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Phinéas, l’homme zélé

« Phinéas, fils d’Eléazar, fils d’Aaron le pontife, a détourné Ma colère de dessus les enfants d’Israël, en se montrant jaloux de Ma cause au milieu d’eux, en sorte que Je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël, dans Mon indignation. » (Nombres 25, 11)

Lorsque Phinéas agit avec zèle pour défendre la cause divine, il apporta l’expiation au peuple juif et fut lui-même récompensé, comme il est dit : « Je lui accorde Mon alliance de paix. Lui et sa postérité après lui posséderont, comme gage d’alliance, le sacerdoce à perpétuité. » (Nombres 25, 12-13)

Bien que l’exécution de Zimri et Kozbi mît sa vie en péril, il décida néanmoins d’accomplir cet acte de vengeance, poussé par sa vertu de zèle. Le fait qu’aussitôt après la mort des deux pécheurs, le fléau cessa de sévir parmi les enfants d’Israël, prouve l’équité de l’acte de Phinéas, tellement apprécié par le Créateur qu’Il lui promit, en contrepartie, une alliance de paix et la continuité, dans sa lignée, de la grande prêtrise.

Cependant, nous trouvons par ailleurs (Tan’houma, Be’houkotaï, 5) que Phinéas refusa de se rendre auprès de Jephthé (Yifta’h), le juge, pour lui annuler son vœu(1), pensant qu’il n’était pas digne de son honneur, en tant que grand prêtre, de se déplacer pour cet homme qui était un ignorant. Il considéra que si Jephthé, désireux de sauver sa fille de la mort, voulait procéder à cette annulation de vœu, il lui incombait de se présenter à lui en personne pour en faire la demande. Or, Phinéas fut puni pour cette attitude orgueilleuse : l’Esprit divin le quitta.

Quant à Jephthé, il pensa lui aussi qu’il ne seyait pas à un homme de son rang d’entreprendre lui-même la démarche et de se rabaisser devant le grand prêtre, si bien que la fierté de ces deux hommes, conjuguée à l’ignorance du premier, entraîna la mort de sa fille. S’il est vrai que le juge fut puni pour sa conduite hautaine – ses ossements furent dispersés (cf. Juges 12, 7) –, il n’en reste pas moins que Phinéas était également condamnable, comme en témoigne la punition qui lui fut infligée. Car même si, d’un certain point de vue, il avait raison, il aurait dû renoncer à son honneur par pitié pour cette fille, injustement condamnée à mort.

La confrontation de cet épisode et de celui dont nous débattons, ne manque de nous interpeller : comment Phinéas put-il, d’une part, mettre sa vie en danger pour avoir raison de Zimri et de Kozbi, afin d’épargner celles de ses frères juifs, menacés par le fléau, et de l’autre, refuser d’agir dans le but de sauver une jeune fille, stupidement condamnée au bûcher(2) par le vœu déraisonnable de son père ? Comment donc n’a-t-il pas eu pitié de cette dernière, lui qui savait si bien utiliser son zèle pour venger une cause et sauver des innocents ?

Tentons de concilier ces deux passages, en leur trouvant un dénominateur commun.

De fait, si Phinéas refusa de faire des efforts pour annuler le vœu formulé par Jephthé, c’est parce qu’il y avait décelé, dès le départ, un manque de respect pour l’Eternel et pour la Torah. En effet, si un âne avait été la première créature à sortir de sa maison, à son retour du champ de bataille, comment aurait-il pu l’offrir en holocauste à Dieu ? Aussi, c’est mû par ce zèle qui le caractérisait qu’il s’abstint de se rendre auprès du juge ignorant, afin de lui signifier, ainsi qu’à l’ensemble du peuple, l’outrage au Très-Haut que représentait un tel vœu.

Par conséquent, Phinéas désirait que Jephthé se présente en personne devant lui, afin qu’il apporte ainsi une réparation à son manque de respect pour le Créateur. Face au refus de ce dernier d’entreprendre cette démarche, il campa lui aussi sur ses positions, s’abstenant d’aller à sa rencontre, tant brûlait en lui un zèle puissant pour Dieu et un désir intense de faire de cet épisode une leçon universelle qui préviendrait, dorénavant, la formulation de vœux constituant un mépris pour le Créateur.

Il va sans dire que lorsque Phinéas refusa de se rendre auprès de Jephthé, il agit de manière désintéressée. C’est pourquoi il fut certes puni, en cela que l’Esprit divin le quitta, mais ce châtiment fut limité à une période délimitée, tandis qu’il le retrouva par la suite – selon ceux qui affirment qu’il n’était autre que le prophète Elie (Pirkei de Rabbi Eliezer, 46 ; Rabbénou Be’hayei, Nombres 25, 11). Or, il est rapporté dans les Prophètes (Rois I 18, 46) que ce dernier, après avoir mis à mort les prophètes de Baal, courut vers le roi Achab, faisant fi de son honneur. Cette conduite humble, d’autant plus remarquable au regard de sa grandeur, confirme que son refus de rejoindre Jephthé n’était pas motivé par l’orgueil. Comme nous l’avons expliqué, il s’obstina ainsi, plein de flamme pour venger la cause divine, et afin d’enseigner au peuple juif la défense de formuler un vœu de ce type – qui, le cas échéant, réclame l’expiation, par le biais du repentir, incluant notamment le regret de ce péché.

En dépit de sa pureté d’intentions, Phinéas fut puni en se voyant privé de l’Esprit divin durant une certaine période, pour avoir manqué de pitié à l’égard d’une fille juive.

Résumé

Afin de défendre l’honneur divin et de sauver les enfants d’Israël du fléau, Phinéas exécuta Zimri et Kozbi. Comment expliquer qu’il refusa de se rendre auprès de Jephthé pour lui annuler son vœu, et n’eut pas pitié de sa fille, stupidement condamnée à mort à cause de ses paroles ?

Ce n’est pas l’orgueil qui incita Phinéas à exiger que Jephthé se déplace, puisqu’on trouve par ailleurs que le prophète Elie, avec lequel il ne forme qu’un, courut lui-même à la rencontre d’Achab. Il réagit de la sorte, mû par son zèle caractéristique pour défendre l’honneur divin, bafoué par un vœu de ce type, totalement défendu – message qu’il transmettait ainsi au peuple.

(1) Avant de combattre les Ammonites, Jephthé fit un vœu à l’Eternel en disant : « Si Tu livres en mon pouvoir les enfants d’Amon, la première créature qui sortira de ma maison au-devant de moi, quand je reviendrai vainqueur des enfants d’Amon, sera vouée à l’Eternel, et je l’offrirai en holocauste. » (cf. Juges 11, 29-31) Or, il s’avéra que ce fut sa propre fille.

(2) Selon un autre avis, Jephthé put s’acquitter de son vœu en se contentant d’enfermer sa fille dans une tour à perpétuité, de sorte qu’elle dut y passer le reste de ses jours et ne put se marier.

 

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