Le pouvoir de la Torah et le mois d’Adar : l’anéantissement d’Amalek

Adar est symboliquement lié à la notion de modestie, puisque le 7 du mois vit la naissance et la mort de Moché Rabbénou (Meguila 13b ; Esther Rabba 7:13), incarnation de cette vertu dans toute sa perfection, comme la Torah elle-même en témoigne : « Et l’homme Moché était très humble, plus que tout homme sur la surface de la terre » (Bamidbar 12:3).

De ce fait, nous y lisons, au cours du Chabbat Zakhor, la paracha d’Amalek, où D. nous enjoint : « Efface le souvenir d’Amalek » (Devarim 25:19), cri de guerre lancé contre l’orgueil dont il fit montre en s’attaquant le premier au peuple juif, considéré comme intouchable après sa sortie d’Egypte.

Pour la même raison, on lit, le premier du mois, la parachat Chekalim (Chekalim 1:1 ; Pessikta Rabbati 11:1), pour nous apprendre à nous méfier des richesses, qui sont source de fierté. Le terme chékel lui-même y fait allusion, de par sa lettre chin, de même guematria que le mot kar, et ses lettres finales, kouf et lamed, qui sont aussi celles du mot Amalek. En d’autres termes, Amalek introduisit de la froideur dans le cœur des enfants d’Israël, les incitant à ne pas demeurer humbles, car là est la voie du Satan.

Notons, à ce sujet, que le mot Adar a la même valeur numérique que le terme har (montagne), allusion au mauvais penchant qui apparaît aux tsaddikim comme une montagne (Soucca 52a ; Zohar I 190b). Plus précisément, cette idée de sommet élevé évoque aussi l’orgueil, qui rend impossible l’étude de la Torah (Tan’houma Ki Tavo 3), et c’est pourquoi la Torah fut donnée sur une montagne, comme pour nous donner la possibilité de surmonter cette fâcheuse tendance. En outre, le mont Sinaï, théâtre de ce don, s’était rabaissé, se considérant comme indigne d’un tel honneur (Sota 5a ; Yalkout Chimoni Yitro 284), et c’est précisément ce qui fut la raison de son élection. Car la modestie est une condition sine qua non à l’acquisition de la Torah. Précisons par ailleurs que, s’il fut décrété que les enfants d’Israël n’auraient pas l’autorisation de s’approcher du mont Sinaï à ce moment – interdit ainsi édicté : « Gardez-vous de monter sur la montagne ou d’en toucher l’extrémité » (Chemot 19:12) –, c’était justement pour leur signifier de se tenir à l’écart du mauvais penchant et de fuir l’épreuve.

Nous pouvons à présent comprendre pourquoi, lors du tirage au sort d’Haman, ce fut le mois de Pourim qui fut désigné (Meguila 13b) et, plus largement, pourquoi il éprouva le besoin de recourir à cette méthode pour déterminer un mois favorable à ses funestes desseins, alors qu’il connaissait certainement en détail tous les mois du calendrier et leurs spécificités propres.

Comme nous le savons, le peuple juif n’est pas soumis au mazal, à un quelconque déterminisme (Chabbat 156a ; Nedarim 32a ; Tikouné Zohar 100a), cela, lorsqu’il se consacre à l’étude, mais à présent, pensa Haman, alors qu’il s’en est détourné, il peut être soumis aux caprices du destin ; c’est pourquoi il décida de procéder à un tirage au sort. Cependant, le Tout-Puissant fit pencher le sort en sa défaveur, en cela que le mois d’Adar fut désigné, en un rappel à l’ordre aux enfants d’Israël. En effet, à travers la guematria de ce terme, ils pourraient prendre conscience qu’ils étaient tombés sous la coupe du mauvais penchant, cette « montagne », se renforcer et se repentir, pour retrouver la pureté initiale qui les caractérisait à leur naissance – la techouva, comme la conversion, ayant le pouvoir de faire de l’homme un être nouveau, tel un nouveau-né (Yevamot 22a ; Ketouvot 47a). Cet éveil des consciences les pousserait à se plonger de nouveau dans l’étude de la Torah, à se « tuer à la tâche » pour l’intégrer (cf. Berakhot 63b). A ce titre, le jour de la naissance de Moché, placé pendant ce mois, sert à évoquer son exemple, à re-naître par la Torah, secret de la victoire contre Haman – contre Amalek.

A présent, nous pouvons comprendre pourquoi nos Sages insistent tant sur cette notion de joie au mois d’Adar, notion qui, avons-nous fait remarquer, ne devrait pas être moins prégnante les autres mois, tout autant chargés de fêtes. Ils ont en cela préféré prévenir que guérir (Meguila 13b) et, plutôt que de voir les enfants d’Israël se relâcher dans l’étude, les voir amplifier et accroître la joie, synonyme de Torah – « Les préceptes de l’Eternel sont droits : ils réjouissent le cœur » (Tehilim 19:9). C’est là le secret de la victoire contre le mauvais penchant, cette « montagne », au mois d’Adar. D’ailleurs, la joie de Pourim est liée à la nouvelle acceptation de la Torah qui marqua cette période : « Les Juifs accomplirent et acceptèrent » (Esther 9:27).

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan