La fonction des princes: diriger le peuple avec modestie.
Il est écrit: Moïse parla aux chefs des tribus des enfants d'Israël en ces termes: Voici ce qu'a ordonné l'Eternel. Si un homme fait un vœu au Seigneur ou s'impose par un serment quelque interdiction à lui-même, il ne peut pas violer sa parole: tout ce qu'a proféré sa bouche, il doit l'accomplir (Nombres 30:2-3).
Ces versets posent un certain nombre de questions:
1) Pourquoi le verset stipule-t-il chefs des tribus, et non princes? Tel était en effet le titre qu'ils portaient.
2) Pourquoi le verset commence-t-il par le verbe vayédaber, qui implique une certaine rigueur, et se poursuit par lémor, qui implique une certaine tendresse (cf. Chabath 87a)?
3) Parlant des chefs des tribus, Rachi explique: le verset accorde d'abord les honneurs aux princes. Ce n'est qu'après leur avoir donné des directives que Dieu s'adresse aux enfants d'Israël. Mais cela est tout à fait normal. Que se cache-t-il de plus profond dans cette explication?
C'est que Moché savait que les princes sont en mesure d'influencer la conduite des enfants d'Israël, positivement ou négativement. En effet, les explorateurs, qui étaient tous de grands Sages, ont cependant dissuadé les enfants d'Israël d'entrer en Terre Sainte: c'est à cause d'eux que toute la génération de la Connaissance a erré quarante ans dans le désert et y a disparu. Kora'h et ses partisans ont eux aussi entraîné à leur suite un certain nombre de grands de la communauté d'Israël, dont Na'hchon, fils d'Aminadav, dans leur lutte pour la prêtrise contre Moché. Dans ces deux cas, ce qui primait, c'était la recherche de l'intérêt personnel: les explorateurs voulaient rester dans le désert, car ils savaient qu'aussitôt entrés en Erets Israël, ils perdraient automatiquement leur fonction de princes. Aussi débitèrent-ils de méchants propos sur le pays (cf. Nombres 14:37). Quant à Kora'h, il a lui aussi parlé du mal de Moché et de Aharon, qu'il voulait remplacer avec ses deux cent cinquante membres du Sanhédrine.
Mais quand les princes, c'est-à-dire les dirigeants d'Israël, font preuve d'humilité, s'effacent complètement devant le Saint, béni soit-Il, et s'engagent dans l'étude de la Torah et l'accomplissement de mitsvoth, ils exercent certainement leur influence sur le peuple qu'ils renforcent dans le service divin. Car ils ne veillent qu'à la Gloire de Dieu...
La Torah utilise donc au début un langage dur, vayédaber, car Moché veut apprendre aux princes des tribus comment servir l'Eternel. Ce langage dur leur sera certainement très bénéfique en fin de compte... Moché leur explique que cette fonction extrêmement importante requiert beaucoup d'honneur. Il les avertit donc de ne pas l'exploiter pour faire preuve d'orgueil.
Le verset stipule donc, chef des tribus et non princes, car le terme HaMaToTh a la même valeur numérique (460) que HaGaAVaH MeTh (l'orgueil est mort). Le terme MaTéH fait aussi allusion à l'humilité que doivent ressentir les princes des tribus d'Israël. Ils ne doivent regarder que léMaTaH vers le bas, et non vers le haut, avec orgueil; ils doivent complètement déraciner ce mauvais trait, car l'orgueil n'appartient qu'au Saint, béni soit-Il, comme il est écrit: L'Eternel règne! Il est revêtu de majesté (Guéouth) (Psaumes 93:1). Dieu utilise donc un langage dur pour que les princes tirent une leçon du sort des princes qui les ont précédés: les explorateurs, Kora'h et ses partisans... S'ils font preuve de modestie, ils mèneront une vie agréable dans ce monde comme dans le monde futur. C'est lémor dans un langage doux et bon. Car les enfants d'Israël en tirèrent du bien: ils suivront alors leur trace et se rapprocheront du Saint, béni soit-Il.
Toutefois, pour accéder à l'humilité, il faut s'engager dans l'étude de la Torah: sans elle, il est impossible de déraciner l'orgueil. C'est pourquoi Moché a commencé par accorder des honneurs aux princes, puis leur a parlé de la question des vœux. Car les vœux et la Torah sont liés l'un à l'autre. Nos Sages enseignent à cet effet: Celui qui dit: Je me lèverai tôt pour faire le vœu d'apprendre un chapitre de la Torah, fait un grand vœu pour le Dieu d'Israël (Nédarim 8a), car la grandeur ne convient qu'à la Torah... Il s'épargne ainsi du mauvais penchant, car comme nous l'avons vu (Kidouchine 30b), la Torah lui est un épice et un médicament contre le mauvais penchant. Grâce à l'étude de la Torah, on se dresse des barrières qui nous conduisent dans la sainteté, aspect de: Il ne peut violer sa parole: tout ce qu'a proféré sa bouche, il doit l'accomplir (Nombres 30:3). A leur tour, si les enfants d'Israël suivent la voie tracée par les princes et se conduisent avec modestie, tout ce qui sort de leur bouche, le Saint, béni soit-Il, l'accomplira, aspect de: Le Tsadik prononce un décret et le Saint, béni soit-Il, l'exécute (Moed Katan 16a). Dieu prononce un décret et le Juste l'annule, car le Tsadik a sanctifié ses paroles.
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