Lorsque le mois d’Adar arrive, on amplifie la joie

Cette maxime de nos maîtres (Taanit 26b), simple en apparence, mérite cependant d’être approfondie. En quoi la joie inhérente à ce mois est-elle différente de celle des autres mois du calendrier ? En effet, ce n’est pas le seul mois où le peuple juif bénéficia de miracles, outre le fait que la joie est un sentiment fondamental tout au long de l’année, comme l’indique David Hamelekh (Tehilim 100:2) : « Servez l’Eternel dans la joie ». Et pourtant, le mois d’Adar doit être teinté d’une joie plus intense que les autres mois. Tentons de comprendre pourquoi.

Le mois d’Adar est particulièrement propice à la joie et, à travers la joie que l’homme ressentira dans son Service divin tout au long de ce mois, il pourra progresser de palier en palier. En effet, en Adar eut lieu un très grand miracle : le sauvetage des Juifs des mains d’Haman l’impie. Outre sa tentative de génocide du peuple juif, Haman faisait peser sur eux le risque de leur faire perdre totalement foi en leur Créateur. Mais il se passa exactement le contraire : cette menace d’extermination suscita en eux un élan de foi et de prières, ainsi qu’une progression conséquente dans le Service divin et la joie le caractérisant. Cette impulsion permit le miracle – un total renversement de la situation, ainsi décrit dans la Meguila (9:1) : « ce fut le contraire qui eut lieu en cela que les Juifs prirent le dessus sur ceux qui les haïssaient ». Il y a donc lieu de se réjouir, au mois d’Adar, du fait que les Juifs échappèrent à ce péril et se rapprochèrent de D.

Une autre explication tient compte du fait que le mois d’Adar précède le mois de Nissan, mois marqué d’un sceau particulier, puisqu’« en Nissan, les Juifs furent délivrés [d’Egypte], et en Nissan ils seront de nouveau délivrés » (Roch Hachana 11a ; Chemot Rabba 15:12a ; Zohar II 120a). Aussi, si l’on ressent un regain de joie dans son Service divin au mois d’Adar, et qu’on entame le mois de Nissan dans cet état d’esprit, on augmente ses chances de bénéficier alors de la Délivrance, caractérisée par un total affranchissement du mauvais penchant et un grand rapprochement du Créateur. C’est une raison amplement suffisante pour se réjouir intensément en Adar.

En outre, la succession chronologique Adar-Nissan peut être mise en parallèle avec celle des mois d’Elloul et de Tichri. En Elloul, l’homme, pénétré de crainte, se repent de tous ses péchés de l’année, afin d’arriver pur et sans faute aux Jours Redoutables – au mois de Tichri, qui entame une nouvelle année. De même, le mois de Nissan est considéré par la Torah comme « le premier des mois » (cf. Chemot 12:2) ; il représente donc l’occasion de se repentir, animé d’un sentiment de joie pour tous les miracles divins qui couronnèrent notre sortie d’Egypte.

De ce point de vue, le mois d’Adar, qui le précède, doit être ponctué de prières et d’actes charitables, accomplis dans un sentiment de joie et d’affection pour D., et c’est donc le moment idéal pour s’amender par amour de D. Or, qu’y a-t-il de plus réjouissant que de se repentir et de se rapprocher du Créateur ? On peut trouver dans la Michna (Pessa’him 1:1) une allusion à la techouva qui doit caractériser cette période : « La veille au soir du 14 [Nissan], on recherche le ‘hamets (…) ». Cet élément à rechercher puis éliminer correspond également aux fautes, aussi doit-on faire techouva en Nissan comme en Tichri, et il y a donc lieu de s’y préparer, dans la joie, dès le mois d’Adar.

Par ailleurs, la joie du mois d’Adar trouve son essence dans la nouvelle acceptation de la Torah qui conclut les évènements de la Meguila. Ainsi, dans la Guemara (Chabbat 88a), on peut lire : « Ils l’ont reçue à l’époque d’A’hachvéroch ». A Pourim, au mois d’Adar, les enfants d’Israël acceptèrent de nouveau la Torah dans la joie, comme il est écrit (Esther 9:27) : « Les Juifs accomplirent et acceptèrent » - Ils accomplirent ce qu’ils avaient déjà accepté au mois de Sivan, sous la contrainte, nous expliquent les Sages. Or, sans Torah, le monde ne peut subsister (Pessa’him 68b ; Nedarim 32a). Cette nouvelle acceptation de la Torah avec joie et enthousiasme constitue donc une raison de se réjouir plus particulièrement au mois d’Adar.

On peut comparer cela à un roi dont le fils est devenu esclave de maîtres particulièrement mauvais. Le souverain entreprend tous les efforts possibles en vue d’obtenir la libération de son rejeton, efforts finalement couronnés de succès. Le fils nouvellement libéré s’entend alors dire : « Si tu n’acceptes pas mon autorité et ne m’obéis pas en tout point, je te tuerai ! » Devant des paroles d’une telle dureté, il reste pantois. « Après toute la peine que j’ai causée à mon père lorsque j’étais esclave, et après tout ce qu’il a fait pour me libérer, comment peut-il me tomber ainsi dessus à bras raccourcis ? se demande-t-il. Comment peut-il prétendre qu’en cas de désobéissance de ma part, il me tuera ? »

« Et surtout, pense-t-il en son for intérieur, pourquoi ne m’a-t-il pas averti avant ma libération ? Pourquoi ne m’a-t-il pas libéré à la condition que je me soumette totalement à sa volonté ? Alors, j’aurais accepté sans hésitation. A présent, cela me donne l’impression qu’il ne s’agit que d’une tentative d’intimidation. En effet, aurait-il remué ciel et terre pour me libérer s’il avait eu l’intention de mettre à exécution ses menaces en cas d’insubordination ? Je ne peux le croire. Mais toutefois, par égard pour ses bienfaits envers moi, je vais l’écouter. »

Cependant, peu après, le fils ne tient pas promesse et désobéit aux directives paternelles. Pour le corriger, son père ne le tue certes pas, mais le remet aux mains d’individus mauvais, pour qu’il leur soit assujetti. Ceux-ci cependant projettent de tuer le fils rebelle. Lorsqu’il apprend les machinations qui se trament contre lui, le prince, paniqué, envoie à son père une délégation chargée de transmettre son engagement à se soumettre dorénavant totalement à sa domination.

De même, au mois de Sivan, les enfants d’Israël restèrent sceptiques dans leur engagement, car leur foi en D. n’était pas totale, et c’est pourquoi ils durent subir le joug d’A’hachvéroch et d’Haman. Mais, lorsqu’ils échappèrent aux desseins de ceux-ci, ils se soumirent cette fois-ci d’un cœur plein et entier à D., et acceptèrent la Torah avec joie et non par contrainte, conscients de l’amour de leur Père, le Créateur, et de Son désir de proximité avec Ses enfants. Voilà pourquoi, d’année en année, nous devons particulièrement nous réjouir au cours du mois d’Adar.

Résumé

 •La joie particulière inhérente au mois d’Adar tient à plusieurs raisons. En ce mois, les Juifs coururent le risque de perdre la vie comme la foi mais, par miracle, ils furent sauvés des machinations d’Haman et se rapprochèrent du Créateur.

 •En outre, ce mois précède celui de Nissan, propice à la délivrance, ce qui est une raison pour se réjouir. Un parallèle peut par ailleurs être établi entre Elloul, mois de la techouva par crainte, suivi des réjouissances de Tichri, et Adar, mois du repentir par amour.

 •Enfin, le mois d’Adar marque une nouvelle acceptation de la Torah, cette fois dans la joie et non par contrainte comme en Sivan. Car les enfants d’Israël constatèrent combien D. les aime et désire leur proximité.

 

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