Le lien étroit entre la Torah et le Chabbat

Dans la Guemara (Zeva’him 116a), nous pouvons lire les lignes suivantes : « Il possède un bien précieux parmi Ses trésors, qu’Il garde auprès de Lui depuis neuf cent soixante-quatorze générations, avant la création du monde, et Il veut à présent le céder à Ses enfants, comme il est dit : “L’Eternel donne la force à Son peuple” (Tehilim 29:10) ?! » Comme le commente Rachi, le terme « force » se réfère en effet à la Torah, force du peuple juif. Ceci corrobore l’interprétation qu’il donne du verset : « Quand tu auras fait sortir ce peuple de l’Egypte, vous adorerez le Seigneur sur cette montagne même » (Chemot 3:12) : « Sur cette montagne, vous recevrez la Torah, et c’est ce qui a tenu lieu de mérite pour le peuple juif. »

Néanmoins, nous trouvons dans les écrits de nos Maîtres (Betsa 16a) un autre enseignement qui semble en contradiction avec celui précité : « Le Saint béni soit-Il dit à Moché : “Moché, J’ai un précieux cadeau dans Mon coffre-fort ; il s’agit du Chabbat, et J’aimerais en faire don au peuple juif. Va donc l’en informer !”  »

À priori, ceci demande à être éclairci : est-il question de deux trésors distincts que le Créateur possédait à Ses côtés et désira offrir à Ses enfants ? Pourtant, le Chabbat n’est-il pas inclus dans la Torah, aussi pourquoi est-il désigné comme un cadeau à part entière ? D’un autre côté, si l’on considère que le Chabbat n’est pas inclus dans le trésor que représente la Torah, comment comprendre que lorsque les anges voulurent faire opposition au don du trésor divin aux enfants d’Israël, ils n’évoquèrent qu’un seul trésor et non deux ? Il est impossible d’envisager qu’ils ignoraient l’existence d’un deuxième bien chéri par D. Si l’on suppose qu’ils en étaient conscients, mais ne s’opposèrent pas à son don au peuple juif, il faut en expliquer la raison et comprendre pourquoi leur position fut différente de celle qu’ils adoptèrent vis-à-vis du don de la Torah.

De fait, le Saint béni soit-Il savait que les enfants d’Israël s’engageraient à accepter la Torah en disant : « nous ferons et nous comprendrons » (Chemot 24:7), du fait que, parcelle divine supérieure (Zohar II 96b), ils sont « Son peuple et Son héritage » (Tehilim 94:14). Il savait également qu’au cours des générations, il y aurait de nombreux justes qui accompliraient avec méticulosité la Torah orale comme écrite. Par ailleurs, il est évident que le Chabbat, comme les mitsvot qui lui sont relatives, est inclus dans la Torah, mais l’Eternel désirait toutefois le présenter comme un trésor à part entière, afin de nous enseigner qu’il équivaut à toutes les autres mitsvot de la Torah réunies (Yerouchalmi Berakhot 1:2 ; Chemot Rabba 25:16). Notons, à cet égard, que si certaines mitsvot doivent être accomplies en semaine, d’autres ne peuvent l’être que le Chabbat. Enfin, il existe des mitsvot dont l’exécution dépend de l’endroit où on se trouve et qu’on n’a donc pas toujours la possibilité d’accomplir, que ce soit la semaine ou le Chabbat.

C’est pourquoi le Saint béni soit-Il dit à Moché qu’Il possédait un précieux trésor nommé « Chabbat », lui demandant d’informer les enfants d’Israël de Sa décision de le leur céder. Il désirait ainsi lui signifier, ainsi qu’au peuple juif, que bien que le Chabbat soit inclus dans l’ensemble des mitsvot de la Torah, celui qui observe ce jour saint sera considéré comme ayant observé la totalité de celles-ci, y compris celles qu’il n’a pas la possibilité d’accomplir. La primauté du Chabbat est telle que nos Sages vont jusqu’à dire (Chabbat 118b) que celui qui le respecte conformément à ses lois, même s’il a servi l’idolâtrie, on le lui pardonnera. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’il soit désigné comme un cadeau en soi.

Afin d’éclaircir cette idée, illustrons-la par la parabole suivante. Il était une fois un roi très vaillant, qui parvenait seul à sortir gagnant de toutes les guerres, prenant le dessus sur de puissantes et nombreuses armées ennemies, faisant tomber comme des mouches leurs milliers de soldats. Il gérait également son royaume de manière irréprochable, sans avoir recours à aucun conseiller. Un beau jour, une nouvelle guerre s’annonça, mais cette fois, au lieu de combattre lui-même, il décida de convoquer tous ses chefs de troupes pour leur déclarer : « Il est vrai que jusqu’à présent, c’est moi qui sortais seul au combat, sans jamais solliciter votre aide. Pourtant, j’ai toujours subvenu à vos besoins, vous dispensant gratuitement de cadeaux. Or, pour cette guerre, je vous demande de combattre seuls en ma faveur, en déployant toutes vos forces. Je vous confierai, pour cela, les armes les plus efficaces, de sorte qu’il ne vous soit pas trop difficile de vaincre l’ennemi. » En plus de cela, le roi leur remit une arme supplémentaire, des plus sophistiquées, insistant auprès d’eux sur son efficacité totale et son résultat immédiat. En les quittant, il leur promit une très grande récompense en cas de victoire, bien que conscient qu’il aurait pu parvenir à ce résultat par ses propres moyens.

De même, « l’Eternel est le maître des batailles » (Chemot 15:3) ; Il est un et Son Nom est unique. C’est Lui seul qui a créé le monde et qui continue à le maintenir sans avoir recours à aucune aide. Durant de nombreuses générations, Il accorda la vie et la subsistance à Ses créatures en dépit des graves fautes qu’elles commirent à Son égard, déversant gratuitement sur elles Son flot de bénédictions. En particulier, Il se comporta avec bienveillance à l’égard du peuple juif, qu’Il protégea, à travers les générations, des attaques incessantes de ses ennemis. La Bonté divine s’exprima spécialement lorsque le Saint béni soit-Il délivra Ses enfants du joug égyptien, déployant d’impressionnants miracles, puis les choisit peu après comme peuple de prédilection (ibid. 19:5).

Cependant, l’événement historique que fut le don de la Torah marque un tournant dans le comportement divin : dès lors, le Très-Haut décida de remettre à Ses enfants la responsabilité du maintien du monde, les prévenant qu’ils devraient à l’avenir combattre l’ennemi redoutable, le mauvais penchant, par leurs propres moyens. Celui-ci étant un ange et donc, par définition, extrêmement difficile à vaincre, l’Eternel leur confia une arme puissante, grâce à laquelle ils en auraient la possibilité – la Torah. Tel est le sens de l’enseignement de nos Maîtres (Kiddouchin 30b) : « Le Saint béni soit-Il dit au peuple juif : “Mes enfants, J’ai créé le mauvais penchant, mais Je lui ai créé la Torah comme antidote.” »

Mais l’Eternel ne s’arrêta pas là : empli d’amour pour Ses enfants, Il leur révéla que l’arme prééminente qu’Il venait de leur confier, la Torah, contenait un élément des plus sophistiqués, à l’appui duquel ils pourraient, sans la moindre difficulté, vaincre le mauvais penchant – le Chabbat. Le pouvoir de ce saint jour est en effet tel qu’il peut susciter sur toute la semaine à venir un influx de bénédictions et de sainteté (Zohar I 75b). Ainsi, au lieu de devoir tant peiner dans notre lutte contre le mauvais penchant, nous avons l’opportunité, par le biais du respect du Chabbat conforme à ses lois, de le battre facilement. C’est la raison pour laquelle le Saint béni soit-Il lui a donné un statut distinct de toutes les autres mitsvot, puisqu’à lui seul, il équivaut à toutes celles-ci réunies.

A présent, la sainteté du Chabbat étant un avant-goût de celle du monde à venir (Zohar I 1b, 48a), les anges ne s’opposèrent pas à ce que ce cadeau soit remis au peuple juif de sorte qu’il puisse lui aussi goûter à ce délice. En effet, le Chabbat étant le jour de repos du Créateur – comme il est dit : « Il se reposa le septième jour » (Beréchit 2:2) –, la Volonté divine est telle que toutes les créatures en jouissent.

Aussi, les anges ne s’opposèrent-ils qu’à la descente de la Torah dans ce monde-ci et à son don aux enfants d’Israël. Car, de leur point de vue, il était préférable que la Torah reste dans les sphères supérieures, et que ces derniers ne reçoivent que la mitsva du Chabbat ; de cette manière, lorsqu’ils la respecteraient, son observance leur serait considérée comme celle de l’ensemble de la Torah, et grâce à cette arme invincible, ils prendraient sans difficulté le dessus sur le mauvais penchant. Par contre, pensaient-ils, s’ils recevaient la Torah, ils risquaient de contrevenir à certaines de ses nombreuses autres mitsvot, voire à lui tourner totalement le dos, et sortiraient alors doublement perdants, dépossédés à la fois du Chabbat et de la Torah.

Moché répondit alors aux créatures célestes que, pour parvenir au respect du Chabbat conformément à ses lois, les enfants d’Israël avaient besoin de la Torah, à l’appui de laquelle ils pourraient combattre le mauvais penchant le reste de la semaine. En l’absence de Torah, ils ne seraient pas en mesure d’observer le Chabbat qui équivaut à toutes les autres mitsvot réunies. C’est pourquoi le Saint béni soit-Il parla du Chabbat comme un trésor précieux en soi, puisqu’il est bien plus qu’une seule partie de la Torah. C’est également pourquoi Il signifia à Moché de saisir Son trône céleste pour donner aux anges une réponse, techouva, à rapprocher du terme Chabbat, allusion au fait que c’est uniquement par le biais de la Torah que le peuple juif pourra en venir à l’observance du Chabbat et au repentir – autre sens de techouva.

Résumé

 •Le Créateur possédait deux trésors qu’Il garda longtemps à Ses côtés pour finalement les céder aux enfants d’Israël : la Torah et le Chabbat. Pourtant, le Chabbat n’est-il pas inclus dans la Torah ? En outre, pourquoi les anges ne se sont-ils opposés qu’au don de la Torah ?

 •En définissant le Chabbat comme un trésor en soi, l’Eternel désirait nous transmettre sa valeur prépondérante, qui est telle que son observance équivaut à celle de toutes les autres mitsvot réunies. Les anges estimèrent donc qu’il était préférable pour le peuple juif de ne recevoir que le Chabbat, condensé de toute la Torah, plutôt que le détail de celle-ci qu’ils risquaient de profaner ; la puissance du Chabbat les aiderait à combattre leur mauvais penchant. Moché leur répondit qu’ils avaient besoin de l’ensemble de la Torah pour vaincre cet ennemi le reste de la semaine et parvenir à respecter le Chabbat conformément à ses lois.

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