Le miracle de ‘Hanoucca : la Splendeur retrouvée

Dans le Choul’han Aroukh (Ora’h ‘Haïm 570), le Beth Yossef s’interroge sur le miracle de ‘Hanoucca. Si le flacon d’huile retrouvé contenait suffisamment de combustible pour brûler un jour, fait-il remarquer, le miracle n’a duré que sept jours, et non huit. Pourquoi dans ce cas célèbre-t-on huit jours de fête ?

Il propose à cet égard une explication brillante : les cohanim partagèrent dès le départ l’huile en huit, utilisant chaque jour seulement la quantité d’un huitième de combustible nécessaire à la Menora pour brûler une journée. Le miracle a donc débuté dès le premier jour. Autre solution : même pendant que l’huile était versée, le flacon restait plein, et ce, dès le premier jour.

La Guemara vient corroborer ces différentes explications du Beth Yossef, puisqu’elle mentionne qu’ils allumèrent « à partir de ce flacon d’huile » pendant huit jours. Il serait donc tout à fait logique qu’ils aient partagé l’huile en huit, afin de pouvoir l’utiliser pendant huit jours.

Pourtant, on peut se demander comment ce partage fut possible, alors qu’il était interdit de ne remplir les coupelles que partiellement. Pourquoi, en outre, se soucier, dès le premier soir, du manque d’huile qui s’ensuivrait pour les autres jours ? N’était-il pas préférable, au moins le premier jour, d’exécuter la mitsva à la perfection ?

Pour répondre, rappelons que la trouvaille providentielle de cet unique flacon pur, resté invisible aux yeux des Grecs, parmi tous les autres (cf. Tossefot ad loc.), appelait la réflexion. Les enfants d’Israël comprirent donc qu’il s’agissait d’un véritable miracle, dans l’esprit du verset (Tehilim 33:18) : « les yeux du Seigneur sont ouverts sur ceux qui Le craignent ».

Or, le Tout-Puissant aurait évidement pu faire en sorte que tous les flacons restent purs. Dès lors, les cohanim, qui ne trouvèrent qu’un seul flacon intact, comprirent que celui-ci leur suffirait pour allumer huit jours, jusqu’à ce que soit terminée la fabrication d’une nouvelle huile pure, et c’est pourquoi ils prirent l’initiative de diviser le liquide trouvé en huit. Selon la seconde interprétation, ils commencèrent à la verser et, constatant que le flacon restait plein, comprirent que cette huile était destinée à être utilisée pour huit jours.

Le Na’halé Chémen, au nom du Ari zal, propose lui aussi une explication à la question du Beth Yossef. Il explique qu’à ‘Hanoucca, la sphère de Splendeur, qui est la huitième en partant du haut, est restaurée. Cela permettrait de comprendre pourquoi la fête de ‘Hanoucca dure huit jours.

Toutefois, quel rapport y a-t-il, dans le fond, entre la sphère de Splendeur et les huit jours de ‘Hanoucca ? Est-ce une explication satisfaisante d’avancer que, du fait que la sphère de Splendeur est la huitième, il faut allumer huit jours ? En outre, cela ne semble pas répondre à la question du Beth Yossef, qui objectait qu’à priori, le miracle n’avait duré que sept jours.

Le Ari zal va nous permettre de mieux comprendre le rapport. Dans son Likouté Neviim, il écrit que cette sphère est soumise à l’emprise des forces impures. Pour reprendre les mots du Maître de la Kabbale : « Tu sais bien que sur la Splendeur, les forces impures ont prise (…), comme le prouve le verset (Ekha 1:13) : “toute la journée souffrant (dava)”. En effet, le mot dava est composé des mêmes lettres que hod (la Splendeur), inversées. » (cf. Zohar Raaya Mehémana III 243a)

En outre, dans la section de la Torah portant sur l’allumage de la Menora, il est écrit : « quant tu élèveras les lumières » (Bamidbar 8:2, formule préférée à un « quand tu allumeras les lumières », plus prosaïque. En vérité, la Torah nous fait par cela allusion au fait que l’allumage vise essentiellement à relever la bannière de la Splendeur, la délivrer des serres de l’impureté. D’ailleurs, Aharon, chargé de l’allumage, est considéré comme un représentant de cette sphère tandis que Moché incarne la dimension d’Eternité (netsa’h) (Zohar I 261a). Aussi, qui plus qu’Aharon, ayant arrêté l’épidémie par le recours à l’encens (cf. Bamidbar 17:12), aurait été habilité à allumer la Menora et à délivrer la sphère de Splendeur des forces impures ? Lui seul pouvait intégralement réparer cette sphère, dont il était l’incarnation.

Nous comprenons à présent mieux les mobiles des Grecs : ils voulaient souiller les réserves d’huile, afin de développer leur emprise sur la sphère de Splendeur (hod), de sorte qu’elle soit « toute la journée souffrante (dava) » et amener ainsi la Rigueur et l’impureté sur le peuple juif. De cette manière, celui-ci ne pourrait élever la bannière de la Splendeur, les Cohanim ne pouvant allumer la Menora et les enfants d’Israël étudier la Torah. En arrière-plan se dessinaient donc les contours d’un plan pervers, visant, à D. ne plaise, à faire tomber le peuple juif dans les cinquante degrés d’impureté.

Heureusement, par leurs actes de bravoure exceptionnels, les ‘Hachmonaïm sanctifièrent le Nom divin dans le monde et firent connaître le Règne divin à tous. C’est pourquoi ils eurent par miracle le mérite de trouver un flacon d’huile pur (pakh, de valeur numérique 100, comme les cent bénédictions journalières), leur permettant ainsi de délivrer la Splendeur de l’emprise des forces impures, représentées par les maudits Grecs. Ils bénéficièrent à cet égard de l’assistance de D., conscient de leur abnégation, et purent allumer la Menora pendant huit jours, ce qui leur permit de restaurer toutes les sphères, et plus particulièrement la huitième, celle de Splendeur. C’est ainsi qu’il convient me semble-t-il d’expliquer, à la lumière des écrits du Ari zal, le miracle de ‘Hanoucca.

Cela dit, la célèbre question du Divré Yoël concernant l’enchaînement des mots « par tes saints cohanim » et « et pendant ces huit jours », dans la prière « Hanerot Hallalou », trouve aussi sa réponse. C’est précisément l’allumage des bougies effectué par les cohanim qui est à l’origine de la mitsva des huit jours de ‘Hanoucca, à travers la réparation de la huitième sphère – celle de Splendeur –, qu’ils libérèrent des forces impures et amenèrent à la sainteté.

Ajoutons que, de manière symbolique, la Menora est dotée de sept branches, tandis que le nombre de jours de ‘Hanoucca est de huit – ensemble, on obtient quinze, valeur numérique de hod – la sphère de Splendeur. On en déduit que lorsque le Tout-Puissant constata la flamme des cohanim, désireux de tout cœur de relever l’étendard de cette sphère, Il opéra un miracle pendant huit jours, permettant, dès la première nuit, qu’une faible quantité d’huile éclaire parfaitement pendant un jour complet.

Résumé

 •Le Beth Yossef pose une question célèbre : au cours du premier jour de ‘Hanoucca, les cohanim disposaient d’une quantité d’huile suffisante pour l’allumage. Pourquoi, dans ce cas, est-il question d’un miracle de huit jours et non de sept ? L’une des hypothèses est que, d’entrée de jeu, l’huile fut partagée en huit ; l’autre est que pendant qu’ils versaient de l’huile, le flacon restait miraculeusement plein. Et c’est pourquoi la Guemara affirme qu’ils allumèrent « à partir de lui [le flacon] », car il contenait de quoi allumer pour huit jours.

 •Mais leur était-il permis de verser moins que la quantité d’huile requise ? De fait, la trouvaille du flacon procédait en soi du miracle. Car le Tout-Puissant aurait tout aussi bien pu permettre qu’ils trouvent de nombreux flacons purs. Dans leur sagesse, les ‘Hachmonaïm comprirent donc que le miracle passerait par ce seul et unique flacon, qu’ils prirent aussitôt l’initiative de partager en huit, afin qu’ils aient chaque jour de l’huile pour l’allumage.

 •D’après le Ari zal, ‘Hanoucca correspond à la réparation de la huitième sphère – celle de Splendeur –, à sa libération des serres des forces impures. A cet égard, dans la section de la Torah traitant de l’allumage de la Menora, il est écrit : « Quand tu élèveras ». Le texte s’adresse à Aharon, incarnation de cette sphère, chargé d’allumer la Menora et de rehausser la sphère de Splendeur, après l’avoir libérée des forces impures.

 •On touche ici à la véritable essence de ‘Hanoucca : libérer la Splendeur de la main des Grecs impurs. C’est aussi le secret que renferme ce petit flacon d’huile pure : l’importance de se sanctifier, jusque dans ses pensées, pendant les huit jours de ‘Hanoucca. De ce fait, on allume les bougies pendant huit jours, car la sphère de Splendeur parvient à sa réparation pendant cette fête. C’est aussi ce qui explique l’enchaînement, dans le « Hanerot Hallalou », des mots « par Tes saints cohanim » et « pendant ces huit jours ». Car c’est bel et bien grâce aux cohanim que l’on allume huit jours. En outre, si l’on ajoute les sept branches de la Menora aux huit jours de ‘Hanoucca, on obtient un total de quinze, valeur de la sphère de Splendeur (hod). Ce, afin de nous enseigner que le Saint béni soit-Il nous a aidés à rehausser cette sphère (la huitième), à la délivrer des forces impures et à l’amener à la sainteté. De ce fait, on allume huit jours.

 

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