S’attarder auprès de D.

Le jour de Sim’hat Torah est d’une sainteté et d’une pureté telles que le Saint béni soit-Il Lui-même nous déclare : « Il M’est pénible de Me séparer de vous ; restez encore un jour avec Moi ! » (Soucca 55b)

Cependant, pourquoi est-ce D. qui exprime ce vœu ? Ne serait-il pas plus logique que nous prenions les devants, en Lui avouant que la séparation nous est trop pénible et en L’implorant de nous ajouter un jour ?

De plus, dans la Torah, chaque fête est évoquée explicitement, date exacte comprise. C’est le cas de Pessa’h : « Au premier mois, le quatorzième jour du mois, Pessa’h pour l’Eternel (…) » (Bamidbar 28:16). Il en est de même pour Chavouot : « Au jour des prémices (…), dans vos semaines, il y aura pour vous convocation sainte (…) » (ibid. v.26) et Roch Hachana (ibid. 29:1) : « Au septième mois, le premier jour du mois, il y aura pour vous convocation sainte (…) », ou encore Kippour : « Et au dixième jour de ce septième mois (…) » (ibid. v.7) et Souccot : « Et le quinzième jour du septième mois, il y aura pour vous convocation sainte (…) » (ibid. v.12).

La seule exception notable est donc Chemini Atsérèt-Sim’hat Torah, évoquée en tant que huitième jour de Souccot, sans en préciser la date : « Le huitième jour, aura lieu pour vous une fête de clôture (atsérèt) » (ibid. v.35).

Or, si l’on part du principe que cette fête est distincte de celle de Souccot et qu’il s’agit d’une célébration à part entière (Roch Hachana 4b), pourquoi sa date n’est-elle pas donnée dans la Torah ? Le fait de la présenter comme le huitième jour de Souccot semble pourtant indiquer le contraire !

Rappelons, pour expliquer ce paradoxe, que, pendant les Jours Redoutables, les enfants d’Israël se consacrent à faire techouva et s’engagent entre autres à célébrer les fêtes dans la joie, même si elles sont marquées par la rigueur du jugement. Plus même, à Hochana Rabba, bien que Souccot, le « temps de notre joie », ne soit pas terminé, on se consacre derechef au repentir et à la prière.

De même, on récite les Hochanot <*31>31@G et on agite le loulav vers les quatre points cardinaux, y compris vers le Nord, en dépit de la prophétie (Yirmyahou 1:14) : « C’est du Nord que le malheur doit éclater sur tous les habitants du pays », acceptant ainsi les évènements avec dévouement, conscients que « tout ce que le Miséricordieux fait, c’est pour le bien » !

A l’issue de cette période, les enfants d’Israël montrent qu’il leur est difficile de se séparer du Créateur, car ils craignent de retomber dans les travers du passé. Ils veulent au contraire rester liés au Créateur. A ce moment, témoin de toutes les bonnes actions des enfants d’Israël et de leur état d’esprit, le Tout-Puissant prend les devants et leur déclare : « Il M’est pénible de Me séparer de vous ! » En proposant Lui-même une prolongation d’un jour, Il fait preuve, envers et contre tous les accusateurs, d’une grande affection à leur égard, cette démonstration d’amour réduisant définitivement l’accusation à l’impuissance.

Le huitième jour, se dépasser sans cesse

Comme nous le savons, le chiffre huit indique une dimension sur-naturelle. Or, du fait que les enfants d’Israël se repentent tout en redoutant l’avenir, le Saint béni soit-Il les gratifie de l’influx du huitième jour, qui correspond à la veille de la Création, jour où ne régnaient que Torah et sainteté.

Cette insistance sur le fait que Chemini Atsérèt est le huitième jour n’est donc nullement fortuite ; elle vise au contraire à souligner la sainteté suprême de ce jour, veille de la Création, où D. Se divertissait avec la Torah (Avoda Zara 3b), comme l’évoque le verset (Michlé 8:30) : « Alors j’étais à Ses côtés, habile ouvrière, et j’étais [pour Lui] un divertissement au jour le jour, jouant devant Lui à chaque instant. »

De ce fait, nous célébrons Sim’hat Torah précisément le huitième jour, en ce jour où D. nous envoie un grand flux de Torah afin de nous permettre d’échapper au mauvais penchant. En effet, Il ouvre alors les portes du Ciel et déverse sur les enfants d’Israël, en fonction de leur préparation, la sainteté de ce huitième jour, qui se situe au-delà de la Création. C’est ainsi que nous pouvons parvenir à un état de blancheur immaculée (cf. Yechayahou 1:18), lavés de toute faute, et continuer à jouir de cette bénédiction tout au long de l’année.

Nous savons par ailleurs que le Chabbat constitue un avant-goût du Monde futur. La raison en est qu’il est lié à ce huitième jour, qui dépasse toutes les dimensions. Comment donc ? Les six jours de la semaine tirent leur bénédiction du Chabbat (Zohar II 63b), du fait que le dimanche correspond au début de la Création, et qu’il est donc lié avec ce qui la précédait – le « huitième jour », en dehors du temps. Or, chaque dimanche est également lié au Chabbat précédent, ce lien constituant le fil conducteur de la semaine, ce qui permet d’établir un parallèle entre le jour saint et le « huitième jour » originel, qui précéda la Création. D’où le caractère sacré du Chabbat, souligné dans la Torah par le fait que D. le sanctifia et le bénit (cf. Beréchit 2:3), raison pour laquelle c’est le seul jour de la semaine que l’on sanctifie, par la récitation du kiddouch.

Le Chabbat jouit, à ce titre, d’une bénédiction particulière du Créateur, bénédiction dont l’impact se prolonge sur tous les jours de la semaine, surtout lorsque l’homme s’adonne à l’étude en ce jour, qui lui est par essence consacré (Tanna debé Elyahou Rabba 1). Après avoir fait provision de sainteté et de bénédictions, il convient d’exploiter convenablement le grand potentiel du dimanche, du fait de son lien avec le Chabbat, afin qu’il assure cette continuité. Pourtant, ce jour est hélas bien souvent consacré aux promenades et autres distractions, ce qui risque de nous faire perdre tout bénéfice du Chabbat.

L’extraordinaire potentiel du dimanche s’explique par le fait que c’est le premier jour de la Création, suivant ce fameux huitième jour qui lui est antérieur. Le dimanche est d’autre part lié au Chabbat, puisqu’il amorce le début d’un nouveau cycle dont ce jour saint est l’aboutissement. Le Psaume que nous lisons le dimanche témoigne par ailleurs de la grandeur intrinsèque de ce jour, qui correspond au premier de la Création : « A l’Eternel appartient la terre et ce qu’elle renferme, le globe et ceux qui l’habitent. Car c’est Lui qui l’a fondée sur les mers (…) » (Tehilim 24:1-2). Il faut donc prendre garde, en ce jour, de ne pas se détourner de l’étude et de veiller sur les forces emmagasinées au cours du Chabbat, afin de ne pas les laisser s’échapper.

Pour en revenir au Chabbat, il faut vraiment se renforcer au cours de ce jour afin d’emmagasiner des bénédictions pour toute la semaine. Alors, les jours de la semaine seront tellement imprégnés du Chabbat qu’ils en acquerront tous la dimension, justifiant ainsi leur dénomination traditionnelle : « premier jour du Chabbat, deuxième jour du Chabbat… ». Ainsi, à travers le lien que l’homme développe avec le Créateur au cours du Chabbat, avant-goût du Monde futur, il devient le réceptacle de cette sainteté extraordinaire, ce qui rend très difficile au Créateur la séparation à l’issue de ce septième jour. Mais, lorsque l’homme ajoute du saint au profane, lorsqu’il ne se presse pas de se séparer du Chabbat, il montre que cette séparation lui est tout autant difficile.

Tel est le sens de la déclaration : « Il M’est difficile de Me séparer de vous », difficulté qui doit être réciproque. L’homme doit vivre le Chabbat et les fêtes de telle sorte qu’il lui soit difficile de les quitter. Atteindre ce niveau, c’est devenir un partenaire de D. dans la Création.

De ce point de vue, toute semaine sans mitsvot, et notamment sans étude de la Torah, est une perte incommensurable, semblable à la destruction du monde. Au contraire, heureux celui qui accomplit la Volonté divine tout au long de la semaine, contribuant ainsi au maintien du monde, de semaine en semaine ! Celui qui œuvre ainsi tout au long de l’année parviendra, au cours de celle-ci, à ressentir cette difficulté à se séparer du Créateur à l’issue du Chabbat et des fêtes, jours marqués par une proximité particulière avec Lui.

Ainsi, il devient évident que Chemini Atsérèt est véritablement distinct de Souccot. D’ailleurs, nous disons alors, dans notre prière : « Chemini Atsérèt ha’hag hazé – le huitième de clôture, cette fête », ce qui prouve bien qu’il s’agit d’une fête à part entière, fête au cours de laquelle nous jouissons de l’éclat du huitième jour originel, veille de la Création, au-delà de l’espace-temps. C’est aussi pourquoi nous recommençons à lire la Torah depuis Beréchit (« Au commencement D. créa »), ce qui nous rappelle que le Saint béni soit-Il Se consacrait alors à celle-ci.

Si cette fête est présentée comme « la fête du huitième jour », ce n’est donc pas pour établir une corrélation avec celle de Souccot, mais pour souligner le niveau sur-naturel que l’homme peut atteindre après les Jours Redoutables, dans son lien avec le Divin, au point que le Créateur peine à le quitter. D’ailleurs, il est défendu de résider dans la soucca à Chemini Atsérèt, du fait de l’interdit d’ajouter des mitsvot, ce qui prouve bien qu’il s’agit bien plus que d’un simple prolongement de Souccot, l’homme pouvant alors s’élever encore davantage. Moralité : quand on se consacre au Service divin de tout son être, le Saint béni soit-Il peine à Se séparer de nous.

Résumé

 •Lorsque Souccot touche à sa fin, D. déclare à Ses enfants : « Il M’est pénible de Me séparer de vous. » Pourquoi cette déclaration n’émane-t-elle pas plutôt des enfants d’Israël ? En outre, pourquoi la date précise de Chemini Atsérèt n’est-elle pas précisée dans la Torah, comme pour les autres fêtes ?

 •Lorsque les enfants d’Israël vivent le mois de Tichri dans la joie, la prière et le repentir, et qu’ils témoignent de leur difficulté à quitter ensuite la proximité du Créateur, Celui-ci S’attache à eux et leur déclare : « Il M’est pénible de Me séparer de vous ». C’est une grande marque d’affection, à même d’imposer silence à tous les accusateurs.

 •Le huitième jour, Chemini Atsérèt, au-delà des contingences naturelles, correspond de fait au moment antérieur à la Création, et c’est pourquoi sa date n’est pas explicitement mentionnée. En ce jour, D. déverse sur nous de grandes bénédictions pour l’ensemble de l’année. C’est aussi le jour de Sim’hat Torah, un jour d’une grande élévation. C’est donc une fête en soi, un jour qui dépasse toutes les dimensions et dont tous les autres jours tirent leur bénédiction.

 •Nous avons établi un lien avec le Chabbat, avant-goût du Monde futur, dont les six jours de la semaine tirent leur bénédiction. Or, le septième jour est lié au huitième, antérieur à la Création, du fait que le dimanche, premier jour de la Création, est à la fois lié au Chabbat et à ces temps immémoriaux. Ce lien est source de bénédiction pour toute la semaine. Il est important de vivre intensément le Chabbat, d’y être très attaché et de continuer à s’élever même le dimanche, jour doté d’un potentiel spécial puisqu’il correspond au début de la Création. On doit donc se séparer à contrecœur du Chabbat et des fêtes dans l’esprit de la déclaration : « Il M’est pénible de vous quitter ». Agir ainsi, c’est devenir un partenaire de D. dans la Création.

 

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