Le Chofar : abnégation de l’homme, impuissance du Satan

Dans les Psaumes, nos Maîtres lisent une allusion à Roch Hachana (Tehilim 81:4-5) : « Sonnez le Chofar à la nouvelle lune, au jour fixé (bakéssé) pour notre solennité, car c’est une loi pour Israël, un jugement pour le D. de Yaakov. » C’est ce qu’ils expliquent dans la Guemara (Roch Hachana 8b) : « une fête dans laquelle le mois passe inaperçu (mitkhassé) », par analogie avec le terme bakéssé. En outre, la notion de jugement y est clairement évoquée.

Pourquoi n’est-ce pas aussi le cas dans la Torah ? La réponse tient dans le problème soulevé par nos Maîtres (ibid. 16b) : « Pourquoi sonne-t-on (…) ? Afin de perturber le Satan, « pour que, comme le note Rachi, il n’accuse pas ; lorsqu’il entendra combien Israël apprécie les mitsvot, ses paroles seront bloquées. »

Dès lors, on comprend l’omission volontaire et bienveillante de cet aspect dans la Torah : le but est de prendre le Satan par surprise au cours de ce grand jour, afin qu’il ne puisse critiquer le peuple juif.

Dans le Livre saint, il est donc écrit qu’il s’agit d’un jour de joie et de sonnerie (Bamidbar 10:10) : « Et au jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes (…) », les différents sacrifices à apporter sont mis en exergue (ibid. 29:1-6). Par ailleurs, comme nous l’avons vu, dans les Psaumes, cette célébration est mentionnée en tant que « jour fixé pour notre solennité » (bakéssé leyom ‘haguénou), jour où tout est couvert (mekhoussé), dissimulé, pour échapper à l’emprise du mauvais penchant. Aussi l’aspect du jugement est-il dissimulé, afin que le mauvais penchant ne puisse plus nous accuser.

Médusé, celui-ci constate la joie des enfants d’Israël en ce jour, outre leur accoutrement blanc, qui les fait ressembler à des anges (Tour Ora’h ‘Haïm 581) au point qu’ils l’effraient. De plus, cette couleur évoque aussi le pardon des fautes, dans l’esprit du verset (Yechayahou 1:18) : « Vos péchés fussent-ils comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme neige ». La rémission divine est bien sûr source d’une grande joie.

Dès lors, le Satan ne peut plus rappeler nos fautes et nous accuser, car ce n’est que lorsque l’on les rappelle qu’il peut surgir pour accuser, à l’improviste. De ce fait, Roch Hachana est hors de son atteinte, d’autant plus que les sonneries du Chofar le perturbent.

Cela dit, pourquoi Yom Kippour – et son objectif – est-il explicitement mentionné dans la Torah, comme suit (Vayikra 23:28) : « car c’est un jour d’expiation, destiné à vous réhabiliter devant l’Eternel votre D. ». Le cas échéant, le Satan pourrait, que D. préserve, se préparer pendant dix jours, élaborer son accusation tranquillement, à l’approche de ce jour de pardon et d’absolution, où le jugement de Roch Hachana est scellé, jour qui, par essence, apporte l’expiation (cf. Hilkhot Techouva 1:3), comme il est dit (Vayikra 16:30) : « Car en ce jour, on fera propitiation sur vous ». Yom Kippour n’aurait-il pas dû apparaître lui aussi seulement sous forme allusive ?

Une autre question se pose quant à l’obligation de sonner du Chofar à partir d’une corne de bélier (cf. Roch Hachana 16a), afin de rappeler le sacrifice de Yits’hak. Le fait d’émettre un son à partir de la corne de cette bête, expliquent nos Maîtres, évoque ce souvenir devant D., Qui considère cet acte comme si nous nous étions personnellement sacrifiés devant Lui.

Pourtant, tout est dévoilé devant D., et Le concernant, il ne peut être question d’oubli. Dès lors, pourquoi faut-il rappeler cet évènement ? D. S’en rappelle certainement quotidiennement ; en outre, Il peut éliminer le Satan qui cherche à nous accuser par Lui-même, le chasser loin de Sa Présence, sans notre intervention. De plus, c’est tout au long de l’année que nous devrions craindre « les bâtons dans les roues » de la techouva que nous met le Satan, du fait qu’on n’y sonne pas de Chofar. Est-ce à dire qu’il n’est possible de se repentir qu’à Roch Hachana, puisqu’alors on sonne du Chofar ?

Comme nous le savons, le principal ferment de la faute est le manque d’investissement et d’assiduité dans l’étude, ainsi que le manque d’abnégation dans l’accomplissement des mitsvot. Car seul celui qui sert D. avec abnégation montre ainsi son amour pour Lui.

De ce fait, nos Sages ont instauré les cent sonneries de Chofar à Roch Hachana, au cours de ce jour de repentir, cette « épreuve de force » demandant un grand dévouement. En effet, celui qui sonne du Chofar de tout son souffle, les cent sonneries, manque de s’étouffer. Ces sons font pendant aux cent bénédictions qu’il est de notre devoir de réciter quotidiennement – ce dont nous ne nous acquittons pas toujours avec dévouement. Plus largement, ils correspondent à l’ensemble des mitsvot quotidiennes, souvent accomplies sans cœur ni entrain. Les sonneries du Chofar, demandant un grand don de soi, permettent donc de réparer ces mitsvot – le fait de s’époumoner pour elles constituent presque, pour ainsi dire, un sacrifice de sa vie.

Le Likouté Moharan revient longuement sur le fait que l’homme, dans son repentir, pousse un soupir, coupure du souffle représentant une forme de mort et de sacrifice.

D’après cet éclairage, nous comprenons parfaitement pourquoi le Saint béni soit-Il nous a ordonné, à Roch Hachana, d’évoquer le souvenir du ligotage de Yits’hak : le but est que les sonneries du Chofar soient imprégnées du même esprit de sacrifice que celui qui animait Yits’hak lorsqu’il s’est laissé ligoter sur l’autel par son père, dans une abnégation parfaite, prêt à faire le don de sa vie pour D. En sonnant du Chofar et en évoquant le geste de Yits’hak, l’homme s’emplit d’une volonté intense d’améliorer ses actes et de les placer sous le sceau de l’abnégation.

Pour cette raison, à Roch Hachana, tout de blanc vêtus, nous nous réjouissons, en allusion au fait que toutes les mitsvot doivent être accomplies dans la joie, la pureté (idée du blanc), et sans la moindre trace de tristesse, ce sentiment négatif conditionnant l’absence de dévouement dans le Service divin.

A présent, nous pouvons comprendre pourquoi la Torah évoque sans détours le caractère expiatoire de Yom Kippour. Car si l’homme sert D. avec dévouement et joie, dans un esprit de repentir profond, lorsqu’arrive Yom Kippour, il n’aura pas besoin de s’inquiéter : le Satan ne pourra pas l’accuser en ce jour d’expiation (Yoma 29a ; Chir Hachirim Rabba 1:15).

A présent, revenons sur les raisons pour lesquelles Roch Hachana a été institué comme jour de prière, d’élévation et de réparation des fautes vis-à-vis de D. et vis-à-vis du prochain, consacré à l’accomplissement des mitsvot dans la joie et le dévouement, et lors duquel nous chassons le mauvais penchant.

En ce jour, nous lisons les versets dits de malkhouyot, proclamant ainsi la Royauté divine (cf. Roch Hachana 16a, 34b). Même si un homme péchait en ce jour, ce serait après avoir proclamé sa soumission au Roi du monde, avec amour, joie et abnégation, à l’instar de Yits’hak lors de son quasi-sacrifice.

Ainsi, la techouva et les bonnes résolutions qui animent l’homme à Roch Hachana ont un impact sur tout le reste de l’année. Au cours de celle-ci, si le Satan viendra parfois jouer les trouble-fêtes, tentant d’entraver sa démarche de repentir, il ne pourra cependant l’empêcher complètement. Voilà une grande bonté du Créateur, Qui nous montre, à travers la sonnerie du Chofar de ce jour saint, comment revenir à Lui et surmonter le mauvais penchant tout au long de l’année.

Cela nous permet également de comprendre pourquoi on ne sonne du Chofar qu’à Roch Hachana. En effet, ce jour apporte la réparation des berakhot et des mitsvot de toute l’année, et perturbe le Satan aussi bien en ce jour que le long de celle-ci, l’empêchant de lancer la moindre accusation.

L’homme doit toutefois prendre garde de ne pas « tendre de perche » au mauvais penchant, en faisant des faux pas, des fautes. Si toutefois faute il y a, il jouit de l’opportunité de se repentir par le pouvoir des sonneries de Roch Hachana.

Tel est d’ailleurs le sens de l’affirmation (Bamidbar 10:10) : « Et au jour de votre joie, dans vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes (…) ; elles seront pour vous un souvenir devant votre D. Je suis l’Eternel votre D. ». Tout au long de l’année, l’homme doit garder le souvenir des sonneries entendues à Roch Hachana, souvenir si puissant qu’il peut embrouiller le Satan même durant l’ensemble de l’année.

D. fait donc preuve d’une infinie bonté envers Ses créatures, qu’Il aspire à combler de Ses bienfaits. Il a donc organisé le jour de Roch Hachana de telle sorte que l’homme puisse s’y repentir complètement sans être dérangé par le Satan et que cet élan l’entraîne à être proche de Lui et de Son service tout au long de l’année.

Résumé

 •Dans la Torah, le jugement de Roch Hachana est passé sous silence pour ne pas alerter le Satan, qui ne peut y accuser les enfants d’Israël et perd tous ses moyens lorsqu’il entend le Chofar. L’Eternel nous demande d’apporter des sacrifices en ce jour et de s’habiller en blanc, allusion à l’absolution des fautes, face à un mauvais penchant devenu impuissant. En outre, nous sonnons à partir d’une corne de bélier pour rappeler le sacrifice de Yits’hak. Quel est le rapport avec Roch Hachana ?

 •La faute provient essentiellement du manque de dévouement dans l’accomplissement de la Torah et des mitsvot. Or, de par l’intense effort de souffle qu’elles exigent de la part de celui qui s’en charge, les cent sonneries du Chofar représentent un acte d’abnégation extrême, réparant ainsi les cent berakhot quotidiennes et, plus largement, toute mitsva réalisée sans ferveur. A ce titre, la corne de bélier nous rappelle le don de soi de Yits’hak. Ce souvenir a le pouvoir d’effacer toute tristesse, ferment de la faute.

 •Aussi Roch Hachana est-il un jour de prière, d’élévation et de travail sur soi, jour de couronnement du Créateur. Cela posé, même si l’on commet une faute par la suite, la soumission à Son règne et notre démonstration de force face au Satan, impuissant, caractéristiques de ce jour, marquent de leur sceau toute l’année, et nous n’avons donc pas lieu de craindre cet adversaire. Par les sonneries du Chofar propres à ce jour, nous est offerte l’opportunité de nous rapprocher constamment de D., ce jour représentant donc un grand bienfait de Sa part.

 

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