Des lumières sacrées

« Les mitsvot n’ont pas été données pour en tirer profit », nous mettent en garde les Sages (Erouvin 31a). Autrement dit, il est interdit de les pratiquer pour en tirer une quelconque jouissance, mais il faut vraiment les accomplir de façon désintéressée, par soumission au commandement divin.

En ce sens, nous disons, à ‘Hanoucca : « ces lumières sont sacrées, et nous n’avons pas le droit de les utiliser mais seulement de les contempler ». Car celles-ci représentent les mitsvot, comme il est écrit (Michlé 6:23) : « Car la mitsva est un flambeau, la Torah une lumière », et il est donc interdit de les exploiter pour en tirer un profit personnel, mais il convient de les accomplir dans une vue pure.

En outre, l’âme est comparée à une bougie, comme il est écrit (ibid. 20:27) : « L’âme de l’homme est un flambeau divin ». Elle aussi est qualifiée de sacrée, car elle est une parcelle divine supérieure. Aussi est-il interdit de la profaner et de la détourner vers d’autres buts que le Service divin.

Cela dit, pour parvenir à ce niveau d’accomplissement des mitsvot, il faut servir le Créateur dans la sainteté et la pureté de corps et d’esprit, tout en s’efforçant de surmonter le mauvais penchant. Telle est la condition pour mériter l’assistance divine, se manifestant chaque jour par de nombreux miracles et prodiges – « Celui qui vient se purifier est aidé d’en Haut » (Chabbat 104a ; Yoma 38b).

Cependant, l’homme doit, sans faire de tri, pratiquer toutes les mitsvot, ce qui lui permettra de réaliser « devant Qui [il] se tient » et d’accomplir les commandements dans l’esprit du verset (Tehilim 16:8) : « Je fixe constamment mes regards sur le Seigneur », aux antipodes d’un « péché (…) sans cesse sous mes regards » (ibid. 51:5), dans le cas où il s’en abstient. Automatiquement, un tel individu, accomplissant les commandements uniquement par soumission à la Volonté divine, arrivera à percevoir la sainteté des bougies-mitsvot.

Voici qui nous amène à la question soulevée par l’ancien grand-rabbin d’Israël et actuel grand-rabbin de Tel-Aviv, le Gaon Rav Israël Meïr Lau chelita : comment se fait-il que certaines personnes, bien qu’éloignées de l’accomplissement des mitsvot de la Torah, ont à cœur d’allumer, le moment venu, les bougies de ‘Hanoucca, allumage qui ne relève que de l’ordonnance rabbinique (cf. Chabbat 23a) ?

Ce comportement corrobore précisément le parallèle établi précédemment et prouve qu’à ‘Hanoucca, il y a un éveil particulier à l’accomplissement des mitsvot – « Car la mitsva est un flambeau, la Torah une lumière ». Les Grecs voulaient nous faire oublier les commandements de la Torah, mais nous les avons vaincus et avons découvert un flacon d’huile pure (Chabbat 21b).

Or, l’Histoire se répète et ce phénomène s’exprime de nouveau chaque année. A chaque époque, les nations du monde se dressent contre nous pour nous exterminer, nous anéantir, tant physiquement que spirituellement, que ce soit par de cruels décrets ou par leur influence délétère. Cependant, face à elles, à chaque génération, des Grands s’élèvent au sein de notre peuple, nous instruisant en Torah et mitsvot, nous prévenant contre les dangers de l’assimilation. Ils sont constamment en quête, parmi tous les flacons d’huile brisés, d’un petit flacon d’huile pure, pour allumer et entretenir la flamme d’Israël, la flamme de l’âme juive (nechama, mêmes lettres que chémen – l’huile).

Or, dès que l’homme entame une recherche personnelle, dès qu’il fait montre d’une volonté de se purifier, le Très-Haut lui vient en aide et son âme s’illumine. A ce titre, il n’existe aucun homme dénué de mitsvot, au point que même les plus « vides » parmi les enfants d’Israël sont comparés à des grenades regorgeant de grains – les mitsvot (Meguila 6a).

C’est d’autant plus vrai à ‘Hanoucca, où l’âme du Juif s’éveille, le poussant à accomplir les mitsvot, l’âme comme les mitsvot étant comparées à des flambeaux. Intervient aussi la lumière émanant des justes de la génération, communiquant au Juif un regain de flamme et d’enthousiasme dans le Service divin.

Cette démarche fut celle des ‘Hachmonaïm, à heure de la lutte contre l’envahisseur grec, qui fut finalement délogé du Temple et chassé : suite à une fouille minutieuse, un petit flacon d’huile pure, portant le sceau intact du grand prêtre, fut découvert. Utilisé pour l’allumage, il permit par miracle d’entretenir les flammes de la Menora pendant huit jours.

A travers les siècles, l’aspect spirituel de ce phénomène se réitère : tous les justes, tenants des ‘Hachmonaïm, dont nous sommes dotés à chaque génération, ont le pouvoir de susciter à chaque fois dans le cœur du Juif cet éveil, source de bénédiction pour le monde entier.

Nous comprenons à présent pourquoi même les Juifs les plus simples sont prêts à investir de grosses sommes pour accomplir la mitsva de l’allumage à ‘Hanoucca. Car ces justes amènent le monde entier à un éveil intense, au point que tous allument, si l’on peut dire, « avec flamme », flamme qui finit par « s’élever d’elle-même » (Chabbat 21a ; Torat Cohanim Emor).

Plus que cela, ces lumières de ‘Hanoucca conduisent à accomplir les mitsvot, comparées à un flambeau, de façon désintéressée, avec enthousiasme, et ce, par le mérite de ces princes de la Torah, les tsaddikim de la génération. Comme le note la Guemara (Guittin 62a) : « Qui sont les [véritables] souverains ? Les Rabbanim. » Grâce à eux, chaque Juif peut bénéficier de ce miracle, sans même combattre le mauvais penchant.

Ce fait explique la « chronologie » du « Al Hanissim » : le remerciement « pour les miracles » précède celui « pour les guerres ». Pourtant, logiquement, n’aurait-on pas dû mentionner les guerres avant les miracles, celui de ‘Hanoucca ayant émergé de la guerre ?

Comme nous venons de l’expliquer, le miracle personnel vécu par tout homme à ‘Hanoucca n’appelle pas de lutte préalable contre le mauvais penchant, puisqu’il bénéficie de l’aide des tsaddikim. Cependant, il doit prolonger le prodige à travers l’accomplissement des mitsvot de façon désintéressée.

Tel est également le sens de la réplique du plus sage des hommes (Chir Hachirim 5:2) : « Je dors, mais mon cœur est éveillé », sens indiqué par le Midrach (Chir Hachirim Rabba 5:1) : « éveillé pour l’accomplissement des mitsvot ». En d’autres termes, même lorsqu’un homme « dort » – paraît insensible à la Torah et aux mitsvot –, au fond de son cœur, une part de lui-même reste toujours éveillée, et la flamme peut être ranimée.

A ce titre, même un léger mouvement peut permettre l’éveil. Quand et comment ? A ‘Hanoucca. L’homme est alors animé par un élan d’éveil spontané, qui le pousse à louer D. pour tous les miracles opérés « en ces jours » – à l’époque –, « à cette période » – y compris à notre époque. Cela nous indique combien chaque année, plus particulièrement à ‘Hanoucca, l’homme bénéficie de l’appui des tsaddikim pour s’enflammer pour l’accomplissement des mitsvot.

N’oublions pas toutefois que tout ceci serait impossible sans l’aide divine, puisque : « Si D. ne l’assistait pas, il ne pourrait le surmonter [le mauvais penchant]. » (Soucca 52a ; Kiddouchin 30b). Si l’homme déchoit, D. le relève.

Combien l’homme doit-il louer le Très-Haut, Qui lui a fait don de ces jours de ‘Hanoucca, tremplin lui permettant de s’élever et de s’enflammer pour les mitsvot ! Néanmoins, il faut auparavant aménager un réceptacle pour réceptionner tout cet influx. Plus on se sera préparé en ce sens, et plus on méritera de capter cette influence. Ainsi, il existe un fort potentiel, et tout homme doit optimiser cette période de miracles pour s’élever davantage.

Résumé

 •La mitsva de l’allumage propre à ‘Hanoucca nous enseigne l’importance d’accomplir les commandements de façon désintéressée. Car ceux-ci sont comparés à des lumières sacrées, et c’est pourquoi il est interdit d’en tirer profit dans d’autres buts. Il faut au contraire préserver leur sainteté à tout prix. Plus, il faut être conscient de se tenir et d’accomplir les mitsvot devant le Roi des rois.

 •En outre, si nous constatons que même des Juifs éloignés de la pratique accomplissent l’allumage des bougies de ‘Hanoucca, c’est dû au fait que cette fête suscite un éveil en ce sens, renouvelant ainsi l’esprit des ‘Hachmonaïm dans leur lutte contre les Grecs. Cet influx se retrouve chez les justes de chaque génération, qui aident chaque Juif à s’élever et à s’enflammer dans le Service divin, essentiellement dans l’accomplissement des mitsvot de façon désintéressée – les mitsvot correspondant aux flammes des bougies.

 •En outre, le miracle de ‘Hanoucca a lieu même sans lutte contre le mauvais penchant, car les tsaddikim fournissent leur aide en ce sens. Ainsi, même celui qui paraît endormi – bien loin de l’accomplissement des mitsvot –, conserve, au fond de son cœur, une part éveillée et sensible à celles-ci, et ce, grâce à l’influence bénéfique des tsaddikim qui, avec l’aide de D., permet, d’année en année, de ranimer la flamme dans le Service divin.

 

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