La soucca, apanage du Juif

Aux temps futurs, nous révèlent nos Sages (Avoda Zara 3a), les nations du monde viendront réclamer à D. une récompense. Il leur dira : « J’ai une mitsva facile à vous proposer, du nom de soucca, allez donc la pratiquer ! » Ils s’exécuteront et en construiront sur les faîtes de leurs maisons. C’est alors que, poursuit la Guemara, le Saint béni soit-Il dardera sur eux un soleil de plomb, et aussitôt chacun frappera du pied sa soucca et en sortira.

Ce passage soulève plusieurs problématiques. Pourquoi le Tout-Puissant demandera-t-Il aux goyim d’exécuter, de préférence à toute autre, la mitsva de soucca ? En outre, pourquoi dardera-t-Il sur eux un soleil de plomb, leur rendant presque impossible l’observance de ce commandement ? Plus que cela, pourquoi qualifie-t-Il ce précepte de « facile » ?

Depuis la Création du monde, les non-juifs n’ont eu de cesse de lui porter atteinte, de « l’abîmer » par leurs fautes. En effet, ils ont multiplié les séductions et jouissances matérielles, faisant ainsi trébucher le peuple juif, ce qui cause des dommages dans tous les mondes. Or, voilà qu’à la fin des temps, ils aspirent à lier et ressouder tous les mondes, à les ramener à leur racine, ce qu’évoque l’entrée de l’homme, pur et saint, dans la soucca, symbole de la lumière enveloppante issue de celle du faisceau rectiligne.

En outre, le mot adam (« l’homme ») est de même valeur numérique que les lettres mêm et hé (45) – qui sont aussi la première et la dernière lettre du mot mitsva ou de l’expression « mitsva kala » (« un commandement facile ») –, et que le Tétragramme en valeur numérique complète (Zohar I 25b ; Zohar ‘Hadach Ruth 102b). Tout un programme… qui concerne aussi les non-juifs.

Pourtant, la sainteté de la soucca – de valeur numérique équivalente à la somme du Tétragramme et du Nom de Souveraineté – est telle qu’à peine pénétrés à l’intérieur, ils ne peuvent la supporter. En effet, ils ne font pas partie de l’alliance outre le fait qu’au cours de l’Histoire, ils portèrent atteinte aux quatre dimensions du monde. Au contraire, pour pénétrer dans la soucca et y ressentir la Présence divine, une préparation soutenue est nécessaire, afin d’appréhender l’essence, le mystère et le goût de cette mitsva. Voilà pourquoi les goyim la fuient au plus vite : dans leur bassesse, ils ne peuvent la supporter.

Dès lors, toutes nos questions initiales peuvent être résolues. Ce n’est pas par hasard que D. « teste » les non-juifs sur cette mitsva, car elle est extrêmement révélatrice du niveau atteint par l’homme et du travail, opéré ou non, de réparation des différents mondes.

C’est aussi le sens de la présentation de cette mitsva comme une « mitsva kala » (litt. légère) : elle est en effet l’indice du niveau de l’homme, mettant à jour sa légèreté ou, au contraire, le travail de réparation opéré. Notons, en outre, que l’expression « mitsva kala », en y ajoutant les trois lettres de ce dernier terme, équivaut, plus ou moins un, à la sommation des mots soucca, kav (allusion au faisceau de lumière infinie) et de l’acronyme abia (qui désigne les quatre dimensions que sont l’Emanation, la Création, la Transformation et l’Action).

Mais, prenant en compte l’imperfection et la mauvaise volonté des non-juifs, qui leur rend impossible et insupportable le séjour dans la soucca, le Saint béni soit-Il darde sur eux un soleil de plomb, leur démontrant ainsi que l’ombre de la soucca ne les protège pas du soleil, de leurs fautes, signe notoire de l’absence de la lumière enveloppante, de la lumière infinie. En fin de compte, ils regimbent et s’en échappent précipitamment.

Comment les comparer à nous autres, Juifs, qui nous sommes purifiés à travers un travail d’amendement à Roch Hachana et Yom Kippour, et pouvons donc jouir de l’ombre protectrice de la soucca ? A ce titre, la présence successive des Ouchpizin dans celle-ci nous aide à effectuer ce travail de connexion de toutes les dimensions et à restaurer la Royauté divine dans le monde ; car telle est l’essence de cette mitsva.

On retrouvera cette notion en filigrane dans le mot soucca : en y ajoutant quinze (cette fête ayant lieu le quinze Tichri), on obtient cent six, guematria de kav – ce faisceau infini qui lie tous les mondes. Ainsi, à travers cette mitsva, on pourra rapprocher la Délivrance et espérer l’accomplissement rapide de la prophétie : « Je relèverai la tente déchue de David » (Amos 9:11).

A présent, penchons-nous sur la continuité de Souccot, à savoir la fête de Chemini Atsérèt. Du fait qu’en cette période, l’homme atteint le summum de l’élévation spirituelle, de la connaissance de D. et de Son existence, il est difficile au Créateur de s’en séparer. Désireux d’ajourner cette séparation, Il avoue à Ses enfants : « Il m’est difficile de Me séparer de vous ; attardez-vous encore un jour avec Moi » (Soucca 55b), à l’image d’un roi qui aurait invité Ses enfants à un festin puis peine à s’en séparer (cf. Rachi in Vayikra 23:36). Or, comme l’expliquent nos Maîtres (Sanhedrin 97a), un jour pour le Créateur, c’est mille ans à notre échelle, déduction faite du verset (Tehilim 90:4) : « mille ans sont à Tes yeux comme la journée d’hier ». Aussi, de ce jour unique de Chemini Atsérèt, l’homme peut tirer une grande sainteté et bénéficier de la Présence divine pour un millénaire.

Cependant, cela ne dépend que de lui, de la manière dont il se comportera par la suite, et c’est aussi le sens de cette difficulté divine à se séparer des enfants d’Israël – allusion à une autre séparation que ceux-ci doivent éviter à tout prix : celle de la sainteté acquise à Souccot puis Chemini Atsérèt, dans laquelle il leur faudra se maintenir tout au long de l’année.

C’est là le secret de Souccot – « l’ombre de la foi ». L’homme doit se préparer de façon intensive pour arriver à cette émouna, apanage de la soucca, source de sainteté. Durant cette célébration, l’homme doit croire de tous ses membres qu’il est le « facteur de cohésion », qui assure la connexion de tous les mondes au sein de la lumière enveloppante, créant ainsi une ombre pour la foi et la Présence divine. En s’attelant à cette tâche, il gravera au plus profond de son cœur ce processus, détiendra le secret pour créer une ombre et un lien avec la foi et tout ramener à sa racine supérieure.

Cela nous permet de comprendre la conclusion du texte de la Torah qui présente le thème de Souccot : « afin que vos générations sachent que J’ai donné des souccot pour demeurer aux enfants d’Israël quand Je les ai fait sortir du pays d’Egypte ». À priori, quel rapport entre la sortie d’Egypte et la soucca ou la lumière enveloppante ?

Sémantiquement parlant, le nom de cette terre païenne – mitsraïm – évoque l’étroitesse, l’accablement, autrement dit, la pression du mauvais penchant, qui harcèle constamment l’homme pour le faire trébucher (cf. Kiddouchin 30b). A ce titre, D. souligne qu’Il « [a] fait sortir [les enfants d’Israël] du pays d’Egypte ».

En effet, esclaves des Egyptiens, les Hébreux avaient sombré dans les quarante-neuf paliers d’impureté (Zohar ‘Hadach Yitro 39a) et, pour être délivrés avant d’en arriver au cinquantième – point de non-retour –, ils eurent besoin de la lumière enveloppante et du faisceau de lumière infinie. Heureusement, par le mérite de la soucca, des nuées de gloire, ils furent délivrés, passant à travers « l’ombre de la foi », de l’Egypte à la Terre Sainte, moment exceptionnel ainsi décrit : « Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu Me suivais dans le désert, dans une région inculte. » (Yirmyahou 2:2)

Nous devons garder cela présent à l’esprit de nos jours, car, grâce à la foi, nous mériterons d’être entourés par le faisceau rectiligne, la lumière enveloppante et la lumière infinie – foi tirée de la soucca, source de sainteté et de proximité avec la Présence divine. Alors nous mériterons, à l’instar de nos pères en Egypte, d’être libérés de tout mal et d’atteindre les cinquante portiques de sainteté et de pureté.

 

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