Trois jours de restriction et de sanctification

Il est écrit : « Et l’Eternel dit à Moché : “Rends-toi près du peuple ; enjoins-leur de se tenir purs aujourd’hui et demain” » (Chemot 19:10). Par ces mots, le Saint béni soit-Il exprima Son ordre, adressé aux enfants d’Israël, de se séparer de leur femme durant deux jours. Or, nous trouvons que lorsque Moché leur transmet cette directive, il dit : « Tenez-vous prêts pour le troisième jour » (ibid. 19:15), et nos Maîtres d’interpréter (Rachi ad loc.) : « A la fin du troisième jour, c’est-à-dire le quatrième, car Moché, de son propre mouvement, a ajouté un jour supplémentaire, comme l’enseigne Rabbi Yossi (Chabbat 87a). »

Comment se fait-il que Moché ait estimé que deux jours de sanctification ne suffisaient pas aux enfants d’Israël et ait surenchéri l’ordre divin en y ajoutant un jour ?

Nos Sages nous enseignent (Sota 13b) : « Une mitsva n’est attribuée qu’à celui qui l’achève. » C’est en effet en cela que réside toute la difficulté, du fait que, plus l’homme progresse vers l’achèvement de la mitsva, plus le mauvais penchant tente de l’en empêcher. Si cet esprit rusé constate qu’il ne parviendra pas à lui barrer la route, il s’attaque alors à l’homme d’une autre manière, en essayant, tout au moins, de porter atteinte aux sentiments éprouvés lors de son exécution, refroidissant sa joie, son amour et sa dévotion pour la mitsva, ou introduisant en son cœur de la fierté.

Aussi, l’homme doit-il être conscient que, plus il s’approche de l’achèvement d’une mitsva, plus il lui incombe de se montrer prudent et de garder ses distances avec le mauvais penchant. Il pourra le faire en raffermissant son lien avec son Créateur et avec les quarante-huit qualités par lesquelles on peut acquérir la Torah (Avot 6:6). De cette manière, la mitsva qu’il s’apprête à exécuter sera liée à l’ensemble de la Torah et pourra ainsi être accomplie dans la perfection et pour la sanctification du Nom divin.

Après avoir compté quarante-sept jours de l’Omer et corrigé les acquis leur correspondant, les enfants d’Israël parvinrent au niveau de rois. Le terme lakhem de l’injonction : « vous compterez pour vous (lakhem) » (Vayikra 23:15), est en effet composé des mêmes lettres que le mot mélekh, signifiant roi. Or, comme nous l’enseignent nos Sages (Pessa’him 110a ; Baba Batra 100b), « les droits du roi dépassent le cadre de la loi ». Aussi, par la supputation de l’Omer, ils s’élevèrent au niveau du roi et surent maîtriser leur penchant, conformément à l’enseignement : « Quel est l’homme fort ? Celui qui maîtrise ses pulsions. » (Avot 4:1) A ce point, ils avaient donc abouti à une perfection presque totale de leurs traits de caractère.

Cependant, il subsistait encore un grand risque que le mauvais penchant tente, justement à cette étape critique, de les empêcher de recevoir la Torah, en cultivant en eux des désirs personnels, s’appuyant sur cette vérité ainsi formulée par nos Sages : « L’homme possède un petit membre qui sera rassasié s’il le laisse affamé et qui restera affamé s’il le rassasie. » (Soucca 52b) Même par la force majeure, ils auraient pu tomber dans ce travers.

C’est pourquoi le Saint béni soit-Il les a limités dans ce domaine durant quarante-huit heures, nombre qui fait pendant au cerveau, moa’h (de cette valeur numérique), qui commande l’émission de semence, ainsi qu’aux quarante-huit qualités par lesquelles la Torah peut être acquise. Il s’agissait donc de placer une barrière entre eux et tout ce qui a trait aux plaisirs de ce monde. Car le Satan accuse tout particulièrement à l’heure du danger (Tan’houma Vayigach 1). Il convient donc de se montrer très prudent même dans ce qui nous est permis, où l’on doit veiller à la pureté de nos sentiments et éviter de se livrer à un plaisir pour une autre cause que la cause divine.

Quant à Moché, il ajouta, de sa propre initiative, un jour supplémentaire aux deux jours de restriction imposés par Dieu, ordonnant aux enfants d’Israël de se sanctifier durant soixante-douze heures. Ce nombre correspond à la valeur numérique d’un des Noms divins ainsi qu’au terme ‘hessed, bonté (Zohar III 276b). Il désirait ainsi les lier à l’Eternel, miséricordieux, toujours prêt à passer outre nos péchés, en vertu de Ses treize attributs de Miséricorde (cf. Chemot 34:6). De cette manière, tous les membres du peuple juif seraient saints et semblables à leur Créateur (cf. Chabbat 133b), qui, dans Sa grande bonté, les a délivrés d’Egypte et leur a donné la Torah – même si, à l’instant où ils entendirent la voix divine, leur âme les quitta, le Saint béni soit-Il la leur restitua aussitôt, les ressuscitant (Chabbat 88b).

L’initiative prise par Moché d’ajouter un jour de sanctification aux deux fixés par Dieu, peut également être expliquée en regard des femmes qui, par cette mesure, purent elles aussi, de manière certaine (cf. Rachi Chemot 19:5), être pures au moment où le Tout-Puissant s’adressa à elles – en vertu de l’enseignement de nos Maîtres (Chemot Rabba 28:2) selon lequel l’expression : « Adresse ce discours à la maison de Jacob » (Chemot 19:3), fait allusion aux femmes, elles aussi sujettes à la parole divine. Ceci permit donc aussi bien aux femmes de purifier leur corps avant le don de la Torah, qu’aux hommes de purifier leur esprit – moa’h – avant cet événement. Or, cette limitation supplémentaire renforça en leur faveur le flux de bénédiction, de bonté et de promesses divines, l’Eternel Se souvenant à jamais de ce remarquable effort, conforme à cette directive de nos Sages : « Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis. » (Yevamot 20a)

Résumé

 •Dieu ordonna aux enfants d’Israël de se sanctifier pendant deux jours avant le don de la Torah, alors que Moché leur transmit d’adopter cette conduite durant trois jours. Quel est le sens de cet ajout ?

 •L’attaque du mauvais penchant est particulièrement virulente lorsque l’homme s’approche de l’achèvement d’une mitsva. Aussi, après que Ses enfants se furent déjà élevés pendant quarante-sept jours, l’Eternel désirait les protéger du grand risque de rechuter par des désirs impurs, d’où le but des quarante-huit heures de sanctification imposées, visant à assurer la pureté de leur esprit (moa’h), à l’origine de l’émission de semence.

 •Mais Moché jugea nécessaire que le peuple juif se sanctifie durant trois jours, soixante-douze heures, correspondant numériquement au Nom divin de Miséricorde, de sorte à être lié à cet attribut. Son intention était aussi de permettre aux femmes, auxquelles la parole divine devait également être adressée, de se purifier avant le don de la Torah.

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