Le ‘hinoukh (l’éducation) comme tremplin spirituel

Nos Sages font remarquer la parenté étymologique entre les termes ‘Hanoucca et ‘hinoukh – l’éducation. Ce parallèle n’est certainement pas fortuit, mais nous permet d’appréhender le sens de cette fête, l’importance de donner à ses enfants une éducation pure, dans l’esprit de cette expression de la Guemara (Chabbat 21b) : « une bougie par homme, maisonnée comprise ».

Il s’agit d’une allusion à l’étude de la Torah – « Car la mitsva est un flambeau et la Torah une lumière » (Michlé 6:23) –, que l’homme ne doit pas garder pour lui seul, jalousement, mais au contraire partager, en la transmettant à ses enfants, à ses proches et à tous les Juifs. Dans ce sens, notre devoir de publier le miracle de ‘Hanoucca consiste aussi à diffuser Torah et foi. A cet égard, lorsque le maître de maison allume les bougies devant ses enfants, qui l’interrogent sur le miracle pour en arriver à la foi en D., il réalise un geste d’une portée incommensurable.

S’il ne donne pas ce mérite aux membres de son foyer, il les éloigne de la source d’eau vive, et c’est pourquoi la loi concernant l’allumage a été tranchée selon Hillel (Chabbat 21b), qui préconise d’ajouter chaque jour une lumière supplémentaire, soulignant la nécessité de progrès constants dans l’étude de la Torah et la sainteté. Cet ordre croissant d’allumage évoque également la nécessité de « s’enflammer » personnellement au départ, pour ensuite progressivement éduquer les autres aussi à la Torah et aux mitsvot, et ce, pendant huit jours (chemona), allusion à l’âme (nechama) de l’homme, qui doit toujours se lier et s’élever à l’unisson avec les âmes de tout le peuple juif. Ainsi, il ne faut pas œuvrer seul, à titre individuel, mais œuvrer pour autrui et ramener d’autres Juifs sous les ailes de la Présence divine.

L’accent, à ‘Hanoucca, est mis sur les louanges et actions de grâce au Tout-Puissant. La consommation de bons plats est certes également source de joie (cf. Pessa’him 109a) – notons d’ailleurs que les actions de grâce récitées après le repas à ‘Hanoucca sont ponctuées du « Al Hanissim » –, mais les louanges constituent l’essentiel. A travers le ‘hinoukh, on rapproche les autres du Service divin, pour tous ensemble louer le Créateur pour les miracles opérés en faveur de nos pères.

Partant, nous comprenons pourquoi il faut allumer les bougies de ‘Hanoucca du côté gauche. C’est pour anéantir le mauvais penchant, dont c’est le côté de prédilection et qui tente de perturber l’éducation pure de nos enfants, l’avenir de notre peuple. D’ailleurs, si le nom ‘Hanoucca a la même guematria que ‘hen-E-l, c’est pour souligner combien, en donnant une éducation pure à nos enfants, nous trouvons grâce (‘hen) aux yeux de D. (E-l).

Cependant, on peut se demander pourquoi nos Sages affirment que le miracle de ‘Hanoucca ne peut être écrit (Yoma 29a) ou, comme le définit le Bené Yissakhar, qu’il relève de la Torah orale.

Autre question, relevée par le Beth Yossef : le miracle ne dura en fait que sept jours, puisque la quantité d’huile pure trouvée était suffisante pour un jour ; dès lors, pourquoi allume-t-on les bougies huit jours ? Sinon, en admettant que le miracle ait duré huit jours, pourquoi ne pas les allumer neuf jours – un pour commémorer la miraculeuse trouvaille du flacon d’huile pure, et huit pour rappeler les huit jours durant lesquels l’huile brûla ?

Pour répondre, rappelons que les nations ont toujours voulu exterminer notre peuple, mais l’une d’entre elles se distingua par sa détermination particulièrement farouche à le rendre impur et à lui faire oublier la Torah : il s’agit des Grecs, qui interdirent le Chabbat, la proclamation du nouveau mois et la brit mila (Yalkout Méam Loez Bamidbar, page 92).

Dans ce dessein, ils ordonnèrent perfidement aux enfants d’Israël : « Inscrivez sur la corne du bœuf que vous n’avez pas de part dans le D. d’Israël ! » (Yerouchalmi ‘Haguiga 2:2) Le but avoué : profaner les cœurs purs des enfants juifs. Mais, grâce à D., les ‘Hachmonaïm eurent raison d’eux et restaurèrent la sphère de Splendeur.

De ce fait, nos Sages instituèrent à ‘Hanoucca un allumage graduel, du côté gauche de la porte, en dehors de la maison pour publier le miracle – ensemble de mesures qui contrent l’impureté hellénistique, par un apport supplémentaire de sainteté et de pureté à notre peuple. Cette ordonnance d’allumage d’« une bougie par homme, maisonnée comprise – Ner, ich oubeito » évoque, à travers ses lettres finales, le thème du bœuf (chor), emblème de l’apostasie d’Israël visée par les Grecs. Par l’allumage, l’impureté que ce peuple incarnait est donc affaiblie.

Cela nous permet de comprendre pourquoi le miracle de ‘Hanoucca n’était pas traduisible par écrit. Il relève de la tradition orale, d’une dimension qu’on ne peut pas circonscrire. En effet, celle-ci procède de l’infini, d’un ajout constant de sainteté, en cela que D. nous transmet chaque jour de nouvelles interprétations (Beréchit Rabba 49).

Ce concept d’innovation constante explique l’impossibilité de rédiger le récit de ‘Hanoucca, que nous continuons à vivre jusqu’à aujourd’hui. Nous devons tous nous inspirer de l’abnégation des ‘Hachmonaïm, qui vainquirent les Grecs, restaurèrent la sphère de Splendeur et ajoutèrent un surplus de sainteté en Israël.

La Menora, ou le secret de la victoire contre le Satan

Nous pouvons à présent expliquer les difficultés éprouvées par Moché pour concevoir la Menora (Mena’hot 29a ; Bamidbar Rabba 15:3). À priori, il est difficile de comprendre comment un être qui était monté au ciel pour recevoir la Torah (Chabbat 89a), qui avait parlé avec D. « face à face » (Chemot 33:11) et en avait pénétré tous les mystères, ait pu se heurter à une telle difficulté.

La Menora renvoie, de par une identité de guematria, aux termes ner (bougie) et ben (fils). Cela nous rappelle que tout homme doit s’élever, ainsi que son fils, face à D., à la lumière de la Torah et des mitsvot. Le chandelier du Temple fait pendant, comme nous le savons, au corps, tandis que l’huile évoque l’âme.

C’est dire combien il faut progresser sans cesse, chaque jour, en Torah et tefila, dans l’esprit de cet allumage graduel, car c’est le secret pour vaincre le mauvais penchant. Cependant, Moché peinait à comprendre comment l’homme peut si facilement triompher du mauvais penchant. D. lui répondit alors : « La Menora sera faite d’une seule pièce » – tournure passive. Autrement dit, les enfants d’Israël doivent, à la base, avoir la volonté de vaincre, après quoi Je les aiderai pour que cela se fasse seul. Or, de même que la Menora appelle l’huile, le corps appelle l’âme. Aussi, sachons nous montrer réceptifs à cet appel afin de sans cesse nous élever et nous lier à D.

A cet égard, on notera le comportement exemplaire d’Aharon. Après avoir reçu toutes les instructions concernant leur service, « Aharon et ses fils exécutèrent toutes les choses » (Vayikra 8:36), affirme la Torah, et Rachi de commenter : « C’est pour souligner leur grandeur, en cela qu’ils ne s’en sont détournés ni à droite ni à gauche ». C’est là la grandeur d’Aharon, en digne représentant de la sphère de Splendeur, de ne pas avoir posé de questions, mais d’avoir tout fait comme il lui avait été enjoint.

Comme le souligne Rachi, il ne s’en est détourné « ni à droite ni à gauche », allusion au fait qu’il restaura la sphère de Splendeur et vainquit l’adversaire sur les deux fronts, droite et gauche – par l’allumage des lumières du côté gauche et la mezouza à droite –, et c’est ainsi qu’il affaiblit l’impureté grecque.

« Quant à la confection de la Menora, d’une seule pièce » (Bamidbar 8:4). Ainsi qu’a pu le remarquer Moché, il ne s’agit pas d’une victoire facile. Le terme mikcha peut être rapproché du terme kaché – « difficile », ce qui souligne la difficulté de cette lutte. Mais en s’accrochant à la Torah, le kaché (difficile) devient machké (un doux « breuvage »), la Torah, qui protège l’homme, étant comparée à l’eau (Baba Kama 17a).

Les ‘Hachmonaïm, cette famille de cohanim, à travers leur remarquable victoire sur les Grecs, nous en ont fait la démonstration, et c’est donc à juste titre que l’allumage de la Menora fut confiée aux prêtres, car ils servent sincèrement D. et sont habilités à expier les fautes du peuple juif. Nos Maîtres vont jusqu’à détailler comment chacun de leurs vêtements rachetait une faute spécifique, comme la médisance, la débauche, le meurtre, l’idolâtrie, etc. C’est la preuve que les cohanim étaient parés de vertus, sans lesquelles la Torah ne peut subsister – « le savoir-vivre précède la Torah » (Vayikra Rabba 9:3). Car les qualités d’âme sont indispensables pour expier les fautes et permettre la réparation de la sphère de Splendeur.

A présent, l’insistance, dans la prière « Hanérot Hallalou », sur le rôle de « Tes saints cohanim » s’éclaire. En effet, à l’époque du Temple, l’essentiel du Service reposait sur les épaules des cohanim, qui faisaient expiation pour l’ensemble du peuple. Cependant, nous n’avons plus, à notre époque, ni prêtre, ni prophète, ni Menora, ni Temple, et c’est pourquoi ce travail repose à présent sur chacun d’entre nous.

‘Hanoucca dure huit jours, qui rappellent le miracle de l’huile (chémen) et surtout la survie de l’âme juive (nechama). En cette fête, il faut trouver grâce (‘hen) aux yeux de D. (E-l), en réparant ce qui doit l’être.

A présent, on comprend clairement pourquoi le miracle de ‘Hanoucca n’a pu être transcrit par écrit. La lutte contre l’impureté grecque n’est pas terminée, et se poursuit par le biais de notre arme : la Torah. D’ailleurs, le mot Menora a la même valeur numérique que le mot ech (feu), auquel la Torah est comparée (Mekhilta Yitro 19:18). En outre, dans le futur, les sacrifices seront appelés à disparaître (Vayikra Rabba 9:7), tandis que la Torah, elle, ne disparaîtra jamais. Morale de ‘Hanoucca : une éducation à l’aune de la Torah, symbolisée par la diffusion des lumières de ‘Hanoucca, permet l’amendement et l’élévation.

Résumé

 •La fête de ‘Hanoucca, du mot ‘hinoukh, nous enseigne l’importance d’éduquer nos enfants et nos proches à louer D. pour tous Ses miracles, plutôt que de garder cela pour soi. L’accent est volontairement mis sur les louanges et actions de grâce, car c’est l’essentiel du « travail » de ‘Hanoucca. Les miracles n’ont pu être consignés par écrit, car de même que la Torah orale n’a pas été clôturée, le travail n’est pas terminé et il nous incombe, aujourd’hui encore, de restaurer la sphère de Splendeur, dans la lignée spirituelle des ‘Hachmonaïm.

 •En outre, ‘Hanoucca est principalement axée sur la spiritualité, le triomphe de l’âme – le flacon d’huile pure, la Menora faisant pendant au corps – par la Torah. Si Moché éprouva de grandes difficultés à concevoir la Menora, c’est parce qu’il se demandait comment on peut vaincre le mauvais penchant. C’est pourquoi D. lui répondit : « La Menora sera faite d’une seule pièce (mikcha) ». Autrement dit, même si cela paraît difficile (kaché), voire impossible, les enfants d’Israël doivent faire le premier pas et Je les aiderai à réparer la sphère de Splendeur.

 •Du fait de leurs qualités d’âme, ce travail était celui des cohanim à l’époque du Temple. De nos jours, cette responsabilité est celle de tout homme, qui doit réparer la sphère de Splendeur et éduquer les siens à la Torah et à la sainteté, car c’est ainsi qu’on triomphe du mauvais penchant. Si les sacrifices n’existent plus, la Torah, elle, est éternelle, et c’est pourquoi le récit de ‘Hanoucca n’a pu être consigné par écrit. La sphère de Splendeur nécessite encore d’être réparée à travers la Torah, dans la pureté et la sainteté.

 

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