La soucca : à l’ombre de la foi

Dans la Torah, cette célébration est ainsi présentée : « Vous la fêterez, cette fête du Seigneur, sept jours chaque année (…). Vous demeurerez dans les souccot durant sept jours ; tout citoyen en Israël demeurera dans les souccot, afin que vos générations sachent que J’ai donné des souccot pour demeurer aux enfants d’Israël quand Je les ai faits sortir du pays d’Egypte, Moi, l’Eternel, votre D. ! » (Vayikra 23:41-43)

Et nos Maîtres de commenter (Soucca 2a) : « Pendant tous ces sept jours, la Torah t’ordonne de quitter ta demeure fixe pour t’installer dans un logement provisoire. » De quel logis précaire s’agit-il ? De la soucca, appelée dans le Zohar : « l’ombre de la foi ». Cette ombre qui enveloppe et protège l’homme, est peut-être aussi, comme le pensait Rabbi Eliezer (ibid. 11a), un souvenir des nuées de gloire dont le Tout-Puissant entoura les enfants d’Israël à leur sortie d’Egypte.

D’emblée, plusieurs points nous interpellent :

Après que le texte indique : « Vous demeurerez dans les souccot durant sept jours » – d’où l’obligation de résider dans la soucca pendant une telle durée –, pourquoi insister en précisant : « tout citoyen en Israël demeurera dans les souccot » ?

Que signifie le surnom : « à l’ombre de la foi », donné à cette fête par le Zohar ?

Parfois, nous trouvons dans la Torah le terme « Souccot » sous sa forme défective, parfois sous sa forme pleine (avec le vav). Quel sens attribuer à ces différences ?

Pour commencer, il convient de souligner combien cette fête est un effet de l’infinie bonté de D. puisque, placée au cœur du mois de Tichri, après celles de Roch Hachana et Yom Kippour, où tous méritent d’opérer une authentique techouva devant D. et de se purifier de toutes leurs fautes et péchés, elle permet de rester dans l’élan de progression spirituelle enclenchée en ce début d’année.

En effet, les Jours Redoutables correspondent à une impulsion, un éveil d’en Haut, qui vient, selon le schéma consacré (Zohar I 86b, 88a), en réponse à un éveil d’en bas, aux efforts de l’homme. La volonté de progrès de l’homme est alors très forte, en cette période où tous tremblent à l’idée du jugement, jugement de vie et de mort auquel nul n’échappe, tous défilant comme des brebis devant le Créateur, emplis d’appréhension.

Mais, dès que la séance est levée, l’homme, débarrassé de toute scorie, purifié de toute impureté, a besoin d’urgence d’une protection supplémentaire, indispensable afin de ne pas retomber dans les filets du mauvais penchant. Car, du fait du niveau élevé auquel il se trouve à présent, il est en grand danger, constituant une cible de choix pour le Satan, dont la force est proportionnelle à la stature de l’homme (cf. Soucca 52a). Aussi redouble-t-il de ruses pour le faire trébucher. C’est donc la raison pour laquelle, dès la fin de Yom Kippour, il nous est demandé, de l’avis de tous les décisionnaires (Rama Ora’h ‘Haïm 624:5), de nous atteler à la construction de la soucca, afin que ce mérite nous protège.

Autrement dit, une fois que l’homme s’est débarrassé de toute trace de mal et que son intériorité est pure et immaculée, il doit immédiatement barrer la route au mauvais penchant en « comblant le vide » par un surcroît de pureté et de sainteté. Le début du verset : « Vous prendrez, au premier jour, du fruit de l’arbre hadar, des branches de palmier, des rameaux de l’arbre avoth et des saules de rivière ; et vous vous réjouirez, en présence de l’Eternel, votre D., pendant sept jours » (Vayikra 23:40) est d’ailleurs expliqué en ce sens. Le « premier jour » est « premier » en cela que, du point de vue des péchés, le compteur est à zéro (Tan’houma Vayikra 22), et c’est pourquoi il faut prendre garde de ne pas recommencer à pécher mais, au contraire, se consacrer immédiatement à l’observance des mitsvot.

De ce fait, immédiatement après Yom Kippour, l’homme doit se lancer dans la construction de la soucca, afin de faire résider la Présence divine en son sein, cette « cabane » s’apparentant en cela à un Temple en miniature, dans l’esprit du verset : « et J’ai été pour eux un sanctuaire » – dimension vécue par l’homme qui en est digne. Ainsi, il nous incombe d’entreprendre, après Yom Kippour, l’érection de ce réceptacle de la Présence divine, de cette résidence de D. dans les mondes inférieurs.

A cet égard, même si la fête de Souccot à proprement parler ne démarre que le quinze Tichri, l’empressement de l’homme, son ardeur à la tâche de cette construction et ses efforts déployés dans les différents préparatifs de la fête font partie intégrante de la mitsva elle-même, en vertu du principe : « D. considère la bonne volonté comme l’acte lui-même » (Kiddouchin 40a). Par ce mérite, l’homme bénéficie d’un flux de sainteté – non pas, au sens restreint, la sainteté attachée au seul accomplissement de cette mitsva, mais la lumière particulière liée à la racine de celle-ci – l’installation de la Présence divine dans son cœur.

En outre, l’individu affairé à l’édification de sa soucca doit être animé d’une foi inébranlable, convaincu que cette construction s’apparente aux nuées de gloire qui entouraient les enfants d’Israël dans le désert, les protégeant des bêtes féroces et de tout danger (cf. Yalkout Chimoni Bechala’h 228). De même qu’alors, D. les plaça sous le couvert de ces nuées, à l’abri du chaud, du froid et de tout mal, leur permettant ainsi de ressentir la réalité divine avec une grande acuité, ainsi doit-on vivre cette mitsva de soucca : la Présence divine y réside, elle nous place à l’abri de toute nuisance – et du Satan – et une grande lumière l’enveloppe.

Dès lors, la notion d’ « ombre de la foi » trouve tout son sens. En d’autres termes, à la mesure de la conviction de l’homme, de la manière dont il identifie sa soucca à ces nuées de gloire protectrices que le Tout-Puissant déploya autour des enfants d’Israël dans le désert, il mérite, dans sa soucca personnelle, la résidence de la Présence divine et la protection contre les flèches du Satan. De ce point de vue, la soucca est assimilable à une lumière enveloppant l’homme.

A l’instar d’un nuage qui éclipse le soleil, la soucca, dans laquelle repose la Présence divine, par le pouvoir de la foi pure, aveugle le mauvais penchant et protège l’homme de ses séductions.

Le vécu dans la soucca est par ailleurs pétri de foi. Quitter sa demeure pour s’installer dans cette habitation de fortune, visitée, tour à tour, par les sept ouchpizin, ces saints invités (Zohar III 103a), demande en effet une bonne dose de foi, ne serait-ce que pour être intimement convaincu que ces « bergers » du peuple juif nous honorent réellement de leur visite, même s’ils restent invisibles à nos yeux de chair. De fait, nous ne pouvons prétendre à ce privilège que si nous le méritons vraiment.

 

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