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Un Youd lourd de sens

« Phinéas, fils d’Eléazar, fils d’Aaron le pontife, a détourné Ma colère de dessus les enfants d’Israël, en se montrant jaloux de Ma cause au milieu d’eux, en sorte que Je n’ai pas anéanti les enfants d’Israël, dans Mon indignation. C’est pourquoi, tu annonceras que Je lui accorde Mon alliance de paix. » (Nombres 25, 11-12)

Dans la Torah, le nom de Phinéas figure avec un Youd superfétatoire, et nos Maîtres d’expliquer (Zohar III, 215b) que le Saint béni soit-Il désirait que Son Nom soit évoqué dans celui de ce dernier, ce pour quoi il lui a ajouté cette lettre, tirée du Nom divin Hé-Vav-Youd-Hé.

Notons que, si l’on retire à ce Nom divin la lettre Youd, il reste Hé-Vav-Hé, qui équivaut numériquement à seize, nombre correspondant aussi à la valeur numérique du Nom ’Hèt-Beth-Vav. Ce Nom peut être lu en filigrane à travers les initiales du verset : « Il a dévoré une fortune et il faut qu’il la rejette » (Job 20, 15). Le Peri Ets ’Haïm (Keriat Chema al Hamita, 5) nous explique le sens profond de ce verset : lorsqu’un homme faute en laissant échapper de la semence en vain – Dieu préserve –, l’écorce impure absorbe ces gouttes de semence, ce qui lui est comptabilisé comme un péché. Au moment où cet individu se repent, il doit se tremper dans un mikvé pour purifier son âme. Rav Na’hman de Breslev, que son mérite nous protège, nous éclaire (cf. Midot, Hamtakat hadin, 54) sur la signification de cet acte : lorsque le corps de l’homme est entièrement plongé dans l’eau, il ne peut respirer et ressemble donc à un mort ; aussi, au moment où il en ressort, il est semblable à un nouveau-né, dénué de toute faute. Le passage par cet état proche de la mort absout tous nos péchés. Quand le pécheur ressort du mikvé, purifié, les puissances impures rejettent la semence qu’elles avaient absorbée et la rendent à cet homme, tout ceci ayant lieu grâce au pouvoir du Nom ’Hèt-Beth-Vav.

A ce sujet, j’ai eu vent de l’anecdote suivante. Un Juif, comédien de métier, finit par se faire un prestigieux renom dans le monde du théâtre, dont il subit l’influence au point de mener une vie complètement dissolue. Un beau jour, il ressentit un éveil tel qu’il décida de se repentir et renonça totalement à sa carrière artistique. Il laissa même sa barbe pousser et s’imposa des mortifications, comme des jeûnes, deux fois par semaine. Une fois, il décida d’aller se tremper dans un mikvé… où il trouva la mort. C’est son âme pure, purgée par le Nom ’Hèt-Beth-Vav, qui rejoignit les sphères célestes. Peut-être le Très-Haut préféra-t-Il la lui retirer dans un état de pureté, de peur qu’elle ne se souille à nouveau dans ce monde.

Lorsque Zimri eut une relation avec Kozbi, la semence qu’il émit tomba sous l’emprise des puissances impures. Puis, à l’instant où Phinéas lui donna la mort, il chercha à lui apporter l’expiation, par le biais du Nom ’Hèt-Beth-Vav.

Et c’est effectivement ainsi qu’il fut absout, comme l’explique le Or Ha’haïm. Celui-ci fait remarquer qu’en dépit du grave péché qu’il commit, Zimri est appelé Israélite, comme il est dit : « Or, le nom de l’Israélite frappé par lui, qui avait péri avec la Madianite, était Zimri, fils de Salou » (Nombres 25, 14). Et d’en déduire que même lorsqu’un Juif transgresse un interdit sévère, il finit toujours par se repentir et reste partie intégrante du peuple élu. En outre, ajoute le Or Ha’haïm, après sa mort, Zimri fut séparé de cette femme, ce qui permit la purification de son âme, d’où la légitimité du titre d’Israélite qui lui fut donné.

Les kabbalistes affirment (Rama MiFano, Guilgoulei Nechamot 20, 2) que Rabbi Akiba était une réincarnation de Zimri, tandis que ses vingt-quatre mille élèves étaient les réincarnations de ce même nombre de victimes de l’épidémie, qui avait sévi parmi le peuple juif à cause du péché de Zimri. Ceci confirme que l’âme de ce dernier a été, dans une certaine mesure, purifiée, puisqu’elle est ensuite revenue dans ce monde à travers un célèbre juste et Tana.

Quant à Phinéas, qui eut le mérite de faire intervenir le Nom ’Hèt-Beth-Vav pour apporter l’expiation à la faute de Zimri, il bénéficia de l’ajout de la lettre divine Youd à son nom. Comme nous l’avons dit, si l’on retire cette lettre au Nom divin, on obtient Hé-Vav-Hé, de même valeur numérique que ’Hèt-Beth-Vav, allusion à la volonté de Phinéas de réparer le péché de Zimri par ce Nom divin, destiné à la réparation de l’échappement de la semence en vain.

La lettre Youd, acquise suite à un travail : la vie éternelle

Nos Sages expliquent (cf. Yalkout Chimoni, Nombres, 771) que l’alliance de paix promise par Dieu à Phinéas (cf. Nombres 25, 12) n’était autre que la vie éternelle, ce qui corrobore les propos du Zohar (II, 190a) selon lesquels Phinéas est aussi le prophète Elie, qui monta vivant dans les cieux et demeure, jusqu’à ce jour, en vie. Or, le Saint béni soit-Il est éternel, de même que Son Nom. C’est pourquoi Il lui ajouta la lettre Youd de Son Nom, de sorte que celle-ci lui octroie l’éternité.

Cependant, nous trouvons, dans la Torah, un autre personnage auquel a été ajoutée cette lettre divine, sans qu’il ait toutefois vécu éternellement. Il s’agit de Josué (Yehochoua), comme le signale le verset : « Moïse avait nommé Hochéa, fils de Noun : Josué » (Nombres 13, 16). Pourquoi donc seul Phinéas mérita-t-il, en vertu de cet ajout, la vie éternelle ?

C’est que cette lettre fut ajoutée à Josué, non pas suite à un travail personnel de sa part, mais en guise de protection contre l’influence néfaste des autres explorateurs – précaution prise par Moïse avant qu’ils ne partent prospecter la Terre Sainte. Par contre, Phinéas se vit ajouter cette lettre divine à l’heure où il fut prêt à mettre sa vie en péril pour défendre la cause divine – « en se montrant jaloux de Ma cause » (ibid. 25, 11). En effet, la tente dans laquelle se trouvaient Zimri et Kozbi était entourée de vingt-quatre mille gardiens, qu’il n’hésita pas à défier pour y pénétrer et accomplir son acte de vengeance. La volonté qu’il témoigna de sacrifier sa vie pour Dieu, lui valut, en retour, la vie éternelle.

Suite à l’hécatombe qui frappa alors le peuple juif, l’Eternel ordonna à Moïse et à Eléazar d’établir le compte de ses membres ayant survécu au fléau (cf. ibid. 26, 1-2). Or, il est intéressant de noter que la lettre Youd a été ajoutée aux noms des différentes familles, issues de chacune des tribus – par exemple, ’Hanokhi, pour désigner celle de ’Hanokh. Mais, là aussi, cet ajout ne résultait pas de leur mérite personnel, comme ce fut le cas de Phinéas. Il visait simplement à démentir les rumeurs que les Egyptiens tentaient de faire courir, en prétendant qu’ils avaient profité des absences prolongées de leurs maris, astreints aux travaux forcés, pour abuser les femmes juives, auquel cas leurs enfants auraient eu le statut de bâtards. En ajoutant aux noms des familles la lettre Youd de Son Nom, le Créateur attestait l’absence de bâtards parmi leurs enfants, et ratifiait la pureté de leurs lignées, puisqu’Il était prêt à associer Son Nom aux leurs (cf. Yalkout Chimoni, Nombres, 773).

Résumé

L’Eternel a ajouté à Phinéas la lettre Youd de Son Nom. En retirant cette lettre du Nom divin Hé-Vav-Youd-Hé, on obtient Hé-Vav-Hé, de même valeur numérique que le Nom ’Hèt-Beth-Vav, qui expie le péché de l’échappement de la semence en vain, et sur lequel Phinéas s’appuya pour absoudre Zimri.

On peut aussi expliquer que le Créateur lui ajouta cette lettre de Son Nom afin qu’il jouisse de la vie éternelle. L’ajout de cette même lettre à Josué ainsi qu’aux familles des tribus n’eut pas ce même effet, car il ne résultait pas d’un travail personnel de leur part ; il avait une valeur protectrice ou justificative.

 

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