant à Pessa’h avec humilité, en recherchant et éliminant le ‘hamets ainsi qu’en pensant à aider l’autre, sans se laisser influencer par les goyim, on méritera d’atteindre la sainteté.

 

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