Lumières de ‘Hanoucca – lumière de l’âme
Dans le traité Chabbat (21b), la Guemara nous décrit les circonstances qui donnèrent lieu à l’instauration de la fête de ‘Hanoucca : « Pourquoi fête-t-on ‘Hanoucca, le 25 Kislev ? On n’y récite pas d’éloge funèbre et il est interdit d’y jeûner, du fait que quand les Grecs pénétrèrent dans le sanctuaire, ils profanèrent tous les flacons d’huile. Par la suite, lorsque le règne des ‘Hachmonaïm (Hasmonéens) se renforça et l’emporta sur eux, après des recherches poussées, on ne trouva qu’un seul flacon, portant le sceau du cohen gadol, et contenant seulement la quantité nécessaire pour brûler un jour [plusieurs jours étaient nécessaires pour fabriquer de nouveau une huile pure], mais par miracle, elle brûla pendant huit jours (…) ».
Pourquoi les Grecs souillèrent-ils tous les flacons d’huile du Temple, alors qu’ils auraient pu se contenter d’en murer les portes, ce qui aurait de même rendu impossible l’allumage de la Menora ?
En outre, pourquoi est-il fait mention d’un flacon d’huile, et non d’une bouteille ou d’une jarre ? On peut également se demander pourquoi la mitsva d’allumer des bougies à ‘Hanoucca a été instituée pour toutes les générations, comme la consommation de matsa à Pessa’h, ordonnée dans la Torah (Chemot 12:14) : « vous le célébrerez en une fête à l’Eternel, pour vos générations, à jamais vous le célébrerez. »
Autre question, posée par le Divré Yoël : dans la prière suivant l’allumage des lumières de ‘Hanoucca (« Hanérot hallalou »), nous récitons : « Ces bougies nous allumons, en souvenir des miracles (…) par l’intermédiaire de Tes saints cohanim (…) », pour enchaîner ensuite par les mots : « Et pendant ces huit jours de ‘Hanoucca (…) ». En quoi est-il important, note l’Admour de Satmar, de préciser que le prodige fut accompli par l’entremise des prêtres ? En quoi ce détail est-il pertinent ici ? Quelle différence si le miracle eut lieu par leur biais ou par celui d’autres intermédiaires ? De plus, quel rapport entre cette partie du texte et la suite ?
Pour répondre à ces différentes questions, rappelons que l’objectif essentiel des Grecs était d’amener Israël à renier sa foi, à rejeter en bloc D. et la Torah, au point qu’ils leur ordonnaient (cf. Yerouchalmi ‘Haguiga 2:2) : « Inscrivez sur les cornes de vos bœufs que vous n’avez pas de part dans le D. d’Israël ! »
Dans ce dessein, ils cherchèrent aussi à empêcher les enfants d’Israël de réciter les cent bénédictions quotidiennes obligatoires, lesquelles sont source de crainte du Ciel, d’après la Guemara (Mena’hot 43b), se basant sur une analyse serrée du verset (Devarim 10:12) : « ce que (ma) l’Eternel ton D. te demande uniquement, c’est de [Le] craindre ». « Ne lis pas ma (« ce que ») mais méa (« cent ») », soulignent nos Sages, car la récitation des cent bénédictions amène la crainte du Ciel. Ainsi, les Grecs savaient pertinemment qu’à travers chaque bénédiction que l’homme prononce – comme autant de louanges au Créateur –, une lumière apparaît au-dessus de sa tête, conformément au verset (Michlé 6:23) : « Car la mitsva est un flambeau et la Torah une lumière. »
Les Grecs s’en prirent donc délibérément aux réserves d’huile, conscients du parallèle avec l’âme – les mots chémen (« huile ») et nechama (« âme ») sont d’ailleurs composés des mêmes lettres. A travers leurs décrets, et notamment l’interdiction de réciter les cent bénédictions quotidiennes, les Grecs visaient donc l’âme des enfants d’Israël, qu’ils voulaient flétrir.
L’emploi dans la Guemara du terme pakh (« flacon ») est à cet égard très significatif. En effet, sa valeur numérique est de cent, allusion aux cent bénédictions. La perversité grecque consistait donc à souiller les âmes des enfants d’Israël, afin qu’ils ne puissent plus être proches du Créateur.
La fermeture des portes du Temple aurait tout aussi efficacement entravé l’allumage du chandelier, certes, mais dans leur malveillance, les Grecs s’en prirent à dessein aux réserves d’huile, percevant instinctivement que l’allumage de la Menora représentait bien plus, pour l’âme juive, qu’un simple allumage.
En effet, cette mitsva constitue une ordonnance positive, outre les mystères qui s’y rattachent. Car d’un point de vue mystique, cet allumage permet d’éclairer l’ensemble des mondes d’une lumière intense ; il est source d’une grande bénédiction pour les enfants d’Israël.
Le Kav Hayachar explore cette piste : « Toute bougie allumée pour une mitsva renferme une sainteté extraordinaire et inestimable ; et si nous méritions d’être investis de l’Esprit saint, nous pourrions, en allumant ces bougies avec la bénédiction, parvenir à travers cette mitsva à une connaissance de l’avenir (…). Une telle bougie a donc des vertus prophétiques, à l’instar du prophète, qui augure selon D., comme le laisse entendre un passage des Tikouné Zohar (70:134a) (…). En outre, les lumières de ‘Hanoucca, rappelant le miracle dans toute son ampleur, sont des lumières sacrées dotées d’une sainteté supérieure, reflet des lumières célestes qui s’éveillent et s’animent avec force pour sévir contre les impies. »
C’est donc en connaissance de cause que les Grecs visaient l’annulation pure et simple de l’allumage de la Menora, afin d’empêcher les enfants d’Israël de jouir de la prophétie et de la bénédiction divine, dans toute son abondance. A ce titre, l’huile sacrée, conçue pour la mitsva, était porteuse d’une pureté et d’une sainteté inestimables, puisqu’elle alimentait la Menora du Temple, que le cohen avait la mitsva d’allumer.
Ainsi, l’huile sacrée, comme nous l’avons vu, avait un pouvoir certain contre les impies, et c’est pourquoi les Grecs en redoutaient les effets. Ils craignaient les réactions du peuple juif, sous l’effet des forces surpuissantes qu’elle pouvait éveiller en eux, tant spirituellement que matériellement, rendant possible la rébellion, et donc, quoi de plus irritant et inquiétant aux yeux des Grecs !
Dès lors, on comprend leur décision de profaner cette huile (chémen), symbole de l’âme (nechama, mêmes lettres que chémen) et de l’esprit (roua’h), ces deux notions se retrouvant, à travers leurs lettres initiales, dans le terme ner (bougie). Ils s’en prirent délibérément à l’arme et à l’âme du peuple juif, par ce saccage et l’annulation des cent bénédictions.
On a ainsi compris pourquoi, plutôt que de murer le Temple, les Grecs souillèrent l’huile. Or, nos Sages, conscients, par Esprit saint, de tous les tenants et aboutissants de cette lutte, employèrent à dessein le terme pakh pour évoquer les flacons d’huile, soulignant ainsi la nécessité, même en l’absence d’allumage, de se renforcer dans la récitation des cent bénédictions chaque jour, afin de ne pas perdre la protection divine et de ne pas éveiller d’accusation contre le peuple juif.
Une fête fixée pour toutes les générations
A la lumière de toutes ces explications, la raison de la pérennité de cette fête, instituée dans la Loi juive, à l’instar de celle de Pessa’h, devient claire.
A Pessa’h, avant leur sortie d’Egypte, les enfants d’Israël étaient plongés dans les quarante-neuf paliers d’impureté (Zohar ‘Hadach Yitro 39a). Or, si leur libération avait tardé un seul instant supplémentaire, ils seraient tombés dans le cinquantième degré, irréversible, perdant ainsi définitivement tout espoir de libération.
Le texte insiste d’ailleurs sur ce caractère d’urgence (Chemot 12:39) : « Ils n’avaient pas pu attendre et ne s’étaient pas munis d’autres provisions ». Autrement dit, s’ils s’étaient attardés pour préparer des victuailles, ils auraient irrémédiablement sombré dans le cinquantième palier d’impureté et leur âme aurait été totalement corrompue.
D’après l’explication allégorique, ils n’avaient pas fait de provisions spirituelles et n’avaient pas le mérite nécessaire pour être libérés, et c’est pourquoi le Saint béni soit-Il les délivra Lui-même, d’urgence, avant qu’il ne soit trop tard.
De même, à l’époque de ‘Hanoucca, sous l’influence délétère des Grecs, les enfants d’Israël avaient presque touché le fond de l’abîme, au point que le peuple juif avait été proche de perdre son âme. Parmi les pernicieuses mesures grecques figurait celle, mentionnée précédemment, consistant à inscrire sur les cornes de leurs bœufs qu’ils n’avaient pas de part dans le D. d’Israël. En profanant toute l’huile, en empêchant l’allumage de la Menora et la récitation des cent bénédictions, les occupants voulaient miner leur foi et les pousser à rejeter le joug céleste. Leur but avoué en s’en prenant à la source de lumière des enfants d’Israël : les plonger dans l’obscurité et les priver de la bénédiction divine.
Mais, dans Sa miséricorde infinie, D. avait maintenu un groupe de « survivants » au sein de Son peuple : la dynastie des ‘Hachmonaïm, rois au sens véritable du terme – « Qui sont les [vrais] rois ? Les Sages » (Guittin 62a). Eux seuls parvinrent, de par leur foi pure, à opérer le miracle des flammes de la Menora, qui brûlèrent huit jours.
La commémoration de ‘Hanoucca fut alors instituée pour toutes les générations à venir, en guise d’avertissement à tous les goyim qui se risqueraient à imiter les Grecs, à vouloir faire oublier la Torah aux enfants d’Israël, empêcher la récitation des cent bénédictions et les détourner de D.
L’allumage des bougies a donc été établi par nos Sages pour toutes les générations, afin d’éveiller la Miséricorde divine et d’anéantir les desseins de tous nos ennemis. Nous proclamons, à travers cette fête de ‘Hanoucca, que les Grecs et tous leurs tenants, avec leurs machinations machiavéliques, ont disparu, tandis que notre peuple a survécu et sera éternel.
Les ‘Hachmonaïm, instrument du miracle
Nous allons à présent aller un peu plus loin et expliquer le rôle prépondérant des ‘Hachmonaïm, « Tes saints prêtres » – explicitement mentionnés dans la prière suivant l’allumage, pour le plus grand étonnement du Divré Yoël. Seuls contre tous, ils restèrent fidèles au D. d’Israël et mirent leur vie en péril pour sanctifier Son nom, et c’est pourquoi eux seuls reçurent l’ordre d’allumer les lumières de la Menora, comme il est écrit (Bamidbar 8:2) : « Parle à Aharon et dis-lui : Quand tu disposeras les lampes » – il s’agit là d’un commandement donné à tous ses descendants, les cohanim, auxquels se rattachent les ‘Hachmonaïm, ces « héros » qui reprirent possession du Temple et l’explorèrent de fond en comble, à la recherche d’un flacon resté pur, qu’ils trouvèrent finalement scellé au sol, permettant de garantir qu’il n’avait pas été déplacé.
On peut lire à travers ce détail un message sous-jacent : si l’on veut arriver à une pureté de pensée et d’esprit, à l’instar de ce flacon d’huile pure, il faut rester ferme, inébranlable, ne pas bouger d’un pouce de ses convictions, ni se laisser influencer par les non-juifs, quel que soit le prix à payer.
A présent, c’est le lien entre les cohanim et les huit jours de ‘Hanoucca qui s’éclaire. En effet, du fait que les ‘Hachmonaïm se sacrifièrent pour sanctifier le Nom de D., purifier le Temple, allumer la Menora et amener Torah et pureté dans les cœurs des enfants d’Israël, ils eurent le mérite que les flammes brûlent en continu pendant huit jours. Ce privilège était tout à fait justifié, puisque le miracle eut entièrement lieu par leur mérite, miracle dont l’impact, loin de s’étendre sur seulement huit jours, est éternel (cf. Yalkout Chimoni Bamidbar §719).
Dans la même veine, Pin’has fit preuve d’une abnégation exceptionnelle pour sanctifier le Nom de D., jaloux de l’honneur divin (cf. Bamidbar 25:13), et c’est pourquoi il eut le mérite d’arrêter l’épidémie qui avait commencé à frapper les enfants d’Israël (Bamidbar 25:8). En outre, lorsqu’il mit à mort Cozbi bat Tsour et Zimri ben Salou dans sa fougue vengeresse, il mérita un grand nombre de miracles (cf. Sanhedrin 82b). Ceci vise à nous enseigner que lorsqu’un homme se sacrifie pour son frère juif et pour la cause divine, il bénéficie de miracles, à l’instar des cohanim de la dynastie des ‘Hachmonaïm, dont le Saint béni soit-Il rétribua l’abnégation mesure pour mesure. Grâce à leur dévouement pour sauver l’âme du peuple juif, ils jouirent du miracle de leur victoire militaire – victoire des faibles contre les forts – et surtout, de la trouvaille du flacon (pakh, de valeur numérique cent) d’huile – allusion au rétablissement des cent bénédictions –, qui miraculeusement, permit à la Menora de rester allumée huit jours.
Ce dévouement de Matityahou et de ses enfants leur valut, à eux plus qu’à quiconque, le privilège d’allumer la flamme de la Menora, et de constituer ainsi la passerelle par laquelle purent de nouveau affluer toutes les bénédictions sur le peuple juif. Privilège ô combien mérité quand on réalise qu’ils préservèrent la flamme de l’âme juive pour l’éternité. De ce fait, la fête de ‘Hanoucca, comme celle de Pourim, sera éternellement fêtée (Roch Hachana 19b).
Résumé
•Dans l’histoire de ‘Hanoucca, pourquoi les Grecs choisirent-ils précisément de souiller l’huile ? Pourquoi le flacon d’huile est-il désigné sous le nom de pakh, assez vague et général, alors que bien d’autres termes en hébreu rendraient mieux cette notion ? Pourquoi la fête de ‘Hanoucca a-t-elle été pérennisée ? Pourquoi souligner le fait que l’allumage de la Menora fut effectué par les ‘Hachmonaïm ? Les Grecs s’en prirent à dessein aux flacons d’huile, ce liquide représentant l’âme, dans le but de flétrir les âmes des enfants d’Israël et de les priver de la vie éternelle, en les détachant de la Torah et de la récitation des cent bénédictions quotidiennes, source de crainte du Ciel. D’où l’emploi du terme pakh, qui vaut cent. A travers l’allumage des bougies de ‘Hanoucca, on peut mériter la lumière cachée (or haganouz), l’amendement de l’âme, la prophétie et l’abondance, car ces lumières sont sources de bénédiction.
•Pour cette raison, la fête de ‘Hanoucca fut instituée pour toutes les générations, comme celle de Pessa’h. Le parallèle est tout à fait justifié puisqu’au cours de la seconde, les enfants d’Israël furent délivrés in extremis, alors qu’ils se trouvaient au quarante-neuvième degré d’impureté. De même, par la suite, les Grecs tentèrent de leur faire atteindre le fond de l’abîme, mais les cohanim de la dynastie des ‘Hachmonaïm, tsaddikim hors pair, se dressèrent contre eux et les vainquirent. La fête de ‘Hanoucca fut alors instituée afin de nous donner la clé, à toutes les époques, pour vaincre nos ennemis et persécuteurs. Par le mérite des ‘Hachmonaïm, les cent bénédictions reprirent leur place et les âmes furent purifiées, en parallèle aux flammes des lumières de la Menora. Celles-ci symbolisent l’attachement viscéral et inébranlable de l’âme à la sainteté et au Créateur, attachement éternel, comme la célébration de ‘Hanoucca.