L’amour de l’Eternel pour Son peuple

« L’Eternel parla en ces termes à Moïse, dans le désert de Sinaï, dans la Tente d’assignation, le premier jour du second mois de la deuxième année après leur sortie d’Egypte : "Faites le relevé de toute la communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête. (…)" » (Nombres 1, 1-2)

Le Saint béni soit-Il ordonna à Moïse de compter les enfants d’Israël en recensant tous les hommes, âgés de plus de vingt ans, composant chaque tribu. Il est à noter que la Torah s’attarde longuement sur ce dénombrement, en mentionnant tout d’abord les noms des princes de tribu, puis en précisant, pour chacune d’elles, que leurs membres devaient être classés « selon leur origine, leurs familles, leurs maisons paternelles (…) pour tout mâle âgé de vingt ans et plus ». De même, dans la section de Nasso, nous trouvons que la Torah évoque longuement les sacrifices apportés par les princes de chaque tribu, plutôt que succinctement et de manière générale.

En regard de la concision caractéristique de l’expression toranique, ceci ne manque de nous surprendre. En outre, notre perplexité ne fait que croître si l’on considère l’absence totale, dans la Torah, de tout détail relatif au respect du Chabbat, les travaux interdits lors de ce jour saint devant être déduits de ceux qui étaient effectués pour la construction du tabernacle (Chabbat, 49b). Ce sont donc nos Maîtres qui nous ont indiqué ce qui est interdit et ce qui est permis de faire le Chabbat. Ce laconisme se retrouve au sujet de l’observance de Pessa’h, alors qu’il s’agit là d’un des commandements les plus fondamentaux, outre le fait qu’il inclut plusieurs mitsvot. Tandis que la Torah ne mentionne que très brièvement certaines des mitsvot liées à Pessa’h, leurs nombreux détails cruciaux sont transcrits dans le traité Pessa’him.

Tentons de comprendre pourquoi la Torah choisit de s’étendre tellement sur le recensement des enfants d’Israël, alors qu’elle évoque si promptement ou évasivement des mitsvot centrales et prépondérantes. Plus encore, les mitsvot, de par leur importance intrinsèque et leur actualité s’étendant à toutes les générations, auraient logiquement dû avoir une place de choix dans la Torah et y être longuement mentionnées, en bonne et due forme, contrairement au compte de nos ancêtres qui, n’ayant aucune répercussion sur nous, aurait a priori pu n’être évoqué que rapidement.

Proposons la démarche suivante. La conduite divine envers le peuple juif est telle qu’il est toujours poursuivi et opprimé par les nations, qu’« à chaque génération, on se lève contre nous pour nous anéantir, mais [que] le Saint béni soit-Il nous sauve de leurs mains » (Haggada de Pessa’h). Or, dans un contexte si hostile où les non-juifs cherchent perpétuellement à nous rayer de la carte du monde par des persécutions des plus cruelles, nous encourons le risque de tourner le dos à notre Créateur et à la Torah. En effet, notre vulnérabilité, semblable à celle d’une petite brebis face à soixante-dix loups (Tan’houma, Toldot, 5), est susceptible de nous faire sombrer dans le désespoir, qui peut lui-même aboutir à un abandon de nos traditions.

C’est justement la raison pour laquelle l’Eternel a jugé nécessaire de nous faire part en détail du compte des enfants d’Israël, afin d’attester l’intensité de Son amour pour nous, Ses enfants, qu’Il ne quitte pas des yeux un seul instant. Cette éloquente preuve d’amour divin vise à nous apporter un perpétuel réconfort aux périodes où l’antisémitisme environnant menace de nous faire tomber dans le désespoir. Conscients de cet amour que Dieu nous porte, nous réaliserons que la haine viscérale des nations à notre égard n’est que le fruit de Sa volonté, puisqu’elle nous préserve de l’assimilation et assure donc notre pérennité tout au long de l’Histoire (cf. Tan’houma, ’Houkat, 18 ; Beit Halévi, section Chemot). De même, nous prendrons conscience que les persécutions et souffrances que nous subissons ne résultent pas d’une absence de Providence, mais sont au contraire des données indispensables au plan divin visant, avant tout, à empêcher que l’étincelle juive ne s’éteigne.

Comme nous l’avons expliqué, loin d’être fortuit, chaque détail mentionné dans la Torah est riche en enseignements. Ainsi, lorsque les frères de Joseph, jaloux de sa préférence auprès de leur père, voulurent le tuer, Ruben intervint en leur recommandant de se contenter de le jeter dans un puits, conseil qu’ils suivirent. Comme le souligne la Torah (Genèse 37, 22), son intention était, une fois ses frères partis, de sortir Joseph du puits et de le ramener à son père. Mais, lorsqu’il revint au puits pour l’en tirer, il constata, pour sa plus grande déconvenue, qu’il n’y était plus (ibid. 37, 29-30), puisque des Madianites l’avaient fait sortir pour ensuite le vendre à des Ismaélites. L’Eternel, qui reconnut et apprécia la grandeur d’âme de Ruben, retranscrit ses intentions dans la Torah, afin de mettre en exergue sa miséricorde (cf. Ruth Rabba 5, 6). Chaque fait rapporté dans l’un des cinq livres de la Torah ayant pour but de nous enseigner une leçon, si elle a jugé nécessaire de rapporter cette noble pensée qui traversa l’esprit de Ruben, c’est donc pour nous communiquer notre devoir de compatir à la détresse d’autrui.

Résumé

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan