Une lutte spirituelle

Sur le verset (Tehilim 22:1) : « Au chef des chantres, d’après la biche de l’aurore », la Guemara (Yoma 29a) commente : de même que l’aurore marque la fin de la nuit, la période d’Esther [« la biche de l’aurore », qui aurait composé ce psaume] marque la fin des miracles. » Pourtant, remarquent nos Sages, le miracle de ‘Hanoucca se situe, chronologiquement parlant, après celui de Pourim. Aussi, n’est-ce pas plutôt ‘Hanoucca qui clôt la période des prodiges ? La différence entre les deux tient dans le fait que le miracle de Pourim fut consigné – dans la Meguila – tandis qu’il n’est pas possible de transcrire ni de circonscrire celui de ‘Hanoucca.

Mais pourquoi est-ce le cas ? Pourquoi ne pouvait-on consigner celui-ci ? Pourtant, il semble nettement supérieur à celui de Pourim. En effet, le danger à l’époque d’Haman était purement physique, comme le souligne la Meguila (Esther 3:13) : « de détruire, exterminer et anéantir tous les Juifs (…) », tandis qu’à ‘Hanoucca, la lutte se déroulait sur le plan spirituel, puisque les Grecs visaient à « leur faire oublier la Torah et les détourner des décrets de Ta volonté ». Ils ne cherchaient donc pas à détruire le corps mais l’âme, s’attaquant ainsi à l’essentiel. A ce titre, le miracle de ‘Hanoucca n’aurait-il pas mérité, bien plus que celui de Pourim, d’être relaté dans un livre à part ?

De fait, si le miracle de Pourim fut consigné dans la Meguilat Esther, c’est bien pour souligner qu’un impie tel qu’Haman ne se dressera plus contre notre peuple. De ce point de vue, le miracle de Pourim représente un fait achevé, définitif et terminal, dimension qui ne caractérise pas le miracle de ‘Hanoucca. Ce dernier est certes plus grand en cela que la guerre contre les Grecs se jouait sur le plan de l’esprit, mais il n’est pas terminé. Il ne s’agissait que d’une victoire provisoire, puisque la culture hellénistique n’a pas disparu. Des relents persistent jusqu’à notre époque.

En effet, les incitations à transgresser le Chabbat, à s’assimiler ou à négliger la Torah, entre autres, ne manquent pas. Le miracle de ‘Hanoucca n’étant donc pas parachevé, il n’était pas envisageable de le consigner. Ce n’est qu’à la venue du Machia’h que cesseront les machinations « grecques », que cette culture perdra toute influence et que le miracle sera total.

De surcroît, le miracle de ‘Hanoucca « se renouvelle » chaque année et c’est pourquoi il faut à chaque fois réviser les lois de la fête et le thème de la publication du miracle, se souvenir que les Grecs voulurent annuler le Chabbat, Roch ‘Hodech et la brit mila. Mais les enfants d’Israël les vainquirent et continuèrent à accomplir les mitsvot. De même, si nous observons ces trois mitsvot sans faille et nous repentons véritablement, D. opérera des miracles également en notre faveur, et nous mériterons rapidement la venue du Machia’h et la fin de l’exil.

D’ailleurs, il est intéressant de noter que les deux parachiot que nous lisons généralement pendant ‘Hanoucca font, de par leur titre, allusion à cette heureuse issue. A travers le titre Vayéchev, on peut en effet lire une allusion à la techouva, tandis que la paracha Mikets évoquerait le kets – la fin des temps –, le repentir s’enchaînant sur la fin de l’exil. La lettre mèm de Mikets, de guematria quarante, correspondrait, dans ce contexte, aux quarante années messianiques décrites par la Guemara (Sanhedrin 99a).

A présent, plusieurs questions trouvent leur réponse. Pourquoi les Grecs profanèrent-ils délibérément tous les flacons d’huile qu’ils trouvèrent ? S’ils voulaient empêcher le culte et notamment l’allumage de la Menora, il leur aurait suffi de murer les entrées du Temple. Pourtant, ils laissèrent les portes ouvertes, se contentant de souiller l’huile.

Rappelons qu’à cette époque, le prestige et la fierté du peuple juif – que l’on peut dire en hébreu kéren – étaient mis à mal, se trouvaient au plus bas, au point que les Grecs lui ordonnèrent (cf. Yerouchalmi ‘Haguiga 2:2) : « Inscrivez sur les cornes (kéren) des bœufs que vous n’avez pas de part dans le D. d’Israël ! » Cependant, grâce au flacon d’huile pur découvert, la gloire d’Israël fut restaurée, à l’image de l’huile qui, mêlée à un autre liquide, remonte toujours à la surface (Devarim Rabba 7:3). Pour preuve : le terme chémen (huile) a la même valeur numérique que karnam – terme polysémique traduisible par « leur corne » ou « leur gloire ». D’ailleurs, tous les jours, dans notre prière, nous implorons : « Notre père, notre Roi, relève la gloire de ton peuple Israël ! »

De ce fait, les Grecs s’en prirent sciemment à l’huile, et ce, pour deux raisons : d’une part, ils savaient que l’allumage des bougies est source d’élévation pour la Présence divine et, au-delà, pour les enfants d’Israël. En entravant l’allumage de la Menora, les Grecs voulaient donc empêcher que la gloire du peuple juif soit rehaussée. Second motif : l’huile (chémen) évoque l’âme (nechama). En profanant la première, ils voulaient insinuer qu’ils souilleraient les âmes des enfants d’Israël, en les détournant de la Torah et des mitsvot.

Pourtant, les Grecs échouèrent dans leur dessein de flétrir le corps et l’âme – le flacon et l’huile – des enfants d’Israël. Du petit flacon d’huile restée pure, les Juifs puisèrent abnégation et sainteté, ranimèrent les corps et ravivèrent l’étincelle de l’âme. De ce petit flacon, ils puisèrent de nouveau pureté et sainteté. De ce petit flacon, ils tirèrent leur raison d’être. Les huit jours d’allumage que permit cette huile sont d’ailleurs évocateurs, puisqu’ils correspondent aux quatre-vingts années de vie de l’homme sur terre.

Mais ce miracle était toutefois temporaire, à la différence de celui de Pourim, car la guerre spirituelle n’est pas terminée. De ce fait, le miracle de ‘Hanoucca ne fut pas consigné à l’époque. Il ne pourra l’être qu’à la venue du Machia’h, qui marquera le triomphe absolu de la sainteté, à l’image de l’huile qui remonte toujours à la surface.

Résumé

 •Le miracle de Pourim fut consigné en tant que dernier miracle. Celui de ‘Hanoucca, pourtant postérieur, n’eut pas droit à un tel traitement. Pourquoi ? Le premier procède du domaine physique et matériel, il est complet et achevé. Le second, en revanche, n’est pas circonscrit ni total, puisque la guerre spirituelle n’est pas terminée, et que cette civilisation continue de nuire. Cet état perdurera jusqu’à la venue du Machia’h, correspondant au dévoilement de la souveraineté divine et à l’aboutissement du miracle.

 •En outre, le miracle de ‘Hanoucca revêt une signification particulière. Les Grecs voulaient à dessein profaner l’huile, car l’allumage des bougies constituait une plate-forme pour la Présence divine et un tremplin pour tout le peuple juif. L’huile renvoie en outre à l’âme, que les Grecs voulaient souiller. Ils cherchaient à rabaisser la gloire du peuple juif et à ébranler sa spiritualité. Après la victoire des ‘Hachmonaïm, seul un flacon d’huile pure fut trouvé, dont tous allaient puiser spiritualité. Mais le miracle ne s’achèvera qu’à la venue du Machia’h, et tous pourront alors en prendre la mesure ; miracle incommensurable, entérinant le triomphe de la sainteté.

 

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