La clémence envers le peuple juif par la réparation de la foi

Le miracle de Pourim est universellement connu. Haman l’impie décréta l’anéantissement et la ruine totale du peuple juif (Esther 3:13), et, n’eût été la Miséricorde divine, il aurait mené à bien ses perfides desseins. Mais comment comprendre cette obsession d’Haman à exterminer le peuple juif ? N’était-il pas conscient que quiconque touchait au peuple élu ne serait pas impuni ?

Nous allons proposer une explication d’après le Ben Ich ‘Haï (IV, page 200), qu’il tire lui-même du Ir David (page 31). La techouva n’a pas été donnée aux descendants de Noa’h (Sanhedrin 59a) mais seulement au peuple juif. Car tout ce qui est postérieur à la Création ne peut modifier une réalité qui lui est antérieure. Or, le repentir étant antérieur à la Création (Beréchit Rabba 1:4), il ne fut pas légué aux descendants de Noa’h, dont l’existence lui est postérieure. En revanche, si les enfants d’Israël furent concrètement créés après la Création, explique le Ir David, la pensée de leur conception lui était bien antérieure (Beréchit Rabba 1:5), comme en témoigne le verset (Ekha 5:21) : « renouvelle nos jours comme auparavant ». De ce fait, les enfants d’Israël entretiennent un lien très fort avec la techouva, créée avant l’univers.

Telle était, de fait, la pensée d’Haman. Il savait que le peuple juif s’était rendu coupable, pour avoir pris part au banquet d’A’hachvéroch (Meguila 12a). De ce fait, cette époque était caractérisée par un voilement de la Face divine, dans l’esprit de l’avertissement (Devarim 31:18) : « Moi-même, Je leur voilerai Ma face », appelé à entrer en vigueur si les enfants d’Israël ne suivaient pas la voie de la Torah.

Or, Haman pensait tirer profit de ce voilement de la Face divine, pleinement conscient que dès le moment où les enfants d’Israël n’étaient plus l’objet des pensées divines, ils pouvaient tomber entre les mains de leurs ennemis, résolus à les tuer. En effet, comment la techouva pourrait les aider, alors qu’ils avaient quitté l’esprit du Créateur – place qu’ils occupaient avant la Création – et perdu, de ce fait, cette possibilité de techouva. N’étant plus différenciables des bené Noa’h, pensait Haman, il serait facile de les tuer.

Haman commit cependant une lourde erreur, puisque, si de manière générale cette période était certes caractérisée par un voilement de la Face divine, cette obscurité n’était pas totale, du fait de la présence de quelques justes comme Mordekhaï et Esther. Ces derniers jouissaient en effet d’une conduite divine révélée et parvinrent, dans leur grandeur, à restituer à l’ensemble du peuple la faveur divine, en suscitant son repentir.

A cet égard, il est éloquent que le verset précité concernant le voilement de la Face divine, verset sur lequel Haman crut pouvoir s’appuyer pour mettre à exécution ses plans, est précisément celui à travers lequel nos Sages décèlent une allusion à Esther : « Où trouve-t-on [une allusion à] Esther dans la Torah ? Dans le verset “Moi-même, Je leur voilerai (aster astir) Ma face”. » (‘Houlin 139b). Car c’est justement Esther qui permit de « lever le voile », d’opérer le retour de la faveur divine.

De ce point de vue, en décrétant son anéantissement, Haman rendit un précieux service au peuple juif. En effet, face à la menace existentielle qu’il fit planer sur eux, les enfants d’Israël puisèrent dans le potentiel de techouva de Mordekhaï et d’Esther, ce qui leur permit de mettre fin au voilement de la Face divine et de mériter à nouveau l’état de grâce dont ceux-ci bénéficiaient.

Lorsqu’ Esther enjoignit à Mordekhaï : « Jeûnez pour moi, ne mangez pas et ne buvez pas pendant trois jours, jour et nuit » (Esther 4:16), elle permit, à travers ces jeûnes et mortifications des enfants d’Israël, le dé-voilement de la Face divine et l’acceptation de cet élan de techouva. Ils reprirent ainsi la place de choix qu’ils occupaient dans l’esprit divin avant la Création du monde et purent maîtriser la techouva – dont les portes ne sont jamais fermées (Berakhot 32b) – qui les mena à l’annulation du décret d’extermination.

De fait, en jouissant du banquet offert par A’hachvéroch, ils portèrent atteinte à leur foi en D., clé de la profusion de bénédictions dont peut jouir le peuple juif. Altérer la foi, c’était perdre tout espoir de renaissance, et le Tout-Puissant leur envoya alors Haman l’impie afin de les mettre à l’épreuve et de les ramener dans le droit chemin.

Et ainsi fut fait. Haman, dont le dessein était de pousser les enfants d’Israël à éprouver des doutes au niveau de leur foi, fut placé au pouvoir. Mais sur quoi portaient donc ces doutes ? Au moment où les enfants d’Israël furent exilés, il leur fut promis, par l’entremise du prophète, qu’à l’issue de soixante-dix ans, ils seraient libérés et retourneraient en Israël. Or, voilà qu’Haman se dressait contre eux pour les tuer et les anéantir. Comment cela cadrait-il avec cette prophétie, qui aurait pourtant dû se réaliser ?

Face à l’anéantissement de leurs espoirs de retour en Terre Sainte et de reconstruction du Temple, pensait Haman, les enfants d’Israël perdraient leur émouna. Mais Mordekhaï, qui vit clair dans les manœuvres de cet homme pervers, prit les devants en avertissant les enfants d’Israël de ne pas participer au banquet du roi et de ne pas perdre foi. Par son mérite, le peuple juif bénéficia de la clémence divine et répara ses torts. Enfin, avec l’aide de D., ils triomphèrent d’Haman.

Résumé

 •Comment comprendre qu’Haman ait désiré anéantir le peuple juif ? N’était-il pas conscient qu’il serait finalement l’objet des représailles divines ? La techouva est une réalité antérieure à la Création, contrairement aux non-juifs, auxquels elle est donc étrangère. Seuls les enfants d’Israël, déjà conçus dans la pensée divine avant la Création, peuvent donc prétendre à celle-ci. Haman constata que les enfants d’Israël s’étaient détournés de la bonne voie – notamment en se permettant de jouir du festin d’A’hachvéroch – et que la Présence divine s’était par conséquent voilée. Aussi, pensait-il, ils avaient été chassés de la pensée du Créateur et ne pourraient se repentir. Dès lors, quoi de plus facile que de les anéantir ?

 •Mais ils regagnèrent l’état de grâce par le mérite de Mordekhaï et d’Esther, qui leur réapprirent la foi en D., leur permettant de retrouver leur place de choix dans les pensées du Créateur et de pouvoir Lui revenir. S’ils furent punis par un voilement de la Face divine, c’est pour avoir connu une faille dans leur foi, faille élargie et exploitée par Haman : ils avaient perdu espoir de retourner en Israël après 70 ans d’exil et de voir la reconstruction du Temple. Mais Mordekhaï le pressentit et demanda à ses coreligionnaires de croire en D. et de réparer cette faille, ce qui leur valut la délivrance.

 

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