L’acceptation de la Torah en tout lieu et à tout moment

Au sujet de la fête de Chavouot, il est écrit : « Vous compterez jusqu’au lendemain de la septième semaine, soit cinquante jours, et vous offrirez à l’Eternel une oblation nouvelle (...) Et vous célébrerez ce même jour : ce sera pour vous une convocation sainte (…) » (Vayikra 23:16-21). En lisant ces versets, nous constatons aussitôt l’absence de deux indications pourtant essentielles : d’une part, la date exacte de la fête, en l’occurrence le six Sivan, qui n’est ici définie que comme l’aboutissement d’un compte de sept semaines amorcé à Pessa’h, d’autre part, l’événement central qu’elle célèbre, à savoir le don de la Torah. Quel est donc le sens de ces ellipses ?

Nous pouvons également nous demander pourquoi nos Sages ne nous ont nullement indiqué le devoir de nous rendre régulièrement au mont Sinaï, lieu où fut donnée la Torah à nos ancêtres de la bouche du Tout-Puissant, dont la gloire leur a été révélée. Enfin, comme le précisent nos Sages (Taanit 21b), nous trouvons que tant que la Présence divine résidait sur le mont Sinaï, celui-ci était entouré d’une sainteté telle qu’il était même interdit aux animaux de s’en approcher et d’y paître (cf. Chemot 34:3), alors que dès l’instant où elle s’en retira, cela fut de nouveau possible, comme il est dit : « ceux-ci monteront sur la montagne » (ibid. 19:13). Pourquoi la Présence divine ne résida-t-elle qu’un nombre limité de jours en ce lieu, qui perdit ensuite toute sainteté ?

Nous en déduisons qu’il n’existe pas de date ni de lieu fixes auxquels l’homme doit étudier la Torah, puisque, dès qu’il le désire et où il le souhaite, il a la possibilité de se lancer dans l’étude. Le lieu qu’il aura choisi acquerra aussitôt de la sainteté, devenant semblable à un petit sanctuaire (cf. Meguila 29a), à l’image du mont Sinaï à l’heure où la Torah y fut donnée.

Si le Saint béni soit-Il avait maintenu la sainteté au mont Sinaï suite au don de la Torah, les gens auraient pu prétendre qu’il n’est possible de se sanctifier et de s’élever en Torah qu’en ce lieu. C’est pourquoi le texte précise que la sainteté du mont Sinaï n’était que temporelle et non éternelle, afin de nous communiquer que partout où nous étudierons la Torah, nous sanctifierons l’endroit en question et jouirons du même influx de sainteté que nos ancêtres au mont Sinaï, au moment où la Torah leur fut remise.

Or, c’est pour cette même raison que le texte ne précise pas non plus la date de la fête célébrant le don de la Torah ; car chaque jour où l’homme désire étudier a la dimension de ce jour historique, où celle-ci nous fut donnée. Tel est le sens du célèbre enseignement de nos Maîtres (Pessikta Zoutra Vaet’hannan 6:6 ; Rachi Devarim 26:16) : « Que chaque jour, ils soient nouveaux à tes yeux, comme si tu venais de les recevoir ce jour-même au mont Sinaï, comme si ce jour-même tu en avais reçu l’ordre. » De même, en marge du verset : « Fais silence et écoute, ô Israël ! En ce jour, tu es devenu le peuple de l’Eternel, ton Dieu » (Devarim 27:9), nos Sages commentent (Berakhot 63b) : « Est-ce donc ce jour où la Torah fut donnée au peuple juif ? Pourtant, il s’agit là de la fin des quarante années [de traversée du désert] ! Mais ceci nous enseigne que la Torah est, chaque jour, chère à ceux qui l’étudient comme le jour où elle leur a été donnée au mont Sinaï. »

C’est ainsi que nous trouvons de grands Sages qui commencèrent pourtant tard à étudier la Torah. Rabbi Eliezer ben Hourkenos ne se lança dans l’étude qu’à l’âge de vingt-deux ans (Avot deRabbi Nathan 6) et, en dépit de son retard, il progressa tant auprès de son Maître, Rabbi Yo’hanan ben Zakaï, qu’il dépassa en quelques années ses autres élèves, au point qu’il fut surnommé : « réservoir étanche qui ne perd pas une goutte » (Avot 2:8).

De même, Rabbi Akiva, qui deviendra l’élève de Rabbi Eliezer (Sanhédrin 68a), était un ignorant jusqu’à quarante ans, âge auquel il décida qu’il n’était jamais trop tard pour commencer à étudier. Inspiré par l’effet de quelques gouttes d’eau sur la roche, qui finit par subir l’érosion, il en déduisit que les paroles de Torah, dures comme du fer, étaient a fortiori capables de s’ancrer en son cœur. Et il devint effectivement un « trésor hermétique » (Guittin 67a), si bien que, lorsque les anges désirèrent le repousser, le Saint béni soit-Il les en empêcha, leur répondant : « Laissez donc ce vieillard-là, qui est digne de Me servir ! » (‘Haguiga 15b)

Nos sources regorgent de nombreux autres exemples qui illustrent que, peu importe le lieu et l’endroit où l’on étudie, puisqu’il est possible de commencer à étudier la Torah à toute étape de notre existence, tandis que notre lieu d’étude acquerra la dimension sainte du mont Sinaï à l’heure où la Torah y fut donnée. Aussi la Torah fut-elle écrite sur de la pierre (Chemot 34:1) pour nous enseigner que même un homme dont le cœur et l’esprit sont durs comme ce minéral, au point que seuls les vains plaisirs de ce monde l’intéressent, finira, s’il étudie la Torah, par en être pénétré. Celle-ci s’ancrera en effet aussi bien en son esprit qu’en son cœur, qu’elle purifiera.

Outre son effet purificateur, la Torah permet à l’homme de surmonter toutes les difficultés. Nos Maîtres affirment à cet égard (Chabbat 104a ; Meguila 2b, 3a) que les lettres mèm et samekh des Tables de la Loi tenaient miraculeusement alors qu’elles étaient suspendues dans l’air afin de nous transmettre une leçon édifiante : même si un homme est renfermé sur lui-même, à l’image du mèm final, en raison des épreuves qui l’assaillent de toutes parts, s’il se voue à l’étude de la Torah – à l’instar du roi David qui s’exclama : « Combien j’aime Ta Torah ! Tout le temps, elle est l’objet de mes méditations » (Tehilim 119:97) –, celle-ci lui servira de bouclier et l’aidera à faire face à l’adversité.

Quant au samekh, il vient aussi indiquer à l’homme que la Torah sera pour lui un soutien et un appui – semikha. Même celui qui sera arrivé au seuil du désespoir pourra trouver en la Torah un soutien le renforçant et l’empêchant de sombrer, comme il est dit : « Soutiens-moi selon Ta promesse pour que je vive » (ibid. 119:116). Et les versets de poursuivre : « Accorde-moi Ton appui pour que je sois sauvé, je me tournerai sans cesse vers Tes lois. » (ibid. 119:117) En d’autres termes, lorsque l’homme étudie la Torah, il peut compter sur l’assistance divine.

Résumé

 •Pourquoi la Torah ne précise-t-elle pas explicitement la date de Chavouot, se contentant de situer cette fête comme l’aboutissement d’un compte de sept semaines ? En outre, pourquoi la sainteté du mont Sinaï n’était-elle que provisoire ?

 •L’Eternel désirait ainsi nous transmettre qu’il est possible d’étudier la Torah en tout lieu et à tout instant. Il existe de nombreux Sages qui se hissèrent à un très haut niveau, alors qu’ils ne s’initièrent à l’étude qu’à un âge avancé. La Torah fut écrite sur de la pierre afin de signifier que même celui dont le cœur et l’esprit sont durs comme ce minéral pourra, s’il étudie, être pénétré par la Torah, qui le purifiera et l’aidera à surmonter ses difficultés.

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