Vaincre le mauvais penchant par la joie de la Torah

Tous se réjouissent lorsqu’arrive Sim’hat Torah, jour où la joie s’exprime à travers une explosion d’allégresse partagée qui fait l’unanimité, du plus grand érudit au simple Juif accomplissant la Torah et les mitsvot. Cette joie a pour effet d’éveiller en chacun l’amour de la Torah et la crainte du Ciel, ainsi que l’envie de progresser.

Quelques questions se posent à ce sujet : quel est le rapport entre Sim’hat Torah et Chemini Atsérèt d’une part – ces deux jours étant à la base confondus –, et Souccot et les Jours Redoutables de l’autre ? D’ailleurs, la dénomination même de Chemini Atsérèt (« huitième de clôture ») semble souligner un lien. De quelle nature est-il ?

En outre, pourquoi célébrer la joie de la Torah à Chemini Atsérèt – comme c’est le cas en Israël –, et non à Chavouot, anniversaire du don de la Torah ? Ne serait-ce pas plus approprié ? En outre, les appellations respectives de Souccot et Chavouot – « le temps de notre joie » et « le temps du don de notre Torah » – renforcent encore cette question : Chavouot ne se prêterait-il pas mieux à cette fête de la Torah, célébrée à Sim’hat Torah ?

Rappelons, pour répondre, que l’expression : « ‘hag haatsérèt – fête de la clôture » a la même guematria que : « ets haTorah – l’arbre de la Torah ». Signification : l’homme doit être lié, attaché à la Torah, semblable à un arbre, autrement dit, ne pas se contenter de rester au pied de l’arbre à le contempler mais s’y accrocher de toutes ses forces, y grimper.

Plus même, comme nous le rappelle la guematria du mot ilan (arbre), identique à la somme de celles du Tétragramme et du Nom de Souveraineté (91), il faut agir de façon désintéressée, œuvrer pour l’unicité du Nom divin sans se concentrer sur les difficultés ni les obstacles.

Un homme qui s’efforce vraiment de tous ses moyens et avec persévérance de se hisser dans l’arbre, de plus en plus haut, sans rester à son pied, s’il s’imagine que quelqu’un – le mauvais penchant – le poursuit pour le tuer, il courra d’autant plus vite, s’agrippant en hâte à l’arbre de la Torah, arbre de vie (cf. Michlé 3:18). C’est ainsi qu’il pourra échapper au mauvais penchant et en triompher.

Mais il n’est possible d’arriver à un tel niveau qu’après la fête de Souccot, après le séjour dans la soucca, qui évoque l’humilité, l’effacement de soi, de même que l’eau, thème qui apparaît à travers les libations d’eau que l’on pratiquait pendant cette période à l’époque du Temple. Or, l’élément liquide représente la Torah (cf. Baba Kama 17a), qui ne peut être intégrée que si l’on fait preuve de modestie, à l’image de l’eau qui quitte les hauteurs pour venir se loger dans les vallées (Taanit 17a).

A Souccot, ce thème se double de celui de l’Esprit saint, puisé lors des libations d’eau (cf. Yerouchalmi Soucca 5:1), dans l’esprit du verset (Yechayahou 12:3) : « Vous puiserez avec allégresse les eaux de cette source salutaire ».

Ainsi, pendant les sept jours de Souccot, l’homme s’élève et se prépare intensivement en vue du huitième jour, sur-naturel, celui de Sim’hat Torah. Or, de même que l’on se prépare toute la semaine au Chabbat, qui en représente le couronnement – les léviim dénombraient chaque jour par rapport à celui-ci (cf. Roch Hachana 31a) –, à Sim’hat Torah, qui est une fête en soi (Roch Hachana 4b ; Zohar III 104b), la joie atteint son paroxysme, lorsque l’on se réjouit et danse autour de la Torah.

Cette idée apparaît en filigrane à travers les notions-clés de cette période. En effet, si l’on décompose le mot soucca, la valeur numérique des lettres vav-hé d’une part, ajoutée à celle du mot ‘hag (de ‘Hag Haatsérèt), est de vingt-deux – le nombre de lettres de l’alphabet hébraïque. D’autre part, les lettres samekh et caf du mot soucca évoquent l’Esprit saint et la Présence divine, lettres et caractéristiques que l’on retrouve aussi dans la personnalité de la première Matriarche, aussi appelée Yiska.

Essence du nom de la fête : Chemini Atsérèt

Nous pouvons à présent comprendre pourquoi cette fête est qualifiée de Chemini – huitième –, ce chiffre évoquant le dépassement du cadre de la nature. Ainsi, la brit mila a lieu le huitième jour après la naissance ; de même, la Présence divine ne vint résider sur le tabernacle que le huitième jour après son montage (Vayikra 9:23). Ce nombre est également lié au concept de force, à travers son multiple : « [arriver] à quatre-vingts ans, [est un signe de] force » (Tehilim 90:10). Pour en revenir à Souccot, après s’être élevé pendant les sept jours de la fête, l’homme parvient au niveau suprême du chiffre huit – il atteint les secrets de la Torah, à Chemini Atsérèt.

Il marque alors un arrêt – comme dans le verset (Chemouel I 21:8) : « retenu (néétsar) en présence du Seigneur » – rivé au Créateur par le pouvoir de la Torah, additionné d’une bonne dose d’humilité et d’effacement de soi. La notion de force a aussi sa place ici, car il est alors semblable à un vaillant soldat du Créateur, par son combat sans relâche contre le mauvais penchant et son élévation constante en Torah.

Pour mettre en relief cette dimension, dans la prière de Chemini Atsérèt, nous mentionnons cette fête en tant que « huitième de clôture de cette fête – Chemini Atsérèt ha’hag hazé », et non sous la forme plus logique de « la fête de Chemini Atsérèt – ‘Hag Chemini Atsérèt » ou « la fête de clôture – ‘Hag Haatsérèt ». Le chiffre huit apparaît donc d’entrée de jeu, pour souligner que les sept jours de Souccot doivent être liés à celui-ci, qui doit en être le point d’orgue.

Le septième jour de Souccot, qui précède Chemini Atsérèt, est, par un effet de la Bonté du Créateur, Hochana Rabba, tremplin pour atteindre la quintessence de Chemini Atsérèt. En effet, ce jour est caractérisé par l’attribut de Souveraineté (cf. Tikouné Zohar du Zohar ‘Hadach 149a) – septième attribut, représenté par le roi David, invité d’honneur de ce jour (cf. Zohar III 301b) –, et particulièrement propice à la venue du Machia’h.

Pour preuve, le mot Hochana, numériquement parlant, équivaut, plus ou moins un, à l’expression : « zé Elyahou vehamachia’h – c’est le prophète Elyahou et le Machia’h ». En outre, la Torah également est qualifiée de « souveraineté » (Zohar III 268a) – il est question de deux couronnes : celle de la souveraineté et celle de la Torah. A Hochana Rabba, nous récitons toutes les Hochanot <*28>28@G, afin de se préparer convenablement à Chemini Atsérèt.

Le jour de Sim’hat Torah, huitième jour dédié à la Torah et à la souveraineté, au-delà des dimensions naturelles, se situe alors dans la parfaite continuité de Hochana Rabba. A cette occasion, D. nous lance l’invite suivante : « Arrêtez-vous devant Moi un jour de plus » (cf. Rachi in Emor 23:36 ; Soucca 55b), afin de vous parer de la couronne de la Torah, et alors la joie sera entière.

Après toute la préparation du mois d’Elloul et le mois de Tichri, Sim’hat Torah représente une apothéose, où l’homme, coiffé de la tiare de la Torah, atteint des sommets de joie. En ce jour, le pouvoir d’affaiblir le mauvais penchant grâce à la Torah, qui en est l’antidote, est plus manifeste que jamais, la preuve en est que les initiales de Sim’hat Torah forment le mot tach, de latouch (affaiblir). Si le Satan n’est pas affaibli – si l’on ôte les initiales de cette fête –, il reste les lettres formant les mots ‘hemat har (« la fureur de la montagne »). C’est une allusion évidente au mauvais penchant, comparé à une butte (cf. Soucca 52a), qui désire donner libre cours à sa colère contre l’homme.

Autrement dit, quand la joie fait défaut, le Satan prend le dessus, comme l’indique la malédiction : « parce que tu n’auras pas servi l’Eternel, ton D., avec joie » (Devarim 28:47), et il accuse l’homme. Au contraire, à Sim’hat Torah, lorsqu’on enlace et embrasse le rouleau de la Torah, l’entraînant dans des danses enthousiastes, on affaiblit certainement le pouvoir du mauvais penchant. A condition toutefois de se préparer assidûment et non pas de se contenter de danser superficiellement tout en restant intérieurement sous l’emprise du mauvais penchant.

Notons, par ailleurs, que ce mois est marqué par de nombreuses dépenses de tout ordre, ce qui représente une épreuve de taille pour l’homme. Dépasser cette épreuve, c’est se garantir de dominer les forces impures. Car, à travers l’argent, on peut parvenir à un très haut niveau d’amour de D. et de raffinement du caractère, comme nous l’expliquerons dans le prochain chapitre.

Yaakov Avinou est le symbole de ces notions, lui qui réussit à ôter la pierre bouchant le puits en un seul geste, comme on ôte le bouchon d’une bouteille (Beréchit Rabba 70:12). En suivant la voie de ce Patriarche, chacun d’entre nous peut ôter de son cœur toute trace du mauvais penchant, aussi facilement que l’on débouche un flacon.

Résumé

 •Comme son nom l’indique, la fête de Sim’hat Torah consacre la « joie de la Torah ». Quel rapport avec Souccot ? Et pourquoi ne pas se contenter de célébrer la Torah à Chavouot ? L’autre nom de cette fête est ‘hag haatsérèt, dont la guematria est identique à celle de l’expression ets haTorah (« arbre de la Torah »). C’est dire combien il importe de grimper à cet arbre pour ne pas rester à terre, aux prises avec le mauvais penchant. On ne peut parvenir à cet exercice de force qu’après Souccot, fête qui évoque l’humilité, condition sine qua non pour acquérir la Torah. Ce thème transparaît également au travers de celui des libations d’eau, desquelles on drainait l’Esprit saint – l’eau, comparée à la Torah, quittant naturellement les hauteurs pour descendre vers les vallées, les points plus bas.

 •Après une préparation de sept jours, on parvient à la dimension de ce huitième jour, au-delà de la nature : Sim’hat Torah, et la joie atteint son paroxysme. Le terme soucca peut être décomposé en vav-hé d’une part, et samekh-khaf de l’autre. Le premier groupe de lettres, additionné au mot ‘hag (fête), nous permet d’arriver à un total de vingt-deux – les vingt-deux lettres de l’alphabet –, tandis que le second évoque l’Esprit saint que l’on puise de la Torah et de Sim’hat Torah.

 •La notion de huitième jour renvoie à celle de brit mila, ou encore à celle de force. Car le huit indique un dépassement, le fait de se lier à D. Pour parvenir à ce sommet d’élévation, il faut pleinement exploiter le potentiel d’Hochana Rabba, le septième jour, qui évoque la Souveraineté, caractéristique de la Torah. Ce septième jour est d’ailleurs celui où l’on est honoré par la visite du roi David ; il est particulièrement propice à la venue du Machia’h. Après avoir dépassé ce palier, D. nous avoue qu’il Lui est difficile de Se séparer de nous et nous invite donc à « rester » un jour de plus, afin de jouir vraiment de la couronne de la Torah et de la souveraineté et de triompher du mauvais penchant.

 •Le jour de Sim’hat Torah est particulièrement propice à la victoire contre le mauvais penchant, du fait que la Torah en est l’antidote. D’ailleurs, les initiales de cette fête forment le mot tach, allusion à l’affaiblissement du Satan. Les lettres restantes évoquent le har, la montagne qu’il représente, et ‘héma, sa fureur contre l’homme. Si l’homme a raison de lui, il pourra surmonter toutes les épreuves – y compris celle des dépenses de Souccot –, et le maîtriser, aussi facilement que de déboucher une bouteille.

 

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