La publication du miracle  : une fête pour l’âme

« Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? Nos Maîtres ont enseigné : le 25 Kislev débutent les huit jours de ‘Hanoucca. Ils l’ont instaurée pour l’année suivante comme fête, célébrée par le Hallel et les louanges », nous apprend la Guemara (Chabbat 21b). Et Rachi d’ajouter : « Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? Pour quel miracle l’a-t-on instaurée ? (…) Parce qu’on avait trouvé un flacon cacheté avec le sceau du cohen gadol (…) ».

De là nous apprenons que le miracle essentiel qui conduisit à la fixation de cette fête pour toutes les générations est celui de la découverte du flacon d’huile pure portant le sceau du grand prêtre qui, au lieu de brûler un seul jour, brûla huit jours.

Nous comprenons dès lors pourquoi la commémoration de ce miracle dure huit jours et non sept. Même si l’on admet que l’allumage du premier jour n’avait rien de miraculeux, la découverte du flacon scellé par le cohen gadol était en soi un véritable prodige, quand on pense au fait que tous les flacons avaient été ouverts et rendus impurs, sauf celui-ci ! Huit jours de louanges et de récitation du Hallel furent donc instaurés.

Nos Maîtres (ibid. 21b) soulignent que cette prolongation de la fête vise principalement à la « publication du miracle », puisque la mitsva de l’allumage de la ‘hanoukia doit impérativement être effectuée tant qu’il y a des passants dans la rue.

L’auteur du Chéérit Israël marque son étonnement : « Voilà qui est extraordinaire ! Cela voudrait dire que, parmi tous les miracles qui eurent lieu à cette époque, aucun ne méritait d’être commémoré hormis le miracle de l’huile ! Pourquoi celui-ci en était-il plus digne ? En outre, pourquoi est-il question des “jours de ‘Hanoucca [litt. inauguration]” ? Cette dénomination ne serait-elle pas plus appropriée à la commémoration de la ré-inauguration du Temple et des sacrifices par les ‘Hachmonaïm ? Le Ran explique le choix du nom de la fête en le décomposant de la manière suivante : ‘hanou-caf-hé, autrement dit, qu’ils ont campé, ont eu un répit dans toutes les souffrances infligées par les Grecs, le 25 (caf-hé) Kislev. Pourtant, cela aussi demande des explications. En quoi s’agissait-il d’un répit, alors que la victoire militaire avait déjà eu lieu ? Il ne s’agit pas non plus d’un jour de Yom Tov, puisque les travaux interdits les jours de fête sont alors permis ! »

Ajoutons une autre question : pourquoi est-ce précisément à ‘Hanoucca – et non au cours d’autres fêtes proclamant d’autres miracles – qu’est mise en exergue cette notion de publication du miracle, imposant l’allumage aux heures où des passants se trouvent encore dans les rues ?

En outre, pourquoi poser la question : « Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? », question si déroutante dans sa formulation que Rachi éprouve le besoin de donner des explications ? Pourquoi ne pas avoir dit, plus simplement : « Nos Maîtres ont enseigné que le vingt-cinq Kislev débute la fête de ‘Hanoucca », auquel cas on aurait compris qu’elle perpétue le souvenir du miracle de l’huile.

La réponse rejoint en partie nos explications antérieures, concernant les perfides desseins des Grecs. Ils aspiraient en vérité à anéantir le peuple juif d’un point de vue spirituel, à lui faire oublier la Torah, le détourner des statuts divins et de la racine le liant à D. Dans ce but, ils interdirent l’observance du Chabbat, la proclamation du nouveau mois et la mila. Finalement, ils ordonnèrent aux enfants d’Israël : « Inscrivez sur la corne de votre bœuf (chor) que vous n’avez pas de part dans le D. d’Israël » (Beréchit Rabba 2:4 ; Yalkout Chimoni Tazria 555). La guematria de chor est identique à celle de haroch (la tête), car ils voulaient porter atteinte au cerveau du Juif, au siège de ses pensées, au point d’ancrer dans sa tête ce message pernicieux : vous n’avez pas de part en D. ni dans Sa Torah.

Plus avant, nous savons que la nechama siège dans le cerveau de l’homme. A cet égard, le Ari zal explique que chaque jour, le cerveau de l’homme se renouvelle en fonction du niveau de l’homme. Autrement dit, les Grecs voulaient avoir la mainmise sur la sphère de Splendeur (hod) et la corrompre, dans l’esprit du verset : « toute la journée souffrant » (dava, inversion des lettres de hod). Leur dessein : empêcher Aharon, représentant de la sphère de Splendeur, d’allumer la lumière perpétuelle, afin qu’il ne puisse dégager cette sphère de l’emprise des forces impures, ce qui leur permettrait d’avoir les coudées franches pour maîtriser les enfants d’Israël sur le plan spirituel.

Or – et c’est là le véritable prodige de ‘Hanoucca –, l’âme juive ne fut nullement touchée. A côté de ce miracle, on comprend bien que tous les autres paraissent insignifiants ! Lorsque nos Sages précisent que « les jours de ‘Hanoucca sont au nombre de huit », chiffre qui, en hébreu, se dit chemona, l’allusion à l’âme (nechama) est claire. Cette fête est donc celle de l’âme, et c’est pourquoi l’accent est mis sur la récitation du Hallel et de louanges. C’est aussi pourquoi la notion de publication du miracle est mise en avant, comme un message aux non-juifs : en dépit de tous les malheurs qu’ils veulent faire fondre sur nous, ils ne pourront nous pousser à renier notre foi.

C’est là l’essence de ‘Hanoucca : une fête pour l’âme. Ajoutons également que « l’éveil d’en bas » entraîne toujours un « éveil d’en Haut » (Zohar I 88a ; II 31b), à même de subjuguer les forces impures qui règnent dans le monde. En outre, si nos Maîtres précisent (Choul’han Aroukh Ora’h ‘Haïm 670:1) que certains s’abstiennent de tout travail lorsque les bougies brûlent, afin de se concentrer sur celles-ci et sur la publication du miracle, cette fête s’apparente donc d’une certaine manière à un Yom Tov. En l’observant dûment, on permet le déversement des bénédictions célestes sur terre, tout en restaurant la sphère de Splendeur.

La victoire sur les Grecs par le mérite de la foi

Comme nous l’avons précisé, ces derniers visaient à éloigner les enfants d’Israël du Saint béni soit-Il, en leur perturbant l’esprit, comme de nombreux peuples tentent de nos jours de le faire. C’est ainsi que, malheureusement, nombreux sont ceux qui s’assimilent aux non-juifs.

Nos Maîtres éprouvèrent une grande difficulté à déterminer sur quelle base a été établie la commémoration du miracle de ‘Hanoucca pour toutes les générations. Car il y eut de nombreux miracles dont le souvenir ne fut pas perpétué de cette manière. Cette épineuse question exigea donc de nos Maîtres une étude approfondie et l’assistance divine.

En approfondissant leur réflexion, ils en arrivèrent à la conclusion que la réponse réside dans le mot ‘Hanoucca. L’occupant voulait séparer les enfants d’Israël de D., afin qu’ils ne campent (‘hanou) pas unis sous Sa bannière. Mais le jour de ‘Hanoucca, les enfants d’Israël campèrent (‘hanou) avec D., dans une grande unité et, par le triomphe de la sainteté sur les forces impures, ils se lièrent de nouveau au Très-Haut. Or, la notion de campement (‘hanaïa) peut être décomposée en ‘hen et Y-a, autrement dit trouver grâce aux yeux de D. C’est ainsi que fut restaurée la sphère de Splendeur (hod), dont la valeur numérique équivaut à celle de Y-a, et qu’ils vainquirent l’impureté grecque.

Le nom de cette fête est donc, comme le soulignent les Sages, hautement significatif, car les enfants d’Israël campèrent (‘hanou) avec D. (caf-hé – le Tétragramme ayant, plus ou moins un, une valeur numérique équivalente). Ce campement conjoint est source de bénédiction pour le peuple juif, comme le prouve le verset (Bamidbar 6:23) : « Voici (caf-hé) comment vous bénirez les enfants d’Israël ». Autrement ordonnées, les lettres de ‘Hanoucca forment les mots na’hou-caf-hé. L’accent est mis, cette fois-ci, sur le répit (na’hou) des enfants d’Israël face à l’impureté hellénistique.

En outre, l’union permet d’imposer un silence total aux accusateurs, car lorsque les enfants d’Israël sont unis, comme ce fut le cas à la date historique du vingt-cinq Kislev, il est impossible de les accuser, fussent-ils, comme l’affirment nos Sages (Beréchit Rabba 38:6), idolâtres.

Du fait qu’Israël n’avait pas été abandonné, nos Sages instituèrent huit jours de fête, pour rappeler l’ampleur du miracle : les ‘Hachmonaïm étaient tel un homme qui se bat seul contre de nombreux ennemis et, contre toute attente, en triomphe, triomphe qui scella le retour en force de l’âme et de la foi juive.

La fête de ‘Hanoucca fut donc instituée pour célébrer l’unité entre D., la Torah et Israël, qui forment une seule entité (Zohar III 73a), la résistance de l’esprit du peuple juif à l’influence délétère des Grecs, la chute des forces impures et l’élévation de la sphère de Splendeur. Toutes ces notions se retrouvent en filigrane dans le mot ‘hanoukia (‘hanou, na’hou, caf-hé, Y-a).

Pour ces raisons, il est fondamental de s’attacher à la publication du miracle, à l’inverse du précepte : « chemine discrètement avec ton D. » (cf. Mikha 6:8). En effet, en proclamant haut et fort le miracle, l’homme montre à tous sa disposition à être uni avec D., sa volonté de se distancier des forces impures et de les arracher de son cœur.

On comprend à présent pourquoi la mitsva de l’allumage dure tant qu’il se trouve des passants (dans le texte de la Guemara : réguel) dans la rue. Ce terme désigne clairement l’impureté qui rôde au-dehors. Tant que c’est le cas, elle voudrait empêcher les gens de servir D., et c’est donc le moment idéal pour allumer les lumières de ‘Hanoucca. Grâce à leur lumière, les victimes des forces impures pourront prendre conscience de leurs erreurs et se repentir.

Le message de cet allumage « à grand bruit » : l’homme qui souhaite s’écarter des forces impures doit le crier haut et fort. Il doit montrer à tous qu’il les fuit et se rapproche de D. à travers une sainteté intérieure, car l’intérieur rayonne au dehors. Il échappera ainsi à l’impureté ambiante, car son intériorité continuera de l’éclairer même au-dehors. Par ce rayonnement intérieur qui transparaît sur le visage, l’extérieur perd toute importance et tout devient prétexte à un rapprochement vis-à-vis de D. et à un Service effectué d’un cœur entier.

Résumé

 •La célébration de ‘Hanoucca vise essentiellement à commémorer la découverte miraculeuse de l’huile pure. Cette fête dure huit jours pour souligner combien la trouvaille était en soi miraculeuse. Nous savons en outre que la mitsva de l’allumage doit être accomplie tant qu’il y a des passants dans la rue, afin de faire la publicité du miracle. Pourquoi l’huile est-elle mise en avant au détriment de nombreux autres miracles dont bénéficia le peuple juif ? En outre, pourquoi n’est-ce pas la ré-inauguration du sanctuaire (‘hanouccat hamizbéa’h) qui est mise en relief ? Que représente cette notion de « réguel méhachouk » – les « passants (litt. les pieds) se trouvant encore dans le domaine public » ?

 •Les Grecs voulaient déraciner la spiritualité du peuple juif, le détourner de D. Dans ce dessein, ils intimèrent aux Juifs l’ordre d’abjurer leur foi, par écrit, sur la corne du bœuf (chor). Or, ce terme a la même guematria que haroch (la tête). C’est donc à l’esprit, à l’âme du Juif qu’ils s’attaquaient, outre le fait qu’ils voulaient subjuguer la sphère de Splendeur. Mais par miracle, la « tête » des enfants d’Israël ne fut pas touchée et ils restèrent unis à D. Une fête de huit jours (chemona) fut donc instituée, pour rappeler la miraculeuse survie de l’âme (nechama). ‘Hanoucca est donc, par excellence, la fête de l’âme, et c’est pourquoi il est nécessaire de crier haut et fort ce miracle, pour rappeler la victoire sur les forces impures et la réparation de la sphère de Splendeur.

 •Nos Sages éprouvèrent au départ une difficulté à déterminer le miracle central de ‘Hanoucca, et ils durent pour cela analyser les faits en profondeur. Ils finirent par comprendre qu’en campant avec D. – par l’unité –, on peut vaincre les Grecs. Tel est le sens profond du nom de cette fête : camper (‘hanou) avec D. (le Tétragramme équivalant, plus ou moins un, à la valeur de caf-hé) et se reposer (na’hou) des forces impures. C’est le secret pour recevoir la bénédiction divine et permettre la suprématie de la sphère de Splendeur. Toutes ces notions se retrouvent en filigrane dans le terme ‘hanoukia.

 •La publication du miracle est indispensable pour crier haut et fort notre volonté de nous éloigner des forces impures et de nous lier à D. Car c’est justement lorsqu’il y a un pied dehors (réguel), autrement dit lorsque l’impureté rôde à l’extérieur, tentant de perturber le Service divin, que l’allumage des flammes de ‘Hanoucca permet d’éclairer l’intériorité, ce qui a un retentissement par la suite sur la sphère publique, permettant même à d’autres personnes de se repentir.

 

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