L’unité, vecteur des prières

Au jour de sa mort, Moché Rabbénou s’adresse aux enfants d’Israël, auxquels il semble demander l’union : « Vous vous tenez tous aujourd’hui » (Devarim 29:9). De quel jour s’agit-il ? En outre, les hommes peuvent tous se tenir debout, en une apparente unité ne reflétant pas la réalité.

Lors du dernier jour de sa vie – « aujourd’hui » –, tout homme, y compris Moché Rabbénou, est jugé. A cette occasion, ce dernier insiste sur l’importance d’une union sincère et totale entre tous les enfants d’Israël.

Tel est le sens des mots : « vous vous tenez – atem nitsavim », le pronom personnel atem étant composé, en hébreu, des mêmes lettres que le mot émeth (vérité). En d’autres termes, ce que Moché Rabbénou demande aux enfants d’Israël, c’est de se tenir dans une unité parfaite et réelle, « car la chose est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour pouvoir l’observer » (ibid. 30:14).

Le jour évoqué (« aujourd’hui ») dans le verset est comparable à Roch Hachana, jour de jugement pour le monde entier. Si l’on ne craint pas ce jugement, comment peut-on se tenir dans l’unité devant le Saint béni soit-Il ?

L’unité est fondamentale à Roch Hachana pour s’élever et obtenir une bonne et douce année. Au sujet du jugement lui-même, nos Sages expliquent (Roch Hachana 18a) que les hommes défilent un à un devant le Créateur comme les bêtes d’un troupeau, lesquelles, explique Rachi, défilent à travers une ouverture étroite, de sorte qu’on puisse systématiquement en prélever le maasser (un animal sur dix). De même, les hommes passent un à un en jugement.

Pourtant, nos Maîtres affirment par ailleurs que « tous sont scrutés en un seul coup d’œil », ce qui laisse à penser que tous passent simultanément en jugement. Comment comprendre cette apparente contradiction ?

La réponse se trouve en vérité dans le verset cité en préambule, à travers un principe essentiel que l’on retrouve au sujet du don de la Torah : celle-ci ne fut donnée au peuple juif que lorsque celui-ci fut véritablement uni, « comme un seul homme doté d’un seul cœur » (Mekhilta Yitro 19:2). Pourtant, après que les enfants d’Israël eurent donné la preuve de leur unité, D. leur renversa la montagne sur la tête, comme une coupole (Chabbat 88a). Pourquoi était-ce nécessaire en un moment où l’union prévalait ?

Cet évènement vient nous prouver qu’une union superficielle et hypocrite, « du bout des lèvres », un amour de l’autre « à distance », ne suffit pas. Il faut véritablement arriver à former « un seul homme, doté d’un seul cœur », être lié l’un à l’autre, et c’est cet objectif d’union absolue que visait le retournement de la montagne au-dessus des enfants d’Israël.

De même, au jour du jugement, lorsque le Très-Haut aspire à l’unité de Ses enfants, à l’image de celle régnant dans un troupeau de moutons, Il les fait passer tour à tour à travers une ouverture si étroite que chacun est en contact avec l’autre, ce qui permet d’établir entre eux une unité réelle et absolue. Grâce à cette union et à l’étroitesse du lien qui les lie, les enfants d’Israël peuvent être tous jugés « en un seul coup d’œil » et mériter une bonne année.

Il faut comprendre en ce sens le verset (Tehilim 89:16) : « Heureux le peuple qui connaît la sonnerie (…) ! » « Heureux le peuple qui sait susciter le passage du Créateur, à travers la sonnerie [du Chofar], du trône de Rigueur à celui de Miséricorde ! » commentent nos Maîtres (Vayikra Rabba 23:3).

Peut-on vraiment comprendre le verset des Psaumes dans son sens littéral ? Tout le peuple juif sait-il sonner du Chofar, quand l’ensemble des non-juifs ignore cet art ? demande le Midrach précité. La réponse réside dans le principe de rassemblement dans l’union, propre à notre peuple, principe dont Moché Rabbénou, suite à D., nous révéla l’importance le jour de sa mort, ce père de tous les prophètes qui vibrait d’un amour profond pour chaque Juif, déjà né ou destiné à naître plus tard. Si les non-juifs sont capables de se rassembler pour sonner de la trompette, ils ne sont pas unis et leur rassemblement ne vise qu’à « faire du bruit » et à nuire.

Il est donc parfaitement justifié de dire : « Heureux le peuple qui connaît la sonnerie ! » Même si seul un délégué sonne du Chofar pour ses frères, c’est comme si tous savaient le faire, car, à travers l’unité, tous sont liés. Par le pouvoir de cette unité, les enfants d’Israël peuvent donc faire passer le Créateur de Son trône de rigueur à celui de Miséricorde, ce dont ne sont pas capables les autres nations.

On notera d’ailleurs que la conjonction : « qui connaît la sonnerie » (yodé teroua) a, en hébreu, une valeur numérique identique à la locution : a’hdout beboré olam (« l’unité dans le Créateur du monde »), car seul le peuple juif a ce sentiment d’unité.

Même un prophète des nations tel que Bilam ne peut que le constater, lorsqu’il dresse le portrait d’un « peuple » (Bamidbar 23:9), conscient de l’unité et de la Présence divine qui règnent au sein des enfants d’Israël. Cette union permet l’acceptation des prières, comme le prouve cet aphorisme de nos Sages : « La prière doit être le fait des justes, des individus moyens et des impies ». Lorsque ces trois composantes du peuple juif prient, la prière du tsaddik, s’élevant en dernier, pousse toutes les autres vers le haut, et toutes ces prières, réunies, montent au ciel.

Résumé

 •Moché Rabbénou dit aux enfants d’Israël : « Vous vous tenez tous aujourd’hui », leur enseignant la voie de l’élévation et du rapprochement de D. Lorsque les enfants d’Israël se tiennent dans une unité parfaite et réelle (atem – vous – et émeth – la vérité – sont composés des mêmes lettres), à Roch Hachana (« aujourd’hui »), ils méritent une bonne année. Au cours du jugement, il est écrit qu’ils défilent comme les brebis d’un troupeau, mais par ailleurs, on peut lire qu’ils sont tous scrutés en un seul coup d’œil divin. Comment concilier ces deux aspects ? De même qu’au mont Sinaï, tous les enfants d’Israël étaient unis, unité qu’est venue renverser le retournement de la montagne, à Roch Hachana, lorsque les enfants d’Israël sont unis, ils défilent collés l’un à l’autre et, ne formant qu’un, ils sont jugés « en un seul coup d’œil », méritant ainsi une bonne et douce année.

 •Tel est le sens du verset : « Heureux le peuple qui connaît la sonnerie », peuple qui, nous explique-t-on, parvient à « déplacer » le Créateur, au son du Chofar, du trône de rigueur à celui de miséricorde. Comment y parviennent-ils ? Par l’union, dont les nations du monde sont incapables. Même si un seul d’entre nous sait sonner du Chofar, on considère à juste titre que tous savent le faire, du fait de l’unité qui nous lie l’un à l’autre. Cette unité permet aux prières d’être exaucées et à nous d’être inscrits et scellés pour une bonne année.

 

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