Trente jours contre l’orgueil

Cette analyse, basée au départ sur un fait réel, nous permettra de répondre à notre première question, concernant les trente jours d’apprentissage préalables à la fête de Pessa’h. Le but est de nous permettre d’arriver à la fête, le 15 Nissan, dans cet idéal d’homme (adam) raffiné dans ses moindres traits de caractère.

En effet, la gaava (« l’orgueil ») a une guematria de 15, comme la date de cette fête. Or, si l’on ajoute 30 à ce nombre, on obtient la guematria du mot adam ! Cela met en exergue le fait que, pendant ce laps de temps de Pourim à Pessa’h, il nous est donné une possibilité unique d’annuler toute trace d’orgueil, de « ‘hamets » (cf. Berakhot 17a). On peut ainsi arriver à Pessa’h dans un esprit d’effacement, à l’image de la matsa, si humblement plate. C’est aussi l’occasion de changer la nature de notre sang, d’éviter qu’il ne soit trop « chaud » et bouillonnant pour les envies de ce monde, et qu’il ne fasse preuve de cette chaleur que pour le Service divin.

C’est pourquoi nos Sages expliquent qu’au cours du Chabbat Hagadol, les Hébreux attachèrent l’agneau, idole des Egyptiens, au pied de leurs lits, aux yeux de ceux-ci (Zohar III 251b), tout autant médusés que muets. Cela constituait une allusion à la nécessité d’être attaché au Tout-Puissant, allusion communiquée précisément par cette bête cachère destinée à être sacrifiée, qui se soumet à l’abattage avec une humilité dont nous devons nous inspirer.

Le nom du Chabbat précédant Pessa’h – Chabbat Hagadol – traduit cette grandeur acquise par les enfants d’Israël, qui annulèrent leur ego devant le Créateur, atteignant ainsi la véritable humilité. Lorsqu’arriva la nuit de Pessa’h, où la mort des premiers-nés était prévue, et que D ; vit le sang de l’agneau badigeonné sur les linteaux et les montants des portes des maisons juives, Il en conclut que les Hébreux se comportaient avec humilité en cela qu’ils Lui avaient inféodé le sang – toute leur impétuosité – ; c’est pourquoi Il « sauta » par-dessus leurs demeures.

C’est également pourquoi, de toutes les appellations de la fête, c’est celle de Pessa’h qui est privilégiée, en rappel de ce saut (passa’h) du Créateur comme conséquence de la modestie des enfants d’Israël, base et préparation au don de la Torah le 6 Sivan.

Le linteau, à travers sa position élevée, évoque d’ailleurs l’orgueil. En répandant le sang de l’agneau sur celui-ci, les enfants d’Israël démontrèrent qu’ils inféodaient tout sentiment d’orgueil au Créateur, privilégiant dans leur comportement une humilité de bon aloi. En outre, la mezouza, sur laquelle est inscrit le Nom divin, représente notre lien au Créateur.

Ceci nous permet également de comprendre pourquoi nous mangeons de la matsa à Pessa’h, à l’exclusion de tout ‘hamets, nourriture « gonflée » qui symbolise l’orgueil. Du fait qu’en Egypte, les Hébreux étaient plongés dans les quarante-neuf degrés d’impureté (Zohar ‘Hadach Yitro 39a), le Créateur voulait qu’ils se repentent et reviennent à un état d’esprit humble, et c’est pourquoi Il leur ordonna cette consommation.

A présent, le fait que les enfants d’Israël se soient abstenus de préparer des victuailles prend tout son sens. Pris de modestie, ils avaient annulé tout leur être, toute leur essence devant le Créateur. Celui-ci ne leur ayant pas ordonné de préparer des victuailles, ils sortirent sans provision, armés d’une foi pure, de modestie et d’un effacement absolu devant le Créateur – comportement dont l’Eternel leur gardera souvenir, comme l’évoque le prophète : « Ainsi parle l’Eternel : Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu Me suivais dans le désert, dans une région inculte. » (Yirmyahou 2:2)

Au-delà, les enfants d’Israël prirent bien note de ce qu’il leur était permis ou non de consommer à Pessa’h, prescriptions qu’ils acceptèrent sans rien y redire, avec une humilité parfaite. En outre, bien qu’ils fussent alors, pour reprendre les termes du verset, dans l’étape appelée « ’hessed néourayikh » – traduit ici par « l’affection de ta jeunesse » –, terme pouvant être rapproché de « ménouarim », en allusion à leur état de dénuement en mitsvot, D. leur en donna deux – le sang du sacrifice pascal et de la mila (Mekhilta Bo 12:6), qui leur donnèrent le mérite d’être délivrés d’Egypte.

Or, et c’est là qu’intervient la notion d’aliments non-cachère, ce n’est que si l’on mange cachère que l’on peut mériter cela. L’importance de ce point apparaît clairement dans la Parachat Chemini, où est rapportée la section concernant les aliments non-cachère. L’huile évoque ce qui est gras, et donc l’orgueil, afin d’apprendre à tout homme à se placer au niveau de chemini (litt. « huit »), dimension au-delà de la nature, à cultiver une sainteté et une pureté exceptionnelles en se tenant à l’écart du chémen, de toutes les « graisses interdites » et autres, qui maculent son cœur et son cerveau.

Tout homme doit donc se sanctifier et se purifier même dans ce qui lui est permis (cf. Yevamot 20a), prendre notamment extrêmement garde à la nourriture qu’il ingère, et il atteindra alors la dimension du chemini – le niveau du chiffre huit et l’orgueil au seul service du Créateur (cf. Divré Hayamim II 17:6).

Voilà pourquoi la section concernant les aliments interdits se trouve dans la paracha de Chemini, afin d’évoquer la pureté et la sainteté qu’apporte une alimentation cachère, qui permet d’accéder à la crainte du Ciel et d’acquérir la Torah.

Résumé

 •Pourquoi doit-on commencer à se pencher sur les lois de Pessa’h trente jours avant la fête ? Pourquoi le Chabbat précédant Pessa’h est-il appelé Chabbat Hagadol ? Pourquoi la fête de Pessa’h est-elle généralement appelée sous ce nom, au détriment de ses autres appellations ? Pourquoi les enfants d’Israël ne préparèrent-ils aucune provision avant de sortir d’Egypte, bien que leur sortie ait été programmée pour le 15 Nissan ?

 •L’anecdote de ma rencontre avec un Juif mangeant non-cachère dans un avion illustre remarquablement la réponse à ces différentes questions. Lorsque j’entamai la conversation avec cet homme, il m’expliqua qu’il mettait chaque matin les tefillin et mangeait cachère chez lui. J’ai alors été amené à lui expliquer que les aliments interdits à la consommation bouchent le cœur et l’esprit et que, s’il avait eu honte de son comportement lorsqu’il avait su mon identité, il devait réaliser que D., présent partout, voyait ses fautes, et aspire à ce que nous nous rapprochions de Lui en ne consommant que des mets permis.

 •Une des raisons essentielles qui présida à la Volonté du Créateur de nous permettre uniquement la consommation d’aliments cachère est de nous donner, par l’exemple de l’animal qui se rend à l’abattoir avec joie, une belle leçon d’humilité et d’effacement devant Lui. C’est pourquoi, il est interdit de consommer du sang, mot dont la valeur numérique équivaut à trois fois celle du Nom Y-a ou du mot gaava (« orgueil »). Ce sentiment doit être totalement inféodé au Créateur, à Qui il sied. Les termes ich et icha renferment tous deux le Nom divin. S’ils ne cohabitent pas dans une parfaite harmonie, les lettres youd et hé disparaissent, la Présence divine s’efface et il ne reste qu’un feu dévorant (ech). De même, celui qui ne consomme que de la nourriture cachère échappe aux vices tels que l’orgueil, la jalousie et la colère ; il y gagne au contraire humilité et effacement devant le Créateur.

 •La raison des trente jours préalables d’étude s’éclaire à présent : en effet, si l’on additionne ce nombre à la date de Pessa’h (15 Nissan), on obtient 45, valeur numérique d’adam (« homme ») – trois fois celle du terme gaava. La période s’étalant de la fête de Pourim jusqu’à Pessa’h est le moment approprié pour annuler son orgueil et parvenir à l’humilité. C’est pourquoi, à Pessa’h, nous mangeons de la matsa, pain dont la finesse évoque la modestie. C’est aussi la raison pour laquelle les Hébreux reçurent l’ordre de lier l’agneau au pied de leurs lits, se liant ainsi au Créateur et apprenant de cet animal la vertu de modestie, se traduisant par sa soumission lors de l’abattage. Enfin, le sang étalé sur les linteaux évoquait l’importance de la modestie, qualité qui caractérisait leur soumission absolue au Créateur.

 •S’empressant de suivre leur Créateur même dans des conditions paraissant hostiles, les enfants d’Israël ne préparèrent pas de provisions – ce qui ne leur avait pas été demandé. Sans poser de questions, ils firent preuve d’une grande foi et d’humilité, ne mangeant à Pessa’h que les matsot, selon la Volonté divine. Voilà pourquoi le passage concernant les aliments interdits se trouve dans la section de Chemini, afin de rappeler l’importance de se comporter dans l’esprit du chiffre huit (chemoné), au-delà de la nature et non avec orgueil, défaut qu’évoque l’huile (chémen). En mangeant le korban Pessa’h et la matsa, aliments saints, les Hébreux allaient au contraire se sanctifier et pouvoir acquérir humilité, effacement, sainteté, Torah et crainte du Ciel.

 

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