La lumière de la Torah : un écran protecteur

A ‘Hanoucca, un véritable miracle eut lieu, puisqu’une quantité d’huile suffisante pour un jour brûla huit jours, phénomène parfaitement surnaturel. On peut y voir une allusion au fait que l’âme de l’homme peut s’élever de façon prodigieuse, se sanctifier et se purifier contre vents et marées, en dépit des flèches du Satan. Plus encore, chaque Juif a la possibilité, à l’image de cette huile, insoluble, qui surnage toujours, de vivre aux côtés des non-juifs sans s’y mêler.

Ce concept est celui développé par Rabbi Yehochoua ben ‘Hanania face à l’empereur romain perplexe quant au mystère de la survie d’une brebis entourée de soixante-dix loups (Tan’houma Toldot 5a ; Esther Rabba 10:11). « Comment la brebis peut-elle être saine et sauve ?! » s’étonne le goy. « C’est la situation du peuple juif, tel une brebis au milieu de soixante-dix loups, fait remarquer le Sage, et pourtant, il en réchappe, car son Berger – le Saint béni soit-Il – le protège d’en Haut ! »

Nous allons approfondir le sens de cet échange. Il convient, en effet, de saisir la portée de l’interrogation de l’empereur. Pourquoi se montre-t-il si étonné du fait que les Romains n’aient pas exterminé tous les Juifs alentour ? Dans les autres pays conquis, ils avaient fait des milliers de prisonniers, d’esclaves et de serviteurs, sans pour autant les mettre à mort. Pourquoi, dans ce cas, s’en seraient-ils pris aux Juifs alors que ceux-ci n’étaient pas en révolte contre les Romains ? La réponse de Rabbi Yehochoua est tout aussi énigmatique. En outre, pourquoi l’empereur ne demanda-t-il pas au Sage où était le Berger, et en particulier lors de la destruction du Temple ?

Le Juif décrit ici, au milieu de milliers de Romains assoiffés de sang, débauchés et pervers, est sans aucun doute un Juif particulier, observant scrupuleusement Torah et mitsvot. Or, s’interroge l’empereur, comment est-il possible que ce Juif ne se laisse pas influencer par les agissements des non-juifs qui l’entourent ? Plus même, comment peut-il rester impassible face à leurs moqueries, alors qu’ils raillent sa tenue, ses péot, son chapeau, demeurer aussi imperturbable que « ceux qu’on humilie mais qui ne rendent pas l’offense » (Chabbat 88b ; Guittin 36b) ?

En outre, il est logique que lorsqu’un homme se trouve sous la botte de l’envahisseur, il se laisse influencer par les coutumes de celui-ci. De même, lorsqu’il est exilé, il aspire à la liberté et ne veut pas être traité en esclave. Dans ce but, il imite les coutumes locales. Pourtant, les enfants d’Israël, même sous la domination romaine, continuaient d’accomplir les mitsvot et restaient attachés à leurs propres coutumes !

« C’est normal, lui explique Rabbi Yehochoua, ils sont au-delà de la nature, car ils sont protégés, d’en Haut, par le Berger suprême. » Une condition toutefois à cette protection providentielle : leur fidélité à la Torah et aux mitsvot, logique maintes fois rappelée par nos Sages (Beréchit Rabba 65:16 ; introduction de Ekha Rabba 2) : « Lorsque la voix de Yaakov retentit dans les maisons de prière et d’étude, les mains d’Essav restent impuissantes. »

En revanche, s’ils n’observent pas Torah et mitsvot, D. leur voile Sa face, comme à l’époque de la destruction du Temple, à D. ne plaise. Alors, pour s’être détournés de la Torah et des mitsvot, les enfants d’Israël se trouvèrent pour ainsi dire privés de Berger. Cela rejoint la conclusion du prophète (Yirmyahou 9:11-12) : « Pourquoi ce pays est-il ruiné (…) ? C’est parce qu’ils ont abandonné Ma Torah », l’abandon de la Torah menant à l’assimilation.

Ainsi, lorsqu’un Juif étudie la Torah et accomplit les mitsvot, nul ne peut le subjuguer. Son âme brûle du feu de la Torah, comparée à cet élément (Midrach Cho’her Tov 16:7). De même que l’huile, liée à la lumière et à la flamme, ne subit l’influence d’aucun facteur extérieur, l’âme du Juif, ainsi alimentée, reste stable, contre vents et marées.

Car l’étude est une source de progrès constants (cf. Tehilim 84:8), sous l’effet de la protection du Berger, le Saint béni soit-Il – « D., mon Berger » (Beréchit 48:15). Cela reste vrai à notre époque, où des milliers de ba’hourim sont plongés jour et nuit dans l’étude de la Torah dans les yechivot, sans se languir de leurs familles, à l’instar de Rabbi Akiva, absent du foyer conjugal douze ans, suivis de douze autres années, sans même avoir pénétré quelques instants dans sa demeure (Ketouvot 63a).

De même, le Gaon de Vilna, qui n’avait pas rencontré sa sœur pendant vingt-cinq ans, se contenta, lorsqu’il la revit, de la gratifier d’un bref salut, pour aussitôt reprendre le fil de son étude. Car de tels « étudiants » sont totalement détachés des vanités de ce monde, leur âme brûlant du feu de la Torah. Même de nos jours, il nous est parfois donné d’observer des érudits vivre pour ainsi dire entre les murs de la maison d’étude ou de la synagogue (Péa 1:1), totalement détachés des vanités et jouissances de ce monde, réalité qui n’existe chez aucun autre peuple.

Notre secret : la Torah, qui protège et sauve de tout mal (cf. Sota 21a). Elle a le pouvoir de préserver l’homme dans ce monde comme dans le Monde futur, dans l’esprit du verset (cf. Avot 6:9) : « Dans ta marche, elle te guidera ; lorsque tu es couché, elle veillera sur toi (…) ». Nous ne tirons vie et vitalité – dans ce monde comme dans le Monde à venir – que de la Torah, tandis que l’âme puise sainteté sous le trône de gloire. Les ouvrages kabbalistiques expliquent que l’homme a en fait deux gardiens : le Saint béni soit-Il et la Torah. Cependant, lorsqu’il cesse d’étudier la Torah, appelée « feu », la flamme s’éteint et l’huile, qui fait référence à l’âme, reste impuissante à la ranimer. Dans ce cas de figure, l’homme peut être influencé par toutes les vanités de ce monde.

Telle était la réponse de Rabbi Yehochoua ben ‘Hanania à l’empereur romain : la Torah est le secret essentiel de notre survie, secret mis à jour à ‘Hanoucca. La Guemara (Chabbat 21a) amorce ainsi sa réponse à la question posée par une allusion à la Torah, à son enseignement : « Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? (…) Nos Maîtres ont enseigné ».

Sans l’étude de la Torah, le mauvais penchant, lui aussi de feu (Zohar I 90a), risque de faire trébucher l’homme et de le détourner du Créateur, en vertu du principe (Yerouchalmi, fin de Berakhot) : « Si tu m’abandonnes un jour, je t’abandonnerai deux. » L’homme oublierait alors son Créateur et toute son étude !

Ce principe se lit en filigrane dans le verset (Vayikra 26:3) : « Si dans Mes statuts vous cheminez, que vous gardez Mes mitsvot et les accomplissez ». D’après Rachi, reprenant un enseignement du Torat Cohanim, cette injonction peut être traduite ainsi : « Donnez-vous de la peine dans l’étude de la Torah ! » Autrement dit, toujours accomplir les mitsvot en parallèle à un investissement approfondi dans l’étude, à même de garantir la qualité de la pratique. Sans cela, l’homme trahit (maal) le Créateur, le verbe maal étant obtenu par permutation des lettres du terme amal (effort, investissement).

Lorsque l’homme se plonge corps et âme dans l’étude, D. l’aide de façon surnaturelle, dans l’esprit du miracle de ‘Hanoucca – une quantité d’huile suffisante pour un jour peut brûler huit jours. Car la lumière de la Torah a la capacité d’illuminer de façon prodigieuse, et c’est là la leçon à tirer de ‘Hanoucca et le parallèle avec cette fête : l’importance d’un attachement indéfectible à la Torah, feu protecteur.

Résumé

 •L’allumage de la Menora à ‘Hanoucca donna lieu à un véritable prodige, tout en étant porteur de messages d’une grande acuité. Ainsi, de même que l’huile est indissoluble dans l’eau, chaque Juif a la capacité de rester élevé sans se mêler aux non-juifs, car son âme est d’une sainteté suprême. On peut interpréter ainsi le dialogue entre Rabbi Yehochoua et l’empereur romain. « Comment le peuple juif, seul contre tous, peut-il échapper aux soixante-dix “loups” qui l’entourent ? », demandait ce dernier, perplexe. Réponse de Rabbi Yehochoua : « C’est parce qu’il est protégé par son Berger – le Saint béni soit-Il. »

 •Pourtant, le peuple juif n’était pas en rébellion contre Rome, et il n’y avait donc pas de raison pour que les Romains veuillent l’exterminer. Qu’est-ce qui sous-tend donc la question du souverain ? La réponse du Sage demande elle aussi à être explicitée. En outre, pourquoi l’empereur ne posa-t-il pas la question de la présence du Berger au moment de la destruction du Temple ?

 •En vérité, le cas d’espèce évoqué est celui du Juif qui, bien que vivant parmi les non-juifs, ne se laisse pas influencer par leurs coutumes, pas plus qu’il ne se laisse perturber par leurs quolibets. De cela, l’empereur ne laisse de s’étonner : comment un tel miracle est-il possible ? Et Rabbi Yehochoua de répondre : « La Torah a le pouvoir de protéger chaque Juif des machinations des goyim. » Or justement, à l’époque du Temple, le délaissement de la Torah permit aux non-juifs d’opprimer notre peuple et de détruire le Temple.

 •Chaque Juif bénéficie de la protection du Très-Haut par le pouvoir de la Torah, de l’investissement dans celle-ci. Dans le cas contraire, c’est le feu du mauvais penchant qui le prend d’assaut. Celui qui se consacre pleinement à la Torah oublie toutes les vanités de ce monde, à l’instar de Rabbi Akiva ou du Gaon de Vilna, et bénéficie d’une assistance divine miraculeuse, de l’ordre du prodige de ‘Hanoucca. C’est là le secret de cette fête : le pouvoir de la Torah éclaire telle une flamme et protège l’homme, dans ce monde comme dans le Monde à venir. (C’est là la condition sine qua non pour se rapprocher de D.)

La voie à suivre

L’investissement dans l’étude de la Torah brise toutes les frontières, de façon surnaturelle. Lorsqu’un Juif se trouve entouré de goyim, il doit se plonger dans l’étude pour échapper à leur emprise. Il pourra alors les vaincre, ainsi que le mauvais penchant, et être proche de D.

 

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