Prépare-toi dans le vestibule pour rentrer dans le palais
D'après le commentaire du verset : Possesseur d'une chose sainte, on peut en disposer (cf. ci-dessus) du Imré Chamaï, qui rapporte Rabbi Nathan, un des Tossafoth, on peut expliquer clairement l'enseignement de nos Sages (Tana Débé Elyahou Zouta, 19) selon lequel, déjà dans le ventre maternel, Ya'akov et Essav se sont partagés respectivement le monde futur et ce monde-ci. De nombreuses questions se posent sur cet enseignement:
1) On ne peut accomplir des mitsvoth que dans ce monde, comme il est écrit: chez les morts, on est libre (d'accomplir les commandements) (Chabath 30a). Pourquoi alors Ya'akov l'a-t-il donné à Essav? Où accomplira-t-il les mitsvoth?
2) Ce monde sert de vestibule au monde futur. Grâce à lui, on peut avoir le mérite d'accéder au monde futur. Nos Sages ont enseigné à cet effet: Prépare-toi dans le vestibule pour que tu puisses entrer dans le palais (Avoth 4:16). Comment Ya'akov pourra-t-il se préparer au Monde Futur?
3) Le Midrach (Yalkout Chimoni, Yithro 20:286) rapporte: Avant de donner Sa Torah, le Saint, béni soit-Il, l'a proposée au peuple d'Essav et à celui d'Ichmaël. Or, nous savons que le monde entier n'a été créé que pour la Torah et pour Israël pour qu'il l'accomplisse (Béréchith Rabah 1:4). Le prophète dit à cet effet: Si mon alliance (la Torah) le jour et la nuit n'existait pas J'aurais cessé de fixer les lois du ciel et de la terre... (Jérémie 33:25). Sans la Torah, ni le ciel ni la terre ne peuvent subsister (Pessa'him 68b). Quel rapport y a-t-il donc entre la Torah et les nations? En outre, pourquoi le Saint, béni soit-Il, a-t-Il proposé la Torah au peuple d'Essav? Cet Essav qui a refusé le monde futur (où il n'y a que Torah). C'est qu'en vérité, notre patriarche Ya'akov a acheté le droit d'aînesse d'Essav, et c'est donc désormais lui qui est l'aîné. Par conséquent de toutes manières il a deux parts: l'une de ce monde-ci et l'autre du monde futur. Il ne restait donc plus rien à Essav, dans les deux mondes. Il reçoit toutefois sa part à titre de cadeau comme c'était le cas pour les fils de Kétourah, comme il est écrit: Quant aux fils des servants d'Avraham, il leur fit des dons... et il les relégua... (Genèse 25:6). Essav ne reçoit sa part que lorsque la voix n'est pas celle de Jacob (ibid. 27:22). Quand elle ne se fait pas entendre dans les synagogues et les yéchivoth: ce sont alors les mains d'Essav qui exercent le pouvoir (Béréchith Rabah 65:16), car tant que la voix de Ya'akov se fait entendre, les mains d'Essav sont dépourvues de tout pouvoir.
Ainsi, à la mort d'Yits'hak, Ya'akov et Essav sont venus se partager les deux mondes. Ya'akov dit à Essav: Tout m'appartient et ce que tu reçois, tu le reçois comme don. Ce n'est que lorsque la voix de Ya'akov ne se fait pas entendre que ton cou s'affranchira du joug (Genèse 27:39). Rabbi Nathan, (l'un des Tossafoth), explique que si les enfants d'Israël n'accomplissent pas la Torah, les produits du champs reviendront à Essav. En d'autres termes, si les Juifs n'accomplissent pas les mitsvoth de prélèvement d'une partie des récoltes, ce seront les nations qui exerceront le pouvoir et elles prélèveront pour elles neuf parties sur dix. Essav entre ainsi en possession des parts de ceux qui n'accomplissent pas les mitsvoth et tout le reste revient aux enfants d'Israël. Ya'akov savait que, même lorsque le Peuple Juif descendra en exil, il continuera à se faire remarquer par l'observance des mitsvoth, et Essav ne pourra rien contre lui: tout ce qu'il prendra, ce sera de la rapine et il sera sévèrement châtié pour cela... En fin de compte, ce que Ya'akov a donné à Essav, dans ce monde, c'est donc à titre de cadeau, quand les enfants d'Israël interrompent ou négligent leur étude de la Torah.
On peut maintenant comprendre aussi pourquoi le Saint, béni soit-Il, a proposé la Torah au peuple d'Essav. Il voulait leur rappeler l'accord que leur père a conclu avec Ya'akov, selon lequel tout appartient en fait à Ya'akov, tant dans ce monde que dans le monde futur. Essav ne reçoit sa part que si les enfants d'Israël n'accomplissent pas la Torah et les mitsvoth. Le Saint, béni soit-Il, a donc demandé au peuple d'Essav s'ils veulent recevoir la Torah où sont mentionnées les clauses de l'accord. Les descendants d'Essav Lui ont alors demandé: Qu'y a-t-il écrit? Dieu leur a répondu: Tu ne voleras point, tu ne tueras point, etc. En d'autres termes, Il leur dit: si c'est la voix de Ya'akov qui se fait entendre, il vous est interdit de tuer et voler la part qui revient à ses descendants. Vous ne pouvez vous accaparer les champs des enfants d'Israël que si ces derniers n'étudient pas la Torah. Ils ont alors rejeté l'accord parce qu'ils ne vivent que de leur épée, que Ya'akov et sa descendance observent la Torah et ses commandements ou non. Ils ne font en sorte que se conformer à la volonté de leur père qui leur a ordonné de vivre de leur épée! Le Saint, béni soit-Il, a alors promis: Et les libérateurs monteront sur la montagne de Tsion pour se faire les justiciers du mont d'Essav (Ovadiah 1:21). Et quelle est cette montagne? C'est le Mont Sinaï, où les enfants d'Essav ont annulé l'accord.
On peut maintenant mieux comprendre l'enseignement du Talmud que nous avons vu plus haut selon lequel le Saint, béni soit-Il, a placé les enfants d'Israël sous la montagne, et leur a dit: Si vous acceptez la Torah, c'est bien, sinon, là-bas même sera votre sépulture. Pourquoi Dieu a-t-Il agi de la sorte? Les enfants d'Israël avaient déjà proclamé à l'unisson: Nous ferons, puis nous entendrons (Exode 24:7). C'est que Dieu dit aux enfants d'Israël: Les descendants ont rompu l'accord. Ils visent à vous tuer et à s'emparer de vos biens, que vous vous engagiez ou non dans l'étude de la Torah et l'accomplissement des mitsvoth. Si vous observez la Torah, Je pourrai vous protéger contre eux, car ce sera la voix de Ya'akov qui se fera entendre. Dans le cas inverse, si la voix de Ya'akov ne se fera pas entendre, ce sera Essav qui aura le dessus. Ses descendants vous tueront, et là-bas sera votre sépulture.
Amalek, descendant d'Essav, est venu livrer combat à Israël sans savoir qu'ils avaient négligé l'étude de la Torah (Békhoroth 5b). Il voulait leur montrer que ses aïeuls et lui-même ont rompu l'accord, mais il n'a pas remporté de victoire contre Israël. D'ailleurs, si les enfants d'Israël campent au pied de la montagne, comme un seul homme, d'un seul cœur, ils emportent des victoires sur toutes les nations; aucun peuple ne peut les déranger ni en Terre Sainte, ni dans la Diaspora, car les enfants d'Essav ont rompu l'accord.
Quand les enfants d'Israël sont saints et observent la Torah, aspect de possesseur d'une chose sainte ils respectent les lois des prélèvements, et prélèvent une part de leurs récoltes aux Cohanim et aux Lévites, il peut alors en disposer. En d'autres termes, leurs terres et leur pays leur appartiennent et les nations ne pourront pas s'en emparer, car elles ont rompu l'accord. Notons d'ailleurs à cet effet la similitude des valeurs numériques de VéICh ETh KéDoChaV LO YiYOuH et Ha'OLaM HaZeH VéHa'OLaM HaBaH LeISRaEL (ce monde et le monde futur appartiennent à Israël).
Nous pouvons aussi envisager le problème sous un autre angle. Ya'akov savait qu'il devait venir dans ce monde pour y observer la Torah et les mitsvoth et se préparer au monde futur. Aussi a-t-il donné à Essav le monde entier, à l'exception d'Erets Israël qui est le patrimoine exclusif de Dieu et où Il est le seul à gouverner (Zohar I, 108b). Ainsi, toute l'abondance de la terre entière passe par la Terre d'Israël et influe sur le globe entier (Ta'anith 10a; Vayikra Rabah 35:8), à condition toutefois que les nations veuillent accepter la présence des Juifs chez elles; qu'elles ne les affligent pas dans leur exil et qu'elles ne livrent pas combat à la Terre d'Israël. Autrement, elles ne jouiront pas de cette abondance.
Avant de donner la Torah, le Saint, béni soit-Il, est donc allé chez les descendants d'Essav pour leur rappeler cet accord, mais ils ont rompu cet accord et ont voulu livrer combat aux habitants de la Terre Sainte et affliger les Juifs, comme nous le voyons de tout temps. C'est pourquoi Dieu dit à Ses enfants de ne compter que sur leur Père qui est au Ciel (Sotah 49b). Il leur ordonna d'observer la Torah et les mitsvoth en particulier celles qu'on ne peut accomplir qu'en Terre d'Israël: s'ils s'abstiennent d'observer l'année sabbatique par exemple, ils risquent l'exil (Tan'houma, Béhar 1).
Tout dépend donc du service divin, et il convient de raffermir constamment sa foi, autrement ChaM sera votre sépulture; ou ChaMaH là-bas, a les mêmes lettres que MoChéH, dont nul n'a connu la sépulture jusqu'à ce jour (Deutéronome 34:6)... En d'autres termes, Dieu dit aux enfants d'Israël: si vous voulez accéder au niveau de Moché, observez la Torah de Moïse, Mon serviteur (Malachie 3:22) et accomplissez ses mitsvoth: vous serez alors enterrés dans la Torah, comme il est écrit: La Torah ne s'accomplit que chez celui qui meurt pour elle (Bérakhoth 63b); vous ne mourrez pas en exil, mais dans la Torah. Alors, même si les nations ne se conforment pas aux clauses du pacte qu'elles ont conclu, Je vous protègerai, comme il est écrit: Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, Je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre Mon alliance avec eux... (Lévitique 26:44), car l'alliance, c'est la Torah, qui se trouve chez les enfants d'Israël (Chabath 33a; Tana Débé Elyahou Rabah 3).
Quand les Juifs observent la Torah et les mitsvoth, et plus particulièrement le Chabath, qui équivaut à toutes les mitsvoth (Yérouchalmi, Bérakhoth 1:5) aucune nation au monde ne peut exercer son pouvoir sur eux (cf. Chabath 118b) et ne peut conquérir la Terre Sainte, car elle nous appartient du fait que nous observons la Torah et les mitsvoth: Nous pouvons en disposer comme nous l'avons plus haut. Toute l'abondance du monde provient du mérite de la Terre d'Israël qui appartient aux enfants d'Israël. Toutefois, les nations qui connaissent aussi l'essence de sa sainteté, aspirent à la conquérir pour l'affaiblir. Mais le Saint, béni soit-Il, nous défend et nous donne tout, parce que nous devons nous préparer dans le vestibule c'est-à-dire ce monde, pour nous introduire dans l'intérieur du palais, le monde futur. La Terre d'Israël et sa sainteté sont un palais comparée à toutes les terres des nations du monde.
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